lundi 6 août 2018

"On se souvient du nom des assassins" de Dominique Maisons (La Martinière)

Dominique Maisons, né en 1971, est l'une des nouvelles révélations du polar français. Son premier thriller, "Le Psychopompe" (réédité chez Pocket sous le titre "Les violeurs d'âme") a été couronné du Grand Prix VSD du polar 2011. "On se souvient du nom des assassins" (La Martinière, 2016), a remporté le Prix Griffe Noire du meilleur roman historique 2016. Son nouveau roman, "Tout le monde aime Bruce Willis", a été publié en avril 2018 aux éditions La Martinière.

Dans son roman "On se souvient du nom des assassins", Dominique Maisons capture l'atmosphère de Paris en 1909, inspiré par la littérature populaire de l'époque. Il reconstitue le contexte social et l'ambiance tendue après la séparation des Eglises et de l'Etat dans un thriller documenté où l'on croise Gaston Leroux ou Alfred Binet.

"La fascination pour le crime dans les grands procès, dans les journaux, prend beaucoup d'ampleur à cette époque, il y a un retournement de la littérature vers de la littérature de genre qui naît à cette époque-là, d'où le titre "On se souvient du nom des assassins" : on commence à faire des vedettes des personnages dont les agissements les auraient auparavant condamnés à l'opprobre et à la plus grande discrétion." - (Dominique Maisons)

(Exposion universelle, Paris, 1909)
L'histoire :

Paris, printemps 1909

La rédaction du quotidien Le Matin bouillonne cet après-midi. Elle accueille l'illustre Max Rochefort, feuilletoniste à succès et vedette incontestée du journal. Ses histoires fidélisent un nombre grandissant de lecteurs. Son dernier roman-feuilleton arrivant à son terme, le conseil d'administration espère battre la concurrence et signer un nouveau contrat avec le créateur de la série "Boulevard du Crime" et du commissaire Nocturnax.

Après une heure de réunion, les deux parties sortent de la salle visiblement très satisfaites. Une des exigences du fameux écrivain est d'avoir à sa disposition, aux frais du journal, un secrétaire particulier. Le lendemain, cette tâche est confiée à Giovanni Riva, commis au service du courrier, un jeune homme travailleur, motivé, cultivé, à l'avenir prometteur. A cette mission s'ajoute celle de rapporter à l'administrateur du Matin tous les faits et gestes de Rochefort, dont la renommée n'est pas que littéraire. Les sorties mondaines parisiennes de l'auteur dandy sont de plus en plus remarquées et son excentricité pourrait impacter la réputation du quotidien.

Lors de son premier rendez-vous au domicile de Max Rochefort, Riva doit d'abord affronter Marguerite, la solide gouvernante lorraine, femme sévère mais bienveillante. Puis, le maître de maison expose à son nouvel assistant ce qu'il attend de lui et lui fait visiter "l'atelier d'écriture", sorte de bibliothèque débordant de documents, où s'active une équipe de trois rédacteurs. Giovanni sera le lien entre "les prête-plume" et "la célébrité"...

(L'Opéra Garnier, Paris)
Mon avis :

Après le meurtre sordide d'un cardinal dans un hôtel luxueux proche de Paris, à l'heure où la France est encore secouée par l'affaire Dreyfus et par la récente loi de séparation des Eglises et de l'Etat, un romancier à succès et son nouvel assistant aux allures d'un Rouletabille vont jouer aux détectives amateurs pour défendre une jeune fille accusée à tort.

Hommage à l'écrivain Gaston Leroux et écrite à la manière des romans-feuilletons de la Belle-Epoque, cette aventure rocambolesque aux multiples rebondissements nous entraîne aux quatre coins du Paris de ce tout début du XXème siècle, des endroits les plus huppés aux bas-fonds les plus glauques de la capitale. Foison de clins d'oeil à des faits et personnages historiques, cette intrigue n'est pas seulement captivante et trépidante. Instructive, elle est aussi une formidable invitation à approfondir nos connaissances sur une époque en pleine ébullition, berceau de progrès majeurs dans tous les domaines : psychiatrie, médecine, médecine légale, techniques scientifiques d'investigation de la police, aéronautique... C'est aussi le temps de la fascination pour l'Orient et l'exotisme en général, l'arrivée du gramophone et du cinématographe, l'installation de l'eau courante, du gaz et de l'électricité, les chantiers du métropolitain, les travaux des grandes avenues du baron Haussmann...

Parmi les très nombreuses personnalités célèbres croisées tout au long de ce roman, nous pouvons citer : l'écrivain Gaston Leroux, le psychologue Alfred Binet, l'aviateur Louis Paulhan, le préfet de police Célestin Hennion et ses Brigades du Tigre, le couturier Paul Poiret.

(Paris, 1909)

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(Le Matin du 19.04.1909)
Le Matin était un journal quotidien français créé en 1883 et disparu en 1944. Racheté par l'homme d'affaires sulfureux Maurice Bunau-Varilla, il fut l'un des quatre grands quotidiens dans les années 1910 et 1920, tirant un million d'exemplaires à la veille de 1914. Sa diffusion baissa à partir des années 1920, pour ne plus atteindre que 300 000 exemplaires à la fin des années 1930, tandis qu'il s'orienta vers l'extrême-droite, devenant collaborationniste sous Vichy. Il fut interdit de parution à la Libération.

Gaston Leroux (1868-1927) est un écrivain et journaliste français. Avocat, chroniqueur judiciaire à l'Echo de Paris, grand reporter au Matin et dreyfusard, il lance la mode des entretiens lors d'un reportage en Russie, dont les textes ont été réunis sous le titre "L'Agonie de la Russie blanche" (1978). En 1907, il publie dans L'Illustration "Le mystère de la chambre jaune" (édité en 1908), dont le héros, le jeune reporter Joseph Rouletabille, devient immédiatement célèbre. L'apport principal de Leroux au roman énigmatique est le meurtre en chambre close. Deux cycles suivent cet essai : celui de Rouletabille ("Le parfum de la dame en noir", 1909) et celui de "Chéri-Bibi". On lui doit encore la "Poupée sanglante" et "Le Fantôme de l'Opéra" (1910).

Alfred Binet (1857-1911) est un psychologue et physiologiste français. Il est le véritable créateur de la psychologie expérimentale française, qu'il orienta d'emblée vers l'étude des activités supérieures. Cherchant un moyen de dépister les enfants anormaux afin d'améliorer leur enseignement, il inaugure la méthode des tests mentaux, créant ainsi, avec le psychiatre Théodore Simon, la première Echelle métrique de l'intelligence (1905, puis 1908) qui porte leur nom (échelle Binet-Simon). Celle-ci a pour but de mesurer le développement de l'intelligence des enfants en fonction de l'âge (âge mental).

Louis Paulhan est un pionnier français de l'aviation né le 19 juillet 1883 à Pézenas (Hérault) et mort le 10 février 1963 à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques).

Célestin Hennion (1862-1915) est un préfet de police français. Il est célèbre pour avoir modernisé la police française au début du XXème siècle avec le soutien de Georges Clémenceau dit "le Tigre". En tant que directeur de la Sûreté générale, il est le créateur des fameuses Brigades du Tigre, ancêtres de la police judiciaire. Pour ces actions, il est connu comme le "père de la police moderne".

Paul Poiret (1879-1944) est un grand couturier français, connu pour ses audaces. Considéré comme un précurseur du style Art-Déco, il crée la maison de couture qui porte son nom en 1903.

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