"La Religion"
Tim Willocks
(Sonatine)
Ados / Adultes
L'histoire :
En ce printemps 1540, au coeur d'une vallée paisible des Carpates, en Hongrie, Mattias Tannhauser, jeune fils de forgeron de douze ans, ignore encore que ce jour scellera à jamais son destin. Sous ses yeux seront assassinées ses deux petites soeurs et sa mère dans des conditions horribles par des Janissaires, guerriers ottomans à la solde du sultan Soliman dit "Le Magnifique". Mattias, comme tous les enfants et adolescents mâles Chrétiens, sera enlevé puis élevé en turc musulman, et s'appellera désormais Ibrahim.
Vingt-cinq ans plus tard, Soliman s'apprête à conquérir Malte et rêve d'exterminer les Chevaliers de Saint-Jean. Jean Parisot de La Valette, grand maître de l'Ordre, se prépare à l'invasion. Ibrahim, après treize ans passés en leur sein et devenu Janisor (capitaine), a quitté le corps des Janissaires du sultan. Ses raisons, il les garde secrètes même pour ses amis, Sabato Svi, Juif du ghetto de Venise, et le colosse anglais Bors de Carlisle. Aujourd'hui marchand d'armes et d'opium, il est de nouveau Mattias Tannhauser, ou "l'Allemand". Sa connaissance de l'ennemi et sa façon de manier l'épée sont précieuses pour La Valette. Il reste à convaincre Tannhauser de se joindre à l'Ordre. Cette mission revient à la belle comtesse française Carla de La Penautier et à sa troublante dame de compagnie Amparo. Les deux femmes ont fui l'Aquitaine, certes à cause de la récente guerre contre les Huguenots, mais surtout parce que Carla est prête à tous les sacrifices pour retrouver, peut-être à Malte, son fils qui lui a été arraché à sa naissance douze ans auparavant. Un drame qui risque d'avoir une résonance toute particulière pour Tannhauser...
Mon avis :
Cette monumentale fresque épique mêle la fiction à des événements réels et relate quatre mois d'une Guerre Sainte sans merci animée non pas par la seule foi mais par une soif de pouvoir et d'asservissement commune à tous les cultes. Sous la plume d'un homme, un écrivain sensible aux sciences, aux arts et à la philosophie, le héros virile et complexe nous propulse dans le chaos et la passion avec leur cortège de souffrances, de trahisons, de morts, mais aussi de bravoure et d'héroïsme. L'auteur, avec son souci exacerbé de la perfection et du réalisme, ne nous épargne rien. Ses descriptions de batailles spectaculaires et d'une cruauté insoutenable sont à la fois flamboyantes et cauchemardesques. Les femmes, au coeur de toute cette horreur, ne sont jamais réduites au seul repos du guerrier. Elles sont remarquables par leur courage, leur humilité et leur douceur. Elles illuminent de poésie et de sensualité ce paysage de désolation et de noirceur. Loin de se contenter d'un récit historique et d'aventure, l'écriture puissante de Willocks nous emmène au plus profond de nous-mêmes. La quête spirituelle et philosophique de Tannhauser tenaillé entre deux civilisations est aussi la nôtre. Ces pages sur la foi en un dieu, quel que soit son nom, ou la foi en l'homme, sont de véritables moments de grâce.
On referme le livre les mains tremblantes, le coeur battant à tout rompre, et une furieuse hâte de se jeter à corps perdu dans les bras du second volume !
(dans ce blog, suit "Les Douze Enfants et Paris" et, plus haut, quelques repères historiques)
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