mercredi 28 octobre 2020

Octobre 2020 - "Halloween is coming"

 

"La Maison des Damnés" de Richard Matheson (J'ai lu)

Richard Burton Matheson, né en 1926 à Allendale, dans le New Jersey, et mort en 2013 à Calabasas, en Californie, est un écrivain et scénariste américain. Ses genres de prédilection sont la science-fiction et l'épouvante. 

Diplômé de journalisme de l'Université du Missouri en 1949, sa carrière débute en 1950, avec la publication dans un magazine de SF de sa nouvelle "Le Journal d'un monstre", l'histoire d'un enfant qui hait ses parents. Considéré aujourd'hui comme un classique, ce récit a aussitôt établi sa renommée. Fait rare au vu de la sa longueur exceptionnelle, sa carrière n'a jamais connu d'éclipse.

Les fifties ont consacré le jeune auteur. C'est la décennie qui voit paraître ses deux romans les plus populaires à ce jour : "Je suis une légende" (1954) et "L'homme qui rétrécit" (1956). Deux individus confrontés, l'un à la perte de la civilisation, l'autre à sa propre décroissance. Ces livres connurent un gros succès au cinéma. On ne compte pas moins de trois adaptations de "Je suis une légende".

Parallèlement, Richard Matheson a fait partie des scénaristes de l'âge d'or de la télévision. Dans les années 1960 et 1970, il collabore aux grandes séries télévisées : "La Quatrième dimension" (1959-1964), "Star Trek", "Night Gallery" et, plus tard, à des épisodes de "Alfred Hitchcock présente" et "Chroniques martiennes". Ce sont les seize épisodes qu'il a signés pour "La Quatrième dimension", souvent repris au cinéma, qui achèvent de faire de lui une icône culturelle, formule qui désigne ces créateurs qui ont façonné l'imaginaire de plusieurs générations, en l'espèce aussi bien spectateurs que lecteurs.

Inspiré d'un accident de voiture qu'il a eu le jour de l'assassinat du président Kennedy (son véhicule a été violemment percuté par le hayon d'un camion), il écrit pour le cinéma le scénario de "Duel", récit paranoïaque tourné en 1971 par un jeune inconnu... Steven Spielberg. "Il m'a donné ma première chance", a confié le cinéaste dans un communiqué publié à l'annonce de la mort de Matheson, dont il admirait l'imagination féconde et la verve ironique. "Pour moi, il appartient à la même catégorie que Ray Bradbury et Isaac Asimov", a-t-il ajouté.

Quarante ans après "Duel", en 2011, Richard Matheson travaillera de nouveau avec Steven Spielberg, producteur de "Real Steel", adapté d'une de ses nouvelles. Plusieurs autres titres de Richard Matheson ont été portés à l'écran, comme "Quelques part dans le temps" (1980) et "Au-delà de nos rêves" (1998).

Paru en France en 2013 aux Edition J'ai lu, son ultime livre, intitulé "D'autres royaumes", est l'histoire fantastique et teintée d'autodérision d'un vieil écrivain spécialisé dans les romans d'horreur qui entreprend de conter à ses lecteurs les événements à l'origine de sa vocation littéraire. Le narrateur n'hésite pas à se moquer de lui-même et à suggérer une piètre qualité de sa plume ("vingt-sept romans, vingt-sept saletés"). Un facétieux jeu de miroir.

Nommé Grand Maître de l'horreur, distingué par le Prix Bram Stoker pour l'ensemble de sa carrière, Matheson devait recevoir, le 27 juin 2013, le Prix Visionnaire décerné aux Etats-Unis par l'Académie des films de science-fiction, fantastique et horreur (Academy of Science Fiction, Fantasy & Horror Films). Il lui sera remis à titre posthume lors de la 39e cérémonie.


"La Maison des Damnés",
adaptation du roman de Richard Matheson,
film britannique réalisé par John Hough (1973),
avec Pamela Franklin, Roddy McDowall et Clive Revill,
scénario de Richard Matheson,
en compétition au Festival International du film fantastique d'Avoriaz en 1974

L'histoire :

Rolf Deutsch, riche propriétaire d'une chaîne de journaux et de magazines, a acheté dans le Maine la Maison Belasco, dite "la Maison des Damnés", supposée hantée. A quatre-vingt-sept ans, Deutsch veut connaître la vérité sur une possible vie après la mort. Il profite de sa fortune pour convaincre trois experts de passer une semaine sur les lieux, de réaliser toutes les analyses et expériences nécessaires, et de lui rapporter leurs conclusions.

La bâtisse de sinistre réputation a été construite en 1919 par un certain Emeric Belasco, un homme redoutable qui aurait organisé, entre ces murs glauques, des nuits orgiaques abominables au cours desquelles toutes sexualités, drogues, perversions et cruautés étaient permises. La maison de l'horreur ferma ses portes en 1929 lorsque furent découverts vingt-sept cadavres. Mais pas celui de Belasco. Sa disparition mystérieuse est à l'origine de ces histoires de revenants et de mauvais esprits dans la région.

Depuis, l'édifice fait régulièrement l'objet d'études sur d'éventuelles activités paranormales. En vain. Lors de la dernière, en 1940, sur les huit membres de l'expédition, un seul a survécu, Benjamin Franklin Fischer, jeune médium alors âgé de seize ans.

Trente ans plus tard, à l'initiative de Rolf Deutsch, quatre personnes sont en route en direction du Maine : le Docteur Lionel Barrett, chef de la mission, physicien rationnel, accompagné de son épouse et assistante, l'ingénue Edith ; Florence Tanner, spirite et révérende du Temple de la paix spirituelle ; et Benjamin Fischer, rescapé de la désastreuse enquête de 1940, devenu brillant médium. Au terme d'un voyage au cours duquel ils ont fait un peu connaissance, l'équipe nouvellement constituée arrive à la Maison des Damnées, ténébreuse, isolée de tout, noyée dans un épais brouillard à l'odeur repoussante...

Mon avis :
Roman publié en 1971, aux multiples références littéraires (Sade, Bram Stoker, Poe, les soeurs Brontë, Shirley Jackson...) et inspirations cinématographiques (Tod Browning, Alfred Hitchcock, Roger Corman, les films gothiques de la Hammer...), il s'ouvre sur une scène devenue désormais un classique du genre : une maison soi-disant hantée devient sujet d'observation de la part d'un groupe de spécialistes des ectoplasmes composé d'un scientifique, d'une spirite, d'un médium et d'une candide. Malgré quelques petites étrangetés (l'inutilité des domestiques, par exemple), le scénario est efficace, oppressant et terrifiant à souhait. Si l'histoire est diabolique, ce que découvrent les personnages sur eux-mêmes ne l'est pas moins. Frissons d'horreur garantis !!! 



A lire également :
"La maison hantée" de Shirley Jackson

mercredi 21 octobre 2020

"HEX" de Thomas Olde Heuvelt (Livre de Poche)

Thomas Olde Heuvelt est né aux Pays-Bas en 1983. Salué par la critique, "HEX" est déjà un succès traduit dans quatorze pays, et la Warner développe actuellement une série télévisée basée sur le roman.

L'histoire :

Black Spring est une ravissante petite ville américaine, située près de New York, en bordure de la réserve naturelle de la forêt de Black Rock, au pied du mont Misery où l'on retrouve régulièrement des vestiges de villages et de cimetières des Indiens munsee ou mohican.

Mais cette bourgade, paisible en apparence, couvre un terrible secret. En 1664, alors colonie de trappeurs néerlandais, une femme, Katherine van Wyler, mère de deux jeunes enfants, y fut condamnée à mort pour sorcellerie. Trois cent cinquante ans plus tard, son fantôme, un corps puant en décomposition, aux yeux et à la bouche cousus, continue de hanter les lieux et de terroriser les habitants.

Ces derniers, au fil des siècles, ont choisi de dissimuler cette malédiction. De nos jours, un système de vidéosurveillance sophistiqué, l'HEX, a été mis en place pour cacher la sorcière à la vue de tous et pour protéger la population. Car s'il est interdit de toucher Katherine, de l'écouter, de diffuser son image, de parler d'elle aux Extérieurs, il est également impossible de quitter Black Spring. Quiconque enfreint ces règles meurt de façon horrible et entraîne d'autres personnes dans la mort. Il est donc essentiel d'empêcher tout nouveau visiteur de s'installer à Black Spring.

Cette tâche revient aux membres du Conseil et au chef de la sécurité de l'HEX. Mais cinq adolescents rebelles, avides de liberté et maîtrisant parfaitement les outils de communication de leur temps ne vont pas la leur faciliter...

Mon avis :
Un thriller diablement efficace !!! Une intrigue très bien ficelée, de plus en plus angoissante chapitre après chapitre, et qui, par ailleurs, pose des questions sociétales très intéressantes. Effrayant !!!

mercredi 14 octobre 2020

"Kerfol et autres histoires de fantômes" d'Edith Wharton (Classiques - Livre de Poche)


Edith Wharton
naît à New York en 1862, en pleine guerre de Sécession, dans une famille de la haute société américaine de la côte Est, bourgeoisie qu'elle mettra en scène dans de nombreux romans. Elle mène une enfance heureuse, matériellement aisée. Avant l'âge de dix ans, elle parcourt toute l'Europe et découvre Rome, Paris, mais aussi l'Espagne et l'Allemagne. Elle se passionne pour la littérature, mais aussi pour la philosophie et l'histoire. Elle écrit son premier récit, "Fast and Loose" à l'âge de quatorze ans et elle publie un premier recueil de poèmes à seize ans.

En 1885, elle épouse Edward Wharton, dit Teddy, dont elle divorcera en 1913 après de nombreux déboires. Ils n'auront pas d'enfant. En 1897, Edith Wharton collabore à un ouvrage consacré à la décoration intérieure. En 1902, elle s'installe à The Mount, somptueuse maison qu'elle a fait construire près de Lenox, dans le Massachusetts, région où elle situera l'action de "Ethan Frome". Elle se consacre tardivement à l'écriture. "The House of Mirth" ("Chez les heureux du monde"), roman qui la rend célèbre, paraît en 1905. Il s'agit de son premier grand roman de veine new-yorkaise, puisque auparavant la romancière semblait privilégier une veine plus historique ("The Valley of Decision", paru sous le titre "Les Amours d'Odon et Fulvia", se situe dans l'Italie du XVIIe siècle). Cette histoire tragique d'une brillante jeune mondaine vivant une descente aux enfers sociale est depuis considéré comme un classique.

Edith Wharton publie régulièrement, essentiellement des romans, mais aussi des essais ou des récits autobiographiques. Ses oeuvres, de style naturaliste, sont aussi des romans psychologiques à la construction élaborée. En 1920, elle reçoit le prix Pulitzer pour "Le temps de l'innocence" qui triomphe à 60 000 exemplaires en quelques mois. C'est alors la première fois que la prestigieuse récompense est attribuée à une femme.

A partir de 1907, en partie pour s'éloigner de son mari, elle décide de venir vivre à Paris où elle fréquente Paul Bourget, Anna de Noailles, Gide, Cocteau. Elle est aussi l'intime d'Henry James, qui la surnomme "l'oiseau de feu", et qu'elle entraîne dans ses frénétiques voyages à bord des premières automobiles. Pendant la Première guerre mondiale, elle s'engage dans la collecte de fonds et multiplie les visites aux hôpitaux du front. Elle est décorée de la Légion d'honneur et faite, en 1928, première femme docteur honoris causa de l'Université de Yale. Elle partage les dernières années de sa vie entre sa villa de Hyères et Saint-Brice-sous-Forêt, près de Paris, où elle meurt en juin 1937.


Plusieurs de ses oeuvres ont été adaptées pour le cinéma comme "Ethan Frome", "Chez les heureux du monde" ou "Le temps de l'innocence", ce roman ayant même connu plusieurs versions dont la dernière avec Daniel Day-Lewis et Michelle Pfeiffer a été réalisée par Martin Scorsese en 1993.

Mon avis :

"Les yeux" (1910), "Après coup" (1910), "Kerfol" (1916), "Ensorcelé" (1925), "Le miroir" (1935)... "Kerfol et autres histoires de fantômes" est un recueil de cinq nouvelles fantastiques d'influence gothique romantique, enrichi d'une présentation très éclairante et passionnante de Jean-Pierre Naugrette, professeur de littérature anglaise à l'université Paris III-Sorbonne nouvelle et traducteur de ces textes.

Certaines de ces histoires vous happent dès les premiers mots. D'autres accrochent un peu moins. Mais toutes sont servies par l'écriture profonde et ciselée d'Edith Wharton. VOIR, dans ses différentes déclinaisons, est le sens qui les relient entre elles. VOIR, comme percevoir, ressentir, prendre conscience, regarder, visiter, examiner, envisager, constater, être en relation avec quelqu'un ou quelque chose, être un témoin visuel d'un lieu, d'un événement, d'une époque, imaginer quelqu'un ou quelque chose d'une autre façon... Les fantômes ne sont pas là pour nous effrayer mais pour mettre à nu les émotions et les souvenirs que les personnages refoulent, leurs pensées négatives, leur culpabilité parfois, leur vulnérabilité.

Lues à haute voix, ces nouvelles ont une toute autre résonance. Une idée pour le soir d'Halloween !

mercredi 7 octobre 2020

"Feu & Sang" (partie 1 + partie 2) de George R.R. Martin (J'ai lu)

George Raymond Richard Martin est un écrivain américain de science-fiction et de fantasy, également scénariste et producteur de télévision. Il est né à Bayonne, New Jersey, en 1948. En 1963 paraît dans le magazine Les Quatre Fantastiques sa première lettre de lecteur. Il passe un Master en journalisme en 1971 à l'université de Northwestern, dans l'Illinois, et vend sa première nouvelle, "The Hero", au magazine Galaxy. De 1972 à 1974, il fait son service social dans les AmeriCorps à la suite de son objection de conscience à la guerre du Vietnam. Il publie son premier recueil de nouvelles en 1975, "A Son for Lya", qui rafle de Prix Hugo. En 1977 sort son premier roman, "L'Agonie de la lumière". En 1979, il met fin à sa carrière de professeur de lettres et déménage à Sante Fe, Nouveau-Mexique. De 1984 à 1990, il st scénariste pour la télévision, notamment pour les séries "La Cinquième Dimension" et "La Belle et la Bête".

Le premier tome du "Trône de Fer" paraît en 1996 et reçoit le Prix Locus. L'année 2011 voit le lancement, sur la chaîne HBO, de la série multi-récompensée et succès planétaire "Game of Thrones" qui tiendra en haleine les téléspectateurs pendant huit saisons (le dernier épisode sera diffusé le 19 mai 2019). Toujours en 2011, George R.R. Martin est sélectionné par le magazine Time comme l'une des personnes les plus influentes du monde. Il est aujourd'hui considéré comme le "Tolkien américain". Quant au sixième tome de la saga fantastique, il avait été annoncé pour juillet 2020. Autant dire qu'il est attendu avec impatience par les fans !

***

"Feu & Sang" (Partie 1 + Partie 2)
est le premier tome de l'histoire de la dynastie Targaryen, divisé en deux volumes pour la publication française et amputé des illustrations en noir et blanc de Doug Wheatley de la version originale. "Feu & Sang - L'Intégrale illustrée" a paru en novembre 2019 aux Editions Pygmalion.

La Partie 1 couvre la Conquête de Westeros par Aegon 1er jusqu'à l'an 100 apC (après la Conquête). La Partie 2 va de l'an 100 apC à la régence d'Aegon III (136 apC). George R.R. Martin n'a pas encore communiqué la date de la sortie du second tome. Celui-ci devrait revenir sur la période allant du règne d'Aegon III Targaryen jusqu'à la rébellion de Robert Baratheon (début du "Trône de Fer").

"Feu & Sang" est la retranscription, à l'époque du "Trône de Fer", soit plus de trois siècles après les premiers événements, par un mestre de la Citadelle de Villevieille, l'archimestre Gyldayn, de chroniques anciennes retraçant l'histoire mêlée de légendes des rois Targaryen de Westeros.

L'histoire :

Douze ans avant que le Fléau n'anéantisse Valyria, centre de la civilisation, le seigneur Aenar Targaryen crut en l'étrange prédiction de sa fille. Il se réfugia avec sa famille et ses cinq dragons à Peyredragon, une lugubre île dans le détroit. Les Targaryen devinrent alors les seuls valyriens seigneurs dragons qui survécurent.

Un siècle plus tard, las des querelles incessantes entre les différents royaumes, lord Aegon, descendant d'Aenar l'Exilé, est déclaré par ses alliés Roi unique de Westeros. Les Sept Couronnes, leurs rois et leurs seigneurs, petits et grands, se doivent de ployer le genou et remettre leurs épées. Ou prendre les armes. Commence une guerre de deux ans.

Après son débarquement à l'embouchure de la Néra et après trois batailles majeures victorieuses grâce à l'aide de ses deux soeurs-épouses, Visenya et Rhaenys, et des trois dragons, Balerion la Terreur Noire, seul survivant des cinq d'Aenar, et Meraxès et Vhagar, les deux plus jeunes éclos à Peyredragon, Aegon est enfin couronné à Villevieille.

Il choisit pour étendard un dragon rouge à trois têtes crachant le feu sur champ noir. "Mon bouclier, mon défenseur, ma robuste main droite", ainsi nomme-t-il son plus proche conseiller, son demi-frère et fidèle ami de jeunesse, Orys Baratheon, qui devient la première Main du Roi.

Aegon le Conquérant établit sa cour dans la ville nouvelle de Port Royal. Des épées rendues, il en fait un grand siège duquel il donne audience et qui sera connu dans le monde entier comme "le Trône de Fer de Westeros"...

Mon avis :
"Feu & Sang" se dévore d'une traite car extrêmement passionnant, ou au contraire se déguste tranquillement, patiemment, car très dense et généreux en détails et anecdotes. Un univers épique extraordinaire, bien musclé, qui mêle avec virtuosité les genres médiéval et fantastique. Jubilatoire !!!


A lire également :

📚  Dossier "Le Trône de Fer"

📚  L'excellent "Armageddon Rag"

📚  "Dragon de glace" (conte pour enfants)

mercredi 30 septembre 2020

Septembre 2020 - "Rural Noir"

"Dernière saison dans les Rocheuses" de Shannon Burke (10/18)


Shannon Burke
est né en 1966 à Wilmette, dans l'Illinois (Etats-Unis). Il est scénariste et écrivain. Après ses études à l'Université de Caroline du Nord, il s'installe à New York où il a été pendant cinq ans ambulancier à Harlem. Il vit à présent à Knoxville (Tennessee) avec sa femme et ses deux fils. Après "Manhattan Grand-Angle" (Gallimard, 2006) et "911" (Sonatine, 2014, Prix Mystère de la critique 2015). "Dernière saison dans les Rocheuses" est son troisième roman.

En qualité de scénariste, il a participé au film américain "Syriana", réalisé par Stephen Gaghan en 2005, avec George Clooney, Matt Damon, Jeffrey Wright, Chris Cooper et William Hurt. Son scénario "Outer Banks", pour une série Netflix destinée aux jeunes adultes, a eu beaucoup de succès pendant la pandémie de Covid-19 en avril 2020.

L'histoire :

William Wyeth est un jeune homme qui rêve de grandes aventures et de chevauchées romantiques vers l'Ouest. C'est ainsi qu'à vingt-deux ans, en ce printemps 1826, il décide de s'engager dans la brigade de trappeurs de la compagnie de fourrures des Rocheuses.

Des membres qui composent l'expédition, la majorité sont des chasseurs expérimentés et des montagnards endurcis. Wyeth est un novice qui va devoir faire ses preuves. Tout comme Walter Ferris, âgé de dix-neuf ans, dessinateur talentueux, dont les connaissances médicales et sa fine observation de la faune et la flore deviendront un atout pour l'équipe. Wyeth va également recroiser le chemin de l'antipathique Henry Layton, riche héritier, dandy au caractère instable, cupide et sans scrupules.

Après huit semaines d'efforts et d'un périple harassant et démoralisant, les cinquante-huit hommes arrivent enfin à la Prairie. A peine le temps de s'émerveiller de la beauté du paysage et de la douceur de l'été qu'ils découvrent avec horreur un premier charnier, un village indien pillé, brûlé, les villageois massacrés.

En novembre, il atteignent enfin la rivière Yellowstone où ils vont camper jusqu'au printemps et commencer ce pourquoi ils seront payés : installer les trappes et rassembler un maximum de fourrures d'animaux sauvages...

Mon avis :

Un roman d'aventure totalement captivant !!!
  • Passionnante, la description de la vie quotidienne des trappeurs, un univers exclusivement masculin où se tissent des liens particuliers de camaraderie, de loyauté, de courage, de témérité, mais aussi de cupidité et de cruauté. Inévitablement, on perçoit un peu de Davy Crockett en chacun des personnages...
  • Epoustouflante, l'évocation de l'Ouest américain du début du XIXe siècle, de ces régions inexplorées, inconnues, sauvages, imprévisibles, des dangers multiples à affronter, des rivalités entre les hommes, de la concurrence entre les différents comptoirs, du troc avec certaines tribus indiennes...
  • Intéressante, la réflexion en sous-texte sur la condition animale, la règlementation de la chasse, et les espèces en voie de disparition...
  • Touchant, le désir légitime de ces hommes aux manières rudes d'aimer et d'être aimés, malgré leurs longs mois d'absence et la mort qui les menace en permanence...
Grand coup de 💓 !!!


A lire :
"911"

mercredi 23 septembre 2020

"Grossir le ciel" de Franck Bouysse (Livre de Poche)


Prix SNCF du polar 2017
Prix des lecteurs de Lunel 2017
Prix Polars Pourpres 2016
Prix Sud-Ouest / Lire en poche 2016
Prix des lecteurs de Villeneuve-lez-Avignon 2015
Prix Calibre 47 2015
Prix polar Michel-Lebrun 2015


Franck Bouysse est un écrivain né en 1965 à Brive-la-Gaillarde. Il a enseigné la biologie et l'horticulture avant de se consacrer à sa passion pour l'écriture. Ses romans "Grossir le ciel" (2014), "Plateau" (2016) et "Glaise" (2017) ont rencontré un large succès, public comme critique, et remporté de nombreux prix littéraires. Il partage aujourd'hui sa vie entre Limoges et un hameau de Corrèze.

L'histoire :

Ce 22 janvier 2006, le journal télévisé annonce la mort de l'abbé Pierre. Lorsqu'il apprend la nouvelle, dans sa ferme des Doges, au fin fond des Cévennes, Gus ressent une profonde tristesse. Il n'a jamais rencontré l'abbé Pierre, mais c'est comme s'il venait de perdre quelqu'un de très important dans sa vie.

Hanté par des souvenirs douloureux et des idées sombres, Gus décide de marcher un peu et part avec son chien, son fidèle Mars, chasser les grives. L'endroit est isolé, il se croit seul. Il n'a pas encore tiré quand soudain il entend un premier coup de feu. Puis un second suivi de cris épouvantables. Une dernière détonation retentit. Ensuite c'est le silence, profond, assourdissant.

Au lieu de jouer la prudence et rentrer chez lui au plus vite, Gus traverse les champs jusqu'à la ferme d'Abel. Près de chez son voisin, il découvre des tâches de sang sur la neige immaculée. Effrayé, il s'enfuit et se barricade dans sa maison, tremblant de tout son être...

Mon avis :
C'est une histoire simple, en somme. Celle de deux vieux paysans, loin de tout, loin de la modernité. Celle de deux voisins taiseux qui savent s'entraider quand il le faut sans poser de questions. Celle de deux hommes sérieusement cabossés par la vie, préférant la solitude à la compagnie, dussent-ils en crever de douleur. Ce qui rapproche Gus et Abel, c'est le "pays", cette ruralité brute et sauvage et ces terres impitoyables qu'ils ne quitteront sous aucun prétexte. C'est une histoire simple, en somme, portée par une écriture extraordinaire qui nous broie le coeur et les tripes. Remarquable !

Une adaptation cinématographique de ce livre, avec Niels Arestrup dans le rôle d'Abel, est en cours de réalisation.

A lire :
"Né d'aucune femme" (La Manufacture de livres)

mercredi 16 septembre 2020

"Tout autre nom" de Craig Johnson (Points)


Craig Johnson
est un écrivain américain né en 1961. Il vit à Ucross, à quelques miles de Buffalo, dans le Wyoming, état le moins peuplé des Etats-Unis, avec son épouse, Judy, leurs chevaux, leurs chiens et leurs chats. Comme son héros, il a construit lui-même son ranch. Il y travaille depuis l'âge de vingt ans.

La nature à perte de vue, il contemple les collines et au loin les Big Horn Mountains. Autour de bons whiskys et bourbons, Craig Johnson adore discuter avec ses amis shérifs et Indiens qu'il connaît depuis longtemps. Il aime cette nation indienne, apprécie ses traditions, et entend les inquiétudes de ces femmes et de ces hommes appartenant aux réserves des Crows et des Cheyennes.

Grand lecteur, son maître est Tony Hillerman et ses modèles sont Steinbeck, Faulkner, Dickens et Hugo. Il avoue s'être inspiré du personnage de Jean Valjean pour façonner son héros, le shérif Walt Longmire, large carrure, fort, juste, courageux, et meilleur ami de l'Indien Henry-Ours-Debout.

Dans son oeuvre, Craig Johnson mêle relations familiales, intrigues policières, sociologie, place des Indiens dans l'Amérique contemporaine, respect de la nature et humour. Adaptées à la télévision, les histoires du shérif Longmire (six saisons) rencontrent toujours un très beau succès.

Quelques mots sur le personnage principal :
Walter Longmire et son épouse Martha, natifs et amoureux du Wyoming, ont acheté un terrain et un ranch "en kit" face aux Big Horn Mountains. Lorsque les lieux sont enfin habitables, Martha meurt des suites d'un cancer. Walter reste seul avec leur fille Cady, aujourd'hui avocate à Philadelphie. Shérif du comté d'Absaroka (comté fictif) depuis vingt-cinq ans, ancien Marine, il est passé par le Vietnam avec son ami d'enfance, l'Indien Cheyenne Henry-Ours-Debout, aujourd'hui propriétaire du bar de la ville, le "Red Pony". Walt Longmire, fidèle en amitié, respectueux des droits, de la justice, et contre toute forme de violence, est un colosse au charme irrésistible, doté de beaucoup d'humour, de délicatesse et de touchantes maladresses. Son adjointe, la belle Victoria Moretti, au caractère pourtant bien trempé, ne peut rien lui refuser. Face à cet homme particulièrement entêté, seule Ruby, la réceptionniste du bureau, en poste depuis plus longtemps que lui, peut parfois le raisonner. Parfois...

Tous les romans de Craig Johnson sont publiés aux Editions Gallmeister.


L'histoire :

Lucian Connally, shérif à la retraite du comté d'Absaroka, vient de recevoir un appel à l'aide d'une vieille amie, Phyllis Holman. Gerald Holman, le mari de Phyllis, policier retraité mais encore enquêteur pour le comté de Campbell, a été retrouvé mort dans la chambre d'un motel miteux. Les investigations concluent au suicide. Mais sa veuve n'y croit pas et supplie Lucian Connally, seule personne de confiance, de revoir l'affaire et lui dire la vérité.

Le shérif Walt Longmire, comme toujours, n'a pas pu refuser de prêter main-forte à son ami et mentor alors même que sa fille Cady est sur le point d'accoucher de son premier enfant et a besoin de lui à Philadelphie. C'est dans ce contexte que Longmire et Connally arrivent à Gillette, comté de Campbell, voisin d'Absaroka.

Après avoir rencontré Madame Holman, les deux hommes se présentent à Sandy Sandburg, shérif du compté de Campbell, qui accepte très courtoisement de partager ses dossiers avec son collègue Walt Longmire, réputé pour son impartialité et son efficacité. Les nouveaux venus d'Absaroka ne tardent pas à découvrir que Gerald Holman s'intéressait à la disparition, dans l'année en cours, de trois jeunes femmes...

Mon avis :

Un roman policier classique et sans surprise mais... c'est comme ça... j'aime m'évader de temps en temps dans les neiges du Wyoming, en compagnie du shérif Walt Longmire et de ses fort sympathiques acolytes.

Des paysages sublimes, de grands espaces, des petites villes bien moins paisibles qu'elles n'y paraissent, de l'aventure, de l'humour, de l'amitié... Totale ambiance "Ouest américain"... Que du bonheur !!!

Si vous ne connaissez pas encore le comté d'Absaroka ni ses charmants personnages, n'ayez crainte, l'auteur parsème très habilement tous les indices nécessaires pour ne perdre aucun lecteur en chemin...


A lire :
📚 "Little Birds" - "Le Camp des Morts" - "L'Indien Blanc"
📚 "Tous les démons sont ici"

mercredi 9 septembre 2020

"L'heure de plomb" de Bruce Holbert (Gallmeister)

Bruce Holbert a grandi au pied des Okanogan Mountains, dans l'Etat de Washington. Son arrière-grand-père, éclaireur indien de l'armée des Etats-Unis, était un homme respecté jusqu'à ce qu'il assassine son gendre, le grand-père de Bruce Holbert. Ce dernier s'est inspiré de cette tragédie pour écrire son premier roman, "Animaux solitaires".

Son père étant employé sur des chantiers, Bruce Holbert déménage vingt-trois fois au cours des six premières années de sa vie, avant que la famille ne s'établisse dans la région du barrage de Grand Coulee (Etat de Washington) sur lequel son père travaille pendant vingt ans. Bruce Holbert grandit bercé par les mythes de l'Ouest américain.

Diplômé de l'université de l'Iowa, il a enseigné pendant de nombreuses années en parallèle de l'écriture. Plusieurs de ses nouvelles ont été publiées dans des revues littéraires et ont remporté divers prix. Après "Animaux solitaires" (2012), "L'heure de plomb" (2014), "Whiskey", son dernier roman, a paru en 2019, toujours aux Editions Gallmeister.

Il a pris sa retraite et vit aujourd'hui à Nine Mile Falls (Etat de Washington).

L'histoire :

Etat de Washington, nord-ouest des Etats-Unis
Novembre 1918

Sur le chemin du retour vers la maison, après la classe, les jumeaux Luke et Matt, quatorze ans, se font surprendre par une violente tempête de neige, l'une de celle qui marquera les esprits, même les plus aguerris.

Inquiète de voir revenir seule, dans la cour de l'école, la jument de ses deux élèves, la jeune institutrice Linda Jefferson part courageusement à leur rencontre. De son côté, le père, étonné du retard de ses fils et angoissé par ce ciel qui s'assombrit beaucoup trop vite, décide, lui aussi, de tenter de les rejoindre.

Madame Jefferson les aperçoit la première. Les garçons sont mal en point mais tous les trois réunissent leurs efforts pour atteindre la salle de cours où ils se sèchent et se réchauffent devant le poêle à bois. Malheureusement, malgré les soins attentionnés de l'enseignante, Luke ne survit pas. Quant à Ed Lawson, le père des jumeaux, personne ne le reverra plus.

Brutalement, du jour au lendemain, Matt passe de l'adolescent espiègle et insouciant à l'adulte responsable de la ferme familiale. Brutalement, du jour au lendemain, Matt doit porter silencieusement le poids de deux deuils, et le chagrin et l'aigreur de sa mère...

Mon avis :
Si vous êtes un peu déprimés en ce moment, passez votre chemin... Que de noirceur dans ce roman remarquable ! Le blanc immaculé de la neige se couvre vite de boue et de sang. Le rythme lent, oppressant, souligne la force tragique et douloureuse de l'histoire. La prose, admirable, intensifie les contrastes et les oppositions entre la beauté du paysage et les dangers de la nature, entre la fragilité des hommes et la laideur de l'humanité. Les personnages traversent quatre décennies, de 1918 aux années 1960, dans une ruralité d'un autre âge, broyés par le drame originel, broyés par la violence de cette terre, s'efforçant, sinon de survivre, au moins de ne pas être ensevelis vivants.

mercredi 2 septembre 2020

"Un pied au paradis" de Ron Rash (Folio)


Ron Rash est un écrivain, poète, nouvelliste et romancier américain. Il est né en 1953 à Chester, en Caroline du Sud, et a passé son enfance dans la petite ville de Boiling Springs. Diplômé en littérature anglaise, sa carrière d'écrivain s'amorce en 1994 avec la parution, aux Etats-Unis, d'un premier recueil de nouvelles, puis d'un recueil de poésie en 1998. Lauréat de plusieurs prix littéraires américains, il publie "Un pied au paradis", son premier roman, en 2002 (Le Masque, 2009, puis réédité chez Gallimard/Folio en 2019). "Serena", publié en 2008 aux Etats-Unis et traduit en 2011 en France, est transposé au cinéma par la réalisatrice danoise Suzanne Bier en 2014 sous le même titre. "Une terre d'ombre" (Seuil, 2014) a reçu le Grand Prix de Littérature policière. Ron Rash vit actuellement à Asheville, en Caroline du Nord, et enseigne la littérature à la Western Carolina University.

L'histoire :

Comté d'Oconee, Appalaches du Sud
Août 1952

Sa femme, Janice, est déjà endormie. Lui s'apprête à se plonger dans un bon livre lorsque quelqu'un frappe à la porte. Son adjoint, Bobby, a besoin de son aide. Une bagarre est en cours au "La Frontière". Régulièrement, les gars de Caroline du Nord descendent pour en découdre avec les gars de Caroline du Sud qui n'en attendent pas moins.

Le shérif Will Alexander et son adjoint ne sont pas étonnés de retrouver impliqué Holland Winchester. Depuis son retour au pays, le jeune homme est habitué aux échauffourées. Ce soir, il est en uniforme, le regard et l'esprit restés en Corée, sa Gold Star jetée sans plus de considération au milieu de ses "trophées de guerre", huit oreilles humaines séchées, au fond d'une bourse élimée. Winchester est bon pour rembourser les dégâts matériels causés au bar.

Deux semaines plus tard, la mère de Holland Winchester signale la disparition de son fils et accuse Billy Holcombe, un cousin éloigné de Will Alexander, de l'avoir tué. Pour le shérif, cette affaire est un retour à la ruralité de son enfance. Il se souvient de la ferme de ses parents, de la douceur de sa mère, du dur labeur de son père, des heureuses parties de chasse et de pêche avec son frère...

Mon avis :

Au coeur d'une région rurale aride, ancienne terre cherokee, se joue un drame économique, social et humain irrévocable : l'expulsion des habitants et des cultivateurs, le rachat de leurs biens par une compagnie d'électricité et la construction d'un barrage qui inondera leurs propriétés, leurs exploitations, leur patrimoine, leurs souvenirs, leurs vies. S'ajoutent à ce désastre des drames familiaux et des épreuves intimes. Ron Rash nous livre ici l'une de ces histoires, noire, douloureuse, contée par cinq des protagonistes principaux. 

Ce roman est une merveille de sensibilité, de délicatesse, de sensualité aussi malgré la brutalité des faits. L'auteur ne porte pas de jugement sur ses personnages. Il explore leur être au plus profond d'eux-mêmes. Enorme coup de 💗!!!

mercredi 26 août 2020

Juillet & Août 2020 - "Voilà l'été !"

 


"Jusqu'à l'impensable" de Michael Connelly (Calmann-Lévy)


Michael Connelly
est né en 1956 à Philadelphie (Etats-Unis). Lauréat du Prix Pulitzer comme chroniqueur judiciaire, il fait sensation avec "Les égouts de Los Angeles" (1992), où évolue son inspecteur Harry Bosch, souvent en conflit avec ses supérieurs dans sa recherche de la vérité. Les références à la peinture ou à la littérature - comme Edgar Allan Poe dans "Le Poète" (1996) - permettent à Connelly de transcender le roman noir. Il obtient divers prix aux Etats-Unis puis en France, dont le Grand Prix de littérature policière en 1999 pour "Créance de sang".

Le personnage Hieronymus "Harry" Bosch est né en 1950. Homme taciturne, vétéran du Vietnam où il "nettoyait" les galeries souterraines creusées par les Vietcongs, Bosch a un fichu caractère, des amours compliquées, père d'une fille, Maddie, une passion pour le jazz, un penchant pour l'alcool et un prénom original : Hieronymus (Connelly s'est inspiré du peintre flamand Jheronimus Van Aken, dit Jérôme Bosch). Sa mère, prostituée, a été assassinée sur Hollywood Boulevard lorsqu'il était enfant (hommage à James Ellroy). Son père, J. Michael Haller, est avocat, ainsi que son demi-frère, Mickey Haller, héros d'une autre série de Connelly ("La Défense Lincoln").

Connelly a créé d'autres séries, l'une autour de Terry McCaleb, agent du FBI, et l'autre autour du journaliste Jack McEvoy. Plusieurs de ces différents protagonistes sont parfois réunis dans une intrigue commune.


"Le meilleur moyen pour moi, c'est de faire évoluer mes personnages dans un monde le plus réaliste possible : je veux que les rues soient vraies, les restaurants, les bars, mais aussi la bureaucratie, les mécanismes politiques, tout ce qui fait notre quotidien. Parce que cet univers sera réaliste, je pourrai donner une forme de réalité à mes personnages. Et Los Angeles est une ville qui permet cela : elle offre une vaste palette de mondes disparates - les plaines, les collines, l'océan, le désert... -, et cette géographie se retrouve dans sa diversité sociale. C'est un terreau impitoyable certes, mais surtout formidable pour un écrivain."
Michael Connelly


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Terminons le thème "Voilà l'été !" sous le soleil de Los Angeles, en compagnie de deux héros principaux de l'oeuvre de Michael Connelly, l'inspecteur Harry Bosch, aujourd'hui retraité du LAPD, et son demi-frère, le célèbre avocat Michael Haller, réunis à nouveau dans un même scénario.

Mickey Haller assure la défense de Da'Quan Foster, accusé du meurtre sordide d'Alexandra Parks, très appréciée directrice adjointe des services municipaux de West Hollywood et épouse du shérif adjoint de Malibu.

Ce n'est pas le premier assassin que Haller doit défendre. Mais cette fois, il est intimement convaincu de l'innocence de son client. C'est pourquoi il propose à Bosch de mener sa propre enquête, quelles qu'en soient les conclusions.

Après un refus catégorique, l'ancien policier s'interroge. Si Da'Quan Foster n'est pas coupable, cela veut dire qu'un tueur court toujours dans la nature. Impensable...

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Fidèle lecteur ou nouveau venu dans l'univers Connelly, vous serez happé par cette histoire prenante, efficace, policière, sociale et politique dans laquelle la Cité des Anges tient un rôle essentiel.

Un rythme soutenu, une narration nerveuse, un sens aigu du détail, une écriture visuelle et cinématographique, des personnages vrais dans leurs forces comme dans leurs failles, de l'humain, des coups de gueule et une profonde idée de la justice.

Un Connelly du meilleur cru !

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A voir :
L'excellente et très soignée série télévisée américaine, "Bosch", créée par Michael Connelly, produite par Amazon Studios et réalisée par Eric Overmyer, avec Titus Welliver, Jamie Hector et Amy Aquino (six saisons sur Amazon Prime video).

mercredi 19 août 2020

"Pastorale" de Aki Ollikainen (Ed. Héloïse d'Ormesson)

Aki Ollikainen est né en 1973. Photographe et journaliste, il vit à Lohja, au sud de la Finlande. "La Faim blanche", son premier roman, a été récompensé par de nombreux prix et a figuré dans les sélections 2016 du Man Booker International Prize et du Prix Femina étranger. "Pastorale" est son second roman.

L'histoire :

C'est un village isolé d'une commune de Finlande orientale, sur les rives d'un lac. Meri, une adolescente de seize ans, passe l'été chez ses grands-parents. Elle, la citadine, aime retrouver sa famille maternelle, la vie rurale brute et essentielle, marcher dans la forêt, apprendre à pêcher, écouter le silence peuplé de sons inconnus. Cette première journée de canicule est singulière. Elle provoque en chacun une étrange vague de nostalgie, de regrets, de bilans, de rêves...

Pendant ce temps, sur la plus haute branche d'un pin, comme de vieux compères qui préparent un mauvais coup, deux corbeaux croassent de plaisir et se gaussent de la comédie humaine qui se joue sous leurs yeux. La Nature attend son heure...

"Le monde étendu sous lui et ses habitants, le corbeau les contemplait d'un oeil de propriétaire terrien - il voyait la forêt mise en arbres, les arbres mis en piles et les piles mises à prix."

Mon avis :

Avec "Pastorale", Aki Ollikainen confirme la profondeur et la poésie de son écriture découvertes dans son premier roman, "La Faim blanche". Dans ce texte plein de mystères, il croise de nombreux thèmes de réflexion et plusieurs symboliques : celle des croyances ancestrales et des contes et légendes transmis de génération en génération ; celle, image d'épinal teintée de nostalgie, de la vie pastorale d'antan ; et celle de la pastorale religieuse et de la quête spirituelle. Réalité ? Rêve ? Hallucination ? A chaque lecteur son interprétation de l'histoire... Très beau roman !

A lire :

"La Faim blanche"

https://cappuccinochezlouguitar.blogspot.com/2017/01/la-faim-blanche-de-aki-ollikainen.html?m=0

mercredi 12 août 2020

"La Dame à la Licorne" de Tracy Chevalier (Folio)

Tracy Chevalier est une écrivaine américaine, née en 1962 à Washington. En 1984, elle déménage en Angleterre et commence, en 1993, une année de Master of Arts en création littéraire à l'Université d'East Anglia. Ses tuteurs, lors de son parcours, sont les romanciers Malcolm Bradbury et Rose Tremain. En 1997 paraît son premier roman, "La Vierge en bleu". Le succès arrive avec "La jeune fille à la perle", un livre inspiré par le célèbre tableau de Vermeer. Le film éponyme, réalisé par Peter Webber, avec Scarlett Johansson, Colin Firth et Cillian Murphy, a obtenu trois nominations aux Oscars de 2004. Tracy Chevalier est également présidente, pour l'Angleterre, de la Society of Authors. Son dernier roman, "La brodeuse de Winchester", vient d'être publié aux Editions Quai Voltaire.

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Depuis le traité "De l'âme" d'Aristote (384 - 322 av. J.C.), l'être humain dispose de cinq sens. Pourtant, La Dame à la Licorne, tissée vers 1500 et exposée aujourd'hui au Musée national du Moyen Age - Thermes et Hôtel de Cluny (Paris V), évoque l'idée d'un mystérieux sixième sens.

La Dame à la Licorne est composée de six tapisseries. On suppose que cinq d'entre elles représentent les cinq sens symbolisés par l'occupation à laquelle se livre la Dame :

  • Le toucher (la Dame tient d'une main la corne de la Licorne et de l'autre le mât d'un étendard)
  • Le goût (la Dame prend une dragée d'une coupe que lui tend sa servante et l'offre à un oiseau)
  • L'odorat (pendant que la Dame tisse une couronne de fleurs, un singe respire le parfum d'une fleur dont il s'est emparé)
  • L'ouïe (la Dame joue d'un petit orgue)
  • La vue (la Licorne se contemple dans un miroir tenu par la Dame)

Sur la sixième tapisserie, dont l'interprétation reste un mystère à ce jour, on peut lire, encadrée des initiales A et I, la devise "Mon seul désir" au haut d'une tente bleue (image ci-dessus).

Une autre interprétation voudrait que les six tapisseries illustrent six vertus allégoriques courtoises évoquées dans le "Roman de la Rose". Il s'agirait alors de Oiseuse pour la vue, Richesse pour le toucher, Franchise pour le goût, Liesse pour l'ouïe, Beauté pour l'odorat et Largesse pour la dernière "Mon seul désir".

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L'histoire :

Paris, 1490, sous le règne de Charles VIII dit "l'Affable" (1470-1498)

Pour habiller les murs de la grande salle de réception de sa demeure rue du Four à Paris, Jean Le Viste, haut magistrat d'origine lyonnaise, a l'envie de six tapisseries. Chacune devra représenter une scène de la Bataille de Nancy. L'artiste sera prié d'y insérer le plus de blasons possibles de la famille Le Viste, bien qu'aucun de ses membres n'ait participé à cet épisode glorieux.

Sur les conseils de son épouse, Geneviève de Nanterre, Jean Le Viste fait appel à Nicolas des Innocents, célèbre dans le tout-Paris pour ses magnifiques miniatures. Si le peintre est talentueux, l'homme est également réputé pour sa trivialité et son insatiable appétit pour le sexe faible. Malgré ces rumeurs, Dame Geneviève se rapproche de l'artiste. Accueillir des hôtes de marque dans une pièce entourée de sang et de corps étripés ne lui plaît guère et n'augure pas des discussions sereines. La maîtresse de maison préférerait un thème plus subtil et plus apaisant. Elle s'en remet à Nicolas des Innocents et elle est immédiatement conquise par sa proposition d'une réflexion autour de la Licorne...

Mon avis :
Une histoire délicieusement romanesque très instructive sur la vie des artisans, en particulier des lissiers, à l'aube de la Renaissance, et sur les différentes étapes de l'élaboration d'une tapisserie, de sa conception à sa sortie de l'atelier. Très agréable moment de lecture à la fois distrayant et éducatif, et l'écriture de Tracy Chevalier toujours aussi envoûtante !


A lire également, de Tracy Chevalier, le passionnant "Prodigieuses créatures" :

mercredi 5 août 2020

"Changer l'eau des fleurs" de Valérie Perrin (Livre de Poche)


Valérie Perrin
est une photographe, scénariste et écrivaine née en 1967 à Gueugnon, dans l'est de la France. Son premier roman, "Les oubliés du dimanche" (Albin Michel), lauréat du Premier Roman de Chambéry 2016, a reçu treize prix littéraires, dont le Grand Prix national Lions de littérature 2016 et le Prix Choix des librairies 2018. Son deuxième roman, "Changer l'eau des fleurs" (Albin Michel, 2018) est également couronné de plusieurs prix, dont le Prix Maison de la Presse 2018. Depuis 2011, Valérie Perrin coécrit une dizaine de scénarios avec Claude Lelouch, dont "Salaud, on t'aime", "Un + une", "Chacun sa vie", "Les plus belles années d'une vie". Elle réalise un "Carnet de tournage" du film "Ces amours-là" aux éditions France-Empire en 2010. Elle a été photographe de plateau pour Samuel Benchetrit, Audrey Dana, Claude Lelouch. Plusieurs expositions de photographies lui ont été consacrées. Aux élections européennes de 2019, Valérie Perrin se présente sur la liste des candidats du Parti animaliste. Elle est la compagne du réalisateur Claude Lelouch depuis 2006.

L'histoire :

Née sous X en 1968, ballottée de famille d'accueil en famille d'accueil, peu d'atomes crochus avec l'école, à dix-sept ans dans les années 1980, Violette est barmaid dans une boîte de nuit. Elle y rencontre Philippe Toussaint, vingt-sept ans, beau, charmeur, irrésistible, et elle veut croire à l'amour pour en avoir tant manqué. Mineure et enceinte de lui, elle s'installe chez Philippe. Mais les dés sont encore une fois pipés. Très vite, Violette réalise que Philippe Toussaint est un sale type, infidèle, fainéant, violent et lâche. Un enfant à venir, sans un sou, par la force des choses, ils se retrouvent gardes-barrières près de Nancy, dans une bicoque dont l'état ressemble à celui du couple : catastrophique.

Après une décennie de labeur et de soumission pour Violette, l'installation de barrières automatiques met fin à leur contrat et jette les Toussaint à la rue, sans travail, sans logement. Leur seule opportunité est ce poste de gardiens de cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Violette s'y plaît instantanément. Les morts ne lui font pas peur. Elle s'attache à eux, connaît l'histoire de chacun, veille à leur tranquillité. Etrangement, elle se sent enfin vivante. Surtout depuis la disparition inexpliquée de son mari. Parti un jour pour une balade à moto, habitué des absences prolongées, cette fois, il n'est jamais revenu...

Mon avis :
Violette est un fil d'Ariane. Sur son histoire se greffent des dizaines d'autres : celles des défunts sur lesquels elle veille, attentionnée, et celles des vivants liés au cimetière et qu'elle prend sous son aile, confidente. Texte lumineux, drôle, bienveillant, poétique, bien moins léger qu'il n'y paraît, il sait aussi être réaliste et acéré sur les choses de la vie. Un tourbillon d'émotions enchanteur à partager généreusement autour de soi !

mercredi 29 juillet 2020

"L'héritière" de Hanne-Vibeke Holst (Pocket)

Hanne-Vibeke Holst est née en 1959 à Hjorring (Danemark). Elle a d'abord été journaliste politique avant de se consacrer à l'écriture. Elle s'est également illustrée par son engagement pour la cause des femmes et siège aujourd'hui comme membre de la Commission danoise de l'Unesco.

L'histoire :

La déception est lourde pour Per Vittrup, Premier ministre social démocrate, à l'annonce des résultats du référendum. Il ne s'attendait pas à un "NON à l'Euro" aussi massif. Il n'a pas d'autre choix que de revoir la composition de son gouvernement. Le remaniement ministériel sera présenté à la Reine le jeudi 21 décembre. Le moment est peut-être venu de placer son alliée, l'actuelle Ministre de la Santé, Elisabeth Meyer, au poste de Ministre des Affaires étrangères, et de se séparer de son Ministre de l'Environnement, Soren Schouw, incompétent et alcoolique. A la surprise de Vittrup, Meyer avance le nom de Charlotte Damgaard pour le remplacer. La vie politique est phallocrate, elle manque de jeunes, elle manque de femmes, elle manque de jeunes femmes, et elle manque d'imagination. L'arrivée de Damgaard pourrait faire bouger un peu les lignes.

Charlotte Damgaard a un parcours plus qu'impressionnant. Diplômée de sciences politiques à Aarthus et à Copenhague. Présidente de l'Association Les Amis de la Nature. Ancienne directrice de campagne de Greenpeace. Ancienne fonctionnaire de la commune de Copenhague. Membre active de l'organisation étudiante sociale démocrate Forum libre. Jeune, engagée, compétente, bon niveau d'études, efficace, excellente communicante, militante sociale démocrate depuis 1990, elle a travaillé en alternance avec Elisabeth Meyer de 1996 à 1997 dont elle est devenue la confidente. Issue d'une famille de paysans du Nord-Jutland, c'est une femme, jolie, mariée, et mère de jumeaux, Jens et Johanne. Lorsque le Premier ministre l'appellera, Charlotte devra prendre une décision difficile car Thomas, son mari, après plusieurs années consacrées à l'éducation de leurs enfants, vient justement d'accepter une mission professionnelle de deux ans avec sa famille dans un district rural en Ouganda, Afrique de l'Est...

Mon avis :

Vous avez aimé "Borgen", l'excellentissime série télévisée danoise (diffusée actuellement sur Netflix) inspirée de la vie de Helle Thorning-Schmidt, Première ministre du Danemark de 2011 à 2015 ? Vous avez craqué pour les pulls jacquard de l'enquêtrice Sarah Lund dans la non moins remarquable série danoise "The Killing" (diffusée actuellement sur Arte) ? Alors, vous adorerez cette brillantissime trilogie de Hanne-Vibeke Holst ! Vous ne connaissez ni "Borgen" ni "The Killing" ? Alors, plongez à corps perdu dans cette brillantissime trilogie de Hanne-Vibeke Holst ! Autant instructif qu'addictif, ce thriller politique montre avec réalisme et virtuosité à quel point, dans ce milieu plus que dans n'importe quel autre, tous les coups sont permis et la course au pouvoir âpre et cruelle. 

Enorme coup de coeur, vous l'aurez deviné !!!


A suivre, tout aussi haletants : "Le Prétendant" et "Femme de tête" (Pocket)


mercredi 22 juillet 2020

"Frankie Addams" de Carson McCullers (Livre de Poche)

Carson McCullers est une femme de lettres américaine née en 1917 à Columbus (Géorgie). A dix-sept ans, elle quitte sa famille et l'atmosphère étouffante de son Sud profond pour New York où elle est censée étudier la musique. En réalité, elle suit des cours d'écriture à l'Université de Columbia. Elle publie une nouvelle dans un magazine, commence son premier roman et épouse le Caporal Reeves McCullers. Elle a à peine vingt-trois ans quand "Le coeur est un chasseur solitaire" est publié. Le Sud pauvre, raciste, écrasé par le soleil, dépeint dans ce roman, est aussi aride que les sentiments et la solitude dont souffrent les personnages, comme les personnages de tous ses romans d'ailleurs. "Frankie Addams" paraît en 1946. En 1950, le roman est adapté en pièce de théâtre, celle-ci est nommée meilleure pièce américaine de l'année. Mais parallèlement à ce succès, son mariage est un échec. Son divorce puis son remariage avec McCullers, une catastrophe. Reeves McCullers se suicide en 1953. Malgré des rencontres extraordinaires (Tennessee Williams, Truman Capote, Marilyn Monroe, Karen Blixen, Anaïs Nin, Annemarie Schwarzenbach, Dali, Leonard Bernstein...), comme ses héros de papier, Carson McCullers est seule. Rongée par un rhumatisme articulaire non diagnostiqué à temps et de nombreuses attaques cérébrales, à moitié paralysée, obligée de se déplacer en fauteuil roulant, incapable d'écrire elle-même, fumant et buvant trop, elle décède en 1967, à l'âge de cinquante ans.

L'histoire :

Frankie a douze ans. Elle est orpheline de mère, celle-ci étant décédée en la mettant au monde. Son père, avec qui elle était complice quand elle était petite, est à présent distant, mal à l'aise, gêné face à cette jeune femme en devenir.

Frankie a peu d'amis. En ce mois d'août brûlant de chaleur et écrasant de solitude et d'ennui, elle passe le plus clair de son temps avec Bérénice Sadie Brown, la cuisinière noire, et John Henry West, son cousin de six ans. Heureusement, le mariage de Jarvis, son grand frère, approche. Il aura lieu en Alaska et la seule évocation de cette région du monde transporte Frankie dans les rêves les plus merveilleux, elle qui n'a jamais quitté le Sud profond des Etats-Unis, elle qui n'a jamais vu la neige.

Depuis qu'elle connaît la date de la cérémonie, sa valise est prête, car elle va vivre à Winter Hill avec Jarvis et Janice. Cette espérance a très vite mué en volonté, puis en évidence. Elle en parle à tout le monde, ça oui ! elle en parle ! Mais personne ne l'écoute, personne ne l'entend. Au mieux, on sourit. La gosse a de l'imagination...

Mon avis :

Il m'est difficile de rester objective car je suis conquise depuis toujours par Carson McCullers. Mais ce roman est, en toute sincérité, un diamant d'émotions, construit en trois chapitres, chacun relatant un état dans le passage de l'enfance à l'âge adulte, une transition en trois temps et trois personnalités bouillonnantes amenées à n'en faire qu'une. Il y a d'abord Frankie, l'enfant idéaliste et fantasque. Puis F. Jasmine, perdue, constamment en colère, en manque de figure maternelle, seule dans son apprentissage de la vie et de l'amour. Et enfin Frances, apaisée et libre.

Un texte douloureux et sensible qui ne peut que réveiller en nous d'anciennes blessures ou, au contraire, d'heureux souvenirs.

mercredi 15 juillet 2020

"Dévotion" de Patti Smith (Gallimard)

Patricia Lee Smith est née en 1946 à Chicago (Illinois, Etats-Unis), dans une famille modeste. Elle est élevée à Pitman, dans le New Jersey. Rapidement, elle se détache de son adolescence très religieuse. A vingt-et-un an, elle quitte le South Jersey pour un New York en pleine effervescence artistique. Sans un sou et sans un ami, elle parvient par son talent et sa ténacité à s'imposer comme une des artistes les plus originales de son temps. Elle demeure une icône rock adulée par plusieurs générations et ses albums et concerts restent de véritables événements. Auteure, musicienne et artiste, elle a exposé ses dessins et ses photographies dans le monde entier. Elle a enregistré treize albums, à commencer par le novateur "Horses" en 1975. Parmi les nombreux textes qu'elle a écrits se trouvent "La Mer de Corail" (1996), "Présages d'innocence" (2007), "Just Kids" (qui lui a permis de remporter le National Book Award en 2010), ainsi que "M. Train" (2016). "Dévotion" est paru en 2018. Patti Smith habite à New York.

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  • Dévouement : action de se dévouer ; qualité de quelqu'un susceptible d'agir ainsi (soigner quelqu'un avec dévouement)
  • Dévotion : piété, attachement à la religion ou aux pratiques religieuses ; (littéraire) attachement quasi religieux à quelque chose ou quelqu'un, vénération
  • "dévouement" se traduit en anglais par "devotion"

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L'histoire :

Au commencement du processus d'écriture, il y a l'inspiration. Pour Patti Smith, sensible à tout ce qui l'entoure, tout est source d'inspiration. Se balader dans les rues de Paris à la manière de Patrick Modiano... Marcher dans les pas de Simone Weil, Apollinaire, Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, Victor Hugo, Albert Camus, Eric Rohmer, et tant d'autres... Se gorger d'images, de parfums et de sons... Eveiller tous ses sens... Accueillir avec bienveillance la nostalgie... S'ouvrir aux rêves... Toutefois, elle confie que pour "Dévotion", la figure de Simone Weil revenait sans cesse, obsédante, jusqu'à la nécessité d'un voyage en Angleterre, à Ashford, et se recueillir sur la tombe de la philosophe.

De retour à New York, il faut se mettre à l'ouvrage, écrire le livre, modeler les souvenirs et les impressions, et leur donner corps et vie.

Ce qu'Eugenia aime plus que tout, c'est patiner, tôt le matin, à l'abri des regards, sur le petit étang gelé, un endroit qui n'appartient qu'à elle. Mais la frêle jeune fille de seize ans ignore qu'un admirateur secret veille sur elle. Chaque jour, un homme la suit et l'observe discrètement, sans jamais se montrer ni l'aborder. Eugenia a conscience d'une présence mais instinctivement elle ne la craint pas. Elle continue de danser et ne faire qu'une avec la glace...

Mon avis :
"Dévotion" est un conte de fée sombre et cruel, et sensuel aussi, sublimé par une plume poétique, délicate et émouvante. Une histoire complétée de textes intimes et de photographies personnelles. La sincérité et la générosité de Patti Smith à l'état pur... Bonheur et dévotion !

mercredi 8 juillet 2020

"Les Soeurs Brontë - La force d'exister" de Laura El Makki (10/18)

Laura El Makki est une écrivaine, journaliste et productrice française. Diplômée de littérature française, en 2008 elle rejoint la rédaction de Le Magazine littéraire, avant d'animer l'émission "On n'a pas fini d'en lire" sur France Inter. Entre 2009 et 2016, elle collabore avec Guillaume Gallienne dans l'émission "Ca peut pas faire de mal". Toujours sur France Inter, elle écrit et produit des fictions radiophoniques et programmes estivaux dont la série "Un été avec Proust" en 2013, "Les beaux esprits se rencontrent" en 2014 ou "1001 mondes" en 2016. Biographe, Laura El Makki est notamment l'auteure de "Henry David Thoreau" (Gallimard, 2014), "H.G. Wells" (Gallimard, 2016), et "Un été avec Victor Hugo" (Editions des Equateurs, 2016). "Les Soeurs Brontë - La force d'exister" est paru chez Tallandier en 2017.

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Lorsqu'à l'adolescence, le hasard met entre ses mains "Les Hauts de Hurlevent" d'Emily Brontë, le coup de foudre littéraire est immédiat pour Laura El Makki. Quelques années plus tard, sa passion pour les trois soeurs Brontë la conduit à Haworth, où tout commença.

En plein hiver, la journaliste part en Angleterre, vers le Yorkshire, à la rencontre de Charlotte, Emily et Anne Brontë, avec en tête des images funèbres de noirceur et de fantômes. De fait, à son arrivée, un épais brouillard gris recouvre la petite ville de Haworth, les landes, le presbytère, l'église où le pasteur Brontë célébrait les offices, le cimetière et la maison familiale.

Nés dans la pauvreté et élevés dans l'austérité morale et religieuse, les enfants Brontë reçoivent beaucoup d'amour de leurs parents, le pasteur Patrick Brontë et son épouse adorée Maria Branwell Brontë. Mais le destin s'acharne sur la famille et ne lui épargne aucun drame. La tuberculose emporte la mère à trente-huit ans, puis les soeurs aînées, Maria et Elizabeth, âgées seulement de onze et dix ans.

Dans cette maison qu'ils quittent rarement, glaciale et dépouillée de tout ornement, Charlotte, Emily, Anne et leur frère Patrick Branwell doivent se construire par eux-mêmes, sous la bienveillance de Tabby, leur fidèle servante. Leur père, bien qu'inquiet pour eux, se consacre tout entier à sa Foi et à ses ouailles. Leurs uniques liens avec le monde extérieur sont les journaux, qu'ils lisent avidement, et les enseignements de leur père.

Pour autant, leur bulle ne manque pas de couleurs. Enfants précoces et créatifs, ensemble, ils imaginent des univers fantastiques (Angria et Grondal), inventent des aventures, les soldats de bois de Branwell deviennent des personnages épiques, et l'écriture leur est à chacun indispensable.

Le temps passe. Les enfants grandissent. Chacun affronte ses propres expériences, heureuses ou douloureuses. Si Branwell brûle la chandelle par les deux bouts, en cette époque victorienne où la condition des femmes est plus que précaire et dépend de la volonté des hommes, malgré la rigueur de leur quotidien et leur attachement viscéral à Haworth, les soeurs Brontë ne manquent ni de force, ni de volontarisme, ni de courage pour faire valoir leur indépendance.

Laura El Makki se méfie du romantisme exacerbé. Elle s'efforce de comprendre les raisons de cet engouement et l'origine de ces légendes sombres et tenaces autour de cette famille si singulière. Elle porte un regard nouveau et personnel sur la vie et l'oeuvre de cette sororité fusionnelle, complexe, et rivale à bien des égards. Leurs écrits sont preuve que les trois filles ne se berçaient d'aucune illusion sur la nature humaine.

Balayée par les vents, la brume et les orages, la tragédie continue de frapper Haworth. Les soeurs Brontë profitent peu de leur notoriété. Branwell et Emily décèdent la même année, en 1848, à trente-et-un et trente ans. Anne s'éteint en 1849, à vingt-neuf ans. Charlotte succombe à la tuberculose en 1855, à trente-neuf ans, huit mois après son mariage et enceinte de son premier enfant. Le pasteur Brontë, qui enterra sa femme et leurs six enfants, quitte cette vie de deuils en 1861, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.

Il ressort de cette biographie fluide et captivante une profonde sincérité et, au terme de sa lecture, une véritable envie de (re)découvrir autrement les textes de Charlotte, Emily et Anne Brontë.

(Haworth, 1861)
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Quelques titres :
  • "Jane Eyre" de Charlotte Brontë (Folio classique - Préface de Dominique Barbéris)
  • "Shirley" de Charlotte Brontë (Archipoche)
  • "Le professeur" de Charlotte Brontë (Archipoche)
  • "Villette" de Charlotte Brontë (Archipoche)
  • "Les Hauts de Hurlevent" d'Emily Brontë (Folio classique - Préface de Patti Smith)
  • "Poèmes" d'Emily Brontë (nrf - Poésie/Gallimard)
  • "La recluse de Wildfell Hall" d'Anne Brontë (Libretto)
  • "Agnes Grey" d'Anne Brontë (Archipoche)