"Francophonie à travers le monde"
Café Gourmand composé d'un assortiment de toutes les littératures, généreusement saupoudré de coups de coeur et pimenté d'un grain de folie...
jeudi 31 mars 2016
"Ascenseur pour l'échafaud" de Noël Calef (Livre de Poche) (1956)

Le livre :
Ce samedi après-midi, Julien Courtois, directeur d'une société d'import-export parisienne, annonce un peu tardivement à sa secrétaire, Denise, qu'il a un rendez-vous important à 18h30 et lui demande de rester jusque 18h20 car il aura certainement des dossiers à lui remettre pour lundi matin. A 17h40, Courtois met son plan diabolique à exécution. En premier lieu, il s'assure que, comme il le prévoyait, Denise est en grande conversation téléphonique avec une amie. Puis il referme la porte de son bureau, ouvre la fenêtre, enjambe le rebord, parcourt les quelques mètres de corniche qui le séparent d'une autre fenêtre, pénètre dans une pièce en travaux de rénovation, franchit un couloir après avoir vérifié que personne ne le surprendrait, et entre sans frapper dans le cabinet de Bordgris, prêteur sur gages à qui Courtois doit beaucoup d'argent. Courtois occupe le temps, baratine sur un hypothétique projet, jusqu'à la débauche de 18h. Quand les bureaux du building se vident bruyamment, Courtois profite du brouhaha pour abattre Bordgris d'une balle dans la tête. Il ne lui reste plus qu'à maquiller son homicide en suicide, effacer ses empreintes et rejoindre tout aussi discrètement son bureau avant 18h20. Hélas, il n'avait pas prévu l'horreur d'une blessure par arme à feu ni son évanouissement à la vue du sang. Revenu à lui juste à temps, il s'arrange pour être vu par le gardien et quitte l'immeuble pour rejoindre sa femme à qui il vient de promettre un nouveau bonheur. Il démarre sa voiture, il est prêt à partir quand il s'aperçoit que, dans la précipitation, il a oublié de prendre avec lui des documents compromettants. Laissant là sa Fregate, dont le moteur tourne encore, et dedans son imperméable et son portefeuille, il se rue dans l'ascenseur. Il n'en a que pour quelques minutes. Malheureusement, Albert, le gardien, persuadé qu'il n'y a plus personne dans les locaux, coupe l'électricité et part en week-end. L'ascenseur s'arrête brutalement. Julien Courtois se retrouve piégé...
Mon avis :
Un homme, acculé à ses mensonges et à ses malversations, va commettre un crime parfait. Mais à la vue du sang, il s'évanouit. Et soudain, le scénario impeccablement élaboré s'effondre. Evénements, coups de théâtre et tragédies se succèdent jusqu'à la scène finale, saisissante, qui tombe comme un couperet. De nombreux personnages se relaient dans ce drame inéluctable. Témoins d'une époque phallocrate et misogyne - les années 1950 - , à leurs conflits personnels et à leurs émotions se greffent des conflits générationnels, sociaux, économiques, culturels, les femmes qui ont encore tout à conquérir. Courtois est dominé par sa peur de tout perdre : l'argent, sa position sociale, sa femme. Denise, la secrétaire, est éprise de liberté. Geneviève, l'épouse, souffre de sa jalousie. La colère et la haine étouffent Georges, le beau-frère. Le jeune Fred cache la douleur de ses relations difficiles avec son père derrière une attitude désabusée et un machisme insupportable. La jolie Thérèse, sans travail, sans argent, n'est qu'amour et admiration pour son Fred, accepte toutes les humiliations, mais c'est à elle seule que reviendra la responsabilité de l'enfant qu'elle porte si Fred l'abandonne. Le policier, l'inspecteur Givral, aux allures d'un lieutenant Colombo à la française, s'avère beaucoup plus perspicace qu'il n'y paraît... Julien Courtois a commencé la partie, mais très vite il n'est plus qu'un pion sur l'échiquier. Chaque épisode de l'histoire amène implacablement à lui. Il est en prison dès les premiers instants.
Un texte court, net, efficace. Une intrigue remarquable.
Un roman étonnant, totalement captivant !!!
Un roman étonnant, totalement captivant !!!
Le film :
"Ascenseur pour l'échafaud" (1957), film français de Louis Malle avec Jeanne Moreau, Maurice Ronet et Lino Ventura. Musique de Miles Davis. Prix Louis-Delluc en 1957 et Grand Prix du disque de l'Académie Charles-Cros décerné au disque de la bande originale.
Quelques notes de musique :
https://www.youtube.com/watch?v=7Op1WDZk850
"Ascenseur pour l'échafaud" (1957), film français de Louis Malle avec Jeanne Moreau, Maurice Ronet et Lino Ventura. Musique de Miles Davis. Prix Louis-Delluc en 1957 et Grand Prix du disque de l'Académie Charles-Cros décerné au disque de la bande originale.
Quelques notes de musique :
https://www.youtube.com/watch?v=7Op1WDZk850

"Les Amants", "Zazie dans le métro", "Vie privée", "Le feu follet", "La petite", "Calcutta", "Alamo Bay", "Au revoir, les enfants", "Milou en mai", "Fatale", "Vanya 42e Rue".
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Jeanne Moreau et Miles Davis |
"Walkin'" (1954), "Bye Bye Blackbird" (1956)
Mon avis :
Un scénario librement inspiré du roman et un propos différent. Là où le livre est une photographie du paysage social et culturel de la France des années 1950, le film, lui, est un hymne à Paris très esthétique, la nuit, en noir et blanc, porté par la musique envoûtante de Miles Davis, et dans lequel Jeanne Moreau, sublime, crève l'écran.
"Dans la brume électrique avec les morts confédérés" de James Lee Burke (Rivages/Noir) (1995)
James Lee Burke est un écrivain américain, auteur de romans policiers, particulièrement connu pour sa série mettant en scène Dave Robicheaux. Il naît en 1936 à Houston, au Texas, et passe son enfance sur la côte entre le Texas et la Louisiane. Il suit ses études à la Southwestern Louisiana Institute ainsi qu'à l'Université du Missouri d'où il sort diplômé en arts. Quittant l'université, Burke a d'abord pratiqué plusieurs métiers : ouvrier du pétrole, routier, journaliste, assistant social, garde-forestier, topographe, professeur d'anglais. Dans les années 1980, il enseigne l'écriture créative à l'Université d'Etat de Wichita (Kansas).
En 1960, il épouse Pearl, une étudiante chinoise qui a fui le communisme. Actuellement Burke et sa femme partagent leur temps entre l'Etat du Montana et la Louisiane. Leur fille, Alafair Burke, est également auteur de romans policiers.
Quelques mots sur Dave Robicheaux :
Ancien inspecteur de la police criminelle de la Nouvelle-Orléans. Shérif-adjoint à New-Iberia en Louisiane. Ancien alcoolique (traumatismes de la guerre du Viêt Nam). Son père a été ouvrier dans une raffinerie de pétrole (comme le père de J. L. Burke). Sa première femme, Anna Ballard, a été assassinée. Il a épousé en secondes noces Bootsie, son amour de jeunesse, veuve d'un mafieux. Il a adopté une orpheline salvadorienne, Alafair (le prénom de la fille de J. L. Burke).

Les Etats confédérés se créèrent en réaction politique à une volonté de réforme de l'esclavage par le gouvernement fédéral. Abraham Lincoln a été élu président des Etats-Unis d'Amérique en 1860 sur la base d'un programme opposé à l'extension de l'esclavage.
L'Armée des Etats confédérés est formée en février 1861 afin de défendre les Etats confédérés d'Amérique lorsque les sept premiers Etats du Sud font sécession des Etats-Unis. Les sept Etats sont la Caroline du Sud, le Mississippi, la Floride, l'Alabama, la Géorgie, la Louisiane, le Texas. Suivront la Virginie, l'Arkansas, le Tennessee et la Caroline du Nord. Cette armée disparaît après sa défaite lors de la guerre de Sécession.
Le livre :
La ville de New-Iberia, de l'Etat de Louisiane, chef-lieu de la paroisse de l'Ibérie, est le théâtre d'événements successifs dont certains sont dramatiques, et leur simultanéité étonne l'adjoint Dave Robicheaux. Le plus terrible est cette jeune fille retrouvée au fond d'un bois, assassinée et mutilée. Mais il y a aussi ce film sur la guerre de Sécession en cours de tournage et dont le producteur n'est autre que Julie Balboni, ancien camarade d'école de Robicheaux, mafieux soi-disant retiré des affaires. Et puis aussi l''acteur principal du film, le très populaire Elrod Sykes, qui, à la suite de son arrestation pour conduite en état d'ivresse, affirme avoir découvert par hasard, dans le marais, un squelette enroulé d'une grosse chaîne rouillée. Conduit sur les lieux, le shérif-adjoint ne peut que constater la véracité des déclarations de la star. Ces ossements le replongent dans le passé. Pendant l'été 1957, à la fin de sa première année d'université, après l'ouragan Audrey, Robicheaux travaillait au large du marais, sur une plateforme sismographique, lorsqu'il fut témoin d'un meurtre : un Noir, les bras et le torse entravés par une lourde chaîne, abattu par deux Blancs et abandonné sur les lieux. Bien entendu, l'étudiant prévint le shérif de l'époque mais les recherches restèrent vaines. Jusqu'à aujourd'hui. Robicheaux compte mener l'enquête lui-même. Croisera-t-il, lui aussi, comme Sykes, le chemin des fantômes de soldats confédérés disparus dans le bayou il y a plus d'un siècle ?
Mon avis :
Un énorme coup de coeur pour ce roman policier de facture classique (victime, meurtrier, enquêteur) mais dont la singularité tient à la richesse de ses personnages et à la beauté exotique et troublante de la Louisiane. Chaque personnage porte en lui sa part d'obscurité et sa part d'humanité. Parmi eux, il y a Robicheaux, "grand mec" ingérable, imprévisible, à l'âme chevaleresque ; Rosie, jeune agent du FBI, qui ne s'en laisse pas compter ; une longue liste de suspects qui portent tous sur leurs épaules des relents d'Histoire d'esclavage et de racisme de cette partie des Etats-Unis. Il y a la petite Alifair, l'innocence et la spontanéité perdues des adultes qui l'entourent. Et puis il y a la Louisiane, entre les temps sombres d'hier et ceux d'aujourd'hui guère plus lumineux. La Louisiane, le bayou, les nuées de moustiques, sa chaleur écrasante, son humidité étouffante, ses violents orages et ses ouragans, mais aussi la douceur des soirées, sur un air zydeco, à boire des Dr Pepper glacés et à déguster des écrevisses grillées sauce cajun et du poulet frit. L'humeur des habitants bat au rythme de l'état du ciel. La vie se confond étrangement au décor. Les dialogues sont truculents, surtout quand s'invitent aux intrigues des soldats tout droit sortis d'épisodes datant de la guerre de Sécession. Rêves ? Hallucinations ? Subconscient ? Magie ? A vous de le découvrir !
Le film :
"Dans la brume électrique" (2009), film franco-américain de Bertrand Tavernier avec Tommy Lee Jones, John Goodman et Peter Sarsgaard. Musique de Marco Beltrami. Grand Prix du Festival international du film policier de Beaune en 2009.
Quelques notes de musique...
Quelques notes de musique...
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Tavernier (centre) et T.L. Jones (droite) sur le tournage de "Dans la brume électrique" |
Bertrand Tavernier (Lyon, 1941), cinéaste français. Alternant sujets contemporains et historiques, cet ancien critique met sa connaissance du cinéma américain au service de l'éclairage intime sur les Français.
"L'horloger de Saint-Paul" (1974), "Le juge et l'assassin" (1976), "Coup de torchon" (1981), "Un dimanche à la campagne" (1984), "La Vie et rien d'autre" (1989), "L. 627" (1992), "L'Appât" (1995), "Capitaine Conan" (1996), "Holy Lola" (2004), "La Princesse de Montpensier" (2011), "Quai d'Orsay" (2013)

Mon avis :
Une adaptation rigoureusement fidèle au roman dans les faits et dans les dialogues repris quasiment mot pour mot. Malheureusement, le film est très décevant. Les personnages sont lisses, les acteurs peu convaincants. Tommy Lee Jones ne dégage pas la force ni la hargne que l'on attend de ce flic en colère. Le rythme est lent et l'épilogue un peu bâclé. L'âme du texte, la Louisiane, ne se retrouve pas dans le film bien qu'elle en soit le décor. En conclusion, on est très loin des frissons que nous offre le livre...
"L'homme de l'ombre" de Robert Harris (Pocket) (2007)
Robert Dennis Harris est né en 1957 à Nottingham, en Grande-Bretagne. Après des études à l'université de Cambridge, il entre en 1978 à la BBC comme reporter et réalisateur pour des émissions prestigieuses comme "Panorama". Il quitte la télévision en 1987 pour devenir éditorialiste politique à "The Observer", puis au "Sunday Times" ; il est élu "éditorialiste de l'année" en 1992.
Depuis 1984, il a publié trois essais, parmi lesquels "Selling Hitler" (1986), portant sur les carnets intimes de Hitler, ainsi que deux biographies de personnalités politiques britanniques. Il se tourne ensuite vers la fiction avec "Fatherland" (1992) et "Enigma" (1995), qui sont rapidement reconnus comme des modèles du thriller historique. Ils ont été traduits dans une trentaine de langues et se sont vendus à plus de dix millions d'exemplaires dans le mode.
Il poursuit son oeuvre romanesque avec "Archange" (1999), "Pompéi" (2005), "Imperium" (2006). "L'homme de l'ombre" (2007), adapté au cinéma par Roman Polanski sous le titre de "The Ghost Writer", "Conspira" (2009), "L'indice de la peur" (2012) et "D." (2014), qui revient sur l'affaire Dreyfus. Tous ont paru chez Plon.
"Ghost" signifie en anglais "fantôme" mais ce mot désigne également un "écrivain professionnel", c'est-à-dire un nègre littéraire.
Le livre :
Michael McAra tombe d'un ferry faisant la liaison entre l'île de Martha's Vineyard et Cape Cod, dans le Massachusetts, aux Etats-Unis. Son corps est découvert le lendemain sur une plage. La thèse de l'accident est privilégiée. Installé à Martha's Vineyard, face à l'océan, dans une magnifique maison prêtée par un riche industriel, Mc Ara rédigeait les mémoires d'Adam Lang, ancien Premier Ministre britannique très controversé. Suite à ce décès, un écrivain professionnel londonien, recruté pour terminer le projet, arrive, sous une pluie hivernale, sur la petite île pour rencontrer Adam Lang. Il est accueilli par sa très belle assistante, Amelia Bly, et par Ruth, sa déconcertante épouse. Dès ses premiers instants sur les lieux, le nouveau nègre littéraire s'interroge sur les véritables raisons de sa présence...
Mon avis :
Un thriller sous haute tension sur fond de scandale politique et humanitaire international. Le décor, aussi magnifique qu'angoissant, une île, au milieu de l'océan, inhabitée en période hivernale, tient un rôle fondamental dans notre peur croissante. L'ambiance, proche d'un huis clos, est exquisement sinistre. On se laisse totalement prendre au jeu... Soudain, au dernier quart du roman, tout s'effondre. L'auteur nous livre d'un bloc, en une dizaine de pages, des informations capitales par le biais de documents que le héros trouve tout bêtement... sur internet ! La recette est un peu lourde à digérer. La captivation et l'excitation retombent comme des soufflés. Toutefois, malgré la déception, on rattrape le fil de l'histoire, celle qui à présent nous importe le plus : connaître la vérité sur le destin tragique de Michael McAra. La fin se lit sans déplaisir. A souligner également l'esquisse très intéressante du métier d'écrivain professionnel, de nègre littéraire, dont la complexité autant que l'abnégation de la personne qui exerce cette activité sont très bien rendues.
Le film :
"The Ghost Writer" (2010), film français, britannique et allemand de Roman Polanski avec Ewan McGregor, Pierce Brosnan et Kim Cattrall. Musique d'Alexandre Desplat.
De très nombreuses récompenses, dont :
- Festival de Berlin 2010 : Ours d'argent du meilleur réalisateur
- Prix du cinéma européen 2010 : Film de l'année + Réalisateur de l'année + Acteur de l'année (pour Ewan McGregor) + Scénariste de l'année (pour Robert Harris) + Compositeur de l'année (pour Alexandre Desplat) + Décorateur de l'année
- Césars 2011 : Meilleur réalisateur + Meilleure adaptation + Meilleur montage + Meilleure musique
Quelques notes de musique...
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Polanski (en vert) sur le tournage de "The Ghost Writer" |
Roman Polanski est né à Paris en 1933. Cinéaste polonais naturalisé français, il développe un univers à la fois ironique et inquiétant : "Répulsion" (1965), "Le bal des vampires" (1967), "Rosemary's Baby" (1968), "Chinatown" (1974), "Tess" (1979), "La Jeune Fille et la mort" (1995). En 2002, il réalise "Le Pianiste", adapté du livre-témoignage de Wladyslaw Szpilman sur le ghetto de Varsovie, qui lui vaut la Palme d'Or à Cannes. Trois ans plus tard, il réalise "Oliver Twist", adaptation du classique de Charles Dickens. Après une longue parenthèse, Polanski revient en 2010 avec "The Ghost Writer", emmené par Ewan McGregor et Pierce Brosnan. Suivra "Carnage", adaptation de la pièce de Yasmina Reza "Le Dieu du carnage" avec Kate Winslet, Jodie Foster, Christoph Waltz et John C. Reilly. Puis il réécrit le manuscrit de David Ives, "La Vénus à la fourrure", en langage cinématographique, film porté en 2013 par sa femme Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric.

Alexandre Desplat est un compositeur français de musiques de films, né en 1961 à Paris. Il reçoit de très nombreuses récompenses, dont l'Oscar de la Meilleure musique de film en 2015 pour "The Grand Budapest Hotel" de Wes Anderson.
"De battre mon coeur s'est arrêté", "The Queen", "Twilight", "Hary Potter", "Le Discours d'un roi", "Imitation Game", "Argo", "Philomena", "Monuments Men", "Les Suffragettes", "The Danish Girl"...
Mon avis :
Un film brillant et oppressant qui a su donner à la nébuleuse histoire, à la fois criminelle et politique, toute l'intensité qui manquait par endroit dans le roman. Acteurs excellents, décors, images, adaptation, réalisation, musique... tout est parfait !
"Le Parrain" de Mario Puzo (Robert Laffont) (1968)

L'histoire :
Etats-Unis, 1945.
New York. La fille d'Amerigo Bonasera, entrepreneur de pompes funèbres, a été rouée de coups. Ses deux agresseurs n'écopent que d'une peine de prison avec sursis et ressortent libres du procès alors que la jeune femme est toujours hospitalisée et restera défigurée. Fou de colère, le père décide d'en parler à Don Corleone.
Los Angeles. Il y a quelques années, Johnny Fontane était le plus grand chanteur de charme des Etats-Unis d'Amérique. Divorcé de sa première femme, il a abandonné ses deux filles, et s'étonne aujourd'hui qu'elles refusent de le voir. Il a épousé une très belle star d'Hollywood réputée pour son infidélité. Violent avec elle, Johnny n'est pas un modèle du genre non plus. L'alcool, le jeu, les femmes. De plus, il a perdu sa voix. Ses disques ne se vendent plus. Son contrat n'a pas été renouvelé. Et le rôle dont il rêvait pour un prochain film lui a été refusé. Désespéré, il prend le premier avion pour New York. Seul son parrain, Vito Corleone, peut le sauver.
New York. Enzo, jeune mitron, demande à son patron, le boulanger Nazorine, la main de sa fille Catherine. Le boulanger ne s'y oppose pas mais Enzo est un prisonnier de guerre italien à demi-libéré sur parole pour participer à l'effort économique aux Etats-Unis et risque à tout moment d'être renvoyé en Sicile. A moins de devenir citoyen américain. Une seule personne peut l'aider : Don Corleone.
Tout ce petit monde et plusieurs centaines d'autres invités se retrouvent au mariage de Constanzia Corleone, fille de Don Vito Corleone. C'est l'occasion pour chacun d'offrir un cadeau de choix, de présenter ses hommages au père de la mariée et de solliciter la bienveillance du Parrain sur des requêtes personnelles. Don Corleone, force tranquille, écoute avec patience, accorde aux uns et aux autres attention, aide ou protection. Sa puissance est grande, personne ne l'ignore, et il est autant respecté que craint. Mais le Parrain est de la vieille école. Officiellement importateur d'huile d'olive et entrepreneur en bâtiment, ses affaires annexes concernent les maisons de jeux et les syndicats. Vito Corleone n'a jamais aimé le commerce des femmes et se refuse à participer au marché de la drogue. C'est là, peut-être, une erreur fatale dans ce milieu où les rivalités sont grandes, où le but est de s'enrichir toujours plus, où la jeune génération s'impatiente de prendre les rênes, où tout le monde n'a pas le même sens de l'honneur que le Don...
Mon avis :
Un ouvrage fascinant sur l'histoire d'une famille aux pleins pouvoirs et qui donne à découvrir tous les rouages d'une entreprise mafieuse prospère et impitoyable. De son enfance au fin fond de la campagne sicilienne à sa jeunesse à New York, comment Vito Corleone a-t-il construit, avec une poignée de petits voyous, un empire considérable, tout-puissant, redouté, mais aussi très convoité, et comment en est-il devenu son chef charismatique. Les ramifications de cette organisation se retrouvent dans toutes les strates de la société, grangrènent, corrompent, menacent... Un roman féroce et passionnant devenu culte. On comprend pourquoi ! Et on dévore avidement !
Le film :
"Le Parrain" (1972), film américain de Francis Ford Coppola avec Marlon Brando, Al Pacino, James Caan, Robert Duvall, Diane Keaton. Musique de Nino Rota (avec la participation de l'auteur-compositeur Carmine Coppola, le père du réalisateur).
De très nombreuses récompenses, dont :
- Oscars 1973 : Meilleur film + Meilleur acteur (pour Marlon Brando qui le refuse pour protester contre l'image négative des Indiens d'Amérique dans l'industrie cinématographique et à la télévision, et envoie à sa place une jeune indienne chargée de lire un discours pour les droits de son peuple) + Meilleur scénario adapté (pour Mario Puzo et Francis Ford Coppola)
- Golden Globe Award 1973 : Meilleur film dramatique + Meilleur réalisateur + Meilleur acteur (Marlon Brando) + Meilleur scénario
- Grammy Award 1973 : Meilleure bande originale pour un film (pour Nino Rota)
Quelques notes de musique...
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Marlon Brando (gauche), James Caan (1er plan centre),Coppola (droite) sur le tournage du "Parrain" |
Francis Ford Coppola est né à Détroit en 1939. Ses oeuvres spectaculaires, ses recherches techniques ont fait de lui l'incarnation de la nouvelle génération hollywoodienne des années 1970. "Le Parrain" (1972), "Apocalypse Now" (1979), "Rusty James" (1983), "Cotton Club" (1984), "Jardins de pierre" (1987), "Tucker" (1988), "Dracula" (1992), "L'idéaliste" (1997). Depuis, il se consacre à la production, entre autres, de "Sleepy Hollow, la légende du cavalier sans tête" de Tim Burton, du film "Dr Kinsey" de Bill Condon, ainsi que les films de sa fille Sofia Coppola : "The Virgin Suicides", "Lost in translation" et "Marie-Antoinette".

Giovanni "Nino" Rota (Milan, 1911 - Rome, 1979). Compositeur et chef d'orchestre italien, il est particulièrement réputé pour ses compositions pour le cinéma (musique originale pour environ 170 films), notamment pour les films de Fellini. Il est le lauréat, en 1973, d'un Golden Globe et d'un Grammy Award pour "Le Parrain", puis en 1974 d'un Oscar de la Meilleure musique de film pour "Le Parrain II". Il est également le compositeur de quatre symphonies, onze opéras, neuf concertos, ainsi que d'une musique de chambre abondante.
"Barrage contre le Pacifique", "La Dolce Vita", Plein soleil", "Rocco et ses frères", "Les séquestrés d'Altona", "Le Guépard", "Mort sur le Nil"...
Mon avis :
Bien entendu, il est impossible de retrouver tous les éléments qui font la richesse du roman de près de neuf cents pages. Néanmoins, le scénario est fidèle et remarquable. Quel film ! Marlon Brando est extraordinaire ! Il est Don Corleone. C'est un bonheur également de revoir toute cette brochette de brillants acteurs, jeunes à l'époque, devenus incontournables aujourd'hui, Al Pacino en tête.
jeudi 4 février 2016
"Yeruldelgger" de Ian Manook (Le Livre de Poche) - Premier roman et Prix Audiolib 2015
Prix SNCF du polar 2014
Prix des lecteurs Quais du Polar/20 minutes 2014
Prix des lecteurs Notre Temps 2014
Prix des lecteurs du polar historique de Montmorillon 2014
Prix littéraire de l'Archipel Saint-Pierre et Miquelon
Récit de l'Ailleurs 2014
Récit de l'Ailleurs 2014
Grand prix des lectrices Elle policier 2014
Premier prix Polar Fnac Connection Lyon du roman policier 2014
Prix des lecteurs Gouttes de Sang d'Encre 2014
Ian Manook (de son vrai nom Patrick Manoukian, frère aîné d'André Manoukian), né à Meudon en 1949, est un journaliste, éditeur et écrivain français. Grand voyageur, dès l'âge de dix-huit ans, Patrick Manoukian parcourt les Etats-Unis et le Canada pendant deux ans, sur 40 000 km en auto-stop. Il fait des études de droit et de sciences politiques à la Sorbonne, puis de journalisme à l'Institut français de presse.
Il repart ensuite en voyage en Islande, au Belize et au Brésil. De retour en France, il collabore en tant que journaliste à des rubriques touristiques dans différents journaux. En 1987, il crée deux sociétés : Manook, une agence d'édition spécialisée dans la communication autour du voyage, et les Editions de Tournon, une maison d'édition pour la jeunesse.
Edité à soixante-cinq ans, Ian Manook n'en a pas moins écrit une vingtaine d'histoires tout au long de sa vie familiale et professionnelle riche de réussites et de voyages. C'est suite à un défit que lui a lancé la plus jeune de ses filles, Zoé, qu'il termine enfin "Yeruldelgger", ce polar mongol, qui récolte près de quinze prix. Le voilà soudain catalogué "ethno-polar", "écrivain voyageur", auteur de "polars nomades"... En un mot: romancier.

La Mongolie, région de l'Asie centrale, est un vaste pays au climat aride, avec des étés chauds et des hivers très rigoureux, correspondant au désert de Gobi et sa bordure montagneuse (Grand Khingan, AltaÏ, Tian Shan). Une partie forme l'Etat indépendant de Mongolie tandis que l'autre constitue la région autonome chinoise de Mongolie.
La Mongolie-Extérieure est un Etat d'Asie centrale entre la Russie et la Chine. Sa capitale est Oulan-Bator. La langue est le mongol et la monnaie, le tugrik. L'élevage demeure la ressource essentielle, mais le pays possède d'importantes réserves minérales et énergétiques (cuivre, charbon, uranium). En 1911, à l'instauration de la république en Chine, tandis que les Mongols du Nord (Mongolie-Extérieure) imposent leur autonomie, ceux du Sud restent sous domination chinoise. Aidée à partir de 1921 par la Russie soviétique, la Mongolie-Extérieure devient une république populaire en 1924 et accède à l'indépendance en 1945. En 1990, le parti unique renonce au monopole du pouvoir. En 1992, une nouvelle Constitution consacre l'abandon de la référence au marxisme-léninisme. La première élection présidentielle au suffrage universel a lieu en 1993.
Gengis Khan :
Les conquêtes foudroyantes de Gengis Khan, né vers 1165, mort en 1227, chef unificateur des clans mongols, font que son nom fut synonyme d'effroi pour tous les peuples passés sous son joug. Les royaumes tremblaient en entendant son nom autant que la terre sous les sabots de ses hordes lancées au galop : Gengis Khan ("roi universel" en mongol) fut ce guerrier impitoyable qui, en 1206, devint le premier chef de toutes les tribus nomades de Mongolie. Il naît aux alentours de 1165 dans les steppes d'Asie centrale sous le nom de Témüdjin ("celui qui frappe le fer"). La légende lui attribue des origines surnaturelles : il serait venu au monde en serrant dans son poing un caillot de sang en forme d'osselet, signe d'un avenir glorieux. Son enfance semble pourtant le condamner à une vie misérable (après le meurtre de son père, il est exclu de son clan et récupéré par celui de l'assassin, qui garde ainsi un oeil sur lui). Son destin sera tout autre. Il se prépare à la longue conquête d'un empire...
L'histoire :
Ce matin, à six heures, le commissaire Yeruldelgger découvrait trois cadavres effroyablement amochés dans une usine chinoise des environs d'Oulan-Bator. Cinq heures plus tard, il se retrouve à plusieurs centaines de kilomètres de la capitale, au beau milieu des steppes de Delgerkhaan, en compagnie d'une famille de nomades fans des "Experts Miami", accroupis ensemble autour du corps d'une petite fille enterrée là avec son tricycle...
Mon avis :
Un premier roman d'une grande originalité ! Sa construction, sur soixante-quinze courts chapitres contenant chacun une ou plusieurs informations importantes à l'aventure, crée un rythme vif et efficace et apporte toute sa densité à une intrigue particulièrement retorse et bien ficelée. Par ailleurs, l'auteur ne se contente pas de nous servir une histoire policière de qualité. Il nous offre un magnifique voyage dans une région du monde peu visitée dans ce genre littéraire : la Mongolie. Ian Manook, de toute évidence amoureux de ces terres immenses, prend le temps de nous conter l'histoire de ce pays, sa culture entre traditions et modernité, sa beauté entre ciel et terre. Autour d'une tasse de thé au beurre salé brûlant, il réfléchit sur les sources du mal par-delà les siècles et les frontières. Les crimes, la violence, le racisme et des relents nauséabonds de nationalisme n'épargnent pas la Mongolie. Comment combattre le mal si l'on est ignorant, inculte et irrespectueux envers les Anciens ? Non dénué d'humour, ce roman est enrichi d'une autre qualité : Yeruldelgger est entouré d'un grand nombre de personnages féminins exceptionnels, de toutes générations, et sans qui il ne serait rien.
Un thriller-évasion haletant, rude et dépaysant ! Et un énorme coup de coeur !!!
En bonus dans l'édition poche, le premier chapitre des nouvelles aventures du commissaire Yeruldelgger, "Les temps sauvages" (Albin Michel). Vous le lisez... Vous êtes piégés...!
"Tout ce qui est solide se dissout dans l'air" de Darragh McKeon (Belfond, Automne 2015) - Premier roman
Darragh McKeon est né en 1979 à Tullamore, conté d'Offaly, Irlande. Passionné de théâtre, il dirige une troupe, puis prend la direction d'un théâtre et voyage en Europe au gré des différentes tournées de la compagnie. Parallèlement, il entame la rédaction de ce qui deviendra "Tout ce qui est solide se dissout dans l'air". Immédiatement salué par ses pairs, Colum McCann et Colm Toibin en tête, et par la critique littéraire, ce premier roman révèle un immense talent littéraire. Darragh McKeon vit aujourd'hui à New York.
En avril 1986, quand se produit la tragédie de Tchernobyl, Darragh McKeon n'a que sept ans. Comme toutes les cités d'Irlande, son village des environs de Dublin a accueilli de nombreux enfants touchés par le drame - ils furent 12000 au total sur toute l'Irlande - grâce à l'association Chernobyl Children International fondée en 1991 par l'Irlandaise Adi Roche. Pour documenter son roman, Darragh McKeon s'est également inspiré de l'oeuvre de Svetlana Alexsievitch ("La Supplication"), Prix Nobel de Littérature 2015.
En avril 1986, quand se produit la tragédie de Tchernobyl, Darragh McKeon n'a que sept ans. Comme toutes les cités d'Irlande, son village des environs de Dublin a accueilli de nombreux enfants touchés par le drame - ils furent 12000 au total sur toute l'Irlande - grâce à l'association Chernobyl Children International fondée en 1991 par l'Irlandaise Adi Roche. Pour documenter son roman, Darragh McKeon s'est également inspiré de l'oeuvre de Svetlana Alexsievitch ("La Supplication"), Prix Nobel de Littérature 2015.

L'histoire :
26 avril 1986, URSS.
Evgueni, neuf ans, jeune pianiste prodige, est le souffre-douleur de ses camarades d'école. Ce matin, l'un deux lui a volontairement cassé un doigt. Evgueni vit très modestement dans un petit appartement de Moscou, avec une mère dure qui s'épuise au travail pour subvenir à leurs besoins, et une tante, ouvrière, dont il est très proche. Il a à peine connu son père, militaire mort en Afghanistan...
C'est l'anniversaire de Grigori. Trente-six ans. Déjà chirurgien en chef respecté dans un hôpital de la banlieue de Moscou. Un seul échec à son parcours : son mariage. Depuis que Maria est partie, il traîne sa solitude de jour en jour comme un fardeau...
Artiom est fils de paysan près de Pripiat (juste à côté de la centrale), en République Socialiste Soviétique d'Ukraine. Il y a deux semaines, son père lui a appris à tirer au fusil car il a treize ans. Aujourd'hui, il accompagnera pour la première fois les hommes à la chasse. Le bonheur d'Artiom : regarder chaque matin, à l'aube, le lever du soleil sur la campagne. En cette journée spéciale, le ciel brille d'une étrange luminosité...
Mon avis :
Une écriture riche et poétique qui invoque toute la puissance et la violence des événements. Des passages à la fois bouleversants et effroyables dans lesquels la centrale nucléaire, sous la plume de McKeon, devient un animal, un monstre d'acier blessé à mort. L'auteur dépeint son agonie et ses hurlements, sa carcasse en fusion broyant toute étincelle de vie et de beauté à des centaines de kilomètres à la ronde. Une tragédie collective, un pouvoir politique sur le fil du rasoir, des dirigeants immobiles et mutiques, l'impuissance et la solitude abyssales des équipes de secours, des résistants près à témoigner de la gravité de la situation mais réduits au silence (achetés ou éliminés)... et puis des histoires individuelles intimes et émouvantes. Ce premier roman réunit tout cela avec une telle élégance et un tel respect qu'on ne peut que le saluer !
"Une contrée paisible et froide" de Clayton Lindemuth (Seuil, Automne 2015) - Premier roman traduit en France
Clayton Lindemuth est né dans le Michigan, a grandi dans l'ouest rural de la Pennsylvanie et a étudié à l'Arizona Stage University. Désormais établi à Chesterfield, Missouri, il travaille dans les assurances et, quand il n'écrit pas, il s'entraîne pour le marathon. Son roman s'inscrit dans un tout nouveau genre dans l'édition française : le Country Noir, à l'instar de Donald Ray Pollock, Craig Johnson, Ron Rash, Cormac McCarthy...
L'histoire :
Bittersmith, Wyoming, 1971.
Le shérif Bittersmith fait régner sa loi depuis des décennies dans cette ville qui porte son nom. Mais aujourd'hui, à soixante-douze ans, c'est son dernier jour de fonction. Le conseil municipal a élu un autre shérif. Bittersmith ne décolère pas. Alors il va en profiter, de cette journée ! Et il va commencer par Jeanine, jolie serveuse brune du County Seat. Il a un dossier sur elle. Chantage. Une gâterie dans son bureau et tout est réglé. Où est le problème ? L'affaire avec la serveuse à peine terminée, Fenny, la secrétaire, lui passe un appel téléphonique. Burt Hautdesert, fermier du coin, vient d'être retrouvé mort, une fourche plantée dans le cou. Sa veuve accuse Gale G'Wain, leur jeune ouvrier, du meurtre de son mari et de l'enlèvement de sa fille, Gwen, une adolescente de seize ans. Pour le shérif, la messe est dite. Pas besoin d'enquête. Que peut-on attendre de bien de la part d'un gosse élevé dans un orphelinat ? Convaincu de la culpabilité du garçon, Bittersmith se lance dans une cruelle chasse à l'homme au coeur d'un paysage hostile et d'une tempête qui s'annonce redoutable...
Mon avis :
Même chaudement installés chez vous, sous trois couettes, le dos collé au radiateur, ce western contemporain vous glacera jusqu'aux os. Dans cet espace rural splendide, totalement coupé du monde extérieur, recouvert d'une neige virginale, se joue une réalité féroce et sanglante. Trois voix se racontent, racontent, gambergent, doutent de leurs certitudes, font face à une vérité qu'ils n'imaginaient pas, l'acceptent ou la rejettent. Une région de taiseux où les armes remplacent les mots et règlent les comptes personnels. Cet endroit tragiquement beau abrite des monstres, des salopards, des âmes perverties. Et vous autres, pauvres lecteurs, vous espèrerez jusqu'au bout un baume salutaire et une bouffée d'oxygène...
Une formidable découverte dans l'univers de la nouvelle littérature américaine !
"Histoire de la violence" d'Edouard Louis (Seuil, 2016)
Edouard Louis est né en 1992 sous le nom d'Eddy Bellegueule. Il grandit à Hallencourt, dans la Somme. Après des études à l'université de Picardie, où il est remarqué par le sociologue Didier Eribon, il entre à l'Ecole normale supérieure en 2011. Il dirige en 2013 l'ouvrage collectif "Pierre Bourdieu : l'Insoumission en héritage", publié aux Puf. La même année, il obtient de changer de nom et devient Edouard Louis. C'est sous ce patronyme qu'il publie, en 2014, son premier très autobiographique "En finir avec Eddy Bellegueule", qui rencontre un succès aussi inattendu que fulgurant et s'écoule à plus de 200 000 exemplaires. L'ouvrage reçoit le Prix Pierre Guénin contre l'homophobie et pour l'égalité des droits.
L'histoire :
Edouard, le narrateur, s'est laissé convaincre de venir "se reposer" quelques jours chez sa soeur Clara dans le Nord de la France. Mais les paysages brumeux et tristes qu'il aperçoit du train lui renvoient en pleine figure des souvenirs d'enfance et d'adolescence qu'il s'efforce depuis tant d'années de chasser de sa mémoire. Une fois auprès de Clara et installé chez elle, il lui confie pour la première fois le viol et la tentative de meurtre dont il a été victime il y a un an, à Paris, durant la nuit de Noël. Plus tard dans la soirée, Edouard entend sa soeur raconter à son mari, à sa manière, avec ses mots, avec son interprétation des faits, son agression à lui. Et là, la réalité n'est plus la même. Edouard se sent heurté, dépossédé de son histoire...
Mon avis :
Qui d'Edouard ou de Clara est le véritable narrateur de ce roman en partie autobiographique ? Les deux, bien sûr, car l'un et l'autre s'opposent dans leur façon de raconter les mêmes faits, se répondent, se complètent, pour finalement ne faire qu'une voix dans le récit d'un événement violent, dans le récit de toute une vie de violence.
D'un côté, il y a Edouard qui, par un mélange de timidité, de maladresse, et de désir aussi, il ne le nie pas, a laissé, un soir, un bel inconnu entrer dans son appartement. Il y a la violence de son agression, la violence de la confrontation qui s'en est suivie avec les institutions, les médecins, la police, les amis, les conseils (parfois trop) bienveillants des uns, le racisme des autres (l'agresseur était Kabyle), sa propre arrogance pour se protéger, son histoire qu'on vole un peu plus à chaque évocation, et son sentiment de solitude face au traumatisme.
De l'autre côté, il y a Clara, soeur et double de papier d'Edouard, sorte de reflet dans un miroir déformant. Clara qui, par son accent et son langage populaire, représente l'enfance dans un village ouvrier pauvre du Nord de la France, ces racines qu'Edouard a choisi de fuir pour sa survie mais qui seront toujours en lui et qui ont fait ce qu'il est aujourd'hui ; Clara qui est la seule à pouvoir mettre en parallèle le destin d'Edouard et le destin de Reda, l'agresseur, parce que par endroits ils se ressemblent.
Un texte brut, écrit dans l'urgence de trouver des réponses. Un regard impitoyable et violent tant sur la société contemporaine que sur l'auteur envers lui-même.
"City on Fire" de Garth Risk Hallberg (Plon, 2016) - Premier roman
Garth Risk Hallberg est né en 1978 à Baton Rouge, en Louisiane. Il grandit en Caroline du Nord, auprès d'un père romancier et d'une mère enseignante. Après un cursus universitaire à Saint-Louis, puis à New York, il publie ses premières nouvelles dans le New York Times Magazine et le Prairie Schooner. Lecteur assidu de Don DeLillo et de David Foster Wallace, deux fois finaliste du National Book Critics Circle Award pour la qualité de ses critiques littéraires, il se lance en 2003 dans l'écriture d'un long roman de 900 pages autour de Manhattan.
2003... Un car le ramène à New York pour la première fois depuis l'effondrement des Twin Towers... Dans les écouteurs une chanson de Billy Joel composée en 1976...
"Les paroles évoquaient le crépuscule du New York des années 1970, un lieu étrange et interlope, à la fois dangereux et excitant, un repaire de voyous, de poètes d'avant-garde et de musiciens punk. Rien à voir avec la ville prospère, propre et sûre qu'elle est devenue ensuite, celle que je connaissais depuis mon adolescence. J'ai éprouvé à ce moment une immense nostalgie pour ce temps que je n'avais pas connu, pour cette ville plus risquée mais plus libre, et à cet instant précis, dans l'autocar, je peux dire que ce moment m'est venu. Pas simplement l'idée du livre, mais le livre lui-même, tel que je l'ai écrit des années après."
Après douze ans de travail, Garth Risk Hallberg nous livre une fresque urbaine ambitieuse qui nous conte admirablement la métamorphose d'une ville.
Contexte historique :
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New York - 1976 |
Durant les années 1960, New York est rongée par les problèmes de logements et d'insalubrité. La ville est très sale et des millions de rats hantent les égouts. La dégradation rapide des logements favorise la spéculation immobilière sous toutes ses formes. Peu à peu, les classes aisées désertent le centre-ville, entraînant la fermeture de nombreux commerces. L'insécurité augmente et de graves émeutes noires éclatent à Harlem. Résultat : en octobre 1975, avec 13 milliards de dollars de dettes, New York échappe de peu à la faillite. Le gouvernement de l'Etat, les banques et les syndicats s'associent pour éviter le chaos. Les finances sont redressées en moins d'un an.
Le Blackout de 1977 est une panne d'électricité dûe à un orage qui a plongé la ville américaine de New York dans le noir les 13 et 14 juillet 1977. Seul le quartier du Queens ne fut pas touché, dépendant d'un autre système d'approvisionnement électrique. Cette panne déclencha des pillages et des émeutes extrêmement violentes, et se solda par l'arrestation de 4000 personnes.
L'histoire :
Mercer et William, amants depuis plusieurs mois, s'apprêtent à passer ensemble ce soir de Noël 1976 dans leur appartement new-yorkais. Il n'y a pas couple plus improbable que celui-là. L'un, Mercer Goodman, gentil garçon, jeune professeur d'anglais de vingt-quatre ans, cache son embonpoint dans du velours côtelé et rêve secrètement d'écrire un jour le Grand Roman Américain. Actuellement, il est le premier enseignant Noir du lycée Wenceslas-Mockingbird de Greenwich Village. C'est là qu'il rencontre par hasard Regan Hamilton-Sweeney Lamplighter, la soeur de William, qui lui confie une lettre à remettre à son frère. L'autre, William Hamilton-Sweeney, héritier maudit d'une famille richissime, jeune punk Blanc de trente-trois ans, ancien junkie, ancien leader du groupe punk rock "Ex Post Facto", traîne son teint blafard dans New York sans aucune autre motivation que vivre sans entrave. Agacé par l'insistance de Mercer à ce qu'il ouvre cette fichue enveloppe placée constamment sous son nez, William claque la porte. A Grand Central, il croise Solomon Grungy qui lui annonce que les Ex Post Facto vont se reformer et qu'ils vont jouer le 31 décembre dans un club.
Le réveillon de Nouvel An arrive. Charlie Weisbarger, adolescent de dix-sept ans, est fou de joie. Ce soir, il assiste au concert des Ex Nihilo, nouveau nom des Ex Post Facto dont il est fan. Il s'y rend avec Samantha avec qui il compte bien conclure. Mais Sam le plante devant le club. Consciente des sentiments que Charlie éprouve pour elle, elle n'ose pas encore lui avouer qu'elle est la maîtresse d'un type de trente ans, Keith Lamplighter, avec qui elle a rendez-vous maintenant. De son côté, William annule leur soirée prévue au restaurant et invite son compagnon au concert punk. Peu à l'aise avec ce genre musical, Mercer refuse. William s'en doutait. Ulcéré par ce nouvel abandon, Mercer ouvre le fameux courrier destiné à William, y trouve une invitation et soudain décide de se rendre seul à la réception donnée par les Hamilton-Sweeney dans leur "château" de l'Upper West Side. C'est une fois sur place, piégé au milieu des mondains, que Mercer réalise son erreur. Regan, peu ravie, elle non plus, d'être là ni de jouer la comédie de l'unité familiale alors qu'elle annoncera prochainement son divorce d'avec son mari Keith, reconnaît Mercer et lui sauve la mise. Les deux âmes seules et blessées vont partager quelques confidences au balcon de la chambre d'enfant de Regan. C'est alors que Mercer croit entendre des coups de feu plus bas dans la rue...
Mercer et William, amants depuis plusieurs mois, s'apprêtent à passer ensemble ce soir de Noël 1976 dans leur appartement new-yorkais. Il n'y a pas couple plus improbable que celui-là. L'un, Mercer Goodman, gentil garçon, jeune professeur d'anglais de vingt-quatre ans, cache son embonpoint dans du velours côtelé et rêve secrètement d'écrire un jour le Grand Roman Américain. Actuellement, il est le premier enseignant Noir du lycée Wenceslas-Mockingbird de Greenwich Village. C'est là qu'il rencontre par hasard Regan Hamilton-Sweeney Lamplighter, la soeur de William, qui lui confie une lettre à remettre à son frère. L'autre, William Hamilton-Sweeney, héritier maudit d'une famille richissime, jeune punk Blanc de trente-trois ans, ancien junkie, ancien leader du groupe punk rock "Ex Post Facto", traîne son teint blafard dans New York sans aucune autre motivation que vivre sans entrave. Agacé par l'insistance de Mercer à ce qu'il ouvre cette fichue enveloppe placée constamment sous son nez, William claque la porte. A Grand Central, il croise Solomon Grungy qui lui annonce que les Ex Post Facto vont se reformer et qu'ils vont jouer le 31 décembre dans un club.
Le réveillon de Nouvel An arrive. Charlie Weisbarger, adolescent de dix-sept ans, est fou de joie. Ce soir, il assiste au concert des Ex Nihilo, nouveau nom des Ex Post Facto dont il est fan. Il s'y rend avec Samantha avec qui il compte bien conclure. Mais Sam le plante devant le club. Consciente des sentiments que Charlie éprouve pour elle, elle n'ose pas encore lui avouer qu'elle est la maîtresse d'un type de trente ans, Keith Lamplighter, avec qui elle a rendez-vous maintenant. De son côté, William annule leur soirée prévue au restaurant et invite son compagnon au concert punk. Peu à l'aise avec ce genre musical, Mercer refuse. William s'en doutait. Ulcéré par ce nouvel abandon, Mercer ouvre le fameux courrier destiné à William, y trouve une invitation et soudain décide de se rendre seul à la réception donnée par les Hamilton-Sweeney dans leur "château" de l'Upper West Side. C'est une fois sur place, piégé au milieu des mondains, que Mercer réalise son erreur. Regan, peu ravie, elle non plus, d'être là ni de jouer la comédie de l'unité familiale alors qu'elle annoncera prochainement son divorce d'avec son mari Keith, reconnaît Mercer et lui sauve la mise. Les deux âmes seules et blessées vont partager quelques confidences au balcon de la chambre d'enfant de Regan. C'est alors que Mercer croit entendre des coups de feu plus bas dans la rue...
Mon avis :
Pour avoir bénéficié d'une large médiatisation à sa publication, "City on Fire" suscite bien évidemment la curiosité et l'intérêt pour une épopée annoncée comme "ambitieuse" dans toutes les critiques littéraires. "Ambitieux" est en effet l'adjectif exact pour qualifier ce premier roman. Mercer Goodman, l'un des héros principaux du livre, rêve d'être l'auteur du "Grand Roman Américain". On dit que c'est le rêve de tous les romanciers américains. Et il ne fait guère de doute que c'était également l'ambition de Garth Risk Hallberg. Son travail pour atteindre son but est indéniable : précis dans la construction de chaque phrase, perfectionniste dans le choix de chaque mot, original par les documents qui illustrent son histoire, intéressant dans l'évocation du contexte historique, musical, sociétal de l'époque. Et pourtant... N'est pas Flaubert ou Balzac qui veut. L'écrivain n'échappe pas à de nombreux clichés. C'est lent, trop copieux et interminable !
Personnellement, j'ai décroché à la fin du Livre I (soit environ 170 pages), non pas à cause de la longueur du texte, ni à cause de quelques maladresses pardonnables, ni à cause d'un style un peu académique, mais à cause de la froideur des personnages. Des personnages qui, malgré tous les efforts de l'auteur, ne partagent aucune émotion, restent superficiels et manquent de profondeur. A vouloir être trop "parfait", l'auteur passe à côté de l'humain.
Toutefois, d'autres lecteurs ont été happés par l'histoire de ce roman-événement. Pourquoi pas vous ?
jeudi 17 décembre 2015
"Le livre de Dina" + "Fils de la Providence" + "L'héritage de Karna" de Herbjorg Wassmo (Gaïa)
Herbjorg Wassmo est née en 1942 dans le nord de la Norvège. Ancienne institutrice, elle se consacre depuis plus de vingt ans à une oeuvre littéraire particulièrement prolifique : livres pour enfants, théâtre, poésie, romans... Elle connaît un succès populaire mondial exceptionnel grâce à la "Trilogie de Tora" et au "Livre de Dina". Elle est aujourd'hui l'écrivain la plus lue en Scandinavie. Ses sagas, à la fois poétiques, pudiques et réalistes, mettent en scène des personnages blessés, tourmentés, en proie aux passions humaines, aux drames familiaux, aux mystères de l'existence et à la soif de liberté. Et puis il y a la Norvège, entre terre, mer et montagnes, que Herbjorg Wassmo dépeint comme personne : sa beauté, sa violence, ses fjords, sa nature sauvage battue par les vents, les caprices de la mer et du climat.
Herbjorg Wassmo a reçu le prix Jean Monnet de la littérature européenne du département de la Charente en 1998 pour "Ciel cruel" (Actes Sud).
Le Prix Jean Monnet de la littérature européenne est un prix littéraire décerné depuis 1995 qui récompense un auteur européen pour un ouvrage écrit ou traduit en français, parrainé et doté par le Conseil Général de la Charente. Le jury est composé d'écrivains, de critiques littéraires et de journalistes (dont Patricia Martin, journaliste à France Inter et critique littéraire au "Masque et la plume", et Henriette Walter, professeur émérite de linguistique).
A lire également :
"Cent ans" (Gaïa)
"Le livre de Dina"
L'histoire
Automne 1844 dans le nord de la Norvège. Dina, jeune seconde épouse de Jacob, seule à savoir maîtriser le cheval fougueux Lucifer, conduit elle-même chez le médecin, de l'autre côté de la montagne, son mari souffrant de gangrène. Mais le propriétaire du domaine de Reinsnes ne verra jamais le docteur. Quelques heures plus tard, Dina est de retour à la ferme, chevauchant Lucifer à une allure folle. Le traîneau transportant son mari a basculé dans un précipice. Depuis ce jour, Lucifer devient fou à la vue d'un traîneau, Dina perd totalement l'usage de la parole et son comportement fantasque soumet son entourage à rude épreuve. Que s'est-il donc passé dans la montagne ?
Dina est née dans une famille de la bonne société norvégienne, un papa commissaire de police et une maman aimante et douce. Malheureusement, l'année de ses cinq ans, Dina perd sa mère dans un tragique accident domestique dont elle est bien involontairement responsable. Coupable aux yeux de son père, la petite fille est rejetée, ballottée d'un endroit à un autre, livrée à elle-même et peu éduquée. Lorsqu'elle atteint enfin ses seize ans, son père la marie à son meilleur ami, Jacob, veuf de près de cinquante ans et maître du domaine de Reinsnes, comptoir norvégien qui vit du commerce maritime. Deux ans plus tard, Jacob disparaît dans les eaux d'un torrent glacé...
Mon avis :
Une écriture d'une beauté féroce. Une aventure romanesque captivante. Une très belle évocation de l'Histoire de la Norvège du XIXème siècle. Des descriptions extraordinaires d'une nature étourdissante de dureté, de pureté et de liberté. Dina, enfant blessée, se transforme en une jeune femme sauvage, sensuelle, redoutable et affranchie de toute entrave. Des personnages qui gravitent autour d'elle, y compris ses fantômes, aucun n'est secondaire. Ils ont tous leur importance dans ses expériences de la vie. Dans ce roman, Herbjorg Wassmo nous conte bien plus qu'un destin douloureux et ardent. Elle nous brosse le portrait d'une enfant toute seule et délaissée face à un deuil terrible. Elle nous démontre les conséquences tragiques de la lâcheté des adultes dans leur silence, et du poids de la morale et de la religion sur le comportement de la petite fille, sur sa sociabilisation, sur son apprentissage du langage, sur ses dons ignorés.
Une scène magnifique, qui n'est pas sans rappeler "Le festin de Babette" de Karen Blixen, celle d'une fête informelle organisée juste après un incendie réunissant tous ceux qui ont aidé à le circonscrire, fête à laquelle le lecteur est chaleureusement convié et qui éveille délicieusement tous les sens.
Tiré de ce roman, en 2003, "Dina", film du danois Ole Borneda, avec Gérard Depardieu, Maria Bonnevie ("Belle du Seigneur"), Christopher Eccleston ("Docteur Who"), Mads Mikkelsen ("Casino Royale", "Hannibal") et Pernilla August ("Star Wars Episodes I et II").
"Fils de la Providence"
L'histoire :
Comme une forme de malédiction, Benjamin, onze ans, fils de Dina et de feu Jacob, est témoin d'une scène terrifiante impliquant sa mère dans la mort de son amant russe, Léo. Dina, enceinte de Benjamin à la mort de son mari, elle-même orpheline de mère et rejetée pendant son enfance, n'a jamais su et ne saura jamais aimer son petit garçon pourtant avide d'affection, et malgré le lourd secret qui les lie. Heureusement pour Benjamin, sa grand-mère Karen lui transmet l'amour des livres, et Anders, le marin, ne fuit aucune question.
Bien des années plus tard, Benjamin, à présent médecin, reçoit une lettre étrange qui lui demande de venir chercher le violoncelle de Dina à Berlin...
Mon avis :
Si "Le livre de Dina" évoque l'initiation à la vie d'une petite fille blessée, "Fils de la Providence" suit l'initiation à la vie d'un petit garçon blessé, héritier des fantômes de sa mère. Si l'avenir d'une fille se résumait, à cette époque, au mariage, à l'entretien d'une maison et à procréer, le garçon, lui, devait être fort, viril et être capable de nourrir une famille. Aucune faiblesse (et la lecture en était une) ne lui était autorisée. Loin de l'esprit aventureux et des paysages grandioses du premier tome, "Fils de la Providence", écrit en grande partie à la première personne du singulier, est beaucoup plus intime, intérieur. L'histoire se concentre autour de Benjamin, sa sensibilité, son besoin d'être aimé, sa peur de l'abandon et sa soif inépuisable d'apprendre. Des dialogues savoureux sur la philosophie, l'art et la parentalité. Beaucoup de tristesse et de nostalgie dans cette seconde partie mais une très belle étoile d'espoir à la fin.
Encore un clin d'oeil à Karen Blixen à travers le personnage de la très cultivée grand-mère Karen.
"L'héritage de Karna"
L'histoire :
Karna, jeune infirmière, meurt en couches dans les bras de Benjamin, impuissant à la sauver bien que médecin. Ce n'est que quelques semaines plus tard que l'homme apprend qu'il est le père de l'enfant. Les yeux de la petite ne laissent aucun doute sur cette paternité. Assumant ses responsabilités, Benjamin revient en Norvège, à Reinsnes, sur les terres de sa famille, avec sa fille Karna. En chemin, il retrouve Hanna, son amie d'enfance venue l'aider à prendre soin du bébé. Hanna, jeune veuve, mère d'un garçon de trois ans, a perdu la spontanéité de son enfance et son sourire. Benjamin ne la reconnaît plus. Le temps lui a échappé pendant ses années d'études à Copenhague, au Danemark. Pourra-t-il un jour rattraper ce temps perdu ?
Mon avis :
Après "Le livre de Dina" sur le thème de l'enfance, "Fils de la Providence" sur le thème de la paternité, voici "L'héritage de Karna" dont le thème est dans le titre : l'héritage. Bien évidemment, il y a l'héritage familial. Mais à l'aube de la révolution industrielle (on pourrait aussi transposer cette histoire de nos jours), il y a également l'héritage que la société transmet à ses jeunes. L'héritage culturel, social, économique, scientifique, industriel, environnemental, architectural, urbain... Ces dernières pages des aventures de Dina et de tous les autres personnages auxquels nous nous sommes grandement attachés sont beaucoup plus sombres et sans doute un peu pessimistes. Les générations passent, les blessures, les secrets, les ambitions, les déraisons, se répercutent et touchent injustement ceux qui n'en sont pas responsables, les héritiers.
Très belle histoire familiale âpre, féministe, écologiste, réaliste et puissante !
"Patte de velours, oeil de lynx" de Maria Ernestam (Gaïa)
Maria Ernestam est née en 1959 en Suède. Elle vit à Stockholm. Eclectique, elle a multiplié les expériences artistiques (chanteuse, danseuse, mannequin, comédienne, journaliste) avant de privilégier l'écriture. Elle est l'auteur de "Toujours avec toi", "Les oreilles de Buster" et "Le peigne de Cléopâtre".
L'histoire :
Sara, Björn et leur chatte Michka quittent la civilisation trépidante pour s'installer douillettement à la campagne dans une charmante maison fraîchement rénovée. Leurs voisins les plus proches, Agneta, Lars et leur chat Alexander les accueillent avec gentillesse. Tout laissait présager des relations sympathiques s'il n'était le caractère querelleur d'Alexander...
Mon avis :
Les personnages ont tous un point commun : ils ont un chat, animal indépendant et indomptable. Tout commence comme une comédie cocasse et chaleureuse mais l'histoire se transforme vite en cauchemar. Frissons exquis !
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