Walter Tevis est né en Californie en 1928. Diplômé de l'Université du Kentucky, il écrit d'abord des nouvelles puis un premier roman, "L'Arnaqueur" (1959), qui se déroule dans l'univers du billard et que Robert Rossen porte à l'écran avec Paul Newman. "L'Homme tombé du ciel", roman de science-fiction, est ensuite adapté au cinéma à son tour ("L'Homme qui venait d'ailleurs", film britannique de Nicolas Roeg avec David Bowie). Devenu professeur, il sombre dans l'alcool avant de se reprendre et de déménager à New York, où il écrit d'autres nouvelles et quatre romans, dont "La couleur de l'argent" (1984), suite de "L'Arnaqueur" et adapté en 1986 par Martin Scorsese avec Paul Newman et Tom Cruise. Walter Tevis meurt d'un cancer du poumon en 1984. Il est enterré à Richmond, dans le Kentucky.
"Le Jeu de la Dame" (1983) a été adapté en 2020 par Netflix en mini-série de six épisodes, réalisée par Scott Frank et Allan Scott, avec Anya Taylor-Joy. Le succès de la série est planétaire. Si son héroïne, Beth Harmon, n'a jamais existé, Walter Tevis était un passionné d'échecs, il se serait inspiré du champion américain Bobby Fischer. Tevis aussi était rongé par une dépendance aux médicaments.
L'histoire :
Orpheline à huit ans, Elizabeth Harmon est placée au foyer Methuen de Mount Sterling, dans le Kentucky. Elle y fait la connaissance de Jolene, une grande fille de douze ans qui, comme elle, n'est pas au premier rang pour l'adoption : Beth n'est pas belle et Jolene est Noire. Nous sommes aux Etats-Unis, en 1957.
A Methuen, Beth et Jolene deviennent inséparables. Beth découvre rapidement le puissant pouvoir des mystérieux cachets verts, des tranquillisants, distribués quotidiennement à tous les enfants. Et puis un jour, elle croise le chemin de M. Shaibel, l'homme à tout faire de l'orphelinat, un vieil homme solitaire, d'une grande gentillesse, qui va lui transmettre sa passion pour les échecs et lui enseigner, en secret, tout ce qu'il sait sur ce jeu le plus populaire au monde, mais aussi l'un des plus élitistes.
Quatre années se sont écoulées depuis son arrivée à Methuen lorsque Beth est adoptée. Les Wheatley appartiennent à la classe moyenne de Lexington (Kentucky). Ils possèdent une maison petite mais jolie et confortable. Beth a dorénavant une chambre pour elle toute seule, avec un grand lit, un bureau et une bibliothèque.
M. Wheatley brille par son absence, régulièrement retenu par son travail à Denver. Mme Wheatley est une femme au foyer et dépend financièrement de son mari. Ce qui revient à dire que Beth et elle ne vivent pas dans le luxe. Dépressive, Alma Wheatley noie son ennui dans l'alcool et la consommation excessive de Librium, ces mêmes comprimés verts que Beth connaît bien.
Beth est une brillante élève et n'a rien perdu de sa passion pour les échecs. Mais ce jeu est réservé aux hommes, même au niveau des petits tournois locaux. Qu'à cela ne tienne ! Elle s'en est fait la promesse : un jour elle sera la meilleure. Fine tacticienne, elle est en train de placer patiemment les pièces sur l'échiquier de son destin et étudie toutes les stratégies. La partie ne fait que commencer...
Mon avis :
Vous ne jouez pas aux échecs ? Ne craignez rien ! Je vais vous expliquer...
- Il y la Dame, Beth, jeune fille cérébrale, passionnée et volontaire. Autour d'elle gravitent les pièces maîtresses de son jeu.
- Il y a ses deux Tours, Jolene et Alma Wheatley, ses deux piliers, ses deux modèles, deux âmes blessées par la vie et qui, par leur force et leur générosité, vont contribuer à ce que la chrysalide Beth devienne ce papillon génial admiré de tous.
- Il y a ses deux Cavaliers, Harry Beltik et Benny Watts. Ils vont la bousculer, l'éreinter, la pousser au-delà de ses limites, beaucoup l'aimer aussi. Ils ne ménageront aucun effort. La victoire de leur Dame n'est pas négociable et leur fidélité sera inestimable.
- Il y a ses deux Fous, l'alcool et les tranquillisants, la lame à double tranchant, faux alliés et pires ennemis.
- Il y a les pions, tous les personnages secondaires qui vont traverser l'échiquier et participer d'une manière ou d'une autre au résultat de la partie, comme M. Shaibel.
- Et enfin, il y a le Roi à mettre en échec, le champion russe Vasily Borgov.
Ce très beau roman, sensible et émouvant lorsqu'il aborde les dépendances (alcool, médicaments, jeux d'argent), éclaire sur le monde des échecs, sur sa misogynie, et sur l'état d'esprit des joueurs, tous plus ou moins fragilisés ou éprouvés psychologiquement par leur solitude et par la férocité des compétitions et de leurs enjeux. Walter Tevis mène jusqu'à la dernière page suspense et intensité, et c'est avec grand regret que l'on quitte son inspirante héroïne, Beth Harmon.
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