"Les mains du miracle"
Joseph Kessel
(Folio)
Ados / Adultes
Joseph Kessel :
Grand officier de la Légion d'honneur ; Commandeur des Arts et des Lettres ; Croix de guerre 1914-1918 ; Croix de guerre 1939-1945 ; Elu à l'Académie française en 1962 ; Scénariste, journaliste et romancier
Né à Clara, en Argentine, le 10 février 1898, fils de Samuel Kessel, médecin juif d'origine lithuanienne qui vint passer son doctorat à Montpellier puis partit exercer en Amérique du Sud, Joseph Kessel vécut en Argentine ses toutes premières années, pour être emmené ensuite de l'autre côté de la planète, à Orenbourg, sur l'Oural, où ses parents résidèrent de 1905 à 1908, avant de revenir s'installer en France.
Il fit ses études secondaires au lycée Masséna, à Nice, puis au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Infirmier brancardier durant quelques mois en 1914, il obtint en 1915 sa licence de lettres et se trouva engagé, à dix-sept ans, au "Journal des Débats", dans le service de politique étrangère.
Tenté un temps par le théâtre, reçu en 1916 avec son jeune frère au Conservatoire, il fit quelques apparitions comme acteur sur la scène de l'Odéon. Mais à la fin de cette même année, Joseph Kesset choisit de prendre part aux combats, et s'enrôla comme engagé volontaire, d'abord dans l'artillerie, puis dans l'aviation, où il va servir au sein de l'escadrille S. 39. De cet épisode, il tirera plus tard le sujet de son premier grand succès, "L'équipage". Il termina la guerre par une mission en Sibérie. Ainsi, quand le conflit s'acheva et que Kessel, dès qu'il eut atteint sa majorité, demanda la nationalité française, il portait la croix de guerre, la médaille militaire, et il avait déjà fait deux fois le tour du monde.
Il reprit alors sa collaboration au "Journal des Débats", écrivant également à "La Liberté", au "Figaro", au "Mercure"... Mais, poussé par son besoin d'aventures et sa recherche des individus hors du commun, où qu'ils soient et quels qu'ils soient, il entama une double carrière de grand reporter et de romancier. Il suivit le drame de la révolution irlandaise et d'Israël au début de son indépendance ; il explora les bas-fonds de Berlin ; au Sahara, il vola sur les premières lignes de l'Aéropostale, et navigua avec les négriers de la Mer Rouge.
Son premier ouvrage, "La steppe rouge", est un recueil de nouvelles sur la révolution bolchevique. Après "L'équipage" (1923), qui fit entrer l'aviation dans la littérature, il publia "Mary de Cork", "Les Captifs" (grand prix du roman de l'Académie française en 1926), "Nuits de princes", "Les coeurs purs", "Belle de jour", "Le coup de grâce", "Fortune carrée" (qui était la version romanesque de son reportage "Marché d'esclaves"), "Les enfants de la chance", "La passante du Sans-souci", ainsi qu'une très belle biographie de Mermoz, l'aviateur héroïque qui avait été son ami. Tous ces titres connurent, en leur temps, la célébrité.
Kessel appartenait à la grande équipe qu'avait réunie Pierre Lazareff à "Paris-Soir", et qui fit l'âge d'or des grands reporters. Correspondant de guerre en 1939-40, il rejoignit, après la défaite, la Résistance (réseau Carte), avec son neveu Maurice Druon. C'est également avec celui-ci qu'il franchit clandestinement les Pyrénées pour gagner Londres et s'engager dans les Forces Françaises Libres du général de Gaulle. En mai 1943, les deux hommes composèrent les paroles du "Chant des Partisans", voué à devenir le chant de ralliement de la Résistance, et Kessel publia, en hommage à ces combattants, "L'armée des ombres". Il finira la guerre capitaine d'aviation, dans une escadrille qui, la nuit, survolait la France pour maintenir les liaisons avec la Résistance et lui donner des consignes.
A la Libération, il reprit son activité de grand reporter, voyagea en Palestine, en Afrique, en Birmanie, en Afghanistan. C'est ce dernier pays qui lui inspira son chef-d'oeuvre romanesque, "Les cavaliers" (1967). Entre-temps, il publia un long roman en trois volumes, "Le tour du malheur", ainsi que "Les amants du Tage", "La vallée des rubis", "Le lion", "Tous n'étaient pas des anges", et il faisait revivre, sous le titre "Témoin parmi les hommes", les heures marquantes de son existence de journaliste. Consécration ultime pour ce fils d'émigrés juifs, l'Académie française lui ouvrit ses portes le 22 novembre 1962. Il mourut le 23 juillet 1979).
(académie-française.fr)
L'histoire :
"Ce gros bonhomme, ce médecin débonnaire dont l'aspect tenait d'un bourgmestre des Flandres et d'un Bouddha d'Occident, avait dominé Himmler au point de sauver des centaines de milliers de vies humaines ! Mais pourquoi ? Mais comment ? Par quel incroyable prodige ? Une curiosité sans bornes avait remplacé mon peu de foi."
En 1959, Joseph Kessel apprend d'un ami l'existence d'un certain Docteur Félix Kersten. L'histoire de ce médecin, méconnue en France, bien que remarquable, laisse Kessel dubitatif quant à sa véracité. Pourtant, il va rencontrer Kersten et il tiendra les preuves entre ses mains.
Né en 1898 en Estonie, d'origine allemande, l'enfance de Félix Kersten est heureuse, des parents aimants, une mère à la voix divine, des vacances au bord de la mer en Finlande, des gâteaux et des sucreries à volonté.
Il est ingénieur agronome lorsqu'il choisit, en 1917, d'entrer dans l'armée finlandaise. Après la Première Guerre Mondiale, il reste dans l'armée, devient citoyen de Finlande, et étudie la chirurgie à l'hôpital militaire. Face aux nombreux soldats blessés, sa technique de massage, originale et efficace, soulage de grandes souffrances tant physiques que psychologiques. Un diplôme de massage scientifique en poche, il quitte la Finlande pour Berlin et approfondit ses connaissances en médecine. Remarqué par un chirurgien mondialement connu, il est présenté au Docteur Kô, lama-médecin tibétain formé aux sciences de guérison dans les plus pures traditions chinoises et tibétaines. Kersten devient alors le disciple du Docteur Kô qui va lui enseigner tout ce qu'il sait. Nous sommes en 1922. Deux noms commencent à apparaître dans les journaux : celui d'Adolf Hitler, et celui d'un instituteur, Heinrich Himmler.
Kersten et Himmler |
La notoriété de Kersten dépasse les frontières allemandes. En 1928, il soigne le prince Henri de la famille royale de Hollande et emménage à La Haye. Il exerce auprès de patients fortunés à La Haye, à Berlin et à Rome. Jusqu'à ce jour de mars 1939 où il est appelé au chevet de Heinrich Himmler, chef des S.S., chef de la Gestapo, paralysé par de violentes douleurs à l'estomac, Kersten ne peut refuser. Très vite il profite de la maladie de Himmler. Pendant six ans, il échange ses soins contre l'annulation de déportations, et la libération de dizaines de milliers de prisonniers des camps de la mort.
Lorsqu'en 1945, Hitler ordonne de faire sauter les camps de concentration à l'approche des armées ennemies, Kersten convainc Himmler de signer le "Contrat au nom de l'humanité" qui empêche de dynamiter les camps de concentration et sauve ainsi, encore une fois, des milliers de vies. Himmler accepte également de rencontrer le suédois Norbert Masur, membre du Congrès juif mondial. La réunion se tient en mars 1945 chez Kersten. Elle aboutit à ce que plus aucun Juif ne devra être exécuté et à la libération de milliers d'entre eux. Deux mois plus tard, Himmler se suicide.
Après la guerre, Kersten est proposé à plusieurs reprises pour le Prix Nobel de la paix, mais il ne l'obtiendra jamais. En 1953, la Suède le naturalise. Il meurt en 1960 après avoir enfin été reconnu Juste des nations.
Mon avis :
Comme Kessel, on ne peut qu'admirer le courage sans égal et la force de cet homme tranquille, mais on ressent aussi un certain malaise. Où se situe la répugnance de Kersten ? Où se situe sa fascination pour Himmler ? On s'interroge sur la façon dont il a pu manipuler, pendant six ans, en apparence si aisément, un personnage comme Himmler d'une cruauté innommable. Pourtant, les faits sont là, indiscutables. Des dizaines de milliers de vies ont été sauvées. C'est un témoignage rare au plus près de la Shoah, au plus près de l'horreur insoutenable. On est épouvanté face à cette folie atroce d'une poignée de mégalomanes, fanatiques et sadiques qui ont mis ainsi le monde à feu et à sang.
Ce récit étonnant, sous la plume élégante de Kessel, aborde l'Histoire sous un angle différent et très intéressant. A découvrir !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire