"Ravages"
Violette Leduc
(Folio)
Engagement : Féminisme
Violette Leduc
est née à Arras en 1907, des libertés prises par un bourgeois sur sa
femme de chambre. Enfant de la honte et du silence, interne au collège
de Douai, Violette vit une histoire d'amour passionnée avec une
camarade, Isabelle, puis avec une jeune surveillante, Denise. Mais leur
relation est découverte et les deux jeunes femmes sont renvoyées de
l'établissement.
En 1926,
Violette suit sa mère et son beau-père à Paris, rate son baccalauréat,
s'installe dans un meublé avec Denise, trouve un petit boulot chez Plon,
rencontre de nombreux écrivains, et quitte Denise.
En
1938, elle fait la connaissance de Maurice Sachs, écrivain aventurier
dont elle tombe éperdument amoureuse, mais il est homosexuel. Elle
épouse alors, en 1939, un photographe, Jacques Mercier. Le couple se
sépare un an plus tard. Violette, enceinte de cinq mois et demi, se fait
avorter et frôle la mort. Cette expérience dramatique sera longuement
décrite dans "Ravages". Encouragée par Maurice Sachs, elle écrit ses souvenirs d'enfance. "L'Asphyxie" commence par cette célèbre phrase : "Ma mère ne m'a jamais donné la main".
En
1945, Violette Leduc est présentée à Simone de Beauvoir qui reconnaît
son talent et suivra son travail. Estimée par Jean Cocteau, Jean Genet,
Marcel Jouhandeau, Nathalie Sarraute et Jean-Paul Sartre, éprise de
Simone de Beauvoir (sans réciproque), elle entame la rédaction de "L'Affamée", poème en prose consacré au "Castor".
En
1947, elle s'éprend de Jacques Guérin, bâtard comme elle, riche
industriel, collectionneur de livres rares, de manuscrits et d'oeuvres
d'art, ami d'artistes et d'écrivains, mais homosexuel, comme Sachs. Il
sera néanmoins son ami et son plus fidèle soutien pendant de nombreuses
années. Dans le même temps, Simone de Beauvoir décide de verser à
Violette une pension mensuelle afin qu'elle puisse se consacrer
entièrement et librement à l'écriture.

En 1954, alors que Simone de Beauvoir reçoit le Prix Goncourt pour
"Les Mandarins", Violette Leduc est victime de la censure éditoriale. Gallimard ôte les cent cinquante premières pages de son roman
"Ravages".
L'auteur y décrivait les ébats passionnés de deux collégiennes, Thérèse
et Isabelle. Profondément blessée par cette décision, elle est internée pendant un an en clinique
psychiatrique et en maison de repos pour ses tendances paranoïaques.
Puis,
en 1961, grâce à une amie, elle découvre son petit paradis terrestre à
Faucon, un petit village du Vaucluse, et s'y réfugie pour continuer la
rédaction de "La Bâtarde", une autobiographique romanesque, et
qui paraît en 1964. Le succès est immédiat et le livre frôle le Prix
Goncourt. Violette Leduc a 57 ans. Par soucis de la mettre "sur un pied d'égalité et lui permettre de s'acquitter de ses complexes d'infériorité",
Simone de Beauvoir exige le remboursement des sommes qu'elle lui
versait depuis 1949. Violette Leduc continue à publier régulièrement. En
1970 paraît "La folie en tête" fortement censuré par Simone de
Beauvoir. Souffrant d'un cancer du sein, Violette Leduc s'installe
définitivement à Faucon où elle meurt en 1972. Simone de Beauvoir est
nommée héritière de ses droits littéraires et publie "La chasse à l'amour" en 1973.
Pionnière
de l'autofiction ou "l'écriture de soi", ses expériences douloureuses
ont nourri l'oeuvre de Violette Leduc. Elle y évoque la campagne de son
enfance, la Seconde Guerre mondiale, le Paris des années 1950. Elle y
révèle la psyché féminine avec une liberté de ton sans pareil. Elle
écrit souvent dans les bois, ou en blouse de ménagère dans sa cuisine
microscopique, ou encore dans la chambre de Jean Marais, chez Jean
Cocteau. Sexualité, homosexualité, avortement, l'écrivaine Violette
Leduc abordait sans détour les sujets tabous des années 1950 et 1960. La
beauté crue et poétique de ses textes exalte l'amour sous toutes ses
formes. Sa manière de dire l'érotisme au plus près de ses sensations est
précisément ce qui inspire quelques écrivaines d'aujourd'hui.
"Une
femme descend au plus secret de soi et elle se raconte avec une
sincérité intrépide, comme s'il n'y avait personne pour l'écouter."
Simone de Beauvoir
L'histoire :
Un
dimanche après-midi, dans une salle de cinéma bondée, sans quitter du
regard l'écran sur lequel est projeté un film policier américain, une
femme offre une cigarette à son voisin. L'homme accepte. Commence alors
un flirt silencieux, timide. Après la séance, dans les rues de Paris,
l'homme et la femme jouent au chat et à la souris, ils se suivent et se
fuient. Puis l'homme aborde enfin la femme et engage maladroitement la
conversation. La femme hésite, ne décide pas, se laisse porter. L'homme
est étrange mais sympathique. Elle n'ose pas le repousser. Un bar. Puis
un autre. Et encore un autre. Un restaurant. Et puis l'hôtel. La femme
n'aime pas les hommes. Mais les amours entre gens du même sexe ne
s'avouent pas. Alors elle se fait violence. Cet homme-là, malgré sa
gentillesse, son corps nu près d'elle, comme le corps de n'importe quel
homme, lui donne la nausée. Elle ne peut pas. Lui dit la vérité. Il
comprend. Lui promet de l'aider à rejoindre son amante. Elle se refuse
encore. Ils s'endorment...
Mon avis :
Une
très belle écriture poétique mais un style très personnel et curieux,
kaléidoscope de scènes entre abstraction et surréalisme, rêves et
fantasmes, homosexualité à la fois assumée et refoulée. Ou on aime
passionnément. Ou on déteste. A mon plus grand regret, j'avoue
douloureusement que l'auteur me touche profondément, sa vie romanesque
et tragique me bouleverse, mais ses mots me plongent dans le plus grand
désarroi.
Ne tenez pas
compte de ma sensibilité sans doute trop rationnelle, trop rigoureuse !
Découvrez Violette Leduc ! Je suis persuadée que beaucoup de lecteurs
seront envoûtés !