lundi 13 novembre 2017

Novembre 2017 - "Ils ont écrit la guerre"


"Chevauchée avec le diable" de Daniel Woodrell (Rivages/Noir)


Daniel Woodrell est né en 1953 à Springfield, Missouri, dans les monts Ozarks, dont toute sa famille est originaire. Ses ancêtres s'y sont installés avant la guerre de Sécession. Après avoir grandi à Saint-Louis et à Kansas City, Daniel Woodrell est revenu vers la région de sa naissance et de ses racines. Il est l'auteur de plusieurs romans à succès. En 1996, il accole à son roman "Give us a kiss" ("Faites-nous la bise") le sous-titre "a country noir" pour souligner la violence de l'intrigue sur fond d'Amérique profonde. L'expression sera ensuite reprise par la critique pour désigner tous les romans se déroulant en milieu rural, dans une atmosphère angoissante et brutale. Deux de ses livres ont été adaptés au cinéma : "Chevauchée avec le diable" (1999), réalisé par Ang Lee, avec Tobey Maguire ; et "Winter's Bone" ("Un hiver de glace", 2010), réalisé par Debra Granik, avec Jennifer Lawrence et John Hawkes.

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Guerre de Sécession ou guerre civile américaine (1861-1865) :

Durant quatre ans, une guerre civile oppose les Etats-Unis d'Amérique (l'Union) à onze Etats sécessionnistes du Sud (la Confédération).

L'antagonisme entre le Sud, agricole et libre-échangiste, et le Nord, en voie d'industrialisation et protectionniste, est aggravé par le problème de l'esclavage, désavoué par le Nord. En 1854, un parti républicain, antiesclavagiste, est créé. Le républicain Abraham Lincoln est élu à la présidence en 1860. Les sudistes font alors sécession et se constituent en Etats confédérés d'Amérique. La guerre civile éclate officiellement en avril 1861, lorsque les troupes nordistes ravitaillant un fort de Caroline du Sud, Fort Sumter, essuient le feu des Confédérés. Malgré la supériorité démographique, militaire et économique de l'Union, qui impose au Sud un blocus à partir de 1862, le conflit s'éternise et ne s'achève qu'après la reddition du général Lee devant le général Grant à Appomattox en avril 1865. Réélu en 1864, Lincoln est assassiné à Washington par un fanatique peu après la victoire nordiste en avril 1865.

Ayant causé la mort de six cent mille hommes et la ruine de plusieurs Etats du Sud ravagés par les combats, la guerre de Sécession libère quatre millions d'esclaves, mais ne met pas un terme à la ségrégation qui perdure jusqu'aux années 1960. Elle contribue aussi à accroître l'autorité du gouvernement fédéral. Les conséquences économiques, politiques et sociales de cette guerre continuent d'influer sur la pensée américaine contemporaine.

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William Clarke Quantrill, né en 1837 à Dover (Ohio), est un hors-la-loi américain, chef de l'unité de combat de la guerre de Sécession responsable des plus importantes tueries visant délibérément des civils. Il est responsable, en particulier, du massacre de Lawrence, au Kansas, perpétré au petit matin du 21 août 1863. Pour se venger de la mort de cinq femmes, Quantrill rassemble 450 de ses hommes. Ils atteignent la ville de Lawrence à l'aube, assassinent, pillent et incendient sans interruption jusqu'au milieu de la matinée. Plus de 180 hommes et garçons sont tués. Traqué, blessé par balle et paralysé, Quantrill meurt en prison à Louisville (Kentucky) en 1865.

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Vocabulaire :

Jayhawkers : habitants du Kansas
Bushwhackers : hommes luttant contre l'envahisseur yankee en hors-la-loi et non sous l'égide de l'armée des Confédérés

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L'histoire :
Celle de la chevauchée sauvage d'un groupe de Bushwhackers, dont certains n'ont pas encore fêté leurs dix-sept ans, aux frontières du Missouri et du Kansas, au coeur d'une guerre civile abominable, et narrée par le jeune cavalier Jack "Dutchy" Roedel.
Celle d'un voyage initiatique, pour tous ces rebelles, qui commence par un engagement et des convictions sincères. Mais au fil du temps, la foi s'étiole. Les morts, les images cauchemardesques, les trahisons, les souffrances, les désillusions hantent les survivants. Les batailles contre les yankees n'ont plus de règles et se transforment en vagues d'assassinats et de pillages de plus en plus barbares, en règlements de comptes personnels, et, pour tous, la certitude chevillée au corps que, quoi qu'il advienne, leur tour viendra...

Mon avis :
Un roman, admirable et déchirant, de fraternité, d'amitié et de résilience, sur fond d'un conflit intérieur sans pitié. Un authentique coup de coeur !!!




"Chevauchée avec le diable",
film réalisé par Ang Lee (1999)
avec Skeet Ulrich, Tobey Maguire, Simon Baker, Jonathan Rhys-Meyers...

"Compagnie K" de William March (Gallmeister)


William March est un écrivain américain né à Mobile (Alabama) en 1893, et mort à La Nouvelle Orléans (Louisiane) en 1954. En 1917, il s'engage dans l'US Marine Corps et combat en France pendant la Première Guerre mondiale d'où il reviendra décoré de la Croix de guerre, de la Navy Cross et de la Distinguished Service Cross. Hanté par ce conflit, la rédaction de "Compagnie K" fut une oeuvre de grande ampleur qui débuta pour William March dès le milieu des années 1920. A l'été 1932, il apporte les dernières modifications à son manuscrit et c'est en janvier 1933 que "Compagnie K" voit le jour, remportant aussitôt un réel succès critique et public.

Après "Compagnie K", William March publie neuf livres, puisant notamment son inspiration dans son enfance et sa jeunesse dans le Sud. Un seul d'entre eux, "The Bad Seed", est traduit en français et publié en 1967 par la Série Noire sous le titre de "Graine de potence".

William March souffre de troubles psychologiques. Malgré son succès littéraire, il vit de plus en plus reclus, sa santé se détériore peu à peu. Il meurt dans son sommeil à son domicile de La Nouvelle Orléans en 1954, d'une crise cardiaque. Quand son corps est découvert le lendemain, sa machine à écrire contient une feuille de papier avec le premier paragraphe d'un nouveau roman, "Poor Pilgrim, Poor Stranger". Il ne pourra pas apprécier l'énorme succès critique et commercial de "The Bad Seed" qui sera finaliste du prestigieux National Book Award, et adapté au théâtre à Broadway et à Londres et au cinéma par Hollywood. Pour la première fois traduit en français, "Compagnie K" est publié par les éditions Gallmeister en 2013.

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La Première Guerre mondiale ou Grande Guerre (28 juillet 1914 - 11 novembre 1918) est un conflit sans précédent dans l'Histoire par son échelle, le nombre de ses morts et l'ampleur des destructions matérielles. La guerre est déclenchée par l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche le 28 juin 1914 à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine). En France, la mobilisation générale est décrétée le 2 août 1914. S'ensuivent quatre années d'une guerre de position, dite "guerre des tranchées", dont le front s'étend en Europe sur près de 700 kilomètres. Conflit d'un genre nouveau puisqu'il marque également les débuts de la guerre aérienne, l'emploi des chars et des gaz, il se solde par neuf millions de morts et des pays dévastés.

L'entrée dans la Première Guerre mondiale des Etats-Unis se produit en avril 1917, après deux ans et demi d'efforts déployés par le Président Woodrow Wilson pour garder les Etats-Unis neutres dans ce conflit. En mai 1915, le torpillage du RMS Lusitania, paquebot transatlantique britannique, par un sous-marin allemand, au large de l'Irlande, avec plus de 1200 passagers (dont près de 200 Américains) et un chargement secret de munitions, joue un rôle important dans l'hostilité de plus en plus forte des Etats-Unis envers l'Allemagne, jusqu'à leur implication dans la Première Guerre mondiale à partir de 1917.

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L'histoire :
Cent-treize soldats américains racontent, l'un après l'autre, une anecdote ou un souvenir, drôle ou dramatique, qu'ils ont vécu pendant la Première Guerre mondiale en France, et qui a marqué à jamais leur esprit et leur chair...

Mon avis :
Ce roman sublime et bouleversant est devenu très rapidement après sa publication un classique de la littérature de guerre américaine. Il est d'ailleurs régulièrement réimprimé aux Etats-Unis. William March aborde sans tabou tous les sujets, aucun n'est anodin en temps de guerre. Il ne dissimule aucune réalité, même si elle est absurde, crue, obscène, ou tout simplement inimaginable. Les témoignages de ses cent-treize personnages si jeunes dans leur majorité, puissants par leur brièveté, leur concision et leur franchise, saisissent toutes nos émotions. 

Un livre extraordinaire à conseiller aux collégiens et lycéens.

"Les Âmes grises" de Philippe Claudel (Livre de Poche)


Prix Renaudot 2003
Meilleur livre de l'année 2003 du magazine Lire 2003
Grand prix des lectrices de Elle (catégorie roman) 2004


Philippe Claudel est un écrivain, scénariste et réalisateur français, né en 1962 à Dombasle-sur-Meurthe (Meurthe-et-Moselle). Il est maître de conférences à l'Université de Lorraine au sein de laquelle il enseigne à l'Institut Européen du Cinéma et de l'Audiovisiuel, en particulier l'écriture scénaristique. Philippe Claudel a également été professeur en prison et auprès d'adolescents handicapés physiques. Ses principaux romans sont traduits dans le monde entier.

Il entre à l'Académie Goncourt en 2012. Il est fait Docteur Honoris Causa de l'Université catholique de Leuven (ou Louvain, Belgique) en 2015. Il est également élu membre de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique en 2016, au siège d'Assia Djebar.

Parmi ses nombreux livres récompensés, on peut citer :
  • "J'abandonne" (Stock) : Prix Roman France Télévisions 2000
  • "Le rapport de Brodeck" (Stock) : Prix Goncourt des lycéens 2007

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La Première Guerre mondiale ou Grande Guerre (28 juillet 1914-11 novembre1918) est un conflit sans précédent dans l'Histoire par son échelle, le nombre de ses morts et l'ampleur des destructions matérielles. La guerre est déclenchée par l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche le 28 juin 1914 à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine). En France, la mobilisation générale est décrétée le 2 août 1914. S'ensuivent quatre années d'une guerre de position, dite "guerre des tranchées", dont le front s'étend en Europe sur près de 700 kilomètres. Conflit d'un genre nouveau puisqu'il marque également les débuts de la guerre aérienne, l'emploi des chars et des gaz, il se solde par neuf millions de morts et des pays dévastés.

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L'histoire :
Le jour n'est pas encore levé, ce matin-là de décembre 1917, lorsque le corps d'une fillette de dix ans est découvert sur les bords d'un canal. Dans cette petite ville située à quelques kilomètres à peine du front, l'enfant est connue de tous. Celle que tout le monde surnomme "Belle de jour" est la petite dernière du restaurateur. De toute évidence, elle a été étranglée. Transies de froid, les personnalités présentes sur les lieux sont sous le choc. Alors que la ville est partagée entre les combattants (permissionnaires, blessés, estropiés, convois de nouvelles recrues...) tout proches qui la traversent régulièrement et les habitants pour qui la vie est sans conteste beaucoup plus douce mais non exempte de bassesses, l'enquête s'annonce compliquée...

Mon avis :
"Les salauds, les saints, j'en ai jamais vu. Rien n'est ni tout noir, ni tout blanc, c'est le gris qui gagne. Les hommes et leurs âmes, c'est pareil... T'es une âme grise, joliment grise, comme nous tous..." dit un personnage du roman. Cette phrase résume parfaitement le propos du livre. La guerre n'engendre pas, hélas, que des héros. Un policier raconte sa vie au sein d'une communauté où chacun porte sa part d'ombres. Il raconte son désir de justice et sa difficile enquête sur le meurtre d'une innocente alors qu'à quelques kilomètres de là, les combats font rage et tuent des milliers d'âmes.

Un roman formidable, sensible, douloureux, qui dévoile toutes les ambiguïtés de l'être humain.



Ce roman "Les Âmes grises" a été adapté au cinéma en 2004 par Yves Angelo, scénario et dialogues de Philippe Claudel, avec dans les rôles principaux Marina Hands, Jean-Pierre Marielle, Jacques Villeret et Denis Podalydès.

"Churchill m'a menti" de Caroline Grimm (Livre de Poche)


Caroline Grimm est une comédienne, productrice, scénariste, réalisatrice et écrivain française née en 1964. "Churchill m'a menti" (Flammarion, 2014) est son deuxième roman après "Moi, Olympe de Gouges" (Calmann-Lévy, 2009). Elle est aussi l'auteur d'un recueil de nouvelles, "La Nuit Caroline" (Blanche, 1999).

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La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) :

L'invasion de la Pologne par Hitler en septembre 1939 déclenche la Seconde Guerre mondiale. Le conflit, principalement européen à l'origine, s'élargit à l'échelle mondiale avec l'intervention japonaise contre Pearl Harbor et l'entrée en guerre des Etats-Unis. Cette "guerre totale" mobilise l'ensemble des ressources économiques des différents belligérants et fait cinquante millions de morts, majoritairement des civils, dont six millions de Juifs. Le conflit s'achève avec la prise de Berlin par l'armée rouge en mai 1945 et les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki au début du mois d'août 1945.

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Sir Winston Leonard Spencer Churchill (1874-1965) est un homme d'Etat britannique. Il laisse dans l'Histoire l'image d'un homme dont la volonté de fer au cours de la Seconde Guerre mondiale fut un acteur déterminant de la victoire alliée contre l'Allemagne de Hitler. Alors que la débâcle française laisse la Grande-Bretagne seule face à l'Allemagne hitlérienne, Churchill sait très vite galvaniser l'effort de guerre britannique pendant la bataille d'Angleterre. Son autorité est alors indiscutée. Il tisse des liens avec la France libre, quand Roosevelt hésite encore à faire confiance au Général de Gaulle. En même temps, il privilégie l'alliance américaine, seul moyen selon lui d'assurer la victoire. Tout au long d'une carrière politique à la longévité exceptionnelle, Churchill lutta aussi contre le déclin de l'Empire britannique. 

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Les îles anglo-normandes constituent le seul territoire britannique à avoir connu une occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Une occupation qui a commencé en juin 1940 et qui ne s'est terminée que le 9 mai 1945, presque un an après la libération de la Normandie. Pendant cinq ans, civils, Juifs et prisonniers ont souffert de la guerre plus qu'ailleurs, en raison de leur insularité et de l'exemplarité des forces allemandes exigée par Berlin.

C'est en effet en juin 1940 que les Allemands s'emparent de Guernesey, une île qui avait été démilitarisée sur décision de Churchill car jugée non stratégique. Peu après, un tiers de la population décide de quitter l'île pour le Royaume-Uni. Les habitants, qui vivaient essentiellement d'agriculture et de pêche, se retrouvent coupés du monde, sans fuite possible, sous la direction des très nombreux Allemands (un Allemand pour deux habitants). Les Juifs et les habitants non natifs des îles sont déportés. Arrestations et restrictions sont aussi de mise dans les îles anglo-normandes.

L'organisation Todt (groupe de génie civil et militaire de l'Allemagne nazie) s'est installée sur les îles à partir de novembre 1941 pour concevoir et construire les fortifications. Le nombre de bunkers, casemates et tunnels construits par les Allemands est impressionnant : 600 sur Aurigny, 800 sur Guernesey et plus de 1000 sur Jersey. Des constructions faites avec des milliers d'ouvriers de l'organisation Todt, des ouvriers locaux attirés par des salaires alléchants, mais aussi des travailleurs forcés et des esclaves : 1500 prisonniers soviétiques ont ainsi été acheminés à Jersey et épuisés à la tâche.

Aurigny, dite l'île Adolf, a connu l'occupation la plus violente des trois îles anglo-normandes. En 1940, la quasi totalité des 1200 habitants de l'île ont été évacués dans la précipitation, une semaine avant l'arrivée des Allemands, laissant sur place maisons et cheptels. La positions géographique de l'île en a fait un point stratégique pour surveiller les positions britanniques. Aurigny comptait quatre camps de travail forcé, l'un d'entre eux, le camp de Sylt, le plus redoutable, a même été transformé en camp de concentration à partir de 1943. Cinq mille prisonniers ont été détenus sur cette petite île de cinq kilomètres de long sur trois de large. Ils ont été les bâtisseurs des fortifications et y laisseront leur vie pour beaucoup d'entre eux. 

L'occupation isole complètement les habitants des îles anglo-normandes du reste du monde. Les bêtes sont réquisitionnées, tout vient à manquer, l'argent ne suffit plus pour subvenir aux besoins, on en vient au troc. En juin 1944, les îles anglo-normandes n'ont pas fait partie des objectifs des troupes alliées du débarquement. Les Allemands se sont trouvés coupés de Cherbourg, leur centre de ravitaillement. Churchill a décidé de les affamer plutôt que de les combattre. Et la population a dû partager ce mauvais sort, plus funestement encore, jusqu'à l'arrivée d'un bateau de la Croix Rouge en octobre 1944.

Le 6 mai 1945, un navire de la Royal Navy stationne au large des îles anglo-normandes. Demande est faite aux autorités allemandes de se rendre. L'amiral Hüffmeier rétorque qu'il ne reçoit d'ordre que de son gouvernement. Le 8 mai 1945, l'Allemagne capitule. Dans son célèbre discours de la victoire, Winston Churchill n'oublie pas les îles anglo-normandes. A Jersey et Guernesey, ce n'est que le 9 mai au matin que l'amiral Hüffmeier se résout à rendre les armes.

(cf francetvinfo.fr/normandie/manche/îles anglo-normandes - septembre 2015)

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L'histoire :

Juin 2013, Saint-Malo
Une romancière se rend à Jersey. Elle enquête sur le passé de l'île pendant l'Occupation allemande et espère rencontrer les descendants des plus anciennes familles : les Fitzgerald, les Le Gallais, les Landry.

Victoire Le Gallais - Jeudi 8 à dimanche 11 août 1940, Saint-Hélier, Jersey
A la déclaration de la guerre, certains ont fui l'île pour rallier la Grande-Bretagne. Ceux qui ont choisi de rester, convaincus d'être ici hors de danger, préparent la fête de la Bataille des Fleurs, carnaval estival organisé depuis 1902 en hommage au couronnement du roi Edouard VII. La parade commence. Les chars fleuris traversent la commune. L'ambiance est joyeuse. Tout le monde s'amuse. Soudain, l'enfer vient du ciel. Les bombes explosent sur le défilé. Tout se recouvre d'une seule couleur, le rouge sang. Les premiers mutilés tombent. Les premiers morts aussi, et parmi eux le frère de Victoire. Trois jours plus tard, au Fort Regent, l'Union Jack est remplacé par la croix gammée...

Mon avis :

Lors d'une journée pluvieuse en Normandie, Robert Ledermann révèle à sa fille, Caroline Grimm, une histoire de famille tue jusqu'à cet instant. Celle de Georges Ledermann, oncle de Robert, déporté en 1943 au camp de Norderney, sur l'île d'Aurigny, île anglo-normande, parce que "demi-Juif", c'est-à-dire Juif marié à une catholique. Il fut libéré en 1945 par les Canadiens. Episode méconnu de la Seconde Guerre mondiale, par cette résonance personnelle, le sort tragique des îles anglo-normandes abandonnées par la Couronne britannique et livrées aux nazis devient le sujet du roman de Caroline Grimm.

En ces temps d'occupation allemande, la situation de Jersey est singulière. Sur une île, tout le monde se connaît, tout se voit, tout s'entend, tout se sait. Il n'y a aucune échappatoire. Et les secrets, comme la spoliation des biens des familles juives déportées, et bien d'autres actes inavouables, ont un prix. Au regard de l'auteur, il n'est pas un hasard si l'île de Jersey soit aujourd'hui devenue un paradis fiscal.

Un roman sur le devoir de mémoire très documenté, passionnant, et saisissant !

"Yellow birds" de Kevin Powers (Livre de Poche)


Kevin Powers est né en 1980 à Richmond, en Virginie, au sein d'une famille d'ouvriers. A l'âge de dix-sept ans, il s'engage dans l'armée, rejoint une unité de mitrailleurs à Tal-Afar, en Irak, où il combat pendant treize mois. De cette guerre, qui a fait de lui un écrivain, il a tiré un récit effroyable, dont le titre s'inspire d'un hymne américain, "Yellow birds", publié en 2013 chez Stock et récompensé par de nombreux prix dont le Prix littéraire du Monde et le Prix du meilleur premier roman étranger du magazine Lire. Il est également l'auteur d'un recueil de poèmes, "Lettre écrite pendant une accalmie dans les combats" (Stock, 2015).

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La guerre d'Irak :
Le 20 mars 2003, l'armée américaine intervient en Irak. George W. Bush et les faucons de son gouvernement n'auront de cesse de convaincre leurs alliés que Saddam Hussein détenait des armes de destruction massive. Hussein est également soupçonné de soutenir le terrorisme et les attentats du 11 septembre 2001. Il est accusé d'avoir aider Al-Qaïda et le Hamas. Plusieurs gouvernements et organisations internationales l'ont accusé de crimes de guerre, meurtres, crime contre l'humanité et de génocide.

La guerre d'Irak commence officiellement le 20 mars 2003 avec l'invasion de l'Irak (opération Liberté irakienne) par la coalition menée par les Etats-Unis contre le Parti Baas de Saddam Hussein. L'invasion a conduit à la défaite rapide de l'armée irakienne, à la capture et l'exécution de Saddam Hussein, et à la mise en place d'un nouveau gouvernement.

George W. Bush a officiellement déclaré l'achèvement des combats le 1er mai 2003, sous la bannière Mission accomplie. Toutefois, la violence contre les forces de la coalition a rapidement mené à une guerre asymétrique impliquant plusieurs groupes d'insurgés, des milices, des membres d'Al-Qaïda, l'armée américaine et les forces du nouveau gouvernement irakien.

A partir de 2009, les Etats-Unis se désengagent progressivement en finançant notamment les milices sunnites Sahwa afin d'affronter l'Etat islamique d'Irak. Alors que les milices chiites rallient progressivement le pouvoir, les Sahwa contribuent à marginaliser les djihadistes et instaurer une relative accalmie en Irak. Le 18 décembre 2011, les forces américaines achèvent leur retrait du pays. La coalition militaire en Irak aura duré huit ans et neuf mois.

Cette guerre a tué plus de 100 000 Irakiens et plus de 4400 Américains, coûté des milliards de dollars et altéré la crédibilité des Etats-Unis dans la région.

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L'histoire :
John Bartle, vingt-et-un ans, originaire d'un trou perdu près de Richmond, en Virginie, et Daniel Murphy, dix-huit ans, petit gars du sud-ouest de la Virginie, firent connaissance à Fort Dix, dans le New Jersey, à l'occasion de leur formation militaire. Dix mois plus tard, en 2004, Murph perdit la vie à Al Tafar, dans l'extrême nord de l'Irak...

Mon avis :
Ce roman, d'une puissance et d'une intensité extraordinaires, est un véritable choc à la fois littéraire et émotionnel. Sa construction en deux parties qui se répondent, tour à tour, chapitre après chapitre, n'en donne que plus de force encore : un chapitre nous projette en plein désert, sous le soleil brûlant, au coeur de la guerre, au coeur des combats, auprès de jeunes soldats confrontés violemment à l'horreur ; un autre chapitre nous place face aux militaires et à leur difficile retour au pays, aux divers traumatismes, au désespoir, à l'incompréhension et la maladresse des proches, à la mort toujours présente.

Admirable premier roman !