jeudi 4 février 2016

"Histoire de la violence" d'Edouard Louis (Seuil, 2016)


Edouard Louis est né en 1992 sous le nom d'Eddy Bellegueule. Il grandit à Hallencourt, dans la Somme. Après des études à l'université de Picardie, où il est remarqué par le sociologue Didier Eribon, il entre à l'Ecole normale supérieure en 2011. Il dirige en 2013 l'ouvrage collectif "Pierre Bourdieu : l'Insoumission en héritage", publié aux Puf. La même année, il obtient de changer de nom et devient Edouard Louis. C'est sous ce patronyme qu'il publie, en 2014, son premier très autobiographique "En finir avec Eddy Bellegueule", qui rencontre un succès aussi inattendu que fulgurant et s'écoule à plus de 200 000 exemplaires. L'ouvrage reçoit le Prix Pierre Guénin contre l'homophobie et pour l'égalité des droits.

L'histoire :
Edouard, le narrateur, s'est laissé convaincre de venir "se reposer" quelques jours chez sa soeur Clara dans le Nord de la France. Mais les paysages brumeux et tristes qu'il aperçoit du train lui renvoient en pleine figure des souvenirs d'enfance et d'adolescence qu'il s'efforce depuis tant d'années de chasser de sa mémoire. Une fois auprès de Clara et installé chez elle, il lui confie pour la première fois le viol et la tentative de meurtre dont il a été victime il y a un an, à Paris, durant la nuit de Noël. Plus tard dans la soirée, Edouard entend sa soeur raconter à son mari, à sa manière, avec ses mots, avec son interprétation des faits, son agression à lui. Et là, la réalité n'est plus la même. Edouard se sent heurté, dépossédé de son histoire...

Mon avis :
Qui d'Edouard ou de Clara est le véritable narrateur de ce roman en partie autobiographique ? Les deux, bien sûr, car l'un et l'autre s'opposent dans leur façon de raconter les mêmes faits, se répondent, se complètent, pour finalement ne faire qu'une voix dans le récit d'un événement violent, dans le récit de toute une vie de violence.
D'un côté, il y a Edouard qui, par un mélange de timidité, de maladresse, et de désir aussi, il ne le nie pas, a laissé, un soir, un bel inconnu entrer dans son appartement. Il y a la violence de son agression, la violence de la confrontation qui s'en est suivie avec les institutions, les médecins, la police, les amis, les conseils (parfois trop) bienveillants des uns, le racisme des autres (l'agresseur était Kabyle), sa propre arrogance pour se protéger, son histoire qu'on vole un peu plus à chaque évocation, et son sentiment de solitude face au traumatisme.
De l'autre côté, il y a Clara, soeur et double de papier d'Edouard, sorte de reflet dans un miroir déformant. Clara qui, par son accent et son langage populaire, représente l'enfance dans un village ouvrier pauvre du Nord de la France, ces racines qu'Edouard a choisi de fuir pour sa survie mais qui seront toujours en lui et qui ont fait ce qu'il est aujourd'hui ; Clara qui est la seule à pouvoir mettre en parallèle le destin d'Edouard et le destin de Reda, l'agresseur, parce que par endroits ils se ressemblent.

Un texte brut, écrit dans l'urgence de trouver des réponses. Un regard impitoyable et violent tant sur la société contemporaine que sur l'auteur envers lui-même. 

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