"Green River"
Tim Willocks
(Sonatine / Pocket)
Ados / Adultes
L'histoire :
John Campbell Hobbes, directeur du sordide et sinistre pénitencier de Green River, au Texas, voulait faire de son établissement un modèle. Face à l'échec, aujourd'hui, pour une raison obscure, il va lancer les dès d'une nouvelle expérience de son cru, un plan risqué fomenté seul, qui ne va qu'exhorter des haines viscérales. Dans un climat de grande violence, dans une chaleur insupportable, dans la puanteur et le bruit permanent, près de 2 500 prisonniers s'entassent dans quatre blocs bien distincts : le bloc A pour les Blancs et les Latinos ; le bloc B pour les Noirs avec à leur tête le très respecté Reuben Wilson ; le bloc C pour les Noirs et les Latinos ; et le bloc D pour les Blancs menés par le caïd Neville Agry qui bénéficie de nombreux avantages, dont celui de partager sa cellule avec un jeune Noir travesti, Claude (ou Claudine). Dans ce cloaque infâme, un individu atypique, Ray Klein, médecin, purge une peine pour un viol qu'il n'a pas commis. Le Docteur Klein tente d'apporter son aide à l'infirmerie, sans doute le lieu le plus glauque et le plus déprimant de la prison, et qui manque cruellement de médicaments et de matériel. Klein assiste Frogman Coley, un vieux détenu Noir, qui fait de son mieux sans connaissances médicales, et la belle psychiatre judiciaire Juliette Devlin...
Mon avis :
Une fois commencé, on ne peut plus lâcher ce roman, saisis par la force et le réalisme de cette émeute enragée, en temps réel, des plus grands criminels excités par une haine irrationnelle. Ce réquisitoire implacable du système carcéral américain dénonce l'irresponsabilité des politiciens, des budgets en constantes restrictions, des cellules surpeuplées, la corruption à tous les étages, le racisme, l'homophobie, des peines surréalistes parfois de plusieurs centaines d'années, des criminels qui n'ont plus rien à perdre, des petits fraudeurs qui côtoient les psychopathes les plus dangereux, des détenus laissés sans soins médicaux et psychiatriques, la drogue, l'alcool, le sexe, le sida, la barbarie et la terreur au quotidien... Une lueur d'optimisme ? Elle est si ténue, si faible qu'on la distingue à peine et que l'on ne peut guère y croire. Admirable, l'auteur (britannique, rappelons-le) nous épargne tout jugement de quelque ordre mais propose, autour du thème de l'enfermement, une réflexion philosophique et humaniste. Dans ce chaos sauvage, on oscille entre effroi, colère, désespoir, mais on se surprend aussi à éprouver bienveillance et indulgence, voire même empathie pour certains personnages.
Une écriture puissante et sensuelle, comme toujours chez Tim Willocks.
Remarquable !
A voir : la chronique de Marina Carrère d'Encausse
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