lundi 19 août 2019

Août 2019 - "Georges Simenon"





Il y a trente ans,
nous quittait...
Georges Simenon
(13 février 1903 - 4 septembre 1989)

Georges Simenon : biographie

Georges Simenon

Ecrivain belge de langue française (Liège, 13 février 1903 - Lausanne, 4 septembre 1989), Georges Simenon rénova le genre du roman policier par son sens de l'analyse psychologique et par la restitution à la fois réaliste et poétique de l'atmosphère d'une ville ou d'un milieu social. Il est le créateur du personnage du commissaire Maigret, et qui lui valut une renommée internationale.

L'auteur de romans populaires

Ayant débuté à 16 ans comme journaliste à La Gazette de Liège (il y tient la rubrique des faits divers mais y donne déjà des contes, souvent érotiques), Georges Simenon quitte la Belgique en 1922 pour s'établir en France, à Paris d'abord,  puis plus tard en province. Il parcourra l'Europe et l'Afrique, d'où il rapportera des reportages pour la grande presse. De 1945 à 1955, il vivra en Amérique (Canada, Etats-Unis). De retour en Europe, il se fixera définitivement en Suisse romande : à Echandens, à Epalinges, puis à Lausanne (1957).

Après un premier roman de moeurs locales publié à Liège, "Au pont des Arches" (1921), Simenon se consacre, à Paris, à une abondante production paralittéraire qui lui permet de gagner sa vie : il écrit environ un millier de contes légers destinés à des publications galantes ou humoristiques et quelque 200 romans pour collections à bon marché, le tout sous 17 pseudonymes. Le plus connu, Georges Sim, l'impose dès 1928 dans le genre policier en même temps que dans les faveurs d'un large public.

Le père du commissaire Maigret

En 1932, Simenon commence à publier sous son nom une série de romans policiers dont la dimension humaine et la pénétration psychologique renouvellent le genre, tout en lui conférant une plus grande valeur littéraire. Il y met en scène le personnage du commissaire Maigret, qui reviendra dans 103 enquêtes, réparties en 75 romans et 28 nouvelles. Il publie, en outre, des romans d'aventures et de moeurs, où il recrée d'une manière intensément vivante l'atmosphère d'une ville ou d'un milieu social. Parmi ses ouvrages - dont plusieurs seront adaptés aussi bien au cinéma qu'à la télévision, et traduits dans de nombreuses langues -, citons notamment "Le chien jaune" (1931), "Les fiançailles de M. Hire" (1933), "L'homme de Londres" (1934), "Maigret" (1934), "Le Testament Donadieu" (1937), "Le bourgmestre de Furnes" (1939), "Les inconnus dans la maison" (1940), "La veuve Couderc" (1942), "Pedigree" (1948), "La mort de Belle" (1952), "Maigret et le clochard" (1963) et "Maigret et le marchand de vin" (1970). Cette production considérable sera réunie dans les 72 volumes des Oeuvres complètes parus aux éditions Rencontres, à Lausanne, de 1967 à 1973.

Après 1972, Simenon entame la "dictée" de ses souvenirs et réflexions, qu'il enregistre au magnétophone ; la matière fera l'objet de 21 volumes publiés de 1975 à 1981. Enfin, prenant définitivement ses distances avec son "métier" de romancier, il compose plusieurs récits autobiographiques : "Quand j'étais vieux" (1972), "Lettre à ma mère" (1974), "Tant que je suis vivant" (1978), ainsi que "Mémoires intimes" (1981) et "Livre de Marie-Jo" (1981), adressés à sa fille défunte, révèlent un écrivain ému et émouvant. Quatorze ans après sa mort, preuve de sa légitimité croissante dans le monde des lettres, le romancier à succès fera sont entrée dans la Bibliothèque de la Pléiade (2003).

L'explorateur de l'âme humaine

Simenon, dans de multiples interviews, s'est souvent expliqué tant sur son puissant instinct créateur (qui lui permet d'écrire un roman en quelques jours : 8 chapitres en 8 jours le plus souvent) que sur ses sources d'inspiration. Celles-ci sont issues du besoin viscéral d'atteindre "l'homme nu", sans égard pour sa condition sociale, et de découvrir la faille secrète qui l'oblige à "aller jusqu'au bout de lui-même". Dans chaque livre, le début de l'histoire contient en germe les développements qui constitueront la trame du récit. Cet élément initial et déterminant est souvent une mort violente, parfois un acte inattendu, en tout cas un événement qui vient rompre le quotidien de l'existence.

Qu'ils appartiennent à la série des "non-Maigret" ou à celle des "Maigret", les romans de Simenon tendent à l'homogénéité en raison de l'unité de la démarche de l'auteur, laquelle consiste à approfondir la connaissance de l'homme en explorant la part d'inconnu inhérente à ce dernier. Dépouillée de l'accessoire, du pittoresque régional ou exotique, l'humanité que peint l'écrivain n'a d'égale que son universalité. Ainsi, malgré les intrigues foisonnantes dans lesquelles évoluent ses personnages, Simenon reste toujours fidèle à une peinture de l'homme saisi dans ses motivations essentielles.

"Le Pendu de Saint-Pholien" de Georges Simenon (Livre de Poche)

Le 20 février 1931, l'écrivain belge Georges Simenon convie le Tout-Paris à un "Bal anthropométrique" au cabaret de La Boule Blanche, à Montparnasse. Il célèbre la parution chez Fayard, enfin sous son véritable nom, des deux premières enquêtes du commissaire Jules Maigret, "Monsieur Gallet, décédé" et "Le Pendu du Saint-Pholien". Invités par un carton reproduisant la fiche anthropométrique du bandit Jules Bonnot, les convives, costumés et déguisés, se voient obligés de donner leurs empreintes digitales à l'entrée.










"Le Pendu de Saint-Pholien" a été adapté deux fois :
  • "The Children's Party", téléfilm britannique de Gerard Glaister, avec Rupert Davies, en 1961
  • "Maigret et le pendu de Saint-Pholien", téléfilm français d'Yves Allégret, avec Jean Richard, en 1981


L'histoire
Le commissaire Maigret est en mission à Bruxelles. Ce matin-là, dans un café, une scène l'intrigue. Un jeune homme d'une trentaine d'années, sale et négligé, est en train de manipuler, sans grande discrétion, une liasse de billets. Soupçonneux, le policier français décide de suivre l'individu. La filature le mène jusqu'à Brême, en Allemagne, dans un misérable hôtel où le vagabond se donne soudain la mort, laissant l'enquêteur parisien sans réponses à ses nombreuses questions...

Mon avis :
Cette nouvelle affaire met le commissaire Maigret face à son humanité et à ses faiblesses. Seul au milieu d'ombres silencieuses qui s'agitent autour de lui, il doit affronter un profond sentiment de culpabilité d'avoir ainsi suspecté un homme sur de simples apparences, sans aucun élément concret, et d'être en cela involontairement responsable de son suicide. Les personnages évoluent dans une atmosphère grise, brumeuse, insaisissable. Teinté de romantisme, ce roman est sombre, troublant, intime, et remarquable !

"La Nuit du carrefour" de Georges Simenon (Livre de Poche)

Ce roman, publié en 1931 chez Fayard, a été adapté plusieurs fois :

  • "La Nuit du carrefour", film de Jean Renoir, avec Pierre Renoir, en 1932
  • "La Nuit du carrefour", téléfilm québécois de Jean Faucher, avec Henri Norbert, en 1956
  • "The Crooked Castle", téléfilm britannique d'Andrew Osborn, avec Rupert Davies, en 1962
  • "La Nuit du carrefour", téléfilm français de François Villiers, avec Jean Richard, en 1969
  • "La Nuit du carrefour", téléfilm français de Stéphane Bertin, avec Jean Richard (seconde version en couleurs), en 1984
  • "Maigret et la nuit du carrefour", téléfilm franco-belgo-suisse d'Alain Tasma, avec Bruno Cremer, en 1992
  • "Maigret : Night at the Crossroads", téléfilm britannique de Sarah Harding, avec Rowan Atkinson, en 2017


L'histoire :

Après dix-sept heures d'interrogatoire au Quai des Orfèvres à Paris, et pas le moindre aveu, le commissaire Maigret se voit contraint de libérer son suspect, Carl Andersen. Une bien étrange affaire que celle-ci !

En région parisienne, à quelques kilomètres d'Arpajon, perdu au milieu des champs, se trouve le "Carrefour des Trois Veuves", un lieu-dit pas si isolé puisque traversé par la route nationale qui relie Paris aux grandes villes de province comme Chartres, Orléans, Le Mans...

A ce carrefour se font face trois bâtisses : le pavillon de Monsieur et Madame Michonnet, la maison de maître louée par Carl Andersen et sa soeur Else, et le garage de Monsieur Oscar et sa femme.

La veille au matin, le site fut le théâtre d'une mystérieuse représentation. La vieille automobile des Andersen fut découverte dans le garage des Michonnet, et le véhicule flambant neuf des Michonnet dans le garage des Andersen avec, à la place du conducteur, le cadavre d'un certain Isaac Goldberg, diamantaire à Anvers.

Maigret et le brigadier Lucas arrivent au fameux "Carrefour des Trois Veuves"...

Mon avis :
Nostalgie d'une France qui n'existe plus. Personnages fourbes et inquiétants. Huis-clos malsain et tendu. Un roman noir impeccable, digne des grands maîtres américains du genre !

"Le haut mal" de Georges Simenon (Livre de Poche)

"Roman dur" publié en 1933 chez Fayard.

L'histoire :

Depuis trois jours, on bat le blé au Pré-aux-Boeufs. Les femmes préparent le dernier repas qui réunira, ce soir, les vingt-cinq hommes qui ont aidé à la tâche, parmi lesquels des individus peu recommandables, paresseux, ivrognes et bagarreurs, face à un patron pitoyable et sans envergure.

Lorsque Gilberte Pontreau et Jean Nalliers se sont mariés, le père de Jean leur a offert la propriété du Pré-aux-Boeufs, au bord de la mer, près de La Rochelle, en Charente-Maritime. Les jeunes époux sont devenus du jour au lendemain cultivateurs à leur compte.

La belle-famille a découvert, hélas trop tard, les crises d'épilepsie de Jean. Sa santé fragile ne convient pas à la vie paysanne. Il tient bon mais la charge est lourde pour Gilberte. Ce matin, une vache est morte par manque de soins. Le couple s'en rejette la faute. Madame Pontreau, la belle-mère, et la femme de ménage y mettent aussi leur grain de sel.

Puis, une nouvelle altercation entre son gendre et un ouvrier éclate. Madame Pontreau décide d'intervenir...

Mon avis :

Le haut mal est l'ancien nom donné à l'épilepsie. Au Moyen Age, on l'appelait mal de Saint-Jean. Dans l'Antiquité, on crachait sur la tunique des "possédés" pour éloigner le démon. C'est aussi l'ultime humiliation que va subir Geneviève, la benjamine des soeurs Pontreau. Car l'épilepsie est l'élément central autour duquel le roman est construit. Au sens propre pour Jean, le défunt, souffrant réellement de cette pathologie. Au sens métaphorique pour tous les autres personnages, aux attitudes étrangement semblables aux symptômes de la maladie.

Chef-d'oeuvre de Simenon, maître-horloger dans l'analyse du comportement humain et dans l'art d'en créer d'extraordinaires pépites littéraires !

"L'Ane Rouge" de Georges Simenon (Livre de Poche)

"Roman dur" publié en 1933 chez Fayard.

L'histoire :

Jean Cholet, jeune homme de dix-neuf ans vivant encore chez ses parents, se réveille péniblement de sa première nuit d'ivresse. Journaliste à La Gazette de Nantes, les souvenirs lui reviennent par bribes.

La veille, il couvrait le congrès de la chaussure. Il se revoit assister au banquet qui a suivi à l'Hôtel de l'Europe où un collègue lui conseille un mélange de bordeaux blanc - bourgogne rouge. Il se fâche lorsque les autres refusent de boire ce même breuvage et part avant les discours. Il arrive au théâtre du Trianon. Un air d'opérette, les danseuses dans les coulisses, et le directeur Speelman, un ami avec qui il continue de boire... Puis il se souvient que vers 23 heures il revient au journal, portant sur le dos un imperméable jaune qui ne lui appartient pas, vomit partout et insulte copieusement le patron, Monsieur Dehourceau.

Comme il s'y attendait, ce matin, il est convoqué au bureau de Dehourceau. Ce dernier passe sur cette erreur de jeunesse mais lui promet le renvoi au prochain écart de conduite.

Cholet est inquiet. Le puzzle n'est pas encore entièrement reconstitué. Au commissariat, aucun homicide n'est signalé. En revenant sur ses pas de la nuit, au Trianon il apprend que la tournée du spectacle de Speelman est terminée. La troupe est partie tôt dans la matinée.

C'est alors qu'un peu plus loin, une enseigne lumineuse attire l'oeil du jeune homme : L'Ane Rouge. "La banquette rouge, Speelman, la liqueur bue avec des pailles, c'était là !"...

Mon avis :
Etouffé par l'éducation rigide de ses parents, un jeune homme, inconsciemment à la recherche d'une figure paternelle, se perd dans ses mensonges et dans l'alcool. Nantes, ville portuaire et patchwork social et culturel, est le décor de cette déchéance. Il suffit de choisir le mauvais quai pour qu'une vie change de cap. Une histoire simple, en somme. Mais il faut le talent d'un Simenon pour la sublimer et révéler tout son potentiel dramatique et humain.