Georges Simenon (Liège, 13 février 1903 - Lausanne, 4 septembre 1989) est un écrivain belge de langue française. Il rénova le genre du roman policier par son sens de l'analyse psychologique et par la restitution à la fois réaliste et poétique de l'atmosphère d'une ville ou d'un milieu social. Il est le créateur du personnage du commissaire Maigret (75 romans et 28 nouvelles) qui lui valut une renommée internationale. L'oeuvre de Simenon compte aussi des contes légers (sous pseudonymes), plusieurs récits autobiographiques, de nombreux articles et reportages, des dizaines de nouvelles et cent-dix-sept "romans durs".
"Au coin d'une rue pour notaires et avoués, la maison des Loursat - les Loursat de Saint-Marc plus exactement - paraissait encore plus assoupie ou plus secrète que les autres avec ses deux ailes, sa cour pavée qu'un haut mur séparait de la rue, et dans cette cour, au milieu d'une vasque vide, un Apollon qui ne crachait plus d'eau par le tube qui lui sortait de la bouche."
L'histoire :
Le silence de la nuit recouvre la ville historique de Moulins. Une pluie drue vernit les toits bruns et les rues pavées. Il fait froid. Quelques rares fenêtres sont encore allumées. Comme chaque second mercredi du mois, à la préfecture, le dîner donné ce soir en l'honneur d'une poignée de représentants de la bonne société de la région est en train de se terminer. Au même moment, à son domicile, le procureur Rogissart est réveillé par un appel téléphonique de son cousin par alliance. Hector Loursat, avocat moulinois, a entendu un coup de feu et vient de découvrir un inconnu, mort dans une chambre du deuxième étage de son hôtel particulier qu'il occupe avec sa fille unique Nicole et Joséphine la domestique.
Très vite, les policiers envahissent les lieux. Loursat se sent soudain un étranger dans sa propre maison. Il réalise à quel point il est vulnérable. A quarante-huit ans, l'avocat ressemble à un vieillard, aigri, négligé, rongé par l'alcool et la honte que lui a causé le départ de sa femme avec un autre homme il y a dix-huit ans. Elle les a abandonnés, lui et Nicole alors âgée de deux ans, enfant qu'il n'a jamais su aimer. Depuis, il n'est plus qu'une silhouette recluse que l'on plaint, que l'on méprise, ou dont on se moque volontiers.
"Il avait l'habitude, vers trois heures, de se promener comme on promène un chien, avec l'air de se tenir lui-même en laisse, contournant exactement les mêmes pâtés de maisons."
L'événement macabre de cette nuit sera un électrochoc pour Loursat...
"C'était curieux ! Il n'aurait pas pu dire à brûle-pourpoint ce qui était curieux. Il avait une impression vague de nouveauté. Il était là, chez lui, dans une maison où il était né et qu'il n'avait jamais cessé d'habiter et il s'étonnait soudain qu'on mît en branle une énorme cloche de monastère pour annoncer à deux personnes que le repas était servi."
Mon avis :
"Roman dur" publié en 1941, l'intrigue se situe en Bourgogne, au centre de la France, dans l'entre-deux-guerres. Dans cette petite communauté provinciale, Simenon dépeint la férocité de la bourgeoisie locale envers les "petites gens", mais également contre ses propres membres.
Un fait divers sanglant et vulgaire vient bousculer les habitudes bien huilées des notables de la ville dont les enfants sont impliqués dans l'histoire. Il faut sauver les apparences. Pour cela, le commissaire a trouvé le coupable idéal. Dossier classé ? Pas pour Loursat. L'homme sur qui, la veille, personne ne pariait semble être le seul à vouloir la justice. Il accepte pour cela de se remettre en question. Sur son rôle de père. Sur son rôle de citoyen. Sur son métier. Sur ses valeurs. Sur sa vie, éteinte depuis trop longtemps. Loursat choisit de revêtir à nouveau sa robe d'avocat.
L'ambiance est très sombre, pour ne pas dire glauque. La maison du drame, la nuit, les personnages... tout est obscur et poisseux. Les lampes poussiéreuses et les poêles à bois ou à charbon encrassés n'apportent ni lumière ni chaleur. Mais à mesure que Loursat approche de la vérité, on assiste à sa renaissance, et le tableau prend quelques touches de couleur.
L'un des plus beaux Simenon que j'aie lus jusqu'à présent ! La liste est encore longue... et autant de coups de coeur à venir, j'en suis sûre !
⇨ "Les inconnus dans la maison" (1942), film français d'Henri Decoin, scénario et dialogues de Henri-Georges Clouzot, avec Raimu, Juliette Faber, Marcel Mouloudji, Pierre Fresnay
⇨ "L'étranger dans la maison" (1967), film britannique de Pierre Rouve, avec James Mason et Geraldine Chaplin
⇨ "L'inconnu dans la maison" (1992), film français de Georges Lautner, avec Jean-Paul Belmondo et Cristiana Reali
A lire :
⇨ "Maigret tend un piège" et "Maigret et les braves gens"
⇨ Dossier Georges Simenon : Biographie + "Le pendu de Saint-Pholien" + "La nuit du carrefour" + "Le haut mal" + "L'Ane Rouge"
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