jeudi 5 janvier 2017

"Possédées" de Frédéric Gros (Albin Michel)


Frédéric Gros, né en 1965, est un philosophe français, spécialiste de Michel Foucault. Il est professeur de pensée politique à l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences Po). "Possédées" est son premier roman, qui a été sélectionné pour le Prix Goncourt 2016.

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Résumé des faits réels :

A cette époque, le siège de La Rochelle, ordonné par Louis XIII et commandé par le cardinal de Richelieu le 10 septembre 1627, vient de se terminer par la capitulation de la cité protestante le 28 octobre 1628. L'Edit de Nantes* est toujours en vigueur. Pourtant, les tensions restent vives entre Catholiques et Protestants.

* Edit de Nantes : Edit de pacification signé par Henri IV à Nantes le 13 avril 1598, qui définit les droits des Protestants en France et mit fin aux guerres de Religion.

Toutefois, dans la Vienne, Loudun, place protestante, connaît probablement l'une des périodes les plus fastes de son histoire. Catholiques et Protestants se partagent la cité et participent à sa prospérité.

Mais dans les années 1630-1634, un homme se trouve au coeur d'un scandale qui secoue la ville : Urbain Grandier et l'affaire des "Possédées de Loudun".

Grandier est né autour de 1590, près de Sablé. A seulement vingt-sept ans, il est ordonné curé de la paroisse de Saint-Pierre-du-Marché et chanoine de Sainte-Croix à Loudun. Ce qui attise quelques jalousies. Ses sermons, marqués par sa liberté de ton, attirent les foules. Bel homme, son éloquence et son comportement libertin suscitent à la fois admiration et agacement.

En 1632, Jeanne des Anges, mère supérieure du couvent des Ursulines, suivie dans ses déclarations par d'autres religieuses, accuse, pour des raisons obscures, l'abbé Urbain Grandier de les avoir envoûtées et d'avoir pactisé avec le diable.

Pour son malheur, Grandier a un vieux contentieux avec Richelieu. Ce dernier le trouve trop complaisant à l'égard des Protestants. Le cardinal charge dont le magistrat Jean Martin de Laubardemont, parent de Soeur Jeanne des Anges, d'enquêter sur l'affaire des religieuses possédées, certes, mais surtout de veiller à la démolition du château fort de Loudun, refuge éventuel pour les Protestants.

Pour les besoins de l'enquête en sorcellerie, le cardinal de Richelieu autorise des exorcismes. Les possédées sont présentées aux prêtres afin d'être délivrées du démon : convulsions extraordinaires, proférations d'injures à connotations sexuelles et performances surnaturelles, telles que la lévitation et la maîtrise des langues bibliques que ces jeunes filles sont censées ignorer. D'abord réalisées à huis clos, les séances d'exorcisme deviennent publiques. Les curieux affluent de toute la France pour assister à ce divertissement malsain.

Accusé de sorcellerie, soupçonné d'avoir écrit un pamphlet contre Richelieu, le chanoine Grandier est emprisonné et soumis à la question. Il reconnaît avoir séduit une des soeurs mais nie tout le reste. Il est pourtant condamné à mort. Il sera brûlé vif sur la place de Loudun le 18 août 1634, laissant les couventines aux mains des docteurs et des exorcistes. Les signes de possessions disparaissent progressivement jusqu'en 1638.

Les écrits autobiographiques, et une abondante littérature consacrée à sa personnalité, ont permis de conclure que Jeanne de Belcier - ou Jeanne des Anges (1602-1665) - souffrait de troubles du comportement, et faire de son histoire clinique un cas d'école de "Grande Hystérie" (névrose).

Le compte rendu du procès d'Urbain Grandier inspirera plus tard le romancier britannique Aldous Huxley pour son ouvrage "Les Diables de Loudun" (1952).

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L'histoire :
En cette nuit du 29 mars 1623, alors que l'aube n'est pas encore levée sur Loudun, l'abbé Grandier est appelé en urgence au chevet de Scévole de Sainte-Marthe. Le Poète de la Nation, le Politique respecté, le Sage aimé de tous, l'Ami du jeune prêtre de Loudun se meurt...

Mon avis :
Ce roman historique tâtonne entre document et fiction. Mais cette valse-hésitation tend à lasser. Il manque à ce récit un peu trop académique, par ailleurs très intéressant et instructif, ce petit "plus" qui aurait suffit à nous emporter totalement, c'est-à-dire la liberté de ton, l'audace et l'impertinence d'un conteur, pour ces faits réels tout particulièrement. Car il est rare de trouver une histoire vraie qui mêle tant d'objets romanesques à la fois : affaire d'Etat, intrigues politiques, enjeux du pouvoir, règlements de comptes, jalousies, vengeances, haine, fanatisme religieux, sorcellerie, cruauté, érotisme, amour... L'auteur aurait pu s'en emparer davantage...

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