mardi 7 février 2012

"KAMPUCHEA" de Patrick Deville (Seuil)



"Kampuchéa"
Patrick Deville
(Seuil)

Rentrée littéraire - Septembre 2011

(Terminales - Adultes)


Patrick Deville est né en 1957. Cet écrivain globe-trotter, grand connaisseur de l'Amérique latine, dirige aujourd'hui à Saint Nazaire la Maison des écrivains étrangers et traducteurs, et de la revue Meet qui en est l'organe.

L'histoire :
Une succession de courts récits qui raconte plus d'un siècle d'Histoire du Cambodge : de la découverte des temples d'Angkor en 1860 par un certain Henri Mouhot, lépidoptériste (chasseur de papillons), un savant encyclopédiste à la fois entomologiste, botaniste, hydrographe, archéologue ; au procès en 2009 de Douch, tortionnaire sous le régime des Khmers rouges.
Récits, anecdotes, faits divers, faits historiques : tantôt étonnants et poétiques ; ou au contraire édifiants et cauchemardesques ; enrichis de références à Kipling, Malraux, Farrère, Loti, Conrad, Graham Greene, et, bien entendu, à Coppola pour son magistral "Apocalypse now".

Mon avis :
Le reproche que l'on peut faire à l'auteur est de croire que tous ses lecteurs connaissent aussi bien que lui cette partie du monde et son Histoire. Il évoque des événements souvent sans les dater et sans suivre une chronologie des faits. Il faut donc s'armer d'une solide documentation pour entrer dans ce livre, qui le mérite à plus d'un titre, et comprendre tout le poids de l'horreur de cette utopie cruelle, inhumaine.
Une fois cet effort fait (pour ceux à qui cela était nécessaire), on est incrédules, atterrés, révoltés, épouvantés, émus. On ne peut que ressentir douleur et compassion face à de tels récits. Source intarissable d'informations, il faut lire cet ouvrage avec application.

Un livre à mettre entre les mains de tous les élèves de Terminale !


"Les travaux forcés, les maladies, la torture, la famine jusqu'au cannibalisme. Trois ans, huit mois, vingt jours. Un ou deux millions de Cambodgiens disparaissent, entre un quart et un tiers de la population. On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs qui, couvés, donneraient pourtant des poulets. Les survivants du Peuple nouveau ne se souvenaient pas avoir jamais mangé du poulet."

Patrick Deville
"Kampuchéa" (Seuil)


Khmers rouges est l'appellation donnée par le prince Sihanouk aux résistants communistes khmers au cours des années 1960 et désignant après 1976 les partisans de Saloth Sâr, plus connu sous le nom de Pol Pot, et de Khieu Samphân.
Les Khmers rouges ont pris le pouvoir au terme de plusieurs années de guerre civile, établissant le régime politique connu sous le nom de "Kampuchéa démocratique". Entre 1975 et 1979, période durant laquelle ils dirigèrent le Cambodge, leur organisation, l'Angkar, constitua le fer de lance de la révolution cambodgienne. Elle fit régner la terreur.


Les villes sont vidées de leurs habitants. Ne rien emporter. Ne rien fermer. Montres, stylos, lunettes, sont collectés. L'argent est jeté. Les billets brûlés. Brûlés aussi les imprimés, les titres de propriété, les diplômes, les papiers d'identité, les permis de conduire. Plus d'activités législatives. Plus de propriété privée ni de tribunaux, plus d'écoles, plus de cinémas, plus de libraires, plus de cafés, plus de restaurants, plus d'hôpitaux, plus de commerces, plus d'automobiles, ni d'ascenseurs, ni cosmétiques ni glaciers, ni magazines ni courrier ni téléphone, ni vin blanc, ni brosse à dents. Plus de téléviseurs ni appareils ménagers, magnétophones, horloges, réfrigérateurs, boîtes de conserve, médicaments, vêtements d'importation, livres. La vie collective, les repas pris en commun. Briser une cuiller ou une pousse de riz est un crime passible de la mort, tout comme l'adultère et la consommation de boissons alcooliques. Fusillés les quelques garçons aux cheveux longs et lunettes de soleil. Renvoyés chez eux après humiliations, tous les étrangers.

"Plus de médecins, de bonzes, de putes, d'avocats, d'artistes, d'opticiens, de professeurs, d'étudiants."




18 mars 1970 :
Coup d'état au Cambodge
Le Maréchal Lon Nol, soutenu par les Etats-Unis, renverse la monarchie et instaure un régime militaire au Cambodge. Le contexte régional, dominé par la guerre du Vietnam est alors chaotique. Lon Nol sera chassé du pouvoir par les Khmers rouges de Pol Pot cinq ans plus tard.


Pol Pot
17 avril 1975 :
La chute de Phnom Penh
Les Khmers rouges s'emparent de Phnom Penh, la capitale du Cambodge, et leur chef, Pol Pot, impose un régime dictatorial. Les Khmers rouges sont tenus pour responsables de la mort de près de deux millions de personnes. Ils seront chassés de Phnom Penh par les forces vietnamiennes en janvier 1979. La guerre civile se poursuivra entre les Khmers rouges et le gouvernement, appuyé par le Vietnam, jusqu'à ce qu'un cessez-le-feu soit finalement obtenu sous la supervision de l'ONU en octobre 1991.

11 janvier 1979 :
Pol Pot chassé du pouvoir
Alors que l'armée vietnamienne a chassé Pol Pot du pouvoir, des militants khmers rouges dissidents forment un nouveau gouvernement. Si le Cambodge ne connaît pas pour autant la paix intérieure, le régime totalitaire et sanglant de Pol Pot est renversé. Il affiche un bilan tragique estimé à environ deux millions de morts alors que le pays ne comptait que sept millions d'habitants.

15 avril 1998 :
Mort de Pol Pot
Le tyran khmer meurt d'une crise cardiaque dans sa résidence. Responsable d'un régime sanguinaire qui a ravagé le Cambodge de 1975 à 1979, accusé "d'auto-génocide" pour ses crimes contre la population cambodgienne, Pol Pot risquait un procès. Il ne fut jamais jugé. Son corps fut incinéré avant qu'une autopsie indépendante ait pu être réalisée.



Douch, tortionnaire sous le régime des Khmers rouges

Le Tribunal International de Phnom Penh rendra, le 3 février 2012, près d'un an après la fin des audiences, son verdict en appel contre "Douch", tortionnaire sous le régime des Khmers rouges.
En première instance, en juillet 2010, l'une des figures emblématiques du régime de Pol Pot avait été condamné à une peine de trente ans de détention pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Ses aveux et sa coopération avec la justice lui avaient permis d'éviter la réclusion à perpétuité.
Mais l'ancien professeur de mathématiques assure maintenant qu'il n'était qu'un simple serviteur du régime et qu'il échappe à la compétence du tribunal, chargé de ne juger que les plus hauts responsables du régime ou des crimes perpétrés. Il réclame sa libération. Les procureurs ont en revanche requis la perpétuité, commuée en quarante-cinq ans de détention.



Douch

Prison S21
Douch, de son vrai nom Kaing Guek Eav, est né en 1942 sous le règne du jeune roi Norodom Sihanouk. Il a 11 ans lors de l'indépendance du Cambodge. Enfant de paysans devenu professeur de mathématiques respecté, son destin change soudain. Militant clandestin, arrêté, jeté en prison, amnistié lors du coup d'état pro-américain du général Lon Nol, Douch prend le maquis. Il est alors le chef de la prison S21 de Tuol Sleng, dans la capitale, où ont été torturées puis exécutées quelque douze à quinze mille personnes entre 1975 et 1979. Environ deux millions de Cambodgiens sont morts sous la torture, d'épuisement ou de malnutrition dans la mise en oeuvre de l'utopie nationaliste délirante des Khmers rouges. Lorsque les soldats vietnamiens entrent dans Phnom Penh en 1979, le Kampuchéa démocratique s'effondre et le bourreau disparaît. Douch est reconnu en 1999 à la frontière thaïlandaise où il officie dans un groupe de pasteurs prédicateurs, auxiliaires humanitaires. Converti au Christianisme, il dit "être désolé. Ceux qui sont morts étaient des gens bien". Des cinq accusés, il est le seul à reconnaître sa culpabilité. Réel repentir ou cynisme morbide ?

Le 3 février 2012, le Tribunal International de Phnom Penh a condamné Douch à la perpétuité.


Sources pour ce dossier :
larousse.fr ; linternaute.com ; lemonde.fr ; "Kampuchéa" de Patrick Deville (Seuil)



"La communauté internationale n'a absolument aucun droit de juger : elle a soutenu les Khmers rouges. Le gouvernement actuel, lui non plus, n'a aucun droit de juger : ce sont d'anciens Khmers rouges."

François Ponchaud
Vicaire général du diocèse de Kompong Cham
Extrait de "Kampuchéa" de Patrick Deville (Seuil)


"CE QU'IL FAUT EXPIER" de Olle Lönnaeus (Liana Levi)

"Ce qu'il faut expier"
Olle Lönnaeus
(Liana Levi)

Prix du Premier roman 2011
de l'Académie des auteurs suédois
de romans policiers

(Ados - Adultes)


Olle Lönnaeus est né en 1957 à Tomelilla, la ville qu'il a choisie pour cadre de son roman "Ce qu'il faut expier". Journaliste depuis vingt ans, il a publié de nombreuses enquêtes sur l'immigration en Suède et sur les extrémismes de tous bords.

L'histoire :
Contacté la veille par une inspectrice de la Criminelle d'Ystadt et par un avocat, après trente ans d'absence, Konrad Jonsson revient à Tomelilla, petite ville rurale du sud de la Suède. Ses parents adoptifs viennent d'être retrouvés morts. Journaliste respecté, en pleine crise de la cinquantaine, Konrad a cessé de travailler il y a deux ans pour faire le point sur sa vie privée et professionnelle, et aussi écrire un roman qu'il n'a pas encore commencé. Comme il le craignait, son retour à Tomelilla éveille en lui des souvenirs heureux et malheureux. C'est peut-être le moment pour lui d'aller au bout de ses recherches sur ses origines. Sa mère biologique était polonaise. Elle s'appelait Agnieszka, et elle l'a abandonné quand il avait dix ans. C'est tout ce qu'il sait d'elle...

Mon avis :
Loin de la carte postale traditionnelle d'une Suède enneigée et exemplaire, ce roman social, âpre et authentique, avance pas à pas vers la vérité. Il prend son temps et révèle ainsi toute l'amplitude du nationalisme et de la xénophobie, hélas pas aussi nouveaux dans ce pays qu'on l'imagine. Le personnage de Konrad Jonsson, dans son cheminement existentiel, avec ses faiblesses et son humanité, est très attachant.

Une peinture assez sombre de la Suède aujourd'hui.

"SCINTILLATION" de John Burnside (Métailié)

"Scintillation"
John Burnside
(Métailié)

Prix du Roman 2011 "Lire et Virgin Megastore"

(Ados - Adultes)


John Burnside est né en 1955 dans le Fife, en Ecosse, où il vit actuellement. Il enseigne à l'Université de St Andrews. Poète reconnu avant d'être romancier, il est l'auteur de "L'empreinte du Diable" et "Un mensonge sur mon père".

Présentation de l'éditeur :
Dans un paysage dominé par une usine chimique abandonnée, au milieu de bois empoisonnés, l'Intraville, aux immeubles hantés de bandes d'enfants sauvages, aux adultes malades ou lâches, est devenue un modèle d'enfer contemporain. Année après année, dans l'indifférence générale, des écoliers disparaissent près de la vieille usine. Ils sont considérés par la police comme des fugueurs. Leonard et ses amis vivent là dans un état de terreur latente et de fascination pour la violence. Pourtant, Leonard déclare que, si on veut rester en vie, ce qui est difficile dans l'Intraville, il faut aimer quelque chose. Il est plein d'espoir et de passion, il aime les livres et les filles.

Mon avis :
Une écriture magnifique, intense. Un texte purement littéraire, d'une poésie éblouissante. Une réflexion philosophique et spirituelle (sur l'existence, les raisons de vivre, la mort, un éventuel Au-delà, Dieu...) si intelligemment et profondément proposée qu'elle en est terrifiante. Un texte qui balance sans cesse, en effet, entre le Paradis et l'Enfer, entre le sublime et l'horreur, entre des images de chaos et des couleurs psychédéliques.
Il n'y a pas de demi-mesure avec ce roman. Ou l'on est fasciné et touché par sa grâce, et on le dévore. Ou il éveille en nous trop d'images sombres, et on s'en éloigne.

Un livre rare !

"JAYNE MANSFIELD 1967" de Simon Liberati (Grasset)

"Jayne Mansfield 1967"
Simon Liberati
(Grasset)

Prix Fémina 2011

(Ados - Adultes)


Simon Liberati est né en 1960 à Paris. Il est journaliste et écrivain. Il est l'auteur aux éditions Flammarion de trois romans : "Anthologie des apparitions", "Nada exist", et "L'Hyper Justine" (Prix de Flore en 2009).

L'histoire :
Dans la nuit du 29 juin 1967, sur une route tranquille de Louisiane, une Buick bleue s'encastre dans un camion. Parmi les lambeaux d'une perruque blond platine, les produits de beauté de luxe éparpillés, les débris de tôle déchiquetés, et autres horreurs indicibles, se trouve le corps de Vera Jane Ottaviano, alias Jayne Mansfield. Une légende est née...

Mon avis :
Dans ce livre, Simon Liberati effectue un travail de journaliste méticuleux et passionnant. Articles de journaux, rapports de police, photos choc des tabloïds, souvenirs de proches..., il recherche, fouille, observe, étudie, compare, oppose toute cette documentation, retrace l'histoire jusqu'à aujourd'hui des personnes et des lieux. Il nous livre avec beaucoup d'émotion, de vérité, d'empathie sincère, et surtout sans voyeurisme aucun, un portrait de ce personnage complexe et les dernières heures de la vie de Jayne Mansfield.
Cette femme, magnifiquement belle, au QI estimé de 163, la plus photographiée du monde après Elizabeth Taylor, qui monnayait sa nudité pour pas moins de 35 000 $ la semaine dans les cabarets de Las Vegas et des soirées de gala, avait décidé qu'elle serait une Movie Star. Ses faibles talents d'actrice ne marquèrent pas l'histoire de la cinématographie. Et pourtant, tout le monde se souvient d'elle, sex symbol des années 50.
La succession de scandales y est peut-être pour beaucoup : ses provocations, sa collection de perruques extravagantes, ses passions pour les chihuahuas, le whisky, le champagne américain, le LSD, la Dexedrine, ses hallucinations et désordres mentaux, la personnalité violente de son dernier amant Samuel Brody, son Palais Rose sur Sunset Blvd à Los Angeles, ses relations troublantes avec un inquiétant mage sataniste et dangereux, Anton LaVey, ses comportements instables avec ses cinq enfants...
Puis cet accident de voiture épouvantable et la (fausse) rumeur de sa décapitation créèrent la légende. De plus, trois de ses enfants se trouvaient à bord du véhicule. Miklos, Zoltan, et Mariska Hargitay (Olivia Benson dans la série "New York Unité Spéciale") s'en sortirent miraculeusement vivants.

Un livre très documenté, foisonnant d'anecdotes. Un portrait très émouvant et captivant !

"GLACE" de Bernard Minier (XO)

"Glacé"
Bernard Minier
(XO)

Prix Polar du Meilleur roman
"français ou francophone"
au Festival de Cognac 2011

(Ados - Adultes)


Bernard Minier a grandi au pied des Pyrénées. Ancien contrôleur des douanes, primé à l'issue de plusieurs concours de nouvelles, il publie avec "Glacé" son premier roman.

L'histoire :
A St Martin de Comminges, petite ville tranquille des Pyrénées, ce matin de décembre, des ouvriers de la centrale hydroélectrique découvrent, à 2 000 m d'altitude, le cadavre mutilé et atrocement mis en scène... d'un cheval. Ce yearling, pur-sang dans sa première année, d'une valeur sentimentale et financière inestimable, appartenait à Eric Lombard, héritier d'une des familles les plus puissantes de France. Face à cette notoriété, tout est donc mis en oeuvre pour résoudre l'enquête au plus vite et sans vagues. Le capitaine Irène Ziegler, de la gendarmerie locale, et le commandant Martin Servaz, tout droit parachuté du SRPJ* de Toulouse pour l'affaire, vont devoir collaborer ensemble.
Dans le même temps, Diane Berg, toute jeune psychologue suisse, arrive dans la vallée pour prendre son nouveau poste à l'institut psychiatrique ultramoderne qui accueille les plus grands meurtriers psychopathes de France et des pays voisins...

SRPJ = Sercice Régional de Police Judiciaire

Mon avis :
Jamais glauque, ce roman ne nous montre jamais les victimes sous le regard de l'assassin, mais toujours sous celui des enquêteurs principaux, donc avec leur humanité et leur compassion. Toutefois, comme eux, happés par ce paysage grandiose et oppressant, et cet hiver rigoureux et glacé, nous plongeons dans plusieurs abîmes des plus terrifiants :
  • Celui de la petite ville de St Martin de Comminges et ses lourds secrets ;
  • Celui de la vallée : avec l'institut psychiatrique ultramoderne, et ses méthodes thérapeutiques à vous glacer le sang, qui accueille les patients les plus effrayants du pays ; avec ces bâtiments fantomatiques de l'ancienne "Colonie de vacances des Isards" ; avec ce château et la puissance ostentatoire des Lombard, dynastie de financiers ;
  • Et celui de la montagne : avec la centrale hydroélectrique, labyrinthe creusé dans ses entrailles à 2 000 m d'altitude ; avec sa forêt dense et sombre ; avec ses chemins sinueux et inquiétants connus d'une seule poignée de montagnards aguerris ; cette montagne témoin et théâtre de crimes et de châtiments.
D'une écriture nerveuse et sûre, riche en mystère et en rebondissements, tout est savamment distillé, maîtrisé, pour faire monter l'adrénaline. Rude, réel pour quelques points notamment en ce qui concerne la centrale et, hélas, certaines techniques psychiatriques, cet excellent thriller captive et angoisse de bout en bout.

Un prix littéraire intelligent à ne pas manquer cet hiver !

"UN AN APRES" de Sue Mayfield (Bayard Jeunesse Millézime)

"Un an après"
Sue Mayfield
(Bayard Jeunesse Millézime)

Prix Polar Jeunesse au Festival de Cognac 2011

(dès 12 ans)

Sue Mayfield est britannique, née en 1963. Elle est professeur d'Anglais et écrivain pour enfants et jeunes adultes.

L'histoire :
Par un après-midi d'hiver glacial, Betty, jeune lycéenne, se rend chez un fleuriste, achète deux bouquets, et les dépose, avec une émotion qu'elle peine à dissimuler, près d'un abribus déformé, aux parois métalliques enfoncées. On devine que récemment, il dût être le théâtre d'un terrible accident de la circulation... Une soirée déguisée tragiquement inoubliable...

Mon avis :
Plus qu'un polar, ce texte est le récit bouleversant d'un épouvantable drame et de l'année qui s'en suivit. Flash-back terrifiants, et souvenirs déchirants des familles et des amis, se rejoignent ou s'opposent. Chacun à son rythme, chacun à sa façon, analyse la tragédie, choisit sa vérité et ses réponses, fait, comme on dit, son travail de deuil.
Ce roman glace le sang par sa crédibilité et son authencité. D'un réalisme impressionnant, l'auteur nous livre l'état psychologique de chaque personnage avec finesse et émotions, et avec toute l'ambiguïté de son humanité. Le résultat est indéniablement efficace.

Un indispensable à mettre entre les mains de tous les ados !

"LE SAUVAGE" de David Almond (Gallimard Jeunesse)

"Le Sauvage"
David Almond
Illustrations de Dave McKean
(Gallimard Jeunesse)

Prix Sorcières 2011 - Catégorie Romans Ados


Le Prix Sorcières est le prix pour la Littérature Jeunesse le plus important, et sans doute le plus objectif et le plus juste puisque remis conjointement par les libraires et les bibliothécaires.


David Almond : "J'ai grandi, raconte David Almond, dans une petite ville située au bord d'une rivière, entourée de landes et d'anciens puits de mine. Notre vie était empreinte de mystère et d'événements inattendus. Le lieu et les gens qui y vivaient m'ont beaucoup inspiré pour imaginer mes histoires. J'ai toujours voulu écrire, et si ce n'est pas toujours facile, c'est quelquefois un moment rare de magie !". David Almond, écrivain britannique né en 1951, a d'abord été postier, vendeur de balais, éditeur et enseignant. Un beau jour, dans les années 80, il a quitté son travail, vendu sa maison et a rejoint une communauté d'artistes et d'écrivains dans un manoir de Norfolk pour se consacrer entièrement à l'écriture. Il publie des livres aussi bien pour les adultes que pour la jeunesse.

Dave McKean est né en 1963. Célèbre pour ses talents d'illustrateur de bande dessinée, Dave McKean est un artiste accompli. Formé à l'école d'arts graphiques du comté de Taplow, il rencontre en 1986 le scénariste Neil Gaiman (à retrouver sur ce blog à : Mai 2010 pour "Coraline"), avec qui il collaborera sur de nombreux albums.

L'histoire :
Le narrateur a perdu son père quand il était enfant. La conseillère de l'école, à l'époque, lui demandait d'écrire ce qu'il ressentait. Voici son carnet. Une histoire qui commence ainsi : "C'était un enfant sauvage qui vivait dans les bois de Burgess".

Mon avis :
"Le Sauvage" est une histoire extraordinairement poignante dans laquelle auteur et illustrateur ne font qu'un. David Almond avec, comme toujours, sa justesse, sa force, sa sincérité, son humanité, libère le narrateur de toute sa violence et de toute sa colère. Les fautes de grammaire et d'orthographe, volontairement laissées, sont terriblement émouvantes et rappellent qu'il s'agit d'un enfant qui pleure son père. Quant aux illustrations de Dave McKean (du noir pour le deuil, au vert radioactif pour le danger et au bleu-vert pour la renaissance), elles expriment admirablement la déchirante douleur du "sauvage".
Juste remarquable !

(Retrouvez David Almond sur ce blog à "Novembre 2010" pour "Imprégnation" et à "Mai 2011" pour "Le Jeu de la Mort")