jeudi 2 avril 2015

PROCHAINES PRESENTATIONS : Mi-MAI 2015





Héros dans la Littérature
Un monde d'immortels...



"EN PLEINE FIGURE : Haïkus de la guerre de 14-18" - Anthologie établie par Dominique Chipot (Editions Bruno Doucey)





"En pleine figure :
Haïkus de la guerre de 14-18"
Anthologie établie par Dominique Chipot
(Editions Bruno Doucey)



Engagement : Témoignages de l'horreur de la guerre

Dominique Chipot est né en 1958. Considéré comme l'un des grands spécialistes du haïku, lui-même auteur de haïkus, il a écrit plusieurs essais, techniques ou historiques, et a adapté en français les haïkus japonais traduits par Makoto Kemmoku. Il anime régulièrement des conférences ou des ateliers sur ce thème. Son objectif, depuis plusieurs années, est de faire mieux connaître ce plus petit poème du monde qu'est le haïku. Il fonde, pour cela, l'Association pour la Promotion du Haïku et dirige "Ploc !", la lettre du haïku. Egalement passionné de photographie, il marie image et haïku dans des oeuvres originales qu'il expose depuis 2004. Certaines ont été présentées au Japon, patrie du haïku, en 2007, lors d'expositions à Tokyo et dans les environs de Nagano.

Deux auteurs piliers de l'art du haïku en France :

Paul-Louis Couchoud (1879-1959), médecin et philosophe, est d'abord connu pour sa prise de position sur la non-existence historique de Jésus. Mais c'est surtout celui qui a introduit le haïku en France. De retour d'un voyage autour du monde financé par la Fondation Kahn, de septembre 1902 à mai 1904, il a initié à la sensibilité japonaise et à l'art du haï-kaï (haïku) certains de ses amis parmi lesquels Julien Vocance, André Faure et Albert Poncin.
La fin du XIXème siècle a été fort japonisante. Au début du siècle suivant, le haïku, forme poétique délicate de 17 syllabes réparties en trois vers, s'est alors acclimaté à la langue française dans des conditions singulières. En 1905, trois jeunes poètes méconnus, Paul-Louis Couchoud, André Faure et Albert Poncin, publient le premier recueil de haïkus, "Au fil de l'eau", après une croisière sur les canaux, de Paris à La Charité-Sur-Loire. Puis, en 1922, un poète mexicain du nom de Rafael Lozano fait éditer à Paris un deuxième recueil, "Haïkaïs", auquel est donné l'exacte forme d'une plaquette japonaise : les mots sont imprimés à la verticale, à lire de droite à gauche.

"Au fil de l'eau : Les premiers haïku français (1903-1922)" aux Editions Fayard/Mille et une nuits


Dessin de Stéphane et Damien Cuvillier - "Cicatrices de guerre(s)" - 22 auteurs de BD (Ed. de la Gouttière)
Julien Vocance (pseudonyme de Joseph Seguin) (1878-1954). En compagnie de son ami d'enfance Albert Poncin, il a rejoint le premier groupe des auteurs de haïkus français autour de Paul-Louis Couchoud, l'importateur du haïku japonais en France. Sergent pendant la Première Guerre mondiale, il a eu l'idée de noter sous forme de haïkus les terribles moments qu'il a vécus dans les tranchées. Il a par la suite composé des haïkaïs sur de nombreux thèmes qu'il a regroupés dans son "Livre des haï-kaï".

"En pleine figure"
Poètes anonymes, poètes célèbres, poètes un peu oubliés ont utilisé le crayon comme un appareil photographique et ont choisi l'art du haïku pour tenter de restituer, à leur manière, l'Histoire, l'horreur de la guerre, les tranchées allemandes, les tranchées françaises, les combats, les blessés,  les mutilés, le retour à la vie civile, les traumatismes...

Clichés en rouge et noir
Plumes trempées dans le sang
Canons en témoignages majeurs

Extraits :

En pleine figure,
La balle mortelle.
On a dit : au coeur - à sa mère
          (René Maublanc)

On ne t'enterrera, combattant,
Que pour que ta charogne n'empoisonne pas
Les vivants.
          (Haïku censuré de Julien Vocance)

Des arrivages de chair
Bien fraîche, toute préparée,
Pour cette nuit sont signalés.
          (Haïku censuré de Julien Vocance)

Le moribond criait : Maman !
De l'arrière, le journaliste
A entendu : Vive la France !
          (Marc-Adolphe Guégan)

Je n'irai pas au cimetière.
Je cherche son souvenir,
Et non son cadavre.
          (René Maublanc)

"ADAM & THOMAS" d'Aharon Appelfeld (L'Ecole des Loisirs)




"Adam & Thomas"
Aharon Appelfeld
(L'Ecole des Loisirs)

Illustré par Philippe Dumas



Engagement : Humanisme

Aharon Appelfeld, citoyen israélien, marié, père de trois enfants, est l'un des plus grands écrivains juifs de notre temps. Il a publié de nombreux romans dont "L'histoire d'une vie" (Prix Médicis étranger 2004) ou plus récemment "Et la fureur ne s'est pas encore tue" (L'Olivier, 2009), "Le garçon qui voulait dormir" (L'Olivier, 2011) et "Les eaux tumultueuses" (L'Olivier, 2013).

Aharon Appelfeld est né en 1932 à Jadova, près de Czernowitz (alors en Roumanie). Sa mère est tuée en 1940, il n'a que huit ans. Il connait le ghetto puis la séparation d'avec son père et la déportation dans un camp à la frontière ukrainienne, en Transnistrie, en 1941. Il s'en évade à l'automne 1942 et se cache dans les forêts d'Ukraine pendant plusieurs mois au milieu de marginaux de toutes sortes. Il trouve refuge pour l'hiver chez des paysans qui lui donnent un abri et de la nourriture contre du travail, mais il est obligé de cacher ses origines juives. Il est ensuite recueilli par l'Armée rouge. Il traverse l'Europe pendant des mois avec un groupe d'adolescents orphelins et arrive en Italie. Pris en charge par l'Alyat Hanoar*, il s'embarque clandestinement pour la Palestine où il arrive en 1946 et se retrouve dans un camp de jeunesse, puis dans une école agricole. Il doit faire ensuite son service militaire en 1949. Il tient épisodiquement, pendant ces années, un journal qui reflète sa difficulté à se reconstruire. Il se heurte au problème du rapport à la langue : il passe en effet de l'allemand et du yiddish à l'hébreu. Diplômé de l'Université hébraïque de Jérusalem, à la fin des années 1950 il se tourne vers la littérature et écrit en hébreu, sa "langue maternelle adoptive". La majorité de ses textes concerne la vie de la population juive en Europe avant et durant la Seconde Guerre mondiale. Il y livre à chaque fois un pan de sa propre vie. Enseignant à l'université, homme de gauche, ancré dans le Parti travailliste, il décrit l'incapacité pour certains rescapés de se libérer d'un passé douloureux et de se forger une vie nouvelle. Aharon Appelfeld est aussi l'ami de l'écrivain américain Philip Roth. Il apparaît dans un de ses romans, "Opération Shylock".

*L'Alyat Hanoar, créé en Allemagne en 1933, est un comité de soutien à de jeunes juifs persécutés qui organise leur émigration vers la Palestine où ils reçoivent une formation scolaire.

L'histoire :
La guerre s'abat sur le monde et les rafles de juifs s'enchaînent dans le ghetto. Adam et Thomas, deux camarades de classe de neuf ans, cachés par leurs mères qui espèrent ainsi les sauver, se retrouvent seuls dans la forêt et vont devoir unir leurs forces et leurs connaissances pour survivre...

Mon avis :
Merveilleusement illustré, ce très beau roman d'aventure et d'initiation démontre avec élégance et profondeur à quel point les forces, les faiblesses et les différences de chacun, mises en commun, sont un atout des plus précieux et permettent de tout affronter. Tous les thèmes chers à Appelfeld (l'enfance, la guerre, la mère, la langue, l'éducation, l'écologie, la spiritualité, le courage) sont posés. Sous le regard des enfants, ils prennent une dimension plus grave et urgente : quel avenir politique, social et environnemental réservons-nous aux générations futures ? Aharon Appelfeld se veut optimiste. Il croit en l'Homme. Le Mal, d'où qu'il naisse et quelle qu'en soit  sa forme, est toujours vaincu par une âme pure. Puissions-nous avoir la même foi que lui !

"NE TOMBE JAMAIS" de Patricia McCormick (Gallimard Scripto)



"Ne tombe jamais"
Patricia McCormick
(Gallimard Scripto)


Avertissement de l'éditeur :
"Ce livre ne convient pas aux plus jeunes lecteurs"

Engagement : Sensibiliser les plus jeunes (ados, jeunes adultes, et au-delà), contre toute atteinte aux droits de l'homme, de la femme et de l'enfant.

Patricia McCormick, née en 1956, est une journaliste américaine et auteur de romans réalistes pour adolescents et jeunes adultes. Ses livres s'appuient sur de sérieuses recherches et interviews. Pour son roman "13 ans, 10000 roupies" (Gallimard Scripto), elle s'est rendue en Inde et au Népal où elle a rencontré des femmes et des jeunes filles qui ont été sauvées du marché du sexe. Pour son roman "Ne tombe jamais" (Gallimard Scripto), pendant deux ans, elle a accompagné Arn Chorn-Pond, enfant survivant du génocide des Khmers rouges, à la fois auprès de sa famille adoptive aux Etats-Unis, mais aussi au Cambodge où, ensemble, ils ont reconstitué chaque étape de sa vie, de sa captivité, et retrouvé d'autres survivants. Pour son roman "Moi, Malala" (Hachette Jeunesse), elle a travaillé avec Malala Yousafzai, jeune pakistanaise qui a survécu à une tentative d'assassinat. Elle défendait (et défend toujours depuis le Royaume-Uni) le droit des femmes à l'éducation. Malala Yousafzai a reçu le Prix Nobel de la Paix en 2014 à seulement dix-sept ans.

Arn Chorn-Pond et Patricia McCormick
Arn Chorn-Pond est né en 1966 à Battambang (Cambodge). "Ne tombe jamais" est son histoire, incroyable et effroyable. Il a survécu au génocide en jouant de la musique dans les Champs de la mort. Depuis, il consacre sa vie à des causes humanitaires dans le monde entier, principalement au profit de jeunes dans le besoin. Il a fondé l'organisation "Children of War" ("Les Enfants de la Guerre"), qui vient en aide aux enfants otages de la guerre et de la violence. Il est le fondateur du "Cambodian Living Arts" ("Les Arts Vivants du Cambodge"), un groupe qui contribue à préserver les arts traditionnels cambodgiens, en associant de jeunes étudiants aux quelques maîtres de musique qui ont survécu aux Khmers rouges. Il a reçu le prix Reebok des Droits de l'Homme, le prix des Droits de l'Homme d'Amnesty International et le prix de l'Esprit d'Anne Frank accordé à un citoyen exceptionnel ("Spirit of Anne Frank Outstanding Citizen Award"). Arn Chorn-Pond vit au Cambodge et passe une partie de l'année à donner des conférences aux Etats-Unis.

Cambodge

Contexte historique :
"Khmers rouges" est le nom d'un mouvement politique et militaire communiste radical d'inspiration maoïste, qui a dirigé le Cambodge de 1975 à 1979.
Prise de Phnom-Penh par les Khmers rouges
En 1970, la monarchie de Sihanouk est renversée par le général Lon Nol, qui soutient les Etats-Unis dans la guerre du Vietnam. Sihanouk répond en appuyant un soulèvement des Khmers rouges contre Lon Nol, avec à leur tête Pol Pot. Les Khmers rouges parviennent à s'emparer de Phnom-Penh en avril 1975 et proclament le Kampuchéa démocratique. Les Khmers rouges disposent de tous les pouvoirs. Ils mènent une politique d'extermination des élites et vident les villes jugées foyers de corruption. En 1979, alors que l'armée vietnamienne a chassé Pol Pot du pouvoir, des militants khmers rouges dissidents forment un nouveau gouvernement. La guerre civile se poursuit entre les Khmers rouges et le gouvernement appuyé par le Vietnam, jusqu'à ce qu'un cessez-le-feu soit finalement obtenu sous la supervision de l'ONU en octobre 1991. Pol Pot, le tyran khmer rouge, meurt d'une crise cardiaque dans sa résidence en 1998. Accusé "d'auto-génocide" pour ses crimes contre la population cambodgienne, il n'est jamais jugé. Il est responsable de la disparition (par l'assassinat, la torture, le travail forcé dans les camps de travail à la campagne, et la famine) de près du quart de la population du Cambodge.

L'histoire :
Battambang, Cambodge, avril 1975.
Arn a neuf ans. Ses parents étaient autrefois les propriétaires de l'opéra mais son père s'est tué dans un accident de moto. Sa mère, ne pouvant gérer l'affaire seule, doit partir chanter à Phnom-Penh pour gagner un peu d'argent. Arn, ses quatre soeurs et son petit frère Munny habitent alors chez leur tante qui les adore. Ils ne sont plus riches comme avant. Qu'importe ! Arn est heureux. Avec son petit frère, il fait les quatre cents coups, écoute des chansons d'amour françaises, du rock'n roll américain, vend des glaces pour quelques pièces, va au cinéma voir des films d'Amérique, joue au foot et à la guerre. Au-loin, la "vraie" guerre gronde. Quand un "orage" arrive soudain, Arn et Munny se cachent, parfois dans une mare. Jusqu'au lendemain. Jusqu'à la prochaine alerte. Et puis un jour, les Khmers rouges entrent dans la ville. La population est divisée en plusieurs groupes. Les critères de sélection sont incompréhensibles. Des heures de marche. Beaucoup de morts abandonnés sur le bas-côté de la route. Puis un champ. On construit un campement de fortune. Des gens disparaissent : les riches, les intellectuels, ceux qui portent des lunettes... L'horreur ne fait que commencer...

Mon avis :
Un témoignage effroyable et bouleversant, retranscrit dans une langue orale claire et fluide. La langue d'un enfant qui raconte, avec ses mots, l'indicible. L'ensemble est brillamment orchestré, avec délicatesse et pudeur, par Patricia McCormick.

"SUR LES PAS DE SMILEY" d'Amanda Cross (Rivages/Mystère)




"Sur les pas de Smiley"
Amanda Cross
(Rivages/Mystère)




Engagement : Dénonce la condition des femmes, notamment  dans le milieu universitaire américain, et toutes les formes d'injustices faites aux minorités en général.

Carolyn Heilbrun, née en 1926, est une universitaire américaine spécialiste de la littérature anglaise, du Bloomsbury Group (qui réunit un certain nombre d'artistes et d'intellectuels britanniques de la première moitié du XXème siècle) et de l'histoire de la condition féminine. Mariée, mère de trois enfants, elle est professeur à l'université de Columbia où elle est la première femme titulaire d'une chaire dans le département d'anglais. Personne ne soupçonne qu'elle est aussi écrivain sous le pseudonyme d'Amanda Cross. Elle a publié quatorze romans policiers dont l'héroïne principale, Kate Fansler, féministe, engagée, au caractère bien trempé, enseigne à l'université tout en menant ses enquêtes. Carolyn Heilbrun se suicide en 2003. Selon son fils, elle ne souffrait d'aucune maladie mais estimait simplement avoir fait son temps.

"Meurtre à Harvard" reçoit le Prix Nero, grand prix américain de littérature policière.

A lire également :
  • "L'affaire James Joyce" (1967)
  • "Justice poétique" (1970)
  • "Le complexe d'Antigone" (1972)
  • "A propos de Max" (1976)
  • "Meurtre à Harvard" (1981)
  • "Une mort si douce" (1984)
  • "Sans nouvelles de Winifred" (1986)
  • "Insidieusement vôtre" (1989)
  • "Sur les pas de Smiley" (1995)

L'histoire :
Sur le vol Londres/New York, un homme se réjouit de n'avoir personne assis à ses côtés lorsqu'une femme s'installe à la place libre. Cela aurait pu être une femme jeune et jolie. Mais non. Sa voisine est âgée, et ronde de surcroit. Défilent alors dans sa tête tous les préjugés les plus désagréables et machistes. Or, à sa grande surprise, aucun ne correspondra à la passagère. Elle ne lui racontera pas sa vie ni ses petits bobos, lira Freud et John Le Carré (et pas un magazine people), boira de l'aquavit (et pas une tisane), et c'est lui le premier qui la dérangera pour se rendre aux toilettes. A l'aéroport, elle se volatilisera, laissant l'homme secrètement déçu. Quelques mois plus tard, ce qui est, au départ, un objectif pour un couple de se rapprocher un peu plus, va, par l'intermédiaire d'une femme mystérieuse et volontaire, bousculer les règles datées de la modeste et très conservatrice université Schuyler. Reed Amhearst quitte le bureau du procureur, le temps d'un semestre, pour rejoindre les bancs de cette faculté de droit afin de mettre en place un atelier d'aide judiciaire. Parallèlement, son épouse, Kate Fansler, professeur de littérature anglaise réputée, se laisse convaincre d'organiser, au sein du même établissement que son mari, un cours de littérature conjointement avec un cours de droit donné par le jeune professeur Blair Whitson...

Mon avis :
L'intrigue de ce roman engagé n'est qu'un prétexte à un véritable plaidoyer pour la cause des femmes et contre l'injustice faite à toutes les minorités en général. Le statut des femmes dans le monde de l'enseignement supérieur est défendu avec force. Généreusement ponctué de citations et de références littéraires excellemment choisies, illustrant et appuyant les propos des personnages, apportant tantôt gravité, tantôt impertinence et humour, ce texte garde à la fois légèreté et militantisme. L'auteur nous offre une brillante réflexion politique et sociale. C'est aussi un bel hommage à John Le Carré et à l'ensemble de son oeuvre. Et puis, comment ne pas tomber sous le charme d'une héroïne qui ne refuse pas, de temps en temps, un verre de très bon whisky écossais ?

"RAVAGES" de Violette Leduc (Folio)





"Ravages"
Violette Leduc
(Folio)




Engagement : Féminisme

Violette Leduc est née à Arras en 1907, des libertés prises par un bourgeois sur sa femme de chambre. Enfant de la honte et du silence, interne au collège de Douai, Violette vit une histoire d'amour passionnée avec une camarade, Isabelle, puis avec une jeune surveillante, Denise. Mais leur relation est découverte et les deux jeunes femmes sont renvoyées de l'établissement.
En 1926, Violette suit sa mère et son beau-père à Paris, rate son baccalauréat, s'installe dans un meublé avec Denise, trouve un petit boulot chez Plon, rencontre de nombreux écrivains, et quitte Denise.
En 1938, elle fait la connaissance de Maurice Sachs, écrivain aventurier dont elle tombe éperdument amoureuse, mais il est homosexuel. Elle épouse alors, en 1939, un photographe, Jacques Mercier. Le couple se sépare un an plus tard. Violette, enceinte de cinq mois et demi, se fait avorter et frôle la mort. Cette expérience dramatique sera longuement décrite dans "Ravages". Encouragée par Maurice Sachs, elle écrit ses souvenirs d'enfance. "L'Asphyxie" commence par cette célèbre phrase : "Ma mère ne m'a jamais donné la main".
En 1945, Violette Leduc est présentée à Simone de Beauvoir qui reconnaît son talent et suivra son travail. Estimée par Jean Cocteau, Jean Genet, Marcel Jouhandeau, Nathalie Sarraute et Jean-Paul Sartre, éprise de Simone de Beauvoir (sans réciproque), elle entame la rédaction de "L'Affamée", poème en prose consacré au "Castor". 
En 1947, elle s'éprend de Jacques Guérin, bâtard comme elle, riche industriel, collectionneur de livres rares, de manuscrits et d'oeuvres d'art, ami d'artistes et d'écrivains, mais homosexuel, comme Sachs. Il sera néanmoins son ami et son plus fidèle soutien pendant de nombreuses années. Dans le même temps, Simone de Beauvoir décide de verser à Violette une pension mensuelle afin qu'elle puisse se consacrer entièrement et librement à l'écriture.
En 1954, alors que Simone de Beauvoir reçoit le Prix Goncourt pour "Les Mandarins", Violette Leduc est victime de la censure éditoriale. Gallimard ôte les cent cinquante premières pages de son roman "Ravages". L'auteur y décrivait les ébats passionnés de deux collégiennes, Thérèse et Isabelle. Profondément blessée par cette décision, elle est internée pendant un an en clinique psychiatrique et en maison de repos pour ses tendances paranoïaques.
Puis, en 1961, grâce à une amie, elle découvre son petit paradis terrestre à Faucon, un petit village du Vaucluse, et s'y réfugie pour continuer la rédaction de "La Bâtarde", une autobiographique romanesque, et qui paraît en 1964. Le succès est immédiat et le livre frôle le Prix Goncourt. Violette Leduc a 57 ans. Par soucis de la mettre "sur un pied d'égalité et lui permettre de s'acquitter de ses complexes d'infériorité", Simone de Beauvoir exige le remboursement des sommes qu'elle lui versait depuis 1949. Violette Leduc continue à publier régulièrement. En 1970 paraît "La folie en tête" fortement censuré par Simone de Beauvoir. Souffrant d'un cancer du sein, Violette Leduc s'installe définitivement à Faucon où elle meurt en 1972. Simone de Beauvoir est nommée héritière de ses droits littéraires et publie "La chasse à l'amour" en 1973.

Pionnière de l'autofiction ou "l'écriture de soi", ses expériences douloureuses ont nourri l'oeuvre de Violette Leduc. Elle y évoque la campagne de son enfance, la Seconde Guerre mondiale, le Paris des années 1950. Elle y révèle la psyché féminine avec une liberté de ton sans pareil. Elle écrit souvent dans les bois, ou en blouse de ménagère dans sa cuisine microscopique, ou encore dans la chambre de Jean Marais, chez Jean Cocteau. Sexualité, homosexualité, avortement, l'écrivaine Violette Leduc abordait sans détour les sujets tabous des années 1950 et 1960. La beauté crue et poétique de ses textes exalte l'amour sous toutes ses formes. Sa manière de dire l'érotisme au plus près de ses sensations est précisément ce qui inspire quelques écrivaines d'aujourd'hui.

"Une femme descend au plus secret de soi et elle se raconte avec une sincérité intrépide, comme s'il n'y avait personne pour l'écouter."
Simone de Beauvoir

L'histoire :
Un dimanche après-midi, dans une salle de cinéma bondée, sans quitter du regard l'écran sur lequel est projeté un film policier américain, une femme offre une cigarette à son voisin. L'homme accepte. Commence alors un flirt silencieux, timide. Après la séance, dans les rues de Paris, l'homme et la femme jouent au chat et à la souris, ils se suivent et se fuient. Puis l'homme aborde enfin la femme et engage maladroitement la conversation. La femme hésite, ne décide pas, se laisse porter. L'homme est étrange mais sympathique. Elle n'ose pas le repousser. Un bar. Puis un autre. Et encore un autre. Un restaurant. Et puis l'hôtel. La femme n'aime pas les hommes. Mais les amours entre gens du même sexe ne s'avouent pas. Alors elle se fait violence. Cet homme-là, malgré sa gentillesse, son corps nu près d'elle, comme le corps de n'importe quel homme, lui donne la nausée. Elle ne peut pas. Lui dit la vérité. Il comprend. Lui promet de l'aider à rejoindre son amante. Elle se refuse encore. Ils s'endorment...

Mon avis
Une très belle écriture poétique mais un style très personnel et curieux, kaléidoscope de scènes entre abstraction et surréalisme, rêves et fantasmes, homosexualité à la fois assumée et refoulée. Ou on aime passionnément. Ou on déteste. A mon plus grand regret, j'avoue douloureusement que l'auteur me touche profondément, sa vie romanesque et tragique me bouleverse, mais ses mots me plongent dans le plus grand désarroi.
Ne tenez pas compte de ma sensibilité sans doute trop rationnelle, trop rigoureuse ! Découvrez Violette Leduc ! Je suis persuadée que beaucoup de lecteurs seront envoûtés !