vendredi 7 septembre 2018

Septembre 2018 - "Country Noir & Nature Writing"


"Dérive sanglante" de William G. Tapply (Gallmeister)

William G. Tapply est né en 1940 à Waltham, dans le Massachusetts. Diplômé de Harvard en 1963, il fut successivement professeur d'Histoire au lycée, professeur d'écriture, collaborateur à divers magazines. Il publia par ailleurs une quarantaine de livres en vingt-cinq ans dont une vingtaine de romans policiers. Grand amateur de pêche à la mouche, il collaborait régulièrement à des magazines de pêche américains. Il a enseigné la littérature à l'université Clark et vivait à Hancock, dans le New Hampshire. Il est décédé d'une leucémie en juillet 2009 alors que paraissait aux Etats-Unis "Dark Tiger", troisième volet des aventures de Stoney Calhoun, une série policière dont il avait commencé la rédaction en 2004 ("Dérive sanglante", "Casco Bay" et "Dark Tiger", chez Gallmeister).

L'histoire :

Il y a cinq ans, Stoney Calhoun sortait de l'hôpital d'Arlington (Virginie) sourd d'une oreille, souffrant de graves pertes de mémoire et ne sachant où aller. Poussé par son instinct, il prit la direction du Maine. Dans les environs de Portland, il eut le sentiment étrange de reconnaître des lieux et des paysages. Il acheta une parcelle de terrain au beau milieu des bois et, à la manière de Thoreau*, construisit sa cabane près de la rivière.

De sa vie précédant son hospitalisation, il n'a toujours aucun souvenir, mais quel que fut son passé, aujourd'hui il mène une existence paisible et heureuse, au plus près de la nature, avec son épagneul breton Ralph**, son anthologie de la littérature américaine, et son job. Il travaille dans un magasin d'articles de chasse et de pêche avec Kate Balaban, la patronne, et aussi sa maîtresse dont il est très amoureux, et son meilleur ami, Lyle McMahan, un étudiant en Histoire qui connaît la région comme sa poche. Tous les trois sont guides de pêche.

Ce matin, un homme aux cheveux blancs, environ soixante-dix ans, un certain Fred Green, se présente à la boutique. Il est en quête d'une personne compétente pouvant l'emmener pêcher la truite sauvage impérativement ce jour car il n'a pas d'autres disponibilités. Du genre frimeur, Green ne plait pas du tout à Calhoun. Bien que ce soit son tour, Calhoun pense aussitôt à Lyle pour le remplacer. L'étudiant, ravi de gagner un peu d'argent, ne se fait pas prier pour récupérer la sortie. Professionnel, Lyle prépare rapidement l'itinéraire et l'équipement, puis prend la route avec le client pour une journée de randonnée.

Le lendemain, personne n'a de leurs nouvelles. Lyle et Green ne sont pas rentrés. Calhoun culpabilise et se lance avec ardeur à la recherche de son ami...


* Henry David Thoreau (1817-1862) : philosophe, naturaliste, poète américain, auteur de "Walden ou la vie dans les bois"

** Ralph : allusion à Ralph Waldo Emerson (1803-1882), essayiste, philosophe, poète et chef de file du mouvement transcendantaliste américain du début du XIXème siècle, grand ami de Thoreau


Mon avis :
Des références aux plus belles plumes naturalistes américaines... De magnifiques peintures des rivières et des forêts du Maine si chères à Thoreau... Des personnages attachants et bienveillants... Un héros imparfait mais sincère dans sa quête de la vérité sur la mort de son ami, dans sa quête de la vérité sur sa propre histoire, dans sa quête de valeurs solides sur lesquelles il puisse se reposer sans crainte... Un très beau pêle-mêle d'émotions, de mystère et d'humour... Un énorme coup de coeur et une profonde tristesse de savoir que nous ne partagerons que trois aventures avec le charmant et charmeur Stoney Calhoun...

"Là où les lumières se perdent" de David Joy (Sonatine)

David Joy, né à Charlotte (Caroline du Nord) en 1983, est l'auteur de trois romans et plusieurs nouvelles. Ses écrits ont notamment paru dans certains magazines et journaux américains. "Là où les lumières se perdent", finaliste de l'Edgar Award et acclamé par la critique, est sont premier roman traduit en France. David Joy vit à Webster en Caroline du Nord.

En cette Rentrée Littéraire 2018 paraît son nouveau roman, "Le poids du monde", chez Sonatine.

L'histoire :

C'est une petite ville plantée au fin fond des Appalaches, en Caroline du Nord. Entourées de montagnes, les terres sont si arides que rien n'y pousse. Ceux qui restent à The Creek ne peuvent que s'y perdre.

Jacob McNeely a dix-huit ans. Aujourd'hui c'est la cérémonie de remise de diplômes au lycée Walter Middleton. Mais ce n'est pas pour lui. Du haut du château d'eau, il observe la scène et reconnaît Maggie Jennings, son amie d'enfance, son amour inaccessible. Elle est Juliette. Il est Roméo.

Les parents de Jacob sont divorcés. Son père est un baron de la drogue puissant et craint dans la région. Sa mère est une junkie. Des études pour Jacob ? A quoi bon ! Jamais il ne quittera le coin. Son avenir ici est tout tracé : travailler pour papa, et plus tard hériter des affaires. Pour l'heure, il obéit aux ordres du boss et se défonce à tout ce qu'il veut, tant qu'il ne touche pas à la cristal meth. C'est la règle absolue et le paternel tuerait quiconque l'enfreindrait, même son propre fils. La cristal meth rend plus bavard que n'importe quelle autre substance et c'est dangereux pour le business...

Mon avis :
Jacob sait depuis l'enfance qu'aucun de ses rêves ne sera jamais réalisé. Fataliste, prisonnier de la montagne, prisonnier de sa famille, il s'apprête à endosser un héritage lourd de conséquences qu'il n'a pas souhaité et dont il n'est pas responsable. Peut-il échapper à son destin ? Quels choix doit-il faire ? C'est une question universelle que pose David Joy, celle de l'héritage familial, de la transmission.
Violence, torpeur, renoncement, désespoir... Ce roman est une tragédie déchirante et magnifique... On en sort totalement ébranlé... Un écrivain que l'on ne va pas lâcher de sitôt !

"Cry father" de Benjamin Whitmer (Gallmeister)

Benjamin Whitmer est né en 1972 et a grandi dans le sud de l'Ohio et au nord de l'Etat de New York. Il a publié des articles et des récits dans divers magazines et anthologies avant que ne paraisse son premier roman, "Pike", en 2010. Il vit aujourd'hui avec ses deux enfants dans le Colorado, où il passe la plus grande partie de son temps libre en quête d'histoires locales, à hanter les librairies, les bureaux de tabac et les stands de tir des mauvais quartiers de Denver. Ses auteurs préférés sont Harry Crews, James Crumley et Donald Ray Pollock. Son second roman, "Cry father", est sorti en 2014.

L'histoire :

Patterson Wells ne s'est jamais remis de la mort de son petit garçon, Justin. Si son ex-femme, Laney, puise sa force dans sa bataille judiciaire contre le médecin responsable du décès de leur fils, Patterson, lui, a choisi la fuite. Elagueur, à bord de son Ford Ranger, il parcourt tout le pays, avec pour seule compagnie Sancho, son chien. Après les cyclones, les tremblements de terre, les inondations, il dégage les routes et les réseaux électriques. Il noie son chagrin dans les zones sinistrées et dans les bars miteux. Ses moments de paix sont ceux qu'il passe avec son fils à travers les lettres qu'il lui écrit chaque soir dans des cahiers d'écolier.

De longs mois se sont écoulés. Avant son prochain contrat, épuisé, Patterson vient se reposer dans sa cabane du Colorado, que lui a vendue son ami Henry, éleveur de chevaux. Hélas, aux premiers instants de son séjour, il croise le chemin du fils d'Henry, Junior, un être instable et écorché vif...

Mon avis :

Ce livre est un coup de poing à l'estomac ! Roman sur la paternité, brutal, crépusculaire, il scotche par sa puissance ! L'auteur y dresse le portrait de trois pères : Patterson, Henry et Junior. Patterson et Junior vont s'engager dans un compagnonnage toxique, une attraction destructrice qui ne s'explique que par leurs douleurs respectives.

Si leur relation et leurs actes semblent sombrer dans une forme de folie morbide, les lettres que Patterson continue d'adresser à son fils défunt sont paradoxalement les seuls liens, forts et émouvants, avec la vie.

Un texte brillant et bouleversant !


A découvrir également : "Pike"

lundi 6 août 2018

Août 2018 - "Les livres de l'été" (partie 2)


"Quand sort la recluse" de Fred Vargas (Flammarion)

Fred Vargas est née en 1957 à Paris, de son vrai nom Frédérique Audoin-Rouzeau. La reine du polar français s'est d'abord spécialisée dans l'archéozoologie. Titulaire d'un doctorat d'Histoire, après avoir étudié la peste au Moyen Age, elle signe sous le nom de Fred Vargas son premier roman, "Les jeux de l'amour et de la mort", qui rafle le Prix du roman policier du festival de Cognac en 1986. Cinq ans plus tard, elle fait paraître "L'homme aux cercles bleus" chez Viviane Hamy, premier polar où elle introduit dans son univers le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg, héros mythique d'une dizaine d'enquêtes, de "Pars vite et reviens tard" (Prix des lectrices de Elle en 2002) à "Un lieu incertain". "Temps glaciaires" est son treizième "rompol" (comprendre "roman policier"), le premier publié chez Flammarion.

L'histoire :

Au terme d'une enquête éprouvante, Adamsberg s'est envolé vers Grimsey, une petite île islandaise où il se ressource depuis maintenant deux semaines. Apaisé par le silence et la beauté du paysage qui l'entoure, le commissaire a totalement oublié Paris et ses tourments. Mais ce soir, la capitale le rappelle auprès d'elle.

De retour à la Brigade criminelle du XIIIème arrondissement, le commissaire Adamsberg peine à se concentrer sur une affaire guère passionnante que lui exposent ses agents, jusqu'à ce que l'attitude étrange du lieutenant Voisenet attire son attention.

Après le départ de ses collègues, Adamsberg rallume discrètement l'ordinateur de Voisenet et constate que ce dernier est en train de rassembler des informations, des articles de journaux et des forums de discussion au sujet d'une araignée bien particulière d'Amérique du Nord : l'araignée recluse, appelée aussi la recluse brune ou la recluse violoniste. Une araignée soupçonnée d'être responsable de la mort de plusieurs personnes en France depuis près d'un an. Loxosceles reclusa pique soudain l'intérêt du commissaire. 

Cette fois, c'est certain, la Brigade a retrouvé son chef...

Mon avis :

C'est un réel bonheur de partager une nouvelle odyssée en compagnie de l'original commissaire Adamsberg et de sa tout aussi atypique Brigade ! Des aventures toujours improbables et fantasques que tisse la magicienne Fred Vargas. Et nous voilà encore une fois embobinés ! Mais ne nous y trompons pas. Derrière la fantaisie, les sujets sont graves et ils sont traités avec toute la sensibilité et toute l'humanité d'une équipe unie autour d'un chef pittoresque et plus impliqué que jamais !

Une histoire prenante, des personnages diablement attachants, une enivrante folie douce... Un excellent cru, comme d'habitude !

"On se souvient du nom des assassins" de Dominique Maisons (La Martinière)

Dominique Maisons, né en 1971, est l'une des nouvelles révélations du polar français. Son premier thriller, "Le Psychopompe" (réédité chez Pocket sous le titre "Les violeurs d'âme") a été couronné du Grand Prix VSD du polar 2011. "On se souvient du nom des assassins" (La Martinière, 2016), a remporté le Prix Griffe Noire du meilleur roman historique 2016. Son nouveau roman, "Tout le monde aime Bruce Willis", a été publié en avril 2018 aux éditions La Martinière.

Dans son roman "On se souvient du nom des assassins", Dominique Maisons capture l'atmosphère de Paris en 1909, inspiré par la littérature populaire de l'époque. Il reconstitue le contexte social et l'ambiance tendue après la séparation des Eglises et de l'Etat dans un thriller documenté où l'on croise Gaston Leroux ou Alfred Binet.

"La fascination pour le crime dans les grands procès, dans les journaux, prend beaucoup d'ampleur à cette époque, il y a un retournement de la littérature vers de la littérature de genre qui naît à cette époque-là, d'où le titre "On se souvient du nom des assassins" : on commence à faire des vedettes des personnages dont les agissements les auraient auparavant condamnés à l'opprobre et à la plus grande discrétion." - (Dominique Maisons)

(Exposion universelle, Paris, 1909)
L'histoire :

Paris, printemps 1909

La rédaction du quotidien Le Matin bouillonne cet après-midi. Elle accueille l'illustre Max Rochefort, feuilletoniste à succès et vedette incontestée du journal. Ses histoires fidélisent un nombre grandissant de lecteurs. Son dernier roman-feuilleton arrivant à son terme, le conseil d'administration espère battre la concurrence et signer un nouveau contrat avec le créateur de la série "Boulevard du Crime" et du commissaire Nocturnax.

Après une heure de réunion, les deux parties sortent de la salle visiblement très satisfaites. Une des exigences du fameux écrivain est d'avoir à sa disposition, aux frais du journal, un secrétaire particulier. Le lendemain, cette tâche est confiée à Giovanni Riva, commis au service du courrier, un jeune homme travailleur, motivé, cultivé, à l'avenir prometteur. A cette mission s'ajoute celle de rapporter à l'administrateur du Matin tous les faits et gestes de Rochefort, dont la renommée n'est pas que littéraire. Les sorties mondaines parisiennes de l'auteur dandy sont de plus en plus remarquées et son excentricité pourrait impacter la réputation du quotidien.

Lors de son premier rendez-vous au domicile de Max Rochefort, Riva doit d'abord affronter Marguerite, la solide gouvernante lorraine, femme sévère mais bienveillante. Puis, le maître de maison expose à son nouvel assistant ce qu'il attend de lui et lui fait visiter "l'atelier d'écriture", sorte de bibliothèque débordant de documents, où s'active une équipe de trois rédacteurs. Giovanni sera le lien entre "les prête-plume" et "la célébrité"...

(L'Opéra Garnier, Paris)
Mon avis :

Après le meurtre sordide d'un cardinal dans un hôtel luxueux proche de Paris, à l'heure où la France est encore secouée par l'affaire Dreyfus et par la récente loi de séparation des Eglises et de l'Etat, un romancier à succès et son nouvel assistant aux allures d'un Rouletabille vont jouer aux détectives amateurs pour défendre une jeune fille accusée à tort.

Hommage à l'écrivain Gaston Leroux et écrite à la manière des romans-feuilletons de la Belle-Epoque, cette aventure rocambolesque aux multiples rebondissements nous entraîne aux quatre coins du Paris de ce tout début du XXème siècle, des endroits les plus huppés aux bas-fonds les plus glauques de la capitale. Foison de clins d'oeil à des faits et personnages historiques, cette intrigue n'est pas seulement captivante et trépidante. Instructive, elle est aussi une formidable invitation à approfondir nos connaissances sur une époque en pleine ébullition, berceau de progrès majeurs dans tous les domaines : psychiatrie, médecine, médecine légale, techniques scientifiques d'investigation de la police, aéronautique... C'est aussi le temps de la fascination pour l'Orient et l'exotisme en général, l'arrivée du gramophone et du cinématographe, l'installation de l'eau courante, du gaz et de l'électricité, les chantiers du métropolitain, les travaux des grandes avenues du baron Haussmann...

Parmi les très nombreuses personnalités célèbres croisées tout au long de ce roman, nous pouvons citer : l'écrivain Gaston Leroux, le psychologue Alfred Binet, l'aviateur Louis Paulhan, le préfet de police Célestin Hennion et ses Brigades du Tigre, le couturier Paul Poiret.

(Paris, 1909)

*

(Le Matin du 19.04.1909)
Le Matin était un journal quotidien français créé en 1883 et disparu en 1944. Racheté par l'homme d'affaires sulfureux Maurice Bunau-Varilla, il fut l'un des quatre grands quotidiens dans les années 1910 et 1920, tirant un million d'exemplaires à la veille de 1914. Sa diffusion baissa à partir des années 1920, pour ne plus atteindre que 300 000 exemplaires à la fin des années 1930, tandis qu'il s'orienta vers l'extrême-droite, devenant collaborationniste sous Vichy. Il fut interdit de parution à la Libération.

Gaston Leroux (1868-1927) est un écrivain et journaliste français. Avocat, chroniqueur judiciaire à l'Echo de Paris, grand reporter au Matin et dreyfusard, il lance la mode des entretiens lors d'un reportage en Russie, dont les textes ont été réunis sous le titre "L'Agonie de la Russie blanche" (1978). En 1907, il publie dans L'Illustration "Le mystère de la chambre jaune" (édité en 1908), dont le héros, le jeune reporter Joseph Rouletabille, devient immédiatement célèbre. L'apport principal de Leroux au roman énigmatique est le meurtre en chambre close. Deux cycles suivent cet essai : celui de Rouletabille ("Le parfum de la dame en noir", 1909) et celui de "Chéri-Bibi". On lui doit encore la "Poupée sanglante" et "Le Fantôme de l'Opéra" (1910).

Alfred Binet (1857-1911) est un psychologue et physiologiste français. Il est le véritable créateur de la psychologie expérimentale française, qu'il orienta d'emblée vers l'étude des activités supérieures. Cherchant un moyen de dépister les enfants anormaux afin d'améliorer leur enseignement, il inaugure la méthode des tests mentaux, créant ainsi, avec le psychiatre Théodore Simon, la première Echelle métrique de l'intelligence (1905, puis 1908) qui porte leur nom (échelle Binet-Simon). Celle-ci a pour but de mesurer le développement de l'intelligence des enfants en fonction de l'âge (âge mental).

Louis Paulhan est un pionnier français de l'aviation né le 19 juillet 1883 à Pézenas (Hérault) et mort le 10 février 1963 à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques).

Célestin Hennion (1862-1915) est un préfet de police français. Il est célèbre pour avoir modernisé la police française au début du XXème siècle avec le soutien de Georges Clémenceau dit "le Tigre". En tant que directeur de la Sûreté générale, il est le créateur des fameuses Brigades du Tigre, ancêtres de la police judiciaire. Pour ces actions, il est connu comme le "père de la police moderne".

Paul Poiret (1879-1944) est un grand couturier français, connu pour ses audaces. Considéré comme un précurseur du style Art-Déco, il crée la maison de couture qui porte son nom en 1903.

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"Lumière morte" de Michael Connelly (Calmann-Lévy)

Michael Connelly est né en 1956 à Philadelphie (Etats-Unis). Lauréat du Prix Pulitzer comme chroniqueur judiciaire, il fait sensation avec "Les égouts de Los Angeles" (1992), où évolue son inspecteur Harry Bosch, souvent en conflit avec ses supérieurs dans sa recherche de la vérité. Les références à la peinture ou à la littérature - comme Edgar Allan Poe dans "Le Poète" (1996) - permettent à Connelly de transcender le roman noir. Il obtient divers prix aux Etats-Unis puis en France, dont le Grand Prix de littérature policière en 1999 pour "Créance de sang".

Le personnage de Hieronymus "Harry" Bosch est né en 1950. Homme taciturne, vétéran du Vietnam où il "nettoyait" les galeries souterraines creusées par les Vietcongs, Bosch a un fichu caractère, des amours compliquées, père d'une adolescente, Maddy, une passion pour le jazz, un penchant pour l'alcool et un prénom original : Hieronymus (Connelly s'est inspiré du peintre flamand Jheronimus Van Aken, dit Jérôme Bosch). Sa mère, prostituée, a été assassinée sur Hollywood Boulevard (hommage à James Ellroy). Son père, J. Michael Haller, est avocat, ainsi que son demi-frère, Mickey Haller, héros d'une autre série de Connelly ("La Défense Lincoln").

Connelly a créé d'autres séries, l'une autour de Terry McCaleb, agent du FBI, et l'autre autour du journaliste Jack McEvoy. Plusieurs de ces différents protagonistes sont parfois réunis dans une intrigue commune.

L'histoire :

Une jeune femme est retrouvée morte, assassinée dans son appartement. L'enquête est confiée aux inspecteurs Harry Bosch, Kizmin Rider et Jerry Edgar, du LAPD (Los Angeles Police District). La victime s'appelait Angella Benton. Elle n'avait que vingt-quatre ans. Elle était assistante de production pour la société hollywoodienne Eidolon depuis à peine six mois. Très rapidement, Bosch et son équipe sont en mesure d'affirmer que le meurtre a été mis en scène.

Trois jours plus tard, le tournage d'un film est la cible d'une fusillade violente et meurtrière au cours de laquelle deux millions de dollars en liquide sont volés. La société de production du film n'est autre que Eidolon. La police fait immédiatement le rapprochement avec la mort d'Angella Benton. Le lendemain, l'affaire est retirée à Bosch pour être confiée à Jack Dorsey et Lawton Cross des "Vols et Homicides".

Quelques mois après les faits, alors qu'ils déjeunent dans un bar, Dorsey et Cross se retrouvent au coeur d'un braquage. Dorsey est abattu. Cross est gravement blessé. Il en restera lourdement handicapé et souffrant de pertes de mémoire. Personne ne reprendra l'enquête des deux inspecteurs.

Près de quatre années se sont écoulées quand Harry Bosch, à la retraite du LAPD depuis huit mois et à présent détective privé, reçoit un appel émouvant de Lawton Cross. Des souvenirs lui reviennent partiellement.

Le temps est venu pour Bosch d'ouvrir son carton de vieux dossiers, une douzaine d'affaires non résolues, dont celle du meurtre d'Angella Benton...

Mon avis :

"Lumière morte" est un épisode charnière dans la série des Harry Bosch. Le héros est à un tournant important de sa vie et n'a pas le droit à l'erreur. Plus sombre, écrit à la première personne du singulier, il est inéluctablement plus intime, plus intérieur, proche de la confidence. A présent livré à lui-même, sans la protection des institutions, Bosch se retrouve seul face à ses contradictions. Flic dans l'âme, la volonté de rendre justice aux victimes chevillée au corps, mais électron libre et souvent en conflit avec la hiérarchie, quel détective privé sera-t-il ? Comment envisage-t-il sa nouvelle carrière et ses relations avec ses semblables ? Dans sa résolution sur fond de jazz (toujours !), cette affaire va lui apporter quelques éléments de réponse.

Sans doute l'un des meilleurs romans de Michael Connelly par cette affinité et cette authenticité qu'il a su créer entre le lecteur et l'enquêteur.

Afin de rassurer les nouveaux venus dans l'univers de Michael Connelly, il est important de préciser que l'auteur apporte à son intrigue toutes les informations nécessaires pour que la lecture soit fluide et agréable à l'adresse des "initiés" comme de celle des "profanes".

samedi 7 juillet 2018

Juillet 2018 - "Les livres de l'été" (partie 1)


"La Saga des Coughlin : Un pays à l'aube - Ils vivent la nuit - Ce monde disparu" de Dennis Lehane (Rivages)

Dennis Lehane est né en 1965 dans la banlieue de Boston (Massachusetts, Etats-Unis). Il a choisi la ville de Boston comme principale héroïne de ses livres. Qu'il la mette en scène avec le couple de détectives privés, Kenzie et Gennaro ("Un dernier verre avant la guerre") ou qu'il imagine "Mystic River", sur le thème de l'enfance déchirée et de l'amitié trahie, à travers le thriller, le polar mais aussi le roman historique, l'écrivain explore le passé et le présent de cette cité comme dans "Un pays à l'aube" ou "Ils vivent la nuit". Ses livres ont largement été adaptés au cinéma par Clint Eastwood, Ben Affleck ou Martin Scorsese. Il est également scénariste de séries comme "Sur écoute" ou "Bordwalk Empire". Son dernier opus, "Après la chute", paru en octobre 2017, est déjà en cours d'adaptation.


L'histoire :

1918

               "En raison des restrictions sur la liberté de circulation imposées à la ligue majeure de base-ball par le ministère de la Défense pendant la Première Guerre mondiale, les World Series de 1918 furent programmées en septembre et divisées en deux séries de matchs à domicile : les Chicago Cubs devaient organiser les trois premiers et Boston les quatre dernier. Le 7 septembre, après la défaite des Cubs au terme de la troisième rencontre, les deux équipes montèrent donc ensemble à bord du Michigan Central pour un trajet de vingt-sept heures, et Babe Ruth, passablement éméché, se mit à faucher des chapeaux."

Lors d'un arrêt prolongé à Summerford, Ohio, les passagers du train sortent se dégourdir les jambes. Babe Ruth, des Boston Red Sox, s'éloigne du groupe quand il entend, derrière un bosquet, une succession de bruits étrangement familiers. Curieux, il franchit la végétation et découvre avec stupéfaction, au-delà d'un pré, un groupe d'hommes de couleur en train de jouer au base-ball. Il ne tarde pas à remarquer les qualités remarquables de deux des joueurs. Flatté d'être reconnu, Babe Ruth sympathise avec l'équipe et se lance dans le jeu. Mais lorsque d'autres joueurs blancs des Chicago Cubs et des Boston Red Sox s'invitent sur le terrain, l'ambiance n'est plus au match amical, et Babe Ruth adopte une attitude qui n'est pas à son honneur...

*

En ce soir de juillet, le combat entre Danny Coughlin et Johnny Green va clore une manifestation fraternelle d'une journée organisée au sein de la police de Boston, appelée "Boxe & Badges : Deux poings pour l'espoir", et consacrée à recueillir des fonds pour un orphelinat pour enfants infirmes et pour le Boston Social Club. Danny monte le premier sur le ring. C'est là qu'il apprend que son adversaire en est à son troisième match en vingt-quatre heures, dont un perdu par K.O. "Pour payer son loyer" lui explique-t-on. L'issue du combat confirme les inquiétudes de Danny : pour Johnny Green, père de deux enfants, bientôt trois, suivront deux mois d'arrêt de travail, sans salaire, son expulsion de son logement, et le départ de sa femme et des petits...

Mon avis :

A couper le souffle !!! Ce livre de près de 1700 pages, intelligent, foisonnant, captivant, qui n'est pas sans rappeler "Le Parrain" de Mario Puzo, vous tiendra en haleine durant tout votre été si vous le dégustez, un peu moins si vous le dévorez !

Une fresque familiale et historique grandiose, centrée sur la ville de Boston, mais qui traverse toute l'Amérique, de 1918 aux années 1940. Plus qu'un roman, c'est un véritable travail de mémoire que Dennis Lehane a ici réalisé. Il évoque les dates et les événements politiques, sociaux, économiques, culturels, sportifs les plus importants du XXème siècle qui ont forgé les Etats-Unis. Au milieu des personnages fictifs, auxquels nous ne pouvons que nous attacher, nous croisons quelques visages connus. Citons simplement, pour le premier tome, "Un pays à l'aube", le joueur de base-ball George Herman Ruth, dit Babe Ruth, le journaliste et militant communiste John "Jack" Silas Reed, ou encore un certain John Edgar Hoover, futur premier directeur du FBI.

En un mot... Brillantissime !!!

"Journal d'Irlande - Carnets de pêche et d'amour 1977-2003" de Benoîte Groult (Grasset)

Benoîte Groult est née en 1920 à Paris. Elle s'est imposée comme l'une des grandes figures de la littérature féministe française au XXème siècle. Elle a commencé sa carrière en tant que professeur de latin au cours Bossuet. Journaliste, notamment à Elle et Marie-Claire, longtemps jurée du prix Femina, elle a d'abord publié avec sa soeur Flora des livres comme "Journal à quatre mains" (1963), "Le féminin pluriel" (1965), "Il était deux fois" (1967). Plusieurs best-sellers ont suivi, de "La part des choses" (1972) à "La touche étoile" (2006) en passant par "Ainsi soit-elle" (1975) et une aubiographie, en 2008, "Mon évasion". En 2013, Benoîte Groult a fait l'objet d'une belle bande dessinée signée Catel, "Ainsi soit Benoîte Groult", chez Grasset. Elle est décédée en 2016 dans sa maison de Hyères, dans le Var, au bord de la mer qu'elle aimait tant.

Mon avis :

Benoîte Groult a cinquante-sept ans lorsque ce journal intime commence. Il s'ouvre sur l'arrivée de Benoîte et Paul Guimard en Irlande où le couple acquiert une maison de vacances au bord de la mer, un lieu spécialement choisi pour pratiquer la pêche en toute liberté. En plus de la famille, des conjoints, des amants, des maîtresses, des ex..., cette demeure va accueillir des amis, des proches, pour la plupart des grands noms de la vie politique, culturelle, artistique et sportive française. Parmi eux, sans doute le plus prestigieux sera François Mitterrand, Président de la République alors en exercice.

Mais qu'on se le dise, ce "Home Sweet Home" n'est pas une maison de repos ! Et les visiteurs seraient bien avisés de s'en souvenir car, d'une manière ou d'une autre, ils seront entraînés dans le tourbillon. Ici, c'est pêche tous les jours, quoi qu'il advienne, par tous les temps, de bonne ou de mauvaise humeur, et c'est poisson, coquillages et crustacés à tous les repas. Exigeante, sans complaisance, infatigable, impatiente de profiter de chaque instant, débordante de vie et de désirs, la dame a du tempérament. Son caractère est semblable au climat irlandais : imprévisible. Si cet enthousiasme bouillonnant peut être communicatif, il peut aussi s'avérer épuisant, étouffant, castrateur.

Mariés depuis 1952, Benoîte Groult et l'écrivain et journaliste Paul Guimard forment un couple d'intellectuels, de gens de lettres et de culture. Ils partagent ensemble la même passion pour l'écriture et la mer. Sur le modèle de Beauvoir et Sartre, ils se sont engagés à respecter leurs "amours contingentes" respectives mais celles-ci les ont blessés tous les deux plus profondément qu'ils ne l'imaginaient. A l'automne de leur vie, les regrets et les rancoeurs se trahissent en même temps que les premiers signes implacables de la vieillesse.

Depuis longtemps, Benoîte Groult est amoureuse de deux hommes, qui la contraignent aujourd'hui à faire un choix impossible. Elle sait qu'elle est incapable de renoncer à l'intelligence et à la notoriété de Paul. Pourtant, sa façon de se laisser prendre sans lutter dans la toile du déclin du corps l'insupporte. Quant à l'Américain Kurt, pilote d'avion, de dix ans son aîné, son amour de jeunesse et son amant depuis 1945, il n'est pas très futé, n'a aucune conversation, aucun bon goût, sa beauté s'étiole, mais il l'aime comme elle n'a jamais été aimée, la désire et ils font encore l'amour ensemble. A leur âge, cela ne se refuse pas.

Benoîte Groult se livre sans fard. Elle se révèle d'une poigne de fer mais profondément touchante dans ses contradictions. Savoureux !

jeudi 7 juin 2018

Juin 2018 - Faits divers et de société"


"La mésange et l'ogresse" de Harold Cobert (Plon/Points)

Harold Cobert est un écrivain français. Titulaire d'un doctorat de lettres, il publie, aux éditions Séguier, une série d'ouvrages consacrée à Mirabeau intitulée "Mirabeau, le fantôme du Panthéon". En 2007 paraît "Le reniement de Patrick Treboc", aux éditions Jean-Claude Lattès, son premier roman, qui raconte le destin d'un professeur intègre, criminel par accident, libéré de prison grâce à une émission de téléréalité qu'il a lui-même inventée. Suivront d'autres romans dont "Un hiver avec Baudelaire", "L'entrevue de Saint-Cloud" (Héloïse d'Ormesson), et "Jim" (Plon).

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Les faits :
Michel Fourniret, surnommé "le forestier des Ardennes", "l'ogre des Ardennes", "le tueur des Ardennes", "le monstre des Ardennes", a été condamné, en 2008, à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible pour cinq meurtres et deux assassinats de jeunes filles, âgées de douze à vingt-deux ans, en France et en Belgique. Des enquêtes se poursuivent pour d'autres affaires. Son épouse, Monique Olivier, est accusée de complicité de meurtre et de non-dénonciation de meurtre. Elle a été jugée en même temps que son compagnon et a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de vingt-huit ans.

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L'histoire :

Jeudi 19 avril 2001
          17h13 - Han-sur-Lesse (Belgique)

Il pleut. Raphaëlle Evert, vingt-et-un ans, rentre chez elle à vélo lorsqu'un homme, la soixantaine, à bord d'une camionnette blanche, l'oblige à s'arrêter et insiste pour la raccompagner chez elle au prétexte de lui éviter de rouler sous la pluie. La jeune femme refuse fermement. Contrarié, l'homme redémarre. Mais quelques mètres plus loin, la camionnette est de nouveau stationnée sur le bas-côté de la route. Effrayée, Raphaëlle s'enfuit à travers champs. Néanmoins, elle a eu le réflexe de mémoriser le numéro de la plaque d'immatriculation. De retour chez elle, avec son père, elle porte plainte au commissariat. Le propriétaire de la camionnette, Michel Fourniret, est entendu. Mais comme il n'y a eu aucune violence, l'affaire reste sans suite. Furieux, le père de Raphaëlle se rend un soir au domicile de Fourniret et lui met son poing dans la figure.

Jeudi 26 juin 2003
          15h03 - Cirey (Belgique)

Après l'école, Louise Lemaire, treize ans, est enlevée par un homme d'environ soixante ans et jetée à l'arrière d'une camionnette blanche. L'homme démarre. Il est seul. Grâce à un courage extraordinaire, Louise parvient à s'échapper à un moment où le véhicule ralentit sa course.

Une femme, au volant de sa voiture, aperçoit l'adolescente en train de faire des grands signes sur la route nationale et s'arrête immédiatement près d'elle. Louise lui raconte ce qu'elle vient de vivre. Bouleversée, la conductrice la prend sous sa protection. Ensemble, elles repèrent la camionnette blanche, notent son numéro de plaque d'immatriculation et foncent au commissariat. Le propriétaire du véhicule est un Français, un certain Michel Fourniret, déjà connu des services de police.

          16h27 - Dinant (Belgique)

Mona Desmet, quatorze ans, est abordée par un homme, barbe et cheveux grisonnants, d'allure soignée. Il demande son chemin. Elle monte dans sa camionnette blanche pour mieux le guider. Elle lui montre le chemin, puis l'homme la ramène chez elle et repart. Mona ignore qu'elle vient de partager quelques longues minutes avec l'un des plus redoutables prédateurs sexuels. Par chance, pour une raison inexplicable, les griffes du monstre ne se sont pas refermées sur elle.

Le lendemain, Fourniret est écroué. L'affaire est confiée à Jacques Debiesme, commissaire de Dinant...

Mon avis :
Monique Fourniret, mésange ou ogresse ? C'est ce que cherche à comprendre Harold Cobert dans ce roman remarquable de justesse et de retenue. Sous la forme de monologues intérieurs, Monique Fourniret et Jacques Debiesme se répondent, confient leurs pensées intimes, dévoilent un pan de leur vie personnelle et familiale. Monique Fourniret, tantôt épouse abusée, tantôt épouse complice. Jacques Debiesme, commissaire à la tête d'une équipe épuisée par une enquête longue, compliquée, décourageante à de nombreux égards, face à un couple démoniaque, complexe, d'une froideur et d'une perversité insoutenables. Sans aucun voyeurisme, sans aucun détail sordide, sans aucune vulgarité, l'auteur n'oublie pas pour autant d'évoquer les jeunes filles, leur calvaire et la douleur des familles. Il nous rappelle que si l'oeuvre est purement fictive, elle s'inspire de victimes et de faits tristement réels.

"Sale temps pour le pays" de Michaël Mention (Payot & Rivages)

Michaël Mention est un écrivain français né en 1979 à Marseille. Enfant, il se passionne pour le dessin. Adolescent, il réalise plusieurs bandes dessinées. Etudiant, il intègre un atelier d'écriture et rédige de nombreuses chroniques satiriques, avant d'écrire son premier roman ("Le rhume du pingoin") qui paraît en 2008. Passionné de rock, de cinéma et d'histoire, sa trilogie policière consacrée à l'Angleterre ("Sale temps pour le pays", 2012 ; "Adieu demain", 2014 ; "...Et justice pour tous", 2015) a été récompensée par le Grand Prix du roman noir au festival international de Beaune en 2013 (pour "Sale temps pour le pays") et par le Prix Transfuge meilleur espoir polar en 2015 (pour "...Et justice pour tous"). Depuis, il varie les univers, de la fresque sportive au survival en passant par le polar historique. "Power", son dixième roman, publié en avril 2018, revient sur le Black Panther Party.

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Les faits :
"Sale temps pour le pays" est inspiré de l'un des pires criminels de l'histoire du Royaume-Uni, Peter William Sutcliffe, "l'éventreur du Yorkshire". Arrêté le 3 janvier 1981, il a été condamné la même année à vingt peines de prison à vie pour le meurtre de treize femmes, prostituées pour la plupart, et pour sept tentatives de meurtre, actes commis entre 1975 et 1980 dans le Yorkshire, région du nord de l'Angleterre. Il est détenu à l'hôpital psychiatrique de haute sécurité de Broadmoor (sud-est de l'Angleterre) où il a été transféré en 1984, souffrant de schizophrénie paranoïaque.

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L'histoire :

22 mars 1979
Dennis Vaughn, directeur du Daily Mirror de Manchester, et l'inspecteur George Knox, de la Police de Wakefield, reçoivent une lettre signée "Jack l'éventreur". Après une année de silence, il est de retour.

Tout commence le 21 janvier 1976 lorsque le corps d'une jeune femme de trente-deux ans, mariée, mère de trois enfants, prostituée occasionnelle, est retrouvé dans un terrain vague à Leeds. Emily Oldson est la première victime de celui que les journaux surnommeront "l'éventreur du Yorkshire"...

Mon avis :

Ce roman nous immerge dans la société britannique politique, sociale, économique, culturelle et artistique de la fin des années 1970.

Michaël Mention suit scrupuleusement la chronologie d'une enquête éprouvante, difficile, ralentie, malgré l'énorme implication des policiers, par de nombreux dysfonctionnements, et dans un pays en pleine crise : mouvements antiroyalistes, récession, grèves des ouvriers, manifestations de chômeurs, émeutes, montée du nationalisme, scandales de corruption et de racisme au sein de la police, puis la nomination de Margaret Thatcher à la tête d'un gouvernement conservateur et autoritaire.

L'auteur entrouvre également une fenêtre sur la vie privée des enquêteurs, montrant ainsi l'impact et les conséquences dévastatrices d'une telle affaire sur eux-mêmes, sur leur quotidien, sur leur famille.

Brillant !

"La Maladroite" d'Alexandre Seurat (Babel/Le Rouergue)

Alexandre Seurat est un écrivain français né en 1979. Il est professeur de lettres à Angers. "La Maladroite", publié en 2015, est son premier roman.

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Les faits :
La petite Marina Sabatier, huit ans, est décédée un soir d'août 2009, battue à mort par son père et sa mère, effroyable terme d'une vie de maltraitance subie par l'enfant. A l'issue d'un procès en juin 2012 à la cour d'assises de la Sarthe, les parents ont été condamnés à trente ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté de vingt ans pour actes de torture et de barbarie ayant entraînés la mort de leur fille. Au-delà de la responsabilité directe des deux parents, des interrogations ont également été soulevées sur les dysfonctionnements, les défaillances, voire les négligences des institutions qui, malgré de nombreux signaux d'alerte transmis par des personnes ayant côtoyé Marina, n'ont pas pu empêcher la mort de la fillette.

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L'histoire :
Une photographie sur un avis de recherche. Son visage s'affiche partout en France. Diana. Huit ans. Petite princesse au destin tragique. Ceux qui ont croisé son douloureux et macabre chemin témoignent...

Mon avis :
On passe de la colère à la sidération, de la culpabilité à une effroyable impuissance. Au centre de cette confusion de sentiments, il y a une enfant martyrisée, et sa mort, inéluctable. Un roman choral glaçant, nécessaire, bouleversant hommage à toutes les petites "Diana".

"Qui a tué mon père" d'Edouard Louis (Seuil)

Edouard Louis est un écrivain français né en 1992 à Amiens. En 2013, il dirige l'ouvrage collectif "Pierre Bourdieu. L'insoumission en héritage" aux Presses Universitaires de France. Puis il crée et dirige, en 2014, la collection "Des mots" aux PUF. La même année, il publie son premier roman, "En finir avec Eddy Bellegueule" (Seuil), en grande partie autobiographique, dans lequel il raconte sa famille et son milieu social d'origine. En 2016 paraît "Histoire de la violence" dans lequel il témoigne d'un viol dont il a été victime un soir de Noël. Son troisième roman, "Qui a tué mon père", sorti en mai 2018, revient sur sa relation avec son père.

L'histoire :

Scène de théâtre.

"Un père et un fils sont à quelques mètres l'un de l'autre dans un grand espace, vaste et vide."

Après plusieurs mois passés loin de lui, le narrateur rend visite à son père, quelque part dans le nord de la France, au bord de la mer. C'est pour lui un choc de découvrir un quinquagénaire qui n'est plus que l'ombre de lui-même, éreinté par la maladie. Grâce à quelques confidences de sa mère, le fils a appris récemment que son père, lorsqu'il était jeune, se parfumait et aimait danser. S'égrainent alors des souvenirs de son enfance, des souvenirs d'un père alcoolique, colérique, obsédé par tout ce qui définit la masculinité, et pourtant, en contradiction avec les règles qu'il imposait, pris en flagrant délit d'émotion à certaines occasions...

Mon avis :

Ce roman court, construit comme une pièce de théâtre en trois actes, semble être le troisième et le dernier volet d'une trilogie commencée par "En finir avec Eddy Bellegueule" et par "Histoire de la violence". Edouard Louis y apparaît plus apaisé, mais sa colère et son engagement sont toujours aussi profonds et sincères.

Les deux premières parties racontent sa réconciliation avec un père à présent en très mauvaise santé. Un père broyé par un accident du travail et une vie de pauvreté. Un père qui, au contact de son fils adulte, se découvre et libère progressivement ses émotions, si longtemps retenues car signes de faiblesse.

Le troisième chapitre est plus politique. Parenthèse à son histoire personnelle, Edouard Louis dénonce ceux qui, à ses yeux, sont les responsables de ces violences sociales, de cette inhumanité, de la souffrance de son père, c'est-à-dire les plus hautes autorités de l'Etat, de droite comme de gauche.

"Ce sont les enfants qui transforment leurs parents, et pas le contraire" cite-t-il un ami à la fin de son texte. C'est, en conclusion, l'espoir d'Edouard Louis pour son père et lui dans leur nouvelle relation.

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A découvrir :


"En finir avec Eddy Bellegueule" (Points/Seuil)

L'histoire :
Il n'y a pas de commencement. Tout semble avoir toujours été ainsi dans ce petit village d'à peine mille âmes, perdu au coeur de la campagne picarde. Là-bas, dans les familles d'ouvriers très pauvres, les hommes doivent être des durs, des mâles, savoir prendre des cuites, se battre, en finir vite avec l'école, aller à l'usine, et mettre une fille enceinte. Les femmes, pour la plupart, donnent naissance à leur premier enfant à dix-sept ans, sont coiffeuses, caissières, aides à domicile ou mères au foyer et, de génération en génération, subissent le machisme avec fatalité. Dans ce paysage où tout est tracé d'avance, la brutalité de la vie quotidienne est marquée par une violence presque naturelle, la misogynie, la haine de l'autre, le racisme, et l'homophobie. Le tout imbibé d'une grande quantité d'alcool. Alors, dans cet univers recroquevillé sur lui-même, lorsque Eddy, garçon d'à peine dix ans, montre quelques différences face à la virilité imposée, ce monde, qui d'ordinaire manque cruellement de vocabulaire, est intarissable pour désigner le monstre, l'anomalie, le danger : pédale, pédé, tantouse, enculé, tarlouze, pédale douce, baltringue, tapette, fiotte, tafiole, tanche, folasse, grosse tante, tata, ou l'homosexuel. Avant de comprendre de lui-même qui il est, Eddy va subir de toute part la honte, le dégoût, le mépris, les humiliations, les injures, les coups, la douleur...

Mon avis :
Magnifique, cru, brut, implacable !

"Histoire de la violence" (Points/Seuil) 

L'histoire :
Edouard, le narrateur, s'est laissé convaincre de venir "se reposer" quelques jours chez sa soeur Clara dans le nord de la France. Mais les paysages brumeux et tristes qu'il aperçoit du train lui renvoient en pleine figure des souvenirs d'enfance et d'adolescence qu'il s'efforce depuis tant d'années de chasser de sa mémoire. Une fois auprès de Clara et installé chez elle, il lui confie pour la première fois le viol et la tentative de meurtre dont il a été victime il y a un an, durant la nuit de Noël. Plus tard dans la soirée, Edouard surprend une conversation. Sa soeur raconte à son mari, à sa manière, avec ses mots, avec son interprétation des faits, son agression à lui. Soudain, la réalité n'est plus la même. Edouard se sent heurté, dépossédé de son histoire...

Mon avis :
Qui d'Edouard ou de Clara est le véritable narrateur de ce roman en partie autobiographique ? Les deux, bien sûr, car l'un est le miroir déformant de l'autre. Leur façon de raconter les mêmes faits s'opposent, se répondent, se complètent, pour finalement ne faire qu'une voix dans le récit d'un événement violent, dans le récit de toute une vie de violence. Un texte brut, écrit dans l'urgence de trouver des réponses. Un regard impitoyable et féroce tant sur la société contemporaine que sur l'auteur envers lui-même.

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dimanche 6 mai 2018

Mai 2018 - "Littérature et Animalité"



"Le paradis des animaux" de David James Poissant (Albin Michel/Livre de Poche)

David James Poissant est né à New York. Il est l'une des sensations de la scène littéraire américaine. Ses nouvelles, publiées dans les revues et magazines littéraires les plus prestigieux (The Atlantic, The Chicago Tribune et The New York Times), figurent également dans plusieurs anthologies et ont été distinguées par de nombreuses récompenses. Il vit aujourd'hui en Floride, où il enseigne la littérature.

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L'Homme-Lézard :
Pendant le sauvetage surréaliste d'un alligator, deux hommes sont amenés à réfléchir sur les difficiles relations père-fils...

Amputée :
A la recherche d'un chat égaré, un trentenaire à la dérive croise le chemin d'une adolescente handicapée, affranchie de tout interdit et un brin perchée...

100% coton :
En pleine nuit, dans une ruelle sombre d'Atlanta, un homme se fait braquer...

La fin d'Aaron :
Au milieu des abeilles, un jeune homme singulier attend la fin du monde...

Remboursement :
Une famille modeste vivant dans un quartier huppé est victime du mépris social...

Les derniers des grands mammifères terrestres :
Dans le champ, il y a les bisons, libres. Derrière le grillage, il y a une histoire d'amour, impossible...

Ce que veut le loup :
Une histoire de fantôme...

La géométrie du désespoir - I. Le diagramme de Venn :
Comment les animaux perçoivent-ils la mort ?

La géométrie du désespoir - II. Réveiller le bébé :
Lisa et Richard emmènent leur fils au parc, près du bassin des canards et des cygnes. Michael est né après la mort subite de leur premier enfant, June...

James Dean et moi :
Un homme, une femme, et au milieu, James Dean, le chien...

Les nudistes :
Un an après la mort accidentelle de sa femme, Mark part rejoindre son frère Joshua pour un séjour qui s'annonce ombrageux...

Le Garçon qui Disparaît :
Deux amis d'enfance, Vif-Argent et Le-Garçon-qui-Disparaît, partagent un douloureux secret...

Le paradis des animaux :
Dan Lawson, père violent et alcoolique, a failli tuer son fils en apprenant qu'il était gay. Dix ans plus tard, ce père va parcourir des milliers de kilomètres dans l'espoir de se réconcilier avec son fils, atteint du sida et mourant...

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Mon avis :
Des histoires familiales, amoureuses et amicales ordinairement compliquées, ordinairement universelles, drôles ou tragiques, violentes ou émouvantes, et admirablement contées.

"Dedans ce sont des loups" de Stéphane Jolibert (Le Masque/Livre de Poche)

Prix du Goéland Masqué 2017

Stéphane Jolibert a grandi au Sénégal et a étudié à l'Ecole des Beaux-Arts de Saint-Etienne avant de bourlinguer de longues années du côté du Pacifique Sud où il exerça le métier de directeur artistique. Il s'établit à Paris à la fin des années 2000. Il y enseigne la communication visuelle et la sémiologie de l'image. Il y rencontre celle qui deviendra sa femme, y rencontre également l'envie d'écrire. Il vit et travaille aujourd'hui près de la Belgique.

L'histoire :
Quelque part dans le Grand Nord, de l'autre côté de la frontière, il y a une bourgade, enneigée dix mois par an, Terminus la bien nommée. Une station-service, un supermarché, un hôtel, un bistrot, un bordel, quelques fermes, quelques chalets, quelques familles, une poignée de "filles" et beaucoup de bûcherons. Voilà ce à quoi ressemble Terminus. "Dedans ce sont des loups" dit-on d'elle. Des loups qui ont tous un lourd passé. Parmi eux, le vieux Tom, l'alambiqueur ; sa nièce, la belle et troublante Sarah ; Sean, le contremaître craint de tous ; Nats, le taiseux, livreur du tord-boyaux local ; Twigs la Levrette, le mécanicien ; McKilian, le barman irlandais ; Leïla, une jeune prostituée ; le grand patron, que personne n'a jamais vu, mais qui tient toutes les ficelles...

Mon avis :
Un univers clos, reculé, isolé de tout, obéissant à ses propres règles implacables et sans pitié. C'est glaçant, brutal, effrayant. On dévore !

"La Bête" de Catherine Hermary-Vieille (Albin Michel/Livre de Poche)

Catherine Hermary-Vieille, née en 1943 à Paris, alterne avec succès biographies et romans historiques. Elle a reçu de nombreuses récompenses littéraires, dont le Prix Femina pour "Le Grand Vizir de la nuit", le Prix des Maisons de la Presse pour "Un amour fou" et le Grand Prix RTL pour "L'Infidèle". Elle vit aujourd'hui en Virginie, aux Etats-Unis. Elle partage sa vie entre l'écriture, sa ferme et de nombreux voyages en France.

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Histoire de la Bête du Gévaudan :

La "Bête du Gévaudan" est un animal à l'origine d'une série d'attaques contre des humains survenues entre le 30 juin 1764 et le 19 juin 1767. Ces attaques, le plus souvent mortelles, entre 88 à 124 recensées selon les sources, eurent lieu principalement dans le nord de l'ancien pays du Gévaudan, région d'élevage. Quelques cas ont été signalés dans le sud de l'Auvergne, et dans le nord du Vivarais et du Rouergue.

La "Bête du Gévaudan" dépassa rapidement le stade du fait divers, au point de mobiliser de nombreuses troupes royales et de donner naissance à toutes sortes de rumeurs, tant sur la nature de cette "bête" - vue tour à tour comme un loup, un animal exotique et même un loup-garou, voire un tueur en série à une époque plus récente - que sur les raisons qui la poussaient à s'attaquer aux populations - du châtiment divin à la théorie de l'animal dressé pour tuer.


Alors qu'une centaine d'attaques équivalentes se sont produites au cours de l'histoire de France dont toutes les régions sont peuplées par environ 20 000 loups à cette époque, ce drame intervient opportunément pour la presse en mal de ventes après la guerre de Sept Ans (conflit européen qui opposa, de 1756 à 1763, l'Angleterre et la Prusse à la France, l'Autriche, la Russie, la Suède, l'Espagne et des princes allemands). Le Courrier d'Avignon local puis La Gazette de France nationale et les gazettes internationales voient l'occasion de s'emparer de cette affaire pour en faire un véritable feuilleton, publiant des centaines d'articles sur le sujet en quelques mois.

De 1764 à 1767, deux animaux (l'un identifié comme un gros loup, l'autre comme un canidé s'apparentant au loup) furent abattus. Le gros loup fut abattu par François Antoine, porte-arquebuse du roi de France, en septembre 1765, sur le domaine de l'abbaye royale des Chazes. A partir de cette date, les journaux et la cour se désintéressèrent du Gévaudan, bien que d'autres morts attribuées à la Bête aient été déplorées ultérieurement. Le second animal fut abattu par Jean Chastel, enfant du pays domicilié à La Besseyre-Saint-Mary, le 19 juin 1767. Selon la tradition, l'animal tué par Chastel était bien la Bête du Gévaudan car, passé cette date, plus aucune mort ne lui fut attribuée.

(cf : Musée Fantastique de la Bête du Gévaudan à Saugues, Haute-Loire)

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L'histoire :
En Gévaudan, on dépend des saisons et de la nature. A l'approche de l'automne, les villages se préparent aux futurs assauts de l'hiver. Réserves de nourriture, de bois de chauffe et de balles pour les fusils, tout est prévu pour cinq mois d'autarcie. En cette fin du XVIIIème siècle, à La Besseyre-Saint-Mary, quand la blancheur hivernale occupe les lieux, la plus grande peur des paysans, ce n'est pas le froid, ce ne sont pas les loups, mais c'est cette forêt qui les entoure, qui les retient prisonniers comme des rats, son silence de mort et le Diable qui s'y cache...

Mon avis :

Catherine Hermary-Vieille s'empare de la légende, s'éloigne à dessein des faits établis pour s'intéresser à ce fil ténu qui sépare l'Homme de l'Animal. Son héros, Antoine Chastel, est un être brisé par la mort de sa mère lorsqu'il était enfant. Il est devenu un jeune homme inquiétant, complexe, solitaire. Assoiffé de liberté, il ne semble ressentir de l'empathie qu'au coeur de la nature et auprès des animaux, sauvages de préférence. Submergé d'autant de colère que de désir, il flirte dangereusement avec la folie. Saisons après saisons, épreuves après épreuves, il dépasse la dualité entre humanité et animalité et atteint progressivement les rives de la bestialité. Un voyage sans retour possible.

Un roman qui touche sa cible en plein coeur et qui donne à réfléchir.

vendredi 6 avril 2018

Avril 2018 - "Les romans historiques"


"Pompéi" de Robert Harris (Plon/Pocket)

Robert Harris est né en 1957 à Nottingham, en Grande-Bretagne. Après des études à l'université de Cambridge, il entre en 1978 à la BBC comme reporter et réalisateur pour des émissions prestigieuses comme "Panorama". Il quitte la télévision en 1987 pour devenir éditorialiste politique à l'Observer, puis au Sunday Times. Il est élu "éditorialiste de l'année" en 2003. Il a publié trois essais, parmi lesquels "Selling Hitler" (1986), portant sur les "carnets intimes" de Hitler, ainsi que deux biographies de personnalités politiques britanniques. Il se tourne ensuite vers la fiction avec "Fatherland" (1992) et "Enigma" (1995), qui sont rapidement reconnus comme des modèles du thriller historique. Ils ont été traduits dans plus d'une trentaine de langues et se sont vendus à plusieurs millions d'exemplaires dans le monde. Il poursuit son oeuvre romanesque avec "Archange" (1999), "Pompéi" (2005), "L'homme de l'ombre" (2007, adapté au cinéma par Roman Polanski sous le titre "The Ghost Writer" en 2010), "L'indice de la peur " (2012), "D" (2014, qui revient sur l'affaire Dreyfus), et "Dictator" (2016), troisième volet de sa trilogie consacrée à Cicéron, après "Imperium" (2006) et "Conspirata" (2009). Tous ont paru chez Plon. Son nouveau roman, "Conclave", a été publié en 2017 chez le même éditeur.
Robert Harris vit actuellement dans le Berkshire, en Grande-Bretagne, avec son épouse et leurs quatre enfants.

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Quelques notes :

Pompéi est une ville du sud-ouest de l'Italie, en Campanie, province de Naples, au pied du Vésuve. En l'an 62 de notre ère, un tremblement de terre cause de gros dégâts et annonce la reprise de l'activité du Vésuve. Une violente éruption, du 24 au 28 août 79, ensevelit la ville sous une pluie de cendres et de lapilli, étouffant de très nombreux habitants. Pline l'Ancien, qui commande alors la flotte de Misène, accourt au secours et périt suffoqué, comme le raconte son neveu dans une lettre célèbre. Pompéi est anéantie en même temps qu'Herculanum, Stabies et Oplonties.

L'Aqua Augusta (ou Aqueduc d'Auguste) est un ancien aqueduc romain de la région de Naples. Construit entre 27 et 10 av. J.C. sur les ordres de l'empereur Auguste, il devait suppléer l'Aqueduc Marcia et l'Aqueduc Claudia. Il fournissait de l'eau à huit cités de la baie de Néapolis comme Pompéi, Stabies et Nola, et se terminait après 140 km dans la piscina mirabilis au port de Misène.

Un aquarius est un porteur d'eau ou un inspecteur des conduites d'eau.

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L'histoire :
Marcus Attilius Primus est un ingénieur, un aquarius, comme l'étaient son père et son grand-père avant lui. Ce matin du 22 août 79, avant le lever du jour, il emmène avec lui cinq hommes de son équipe sur les hauteurs de Misène. A vingt-six ans, il vient de prendre la direction de l'Aqua Augusta, l'aqueduc le plus long du monde qui alimente neuf villes mais dont l'ingénieur présent les limites. La région est en pleine sécheresse depuis trois mois, les cours d'eau et les puits sont asséchés. Attilius espère trouver une nouvelle source. En vain. Après plus de dix heures de travail, il doit renoncer. Cependant, certains signes le préoccupent. Il est jeune, il n'est pas respecté, et personne ne veut entendre ses inquiétudes. Attilius a très bien compris qu'un mystère entoure la disparition il y a deux semaines de son prédécesseur et il ne veut pas être le prochain à être écarté de cette mission avant son terme...

Mon avis :
Aux côtés d'Attilius, ingénieur consciencieux et passionné, nous vivons intensément les prémices d'une catastrophe naturelle et d'une tragédie dont on se souviendra encore deux mille ans plus tard. L'éruption du Vésuve, les phénomènes qui l'accompagnent, les dégâts et les drames qu'ils provoquent sont décrits avec un réalisme saisissant. Robert Harris nous offre une reconstitution historique romaine poignante, très documentée sur l'époque, la géographie des lieux, l'architecture de la cité, les modes de vie, la culture, la politique, l'art... Amours, haines, intrigues se mêlent aux épreuves. Un roman haletant !