vendredi 27 juin 2014

PROCHAINES PRESENTATIONS : DEBUT AOÛT 2014




Coquillages et Crustacés
Quelques livres pour l'été




"LES FANTÔMES DE BELFAST" de Stuart Neville (Rivages/Noir)



"Les fantômes de Belfast"
Stuart Neville
(Rivages/Noir)

Ados / Adultes


Stuart Neville est un écrivain britannique (Irlande du Nord) né à Armag en 1972. Fan de Led Zeppelin, AC/DC et Van Halen, il étudie la musique à l'université. Pendant quelques années, il sera professeur de guitare, vendeur d'instruments de musique et webdesigner avant de devenir écrivain.

"Les fantômes de Belfast"
"Collusion"
"Les âmes volées"
"Ratlines" (à venir)

"Les fantômes de Belfast" a reçu le Los Angeles Times Book Prize en 2009 et le Prix Mystère de la Critique en 2012.

Rappel historique :

L'accord du Vendredi Saint, ou accord de Belfast, officiellement accord de paix pour l'Irlande du Nord, fut signé le 10 avril 1998. Le gouvernement anglais, les républicains catholiques (déterminés à unifier leur province avec la République d'Irlande), et les unionistes protestants (résolus à rester dans le Royaume Uni) ont accepté une solution politique pour mettre fin à trente années d'un conflit sanglant (aussi appelé "Les Troubles"), de 1969 à 1998, et responsable de 3500 morts. L'Irlande est traditionnellement divisée en quatre provinces (Leinster, Munster, Connacht, Ulster). Sur les neuf comtés d'Ulster, six forment l'Irlande du Nord, qui est considérée comme une province par le Royaume Uni, ce qui prête à confusion.

L'histoire :
Nous sommes en 2007. Républicain catholique, prisonnier politique pendant douze ans, depuis sa libération anticipée pour troubles psychologiques il y a sept ans, Gerald "Gerry" Fegan n'a toujours pas trouvé sa place dans un Belfast qu'il ne reconnaît plus. Solitaire, il n'a repris aucun contact avec ses anciens compagnons d'armes. Il boit trop. Pas un jour, pas une nuit, ses fantômes ne le laissent en paix. Cinq soldats, un policier, deux Loyalistes et quatre civils. Douze personnes qu'il a froidement assassinées. Douze spectres qui l'obsèdent...

Mon avis :
Stuart Neville a choisi de nous montrer l'envers du décor de l'Irlande verdoyante touristique. Il a choisi de nous ouvrir les yeux sur les blessures toujours à vif de l'Irlande du Nord après des décennies de guerre civile, et notamment dans la ville de Belfast. L'aide à la réinsertion, à leur sortie de prison, de ceux que l'on appelle pudiquement des "anciens combattants", est plus qu'insuffisante, voire inexistante. Beaucoup souffrent de stress post-traumatique ou de dégâts psychologiques lourds. Un taux de chômage élevé n'arrange rien. Certains cèdent au crime organisé (braquages, contrebande, trafic de drogue, prostitution...). Si l'on ajoute à ce tableau déjà sombre quelques politiciens obsédés par le pouvoir et corrompus, et des petits groupes anarchiques restés fidèles à la cause, la paix reste très fragile et la violence latente. Dans ce paysage d'après-guerre tendu, un personnage rongé par la culpabilité de ses crimes passés signe une sorte de pacte avec chacun de ses douze fantômes. Entre mysticisme, folie et souffrance, on suit Gerry pas à pas dans sa quête de rédemption sur un chemin semé de pièges, de cruauté, mais aussi de belles rencontres, avec un final magnifique et plein d'espoir.

Poignant !

"NOIRS TATOUAGES" de Val McDermid (Editions du Masque)


"Noirs tatouages"
Val McDermid
(Editions du Masque)

Ados / Adultes


Val McDermid est née en Ecosse en 1955. A dix-sept ans elle est la première élève issue d'une école publique à fréquenter la célèbre université d'Oxford. Elle travaille comme journaliste pendant quinze ans, notamment à Glasgow et à Manchester, avant de vivre de sa plume. Elle est désormais critique de littérature policière pour la presse et participe à des programmes sur BBC Radio 4 et BBC Radio Scotland. Par la voix de ses trois héroïnes dans des séries distinctes (Lindsay Gordon, journaliste lesbienne ; Kate Brannigan, détective privée ; et l'inspectrice Carol Jordan qui évolue dans des milieux particulièrement glauques et violents), Val Mc Dermid développe dans son oeuvre ses thèses féministes et son engagement dans les mouvements de gauche et de contestation pendant l'ère Thatcher. Ses romans sont d'ailleurs associés au Tartan Noir, une conjonction stylistique entre le roman noir et la culture écossaise.

Le Lake District (ou The Lakes ou Lakeland) est une région située dans le Nord-Ouest de l'Angleterre. Elle est renommée en raison de ses lacs et montagnes, et de ses liens avec la poésie du début du XIXème siècle et les écrits de William Wordsworth et des Lakistes.

Le mot Lakiste, formé à partir de l'anglais "lake" qui veut dire lac, désigne les poètes de la fin du XVIIIème siècle. Leur surnom vient du fait qu'ils ont décrit le Lake District où ils avaient décidé de vivre.

 

William Wordsworth (1770-1850) inaugure, avec Samuel Taylor Coleridge, la période romantique de la littérature anglaise lors de la publication de "Lyrical Ballads". Son oeuvre maitresse est "Le Prélude", poème autobiographique consacré aux expériences fondatrices de sa jeunesse.

La Bounty, vaisseau britannique commandé par un ancien officier de Cook, le lieutenant William Bligh, était venue chercher à Tahiti en 1789 des plants d'arbre à pain pour les colonies anglaises des Antilles. Le 29 avril, une mutinerie éclata à bord. Les causes en ont été discutées : il est possible que l'autorité de Bligh, exercée sévèrement, ait été contestée par certains de ses officiers. L'un deux, Fletcher Christian, suivi de quelques autres , se débarrassa de Bligh et de dix-huit de ses hommes en les abandonnant en pleine mer à bord d'une chaloupe. Après une traversée de plus de 5 000 kilomètres, la chaloupe réussit à gagner l'île de Timor le 12 juin, tandis que Fletcher Christian ramenait la Bounty à Tahiti, espérant s'y établir avec les mutins. Le projet échoua en partie puisque seulement seize mutins restèrent à Tahiti ; les autres, au nombre de vingt-sept Européens et dix-huit Tahitiens et Tahitiennes, Fletcher en tête, durent repartir pour atteindre une île , inconnue des cartes maritimes à l'époque, celle de Pitcairn, dans laquelle ils établirent une colonie. En 1791, Bligh ayant survécu, la frégate Pandora commandée par le capitaine Edward est envoyée dans les mers du Sud à la recherche des mutins. Ceux qui étaient restés à Tahiti, vivant dans l'entourage du roi Pomaré 1er, sont livrés par celui-ci. Le retour en Angleterre est mouvementé et la Pandora fait naufrage près de l'Australie. Parmi les survivants, arrivés en Angleterre et traduits en justice, cinq seront acquittés, deux bénéficieront des circonstances atténuantes, et les trois derniers seront pendus. Quant à Fletcher Christian et à ses compagnons, ils s'entretuèrent et il ne resta qu'un survivant mâle, Alexander Smith, sur l'île de Pitcairn. La colonie demeura dans l'île jusqu'en 1831, date à laquelle elle fut ramenée à Tahiti. Un des officiers de la Bounty a écrit un journal qui, le premier, a fourni une documentation précieuse sur la société et l'histoire de l'île de Tahiti (Société des océaniste, Paris, 1966). Mark Twain a repris le thème de cette mutinerie dans l'une de ses nouvelles. 

L'histoire de "Noirs tatouages" :
En ce mois de septembre 2005, des pluies torrentielles se déversent sur l'Angleterre. Un déluge qui pourrait bien faire remonter à la surface de lourds secrets. A Londres, Jane Gresham arrive au "Viking Bar & Gril" où elle est serveuse, un petit boulot qui lui permet, dans le même temps, d'écrire un essai sur le poète William Wordsworth. Harry, son collègue, lui apprend qu'un corps datant sans doute de plusieurs centaines d'années a été découvert à Fellheard, dans le Lake District, où vit toute la famille de Jane. Ce cadavre aux tatouages noirs va alimenter tous les fantasmes et toutes les thèses les plus folles...

Mon avis :
Un brillant polar littéraire très riche construit comme un roman d'aventure autour des légendes, des passions (des plus basses aux plus nobles) et de la poésie !

"LE SANG DE LA TRAHISON" de Hervé Jourdain (Fayard)



"Le sang de la trahison"
Hervé Jourdain
(Fayard)

Prix du Quai des Orfèvres 2014

Ados / Adultes


Hervé Jourdain, auteur maintenant confirmé, est capitaine de police au sein de la Brigade Criminelle de Paris. Féru d'histoire de la justice et de la police, il a déjà été récompensé par le Grand Prix des lecteurs VSD du polar. Avant son déménagement de l'Ile de la Cité vers le quartier des Batignolles, Hervé Jourdain exprime ce regret : "C'est un hommage rendu au 36 et au Palais de Justice, à l'odeur et l'atmosphère des lieux. Les escaliers de bois, les couloirs étroits, les tapisseries abîmées, les peintures camouflées sous les posters, les vieux articles du Petit Journal du début du siècle, vont laisser place à un univers lisse et aseptisé".

L'histoire :
Bonnot, chef de groupe, et son adjoint, le capitaine Guillaume Desgranges, sont en planque devant un immeuble miteux d'un quartier difficile de Saint-Denis, en banlieue parisienne. Bonnot et Desgranges ne s'aiment pas. Le premier, solide, besogneux, avec famille et pavillon, ne lâche aucune affaire. Le second, acariâtre, fatigué, sanguin, élève seul son fils et ne fait aucune heure sup. Dans les locaux du "36", il y a aussi le lieutenant Jean-Noël Turnier, étudiant attardé et coincé. L'opération de ce petit matin se solde par un Desgranges tirant, tabassant et blessant un homme désarmé. Cette même matinée, le brigadier Zoé Dechaume, des Stups', témoigne au tribunal sur la mort par overdose d'une jeune femme dans laquelle le dealer Sadjo Fofana, dont c'est le procès aujourd'hui, est peut-être impliqué. A sa sortie du Palais de Justice, Zoé file au Quai des Orfèvres où, angoissée mais fière, elle va intégrer la Crim' et l'équipe bancale et sans cohésion de Bonnot...

Mon avis :
Un regard sans concession sur la profession et sur le quotidien souvent difficile de chacun des intervenants. L'auteur, lui-même capitaine de Police au sein de la Brigade Criminelle de Paris, révèle ici toute sa passion pour son métier et le respect qu'il porte à tous ces femmes et ces hommes qui sacrifient souvent leur vie privée au profit des affaires en cours. Un mariage savoureux, et nostalgique aussi, entre le "36" d'aujourd'hui totalement anachronique dans les locaux vieux, poussiéreux, inadaptés du "36" d'hier mais mythique et hanté par les fantômes de commissaires fictifs inoubliables et une poignée de criminels devenus légendaires. Une enquête complexe menée au rythme des battements forts et réguliers d'une ville, Paris, à la fois sublime et effrayante, ville de toutes les folies et de tous les possibles, ville d'Histoire, d'Art et de Poésie.

Différent des romans policiers classiques,
celui-ci est un réel hommage à l'ensemble du monde judiciaire.

Tim Willocks - Biographie


Tim Willocks est né en 1957 à Stalybridge, Cheshire (Royaume Uni). Un parcours impressionnant : grand maître d'arts martiaux, chirurgien, psychiatre, producteur, scénariste, et écrivain. En 1991, il publie son premier livre, "Bad City Blues" (qui sera adapté au cinéma en 1999 par Michael Stevens avec Dennis Hopper), suivi de "Green River" (édité d'abord sous le titre "L'odeur de la haine") et "Les rois écarlates", trois romans noirs qui se déroulent aux Etats-Unis. Puis il publie les deux premiers volumes de sa trilogie historique : "La Religion" et "Les Douze Enfants de Paris" (Sonatine). Parallèlement, il écrit des romans pour la jeunesse comme le formidable "Doglands" (Syros). Il vit aujourd'hui en Irlande.

Une fois pris dans la toile de Tim Willocks, il n'y a plus d'échappatoire !
Extraordinaire écrivain, brillant, érudit, passionné, et d'une humanité rare !

Tim Willocks - "La cavale de Billy Micklehurst" - "Billy Micklehurst's run" (Allia - Bilingue)



"La cavale de Billy Micklehurst"
"Billy Micklehurst's run"
Tim Willocks
(Allia - Bilingue)

Ados / Adultes


L'histoire :
Costume gris croisé à fines rayures constellé de tâches d'origines obscures, des chaussures sans lacets, une chemise élimée et crasseuse, une écharpe de soie écarlate avec une frange de glands dorés, d'un âge incertain situé entre quarante et soixante ans, des cheveux noirs gras et sales, des dents cassées, voilà le portrait de Billy Micklehurst. Billy, un sans-abri, et ses fantômes vivaient dans le Cimetière du Sud de Manchester...

Mon avis :
Un récit fantastique, ténébreux et bouleversant dans lequel Tim Willocks parvient à mettre des mots et de la poésie sur la souffrance de ce personnage abîmé et sur sa folie. 

Délectable, tant en français qu'en anglais !

Tim Willocks - "Doglands" (Syros)


"Doglands"
Tim Willocks
(Syros)

Dès 12 ans


Les Doglands sont partout et nulle part
Parce que les chiens sont partout et nulle part

Ils vivent dans un monde qu'ils ne dirigent pas
Mais parfois
Suivant le souffle des vents
Un chien se met à courir...

                                                     Tim Willocks


L'auteur :
Il n'est pas une seule biographie de Tim Willocks qui ne détaille le pedigree impressionnant de cet auteur britannique hors du commun. Mais n'aurait-il pas été aussi alchimiste dans une autre vie ? Imaginons un pupitre jonché de fioles remplies d'encres et de sang de toutes tonalités (une par sentiment) dans lesquelles l'écrivain trempe sa plume d'acier méticuleusement aiguisée comme une lame. A chaque arabesque tracée, la magie opère. Les mots prennent vie. Ils dévoilent une peinture très noire de notre société peuplée de monstres ultra-violents mais parsemée de touches d'optimisme, de beauté, de poésie et d'amour auxquelles Tim Willocks veut croire.

L'histoire :
Furgul, "Le Brave" dans la langue des chiens, est né à la Fosse de Dedbone, un lieu sordide et effroyable où des hommes élèvent, avec une cruauté insoutenable, des lévriers de pure race. Les faibles et les bâtards n'ont pas leur place dans cet endroit maudit et "disparaissent". Keeva, la mère de Furgul, championne des champs de courses, confie à son enfant un terrible secret qui risque de le condamner à mort : il est le fils d'Argal, un chien légendaire, fort, libre, mais mi-lévrier, mi-chien-loup. Furgul est donc un bâtard et il doit à tout prix s'enfuir, suivre le souffle des vents, survivre au milieu des humains qui ne comprennent rien, et découvrir les Doglands, contrée que les chiens voient en rêve depuis la nuit des temps...

Mon avis :
Une cavale initiatique pour Le Chien qui Court dans les Ténèbres. Furgul va affronter la prison, les chaînes, la soumission, la bêtise et la barbarie des hommes, la souffrance et la mort des siens. Mais, guidé par ce sentiment indestructible qui le lie à sa mère, il va découvrir aussi l'amitié, la révolte, l'amour, la liberté.

Un conte sauvage et poétique pour adolescents admirable que les adultes seraient bien inspirés de lire car notre part de sauvagerie (notre lien avec la nature) a été emportée par les vents il y a très longtemps et nous ne semblons pas pressés de la retrouver !

Tim Willocks - "Bad City Blues" (L'Olivier)



"Bad City Blues"
Tim Willocks
(L'Olivier / Points)

Ados / Adultes


L'histoire :
Bad City... Qu'importe son nom réel... Petite ville quelque part en Louisiane, sous la chaleur poisseuse d'un mois d'août... Une brochette de personnages rongés par des démons meurtriers et liés par un butin à partager... Callie, ex-prostituée camée, impliquée dans le casse de la banque de son mari... Cleveland Carter, époux de Callie, vice-président de la Mercantile Trust Bank, pasteur illuminé de l'Eglise évangéliste, incapable de faire l'amour à sa femme... Le capitaine Clarence Jefferson, flic psychopathe sadique à la recherche d'un adversaire à sa mesure... George Grimes, retraité, autrefois dans les Marines puis communiste, syndicaliste et taulard... Ses deux fils, engagés dans une lutte fratricide cruelle : Luther Grimes, vétéran du Vietnam, trafiquant de drogue violent et paranoïaque ; et Eugene Cicero Grimes, psychiatre torturé par la culpabilité et la haine de lui-même ; tous deux amants de Callie...

Mon avis
Une écriture envoutante. Un polar très noir aux personnages remarquablement brossés. Chacun panse à sa manière une blessure profonde et tente de trouver ou de donner un sens à son existence. Chacun est meurtri par la solitude, la douleur, la culpabilité, la folie. Amour et haine deviennent des sentiments étrangement semblables, indissociables dont la violence est le seul langage. Et une scène d'anthologie : un huis clos absolument magistral entre le psychiatre et le flic !

Excellentissime !

(Adapté au cinéma en 1999 et sous le même titre par Michael Stevens avec Dennis Hopper)

Tim Willocks - "Green River" (Sonatine)


"Green River"
Tim Willocks
(Sonatine / Pocket)

Ados / Adultes


L'histoire :
John Campbell Hobbes, directeur du sordide et sinistre pénitencier de Green River, au Texas, voulait faire de son établissement un modèle. Face à l'échec, aujourd'hui, pour une raison obscure, il va lancer les dès d'une nouvelle expérience de son cru, un plan risqué fomenté seul, qui ne va qu'exhorter des haines viscérales. Dans un climat de grande violence, dans une chaleur insupportable, dans la puanteur et le bruit permanent, près de 2 500 prisonniers s'entassent dans quatre blocs bien distincts : le bloc A pour les Blancs et les Latinos ; le bloc B pour les Noirs avec à leur tête le très respecté Reuben Wilson ; le bloc C pour les Noirs et les Latinos ; et le bloc D pour les Blancs menés par le caïd Neville Agry qui bénéficie de nombreux avantages, dont celui de partager sa cellule avec un jeune Noir travesti, Claude (ou Claudine). Dans ce cloaque infâme, un individu atypique, Ray Klein, médecin, purge une peine pour un viol qu'il n'a pas commis. Le Docteur Klein tente d'apporter son aide à l'infirmerie, sans doute le lieu le plus glauque et le plus déprimant de la prison, et qui manque cruellement de médicaments et de matériel. Klein assiste Frogman Coley, un vieux détenu Noir, qui fait de son mieux sans connaissances médicales, et la belle psychiatre judiciaire Juliette Devlin...

Mon avis :
Une fois commencé, on ne peut plus lâcher ce roman, saisis par la force et le réalisme de cette émeute enragée, en temps réel, des plus grands criminels excités par une haine irrationnelle. Ce réquisitoire implacable du système carcéral américain dénonce l'irresponsabilité des politiciens, des budgets en constantes restrictions, des cellules surpeuplées, la corruption à tous les étages, le racisme, l'homophobie, des peines surréalistes parfois de plusieurs centaines d'années, des criminels qui n'ont plus rien à perdre, des petits fraudeurs qui côtoient les psychopathes les plus dangereux, des détenus laissés sans soins médicaux et psychiatriques, la drogue, l'alcool, le sexe, le sida, la barbarie et la terreur au quotidien... Une lueur d'optimisme ? Elle est si ténue, si faible qu'on la distingue à peine et que l'on ne peut guère y croire. Admirable, l'auteur (britannique, rappelons-le) nous épargne tout jugement de quelque ordre mais propose, autour du thème de l'enfermement, une réflexion philosophique et humaniste. Dans ce chaos sauvage, on oscille entre effroi, colère, désespoir, mais on se surprend aussi à éprouver bienveillance et indulgence, voire même empathie pour certains personnages.

Une écriture puissante et sensuelle, comme toujours chez Tim Willocks.
Remarquable !


A voir : la chronique de Marina Carrère d'Encausse

Tim Willocks - "Les rois écarlates" (L'Olivier)


"Les rois écarlates"
Tim Willocks
(L'Olivier / Points)

Ados / Adultes


L'histoire :
Eugene Cicero Grimes se terre dans une ancienne caserne de pompiers qui lui tient lieu de domicile, tel un clochard, au milieu d'immondices amassés depuis des mois. Depuis sa dernière rencontre avec le flic psychopathe Clarence Jefferson qu'il a laissé pour mort dans une maison en flammes. Depuis le décès de son frère Luther. Autrefois, Cicero était médecin, chirurgien, psychiatre respecté. Maintenant, il n'est plus rien. A peine l'ombre de lui-même. Il n'attend plus rien. Jusqu'à ce jour où il reçoit des mains d'un avocat de Géorgie le testament de Jefferson. Encore un de ses sales coups. Lancer Grimes dans une sombre chasse au trésor : trouver deux valises dans lesquelles le policier a réuni, tout au long de sa carrière, documents, témoignages, preuves, aveux, qui pourraient faire tomber de nombreuses têtes. Dans le même temps, Magdalena Parillaud, veuve et héritière du milliardaire Filmore Eastman Faroe, propriétaire d'une bonne partie de La Nouvelle-Orléans, reçoit, elle aussi, les dernières volontés de Jefferson. Connaissant le capitaine, l'aventure risque d'être dangereuse et sanglante. Que va décider Grimes ? Quelles seront les raisons intimes et profondes de son choix ? Qu'attendait réellement Jefferson de Grimes et pourquoi lui ?

Mon avis :
On retrouve avec bonheur le personnage de Cicero Grimes (découvert dans "Bad City Blues"), plus abîmé, plus torturé que jamais. Mais aussi son père, le très attachant George. Tous deux sont pris dans la même tourmente mais prennent des chemins différents. Récurrents dans tous les romans de Tim Willocks, ses questionnements sur les racines de la violence sous toutes ses formes. On croise ici toutes les générations. Chacun est confronté à une forme de violence d'origine diverse : l'éducation, la famille, l'amour, la jalousie, la vengeance, la guerre, l'humiliation, la soumission, l'insoumission, le désir, la frustration, la cupidité, l'obsession du pouvoir, la révolte pour un idéal, la soif de liberté, la haine... La violence contre soi-même, aussi. Dans cette peinture très noire de notre société d'aujourd'hui, où plus personne ne semble se reconnaître, et où l'on a totalement oublié ces bonheurs simples qui font le sel de la vie, la jeune Ella, qui fait ses premiers pas dans le monde adulte, du haut de ses dix-neuf ans, sera peut-être la bulle d'oxygène que tous attendaient... Et puis il y a le chien, Gul. Trouvera-t-il les Doglands ?

Magistral ! Cela devient une habitude... dont on ne se lasse pas ! On en veut encore !!!

jeudi 26 juin 2014

Tim Willocks - "La Religion" et "Les Douze Enfants de Paris" (Sonatine) - Quelques repères historiques



"La Religion" et "Les Douze Enfants de Paris" de Tim Willocks (Sonatine) sont les deux premiers tomes d'une trilogie. Le lecteur impatient entrera en lecture d'emblée et se laissera emporter par la fougue de la narration dans cette aventure romanesque, violente et puissante. Le lecteur plus curieux aura l'audace de vouloir partager quelques connaissances avec l'auteur et accordera un peu de temps aux livres d'Histoire avant de perdre toute notion du temps dans un récit étourdissant. Une certitude : que l'on soit "impatient" ou "curieux", la passion nous dévorera !


Voici quelques repères historiques pour les lecteurs qui le souhaitent...


Soliman 1er, dit Le Magnifique (1494-1566)
Soliman est le dixième sultan de l'Empire ottoman, celui dont le règne a été le plus long, de 1520 jusqu'à sa mort en 1566. Il est connu en Occident sous le nom de "Soliman le Magnifique" et en Orient comme "le Législateur" pour sa reconstruction complète du système juridique ottoman. Il reste comme l'un des plus grands monarques du XVIème siècle en Europe, menant l'Empire ottoman au faîte de sa puissance militaire, politique et économique. Soliman a personnellement commandé les armées ottomanes à la conquête des bastions chrétiens de Belgrade à Rhodes. Il établit sa domination sur la Hongrie après la victoire de Mohacs (1526) sur l'Algérie, la Tunisie et la Tripolitaine, et assiège Vienne (1529). L'Empire est à son apogée.


Les Devshirmés




Enfants et adolescents chrétiens réquisitionnés pour être élevés en turcs musulmans et destinés aux Janissaires, troupes d'élites ottomanes, ou aux fonctions au palais et dans l'administration.




Ordre souverain de Malte ou Ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem ou Ordre de l'Hôpital ou Les Hospitaliers ou La Religion

Jean Parisot de La Valette
Siège de Malte en 1565
Ordre issu des Frères de l'hôpital Saint-Jean de Jérusalem, fondé vers 1070. Réfugié à Rhodes en 1309, puis à Malte de 1530 à 1798, reconstitué après la Révolution, l'Ordre, doté d'un nouveau statut en 1961, dirige des oeuvres hospitalières. 
En 1530, Charles Quint cède l'île de Malte aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, à condition que ceux-ci s'opposent à l'avance ottomane. Délaissant Mdina, ancienne capitale de l'île de Malte, l'Ordre installe son couvent dans le port de Birgu (Borgo) où le grand maître Philippe de Villiers de l'Isle Adam fait édifier plusieurs fortifications en vue de mettre l'île en état de défense contre une éventuelle attaque des Ottomans. Le Grand Siège intervient le 19 mai 1565 quand Mustapha Pacha et l'amiral Uluç Ali Pasa font débarquer à Marsaxlokk un premier contingent de 40 000 soldats. Le grand maître Jean Parisot de La Valette ne peut opposer qu'environ 9 000 hommes dont 592 chevaliers. Le Grand Siège de Malte se termine le 13 septembre, après l'arrivée des renforts siciliens du vice-roi Don Garcia de Tolède, par la défaite des ottomans qui perdent plus de 12 000 hommes, dont le corsaire Dragut.


Charles V, dit Charles Quint (1500-1558)
  • Empereur du Saint Empire romain germanique (1519-1556)
  • Prince des Pays-Bas Bourguignons (Charles II) (1515-1556)
  • Roi d'Espagne (Aragon et Castille) (Charles 1er) (1516-1556)
  • Roi de Sicile (Charles IV) (1516-1556)
  • Roi de Naples (1521-1556)

De la dynastie des Habsbourg, fils de Philippe le Beau, archiduc d'Autriche, et de Jeanne la Folle, reine de Castille, il reçoit en 1515 le gouvernement des Pays-Bas et hérite, à la mort de Ferdinand le Catholique (1516) des couronnes de Castille, d'Aragon, de Naples, de Sicile, dont dépendent de vastes colonies en Amérique. Elu à la tête du Saint Empire (1519), il gouverne un immense territoire sur lequel "jamais le soleil ne se couche". Rival de François 1er, qui avait brigué la couronne impériale, il mène contre lui trois guerres (1521-1529) (1536-1538) (1539-1544), marquées par le désastre de Pavie (1525) et le sac de Rome (1527). Il lutte contre l'expansion ottomane sous Soliman le Magnifique, assiégeant victorieusement Tunis (1535) occupée par Khayr al-Din Barberousse et échouant devant Alger (1541). Puis il poursuit la guerre contre la France sous Henri II (1547-1556). A l'intérieur, il se heurte à la Réforme en Allemagne, et doit accepter la paix d'Augsbourg (1556). Il abdique en 1556, transmet le titre impérial à son frère Ferdinand, et se retire au couvent de Yuste où il décède en 1558.


Philippe II d'Espagne (1527-1598)
  • Roi d'Espagne et de ses dépendances américaines et asiatiques (Philippines) (1556-1598)
  • Roi de Naples, de Sicile, de Portugal (1580-1598)
  • Duc de Milan
  • Seigneur des Pays-Bas
  • Comte de Bourgogne et de Charolais
  • Maître des présides d'Afrique du Nord (Oran, Tunis...)
Fils et successeur de Charles Quint, il hérite d'un immense empire. En 1559, il signe avec Henri II le traité du Cateau-Cambrésis, qui lui assure le contrôle de l'Italie. A l'intérieur, le roi poursuit la politique de son père, mais avec un tempérament méticuleux qui le pousse à développer une bureaucratie minutieuse. Il fait de Madrid la capitale de l'Espagne (1561) et exploite abondamment les métaux précieux de ses territoires américains. Défenseur zélé de la foi catholique, Philippe II favorise la Contre-Réforme en Espagne, force la conversion des maures (celle des juifs avait déjà été imposée en 1492), réprime les morisques de Grenade (1568-1571) et bat les Turcs à Lépante (1571). L'Inquisition est puissante dans la société espagnole et le reste après lui. Aux Pays-Bas, il mène une politique absolutiste et hostile au protestantisme, qui aboutit à la révolte du pays (1572) et à la sécession des Provinces-Unies (1579). En France, il soutient la ligue contre Henri IV et les protestants jusqu'au traité de Vervins (1598). Epoux de Marie Tudor (1554-1558), il tente d'envahir l'Angleterre, mais l'Invincible Armada subit une défaite désastreuse (1588).


Charles IX (1550-1574)

Valois-Angoulême
(issus du troisième fils de Louis d'Orléans) (dates de règne) :
  • François 1er (1515-1547)
  • Henri II (1547-1559)
  • François II (1559-1560)
  • Charles IX (1560-1574)
  • Henri III (1574-1589)
Charles IX est le fils du roi Henri II et de Catherine de Médicis. Agé de dix ans à son avènement, la régence est assurée par sa mère Catherine de Médicis. Charles IX restera toujours sous l'influence de sa mère, qui exerce le pouvoir réel. Après la paix de Saint-Germain (1570), il accorde sa confiance au protestant Coligny, mais il ne s'oppose pas au massacre de la Saint-Barthélemy (1572) au cours duquel Coligny est assassiné.

A lire aussi : "Charly 9" de Jean Teulé (Julliard)




Amiral Gaspard de Coligny (1519-1572)

Gentilhomme français attaché au service de Henri II, il défend Saint-Quentin contre les Espagnols (1557) puis se convertit au calvinisme (1559) et devient l'un des chefs du parti protestant. Il prend un moment un ascendant considérable sur Charles IX ; Catherine de Médicis le fait éliminer lors du massacre de la Saint-Barthélemy.



La Saint-Barthélemy

Massacre de protestants qui a eu lieu à Paris dans la nuit du 23 au 24 août 1572 et en province les jours suivants. Perpétré à l'instigation de Catherine de Médicis et des Guises, inquiets de l'ascendant pris par l'amiral de Coligny sur Charles IX et de sa politique de soutien aux Pays-Bas révoltés contre l'Espagne, ce massacre fit environ 3 000 victimes à Paris. Le roi de Navarre (le futur Henri IV),  qui venait d'épouser, le 18 août, Marguerite de Valois, sauva sa vie en abjurant. La Saint-Barthélemy, célébrée comme une victoire par le roi d'Espagne Philippe II et le pape Grégoire XIII, est restée un symbole de l'intolérance religieuse.


Marie 1ère (1516-1558)

 

Reine d'Angleterre et d'Irlande, Reine consort de Naples et de Sicile, Reine consort d'Espagne. Fille aînée de Henri VIII, par sa première épouse Catherine d'Aragon, couronnée le 1er octobre 1553 par l'évêque de Winchester Etienne Gardiner, elle épouse le 25 juillet 1554 Philippe II d'Espagne, qui est titré "Roi d'Angleterre" sans être jamais sacré. Marie 1ère est morte sans descendance.




Elisabeth 1ère (1533-1603)


Reine d'Angleterre et d'Irlande. Deuxième fille de Henri VIII, par sa deuxième épouse Anne Boleyn, sacrée le 15 janvier 1559 par l'évêque de Carlisle Owen Oglethorpe, elle est morte sans descendance et sans avoir été mariée, d'où son surnom de "Reine vierge".



Papes

Pie IV (1559-1595) (Jean Ange de Médicis, 1499-1565)



Pie V (1566-1572) (Antonio Michele Ghisliari, 1504-1572)





Grégoire XIII (1572-1585) (Ugo Boncompagni, 1502-1585)



Sixte V (1585-1590) (Felice Peretti, 1520-1590)









Tim Willocks - "La Religion" (Sonatine)



"La Religion"
Tim Willocks
(Sonatine)

Ados / Adultes


L'histoire
En ce printemps 1540, au coeur d'une vallée paisible des Carpates, en Hongrie, Mattias Tannhauser, jeune fils de forgeron de douze ans, ignore encore que ce jour scellera à jamais son destin. Sous ses yeux seront assassinées ses deux petites soeurs et sa mère dans des conditions horribles par des Janissaires, guerriers ottomans à la solde du sultan Soliman dit "Le Magnifique". Mattias, comme tous les enfants et adolescents mâles Chrétiens, sera enlevé puis élevé en turc musulman, et s'appellera désormais Ibrahim.
Vingt-cinq ans plus tard, Soliman s'apprête à conquérir Malte et rêve d'exterminer les Chevaliers de Saint-Jean. Jean Parisot de La Valette, grand maître de l'Ordre, se prépare à l'invasion. Ibrahim, après treize ans passés en leur sein et devenu Janisor (capitaine), a quitté le corps des Janissaires du sultan. Ses raisons, il les garde secrètes même pour ses amis, Sabato Svi, Juif du ghetto de Venise, et le colosse anglais Bors de Carlisle. Aujourd'hui marchand d'armes et d'opium, il est de nouveau Mattias Tannhauser, ou "l'Allemand". Sa connaissance de l'ennemi et sa façon de manier l'épée sont précieuses pour La Valette. Il reste à convaincre Tannhauser de se joindre à l'Ordre. Cette mission revient à la belle comtesse française Carla de La Penautier et à sa troublante dame de compagnie Amparo. Les deux femmes ont fui l'Aquitaine, certes à cause de la récente guerre contre les Huguenots, mais surtout parce que Carla est prête à tous les sacrifices pour retrouver, peut-être à Malte, son fils qui lui a été arraché à sa naissance douze ans auparavant. Un drame qui risque d'avoir une résonance toute particulière pour Tannhauser...

Mon avis :
Cette monumentale fresque épique mêle la fiction à des événements réels et relate quatre mois d'une Guerre Sainte sans merci animée non pas par la seule foi mais par une soif de pouvoir et d'asservissement commune à tous les cultes. Sous la plume d'un homme, un écrivain sensible aux sciences, aux arts et à la philosophie, le héros virile et complexe nous propulse dans le chaos et la passion avec leur cortège de souffrances, de trahisons, de morts, mais aussi de bravoure et d'héroïsme. L'auteur, avec son souci exacerbé de la perfection et du réalisme, ne nous épargne rien. Ses descriptions de batailles spectaculaires et d'une cruauté insoutenable sont à la fois flamboyantes et cauchemardesques. Les femmes, au coeur de toute cette horreur, ne sont jamais réduites au seul repos du guerrier. Elles sont remarquables par leur courage, leur humilité et leur douceur. Elles illuminent de poésie et de sensualité ce paysage de désolation et de noirceur. Loin de se contenter d'un récit historique et d'aventure, l'écriture puissante de Willocks nous emmène au plus profond de nous-mêmes. La quête spirituelle et philosophique de Tannhauser tenaillé entre deux civilisations est aussi la nôtre. Ces pages sur la foi en un dieu, quel que soit son nom, ou la foi en l'homme, sont de véritables moments de grâce.

On referme le livre les mains tremblantes, le coeur battant à tout rompre, et une furieuse hâte de se jeter à corps perdu dans les bras du second volume !

(dans ce blog, suit "Les Douze Enfants et Paris" et, plus haut, quelques repères historiques)

Tim Willocks - "Les Douze Enfants de Paris" (Sonatine)



"Les Douze Enfants de Paris"
Tim Willocks
(Sonatine)

Ados / Adultes


L'histoire :
Mattias Tannhauser, Chevalier de l'Ordre de Malte, de retour d'Afrique du Nord, arrive à Paris, ville-labyrinthe qu'il ne connait pas, pour y retrouver son épouse, Carla, enceinte de huit mois, et son beau-fils Orlandu, élève au collège d'Harcourt. Merveilleuse musicienne, Carla a été invitée au mariage de la catholique Marguerite de Valois, soeur du Roi Charles IX, et du protestant Henri de Navarre. Cette union, loin de réconcilier les deux cultes, ranime de vives tensions religieuses, politiques et sociales. Le trouble est palpable au sein de la capitale en ce samedi 23 août 1572. Tannhauser comptait sur son beau-fils pour lui dire où rejoindre Carla, mais Orlandu a disparu. Les sombres pressentiments du Chevalier ne font que se confirmer. Nous sommes à la veille d'un des épisodes les plus sanglants de l'Histoire de France...

Mon avis :
Ce deuxième tome (après "La Religion") nous ensevelit pendant trente six heures sous un Paris de flammes, de sang, d'excréments, d'humeurs de toutes sortes, de puanteur, de hurlements, de mort. C'est le "massacre de la Saint-Barthélemy" que nous avons tous étudié en cours d'Histoire mais dont nous saisissons ici toute la barbarie et toute l'absurdité. Nous retrouvons Mattias Tannhauser à la recherche, dans ce chaos, de celle qui est maintenant son épouse et qui porte leur enfant, Carla de La Penautier. Ces personnages principaux ont beaucoup changé depuis Malte. Tous deux sont en proie à des doutes qu'ils ont peur d'affronter. Cette épreuve va-t-elle leur apporter des réponses ou aura-t-elle raison de leur amour ? Pour Carla, d'une assurance un peu hautaine et froide à Malte, sa maternité la rend lumineuse et fragile à la fois. Pour Mattias, au contraire, quelque chose en lui s'est éteint. Si sa force physique est intacte, on ne reconnait plus l'ancien Janissaire et l'homme libre qu'il était devenu et que l'on aimait. Il n'a plus ce charme et cette sensualité qui nous troublaient. Son esprit tactique et aiguisé s'est évanoui. Il semble subir les événements. Il erre dans les rues de Paris, égaré dans une guerre sans règles, et même la violence à laquelle il s'abandonne ne lui procure ni révulsion ni soulagement. L'amour d'Amparo, et l'humour et la vaillance de Bors de Carlisle lui manquent (ainsi qu'à nous, lecteurs, également) plus qu'il ne veut se l'avouer. Carla et Mattias sont tous deux impliqués malgré eux dans des haines qui ne sont pas les leurs, exactement comme ces enfants qui vont croiser leur chemin. Des enfants qui subissent la folie de leurs aînés. Dans cette anarchie où règne la confusion totale, doivent-ils tous se protéger des sentiments d'amour et d'amitié parfois plus cruels et douloureux que les coups d'épée ? Pour tous, la seule façon de ne pas perdre la raison est de céder à une certaine forme de mysticisme ou de spiritualité. Il n'y a ici ni courage ni bravoure mais juste sauver sa peau, survivre, souvent au péril de ceux que l'on aime. Toutefois, dans ce décor apocalyptique, quelques-uns trouveront la Rédemption et un enfant naîtra.

Un tableau de cendre et de sang au coeur d'une ville et d'un peuple indomptables !
Fascinant et obsédant !

(dans ce blog, plus haut, "La Religion" et quelques repères historiques)