lundi 27 juin 2011

"UN CHIEN DU DIABLE" de Fabienne Ferrère (10/18)


"Un chien
du diable"
Fabienne Ferrère
(10/18)


Fabienne Ferrère est professeur de philosophie, passionnée de l'histoire de la Renaissance. "Un chien du diable" est son premier roman.

L'histoire : Rouen - Novembre 1594 - Ambroise Roquebrune, Comte de Bleuse, est retrouvé crucifié dans une église de la ville de Rouen. La mise en scène de ce crime, qui laisse à penser qu'il s'agit d'un acte commis par un huguenot contre un catholique, est abominable. Mais ce qui inquiète davantage le Roi Henri IV, nouvellement converti au catholicisme, c'est que l'on retrouve au plus vite une de ses lettres, volée, destinée à la Reine Elisabeth 1ère d'Angleterre, qu'il regrette amèrement de ne pas avoir détruite, et qui ne doit en aucun cas se retrouver entre les mains de Philippe II d'Espagne ou celles du Pape Clément VIII. Les guerres de religion entre catholiques et protestants en seraient ranimées. Une seule personne est capable de résoudre ces affaires : le chevau-léger Gilles Bayonne. Mais celui-ci ne l'entend pas de cette oreille...

Les chevau-légers (ou chevaux-légers avec un x au singulier comme au pluriel) sont des soldats appartenant, comme leur nom l'indique, à la cavalerie légère.

Mon avis : Une écriture riche et très belle. Une connaissance approfondie de la langue de ce siècle. Une reconstitution de l'époque très minutieuse. Au coeur d'une intrigue haletante et construite à la perfection, le récit fourmille de détails, d'anecdotes, et porte un regard très éclairant sur la vie quotidienne de toutes les couches sociales de l'époque. Voilà une histoire romanesque à souhait digne des maîtres (Dumas, Hugo, Sue...) enrichie de l'originalité et de la fraîcheur des personnages hauts en couleur, et que l'on quitte avec peine. Heureusement, Fabienne Ferrère vient de publier sa seconde aventure de Gilles Bayonne : "Car voici que le jour vient" (Denoël).

Extraordinaire !

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(Pour ados et adultes...)
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"CHARLY 9" de Jean Teulé (Julliard)



"Charly 9"
Jean Teulé
(Julliard)



Jean Teulé : Né en 1953, auteur de bandes dessinées, homme de télévision et de cinéma, et surtout écrivain au style personnel et inimitable.

L'histoire : Charles IX fut de tous nos rois de France l'un des plus calamiteux. A 22 ans, pour faire plaisir à sa mère, il ordonna le massacre de la Saint Barthélemy, qui épouvanta l'Europe entière. Abasourdi par l'énormité de son crime, il sombra dans la folie. Courant le lapin et le cerf dans les salles du Louvre, fabriquant de la fausse monnaie pour remplir les caisses désespérément vides du royaume, il accumula les initiatives désastreuses. Transpirant le sang par tous les pores de son pauvre corps décharné, Charles IX mourut à 23 ans, haï de tous. Pourtant, il avait un bon fond. (Quatrième de couverture)

Mon avis : Une langue contemporaine et familière, peu conventionnelle pour le genre et qui risque de déstabiliser les puristes d'un style plus littéraire. Mais c'est un choix totalement assumé par l'auteur qui manifestement se régale à nous raconter les frasques de ce roi fou, parfois à la limite du gag mais toujours aux conséquences désastreuses. On le remercie d'avoir eu la pudeur et la délicatesse de nous épargner les détails épouvantables de ce Dimanche 24 août 1572 (Saint Barthélemy) en laissant volontairement une page blanche. Notre imagination suffit largement. L'humour noir de Jean Teulé est désopilant. Mais ce livre est terriblement tragique car il ne faut pas oublier que malheureusement, tout est vrai.

"BE SAFE" de Xavier-Laurent Petit (L'Ecole des Loisirs - Médium)


"Be safe"
Xavier-Laurent Petit
(L'Ecole des Loisirs/Médium)






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Xavier-Laurent Petit est né en 1956 en région parisienne. Après des études de philosophie, il devient instituteur, puis directeur d'école, mais reste avant tout un passionné de lecture. Une passion qui le conduit à franchir le pas de l'écriture en 1994, avec deux romans policiers publiés chez Critérion. Ensuite il entre à L'Ecole des Loisirs avec "Colorbelle-ébène" pour lequel il obtient le Prix Sorcières en 1996. Xavier-Laurent Petit écrit des romans à suspense qui se déroulent dans des décors totalement imaginaires, comme "Le Monde d'en haut" récompensé par le Prix Goya du premier roman, ou bien des décors très réels comme le coeur du Wyoming dans "Piège dans les rocheuses", ou l'Algérie dans "L'oasis". Dans un tout autre genre, il dénonce avec ferveur les atrocités de la guerre en donnant la parole à des enfants iraniens, syriens, congolais, algériens... dans "Fils de guerre". Marié, quatre enfants, il vit à Saint-Maur-des-Fossés dans le Val de Marne. Passionné de montagne, il se consacre maitenant à l'écriture et n'imagine pas de laisser passer plus d'un an sans partir au moins une fois loin et haut...

Contexte historique : Etats Unis - Second mandat de George W. Bush - La Guerre en Irak fait des dizaines de morts par semaines. Des "boys". Des jeunes hommes. Des frères. Des fils. Des fiancés. Des maris. Des pères.

L'histoire : Dans le garage de la maison familiale, Jeremy, 18 ans, et son petit frère Oskar, 16 ans, grattent leur guitare et leur basse. Oskar est lycéen et heureux de l'être. Jeremy, lui, a quitté les cours depuis l'âge de 16 ans, promettant à son père, fou de colère, qu'il trouverait rapidement un travail. Malheureusement, aux Etats-Unis comme ailleurs, la situation économique est difficile. L'usine mécanique a fermé ses portes et les magasins de la ville disparaissent les uns après les autres.
Un jour que les deux frères vont faire des courses au seul supermarché du coin, deux militaires recruteurs se dirigent vers les garçons, et en quelques minutes, voilà Jeremy engagé pour quatre ans, persuadé qu'il construira des ponts. Il part dans deux semaines pour Fort Carolina, à l'autre bout du pays.
Les parents sont atterrés. Oskar ne comprend pas la réaction ni des uns ni des autres.
Jeremy part, laissant son petit frère seul avec sa tristesse, son angoisse, et le lourd secret de leur père.
Heureusement, il y a Marka, petite soeur de Jeff (qui a pris le même bus que Jeremy), avec qui il partage la même passion pour la musique et la même inquiétude pour leurs frères.
Pendant les mois qui vont suivre, les rares lettres de Jeremy à ses parents sont rassurantes. Mais les e.mails qu'il envoie à Oskar sont terribles de réalisme, d'horreur au quotidien, et se terminent tous par : "Be safe", "Sois prudent", "Fais gaffe"...

Mon avis : Un livre extraordinaire qui décrit parfaitement les ravages du recrutement des jeunes les plus fragiles, les plus paumés, de leur formation militaire, de leur "formatage". Puis l'anéantissement de leurs rêves et l'horreur du terrain. Et la difficulté pour ceux qui ont déjà vécu tout cela d'en parler, de mettre en garde les nouvelles générations. C'est un livre sur l'inquiétude et l'angoisse des familles dépourvues d'informations face à "la Grande Muette".
Mais c'est aussi la magnifique histoire de la relation, pas toujours simple mais forte, d'un père avec ses deux fils.
Un roman, presque un témoignage, que l'on dévore et qu'on ne lâche sous aucun prétexte ! Précipitez-vous à la librairie ou à la bibliothèque !!!

(Dès 12 ans et adultes...)

mercredi 1 juin 2011

BAL DE GIVRE A NEW YORK, de Fabrice Colin (Albin Michel Wiz)



BAL DE GIVRE
A NEW YORK
Fabrice Colin
(Albin Michel Wiz)

Fabrice Colin :
Né en 1972, Fabrice Colin est un écrivain français très prolifique dont l'oeuvre est déjà saluée par trois Grands Prix de l'Imaginaire. A son actif : de nombreux romans, BD, nouvelles et pièces radiophoniques, pour adultes comme pour adolescents. En Littérature Jeunesse, il est notamment l'auteur de "La Malédiction d'Old Haven" et du "Maître des dragons", de "Projet oXatan", de la "Saga Mendelson" et de la série des "Etranges Soeurs Wilcox". Marié et père de deux enfants, il vit actuellement à Paris. (dreamamericana.free.fr et fabrice.colin.over-blog.com)

L'histoire :
Victime d'un accident dont on ignore les circonstances exactes, après s'être évanouie quelques instants, Anna Claramond, une jeune fille de 17 ans, a perdu la mémoire. L'instinct, sans doute, la ramène chez elle. Des souvenirs lui reviennent à mesure qu'elle voit les choses, les lieux, les personnes... Mais son monde semble irréel, futuriste, à la fois aseptisé et cauchemardesque, où le ciel de New York est zébré de ponts et de passerelles métalliques, et les immeubles sont faits d'ossatures d'acier et de verre.

Mon avis :
Quelle force extraordinaire ! Lectures Jeunesse et Adultes confondues, ce livre est sans doute l'un des meilleurs et des plus marquants de l'année 2011. L'écriture est très riche et belle. Le scénario est ciselé au scalpel. Chaque détail a son importance. Même ces quelques pages sucrées de romans d'amour, qui pourraient décourager certains lecteurs, se concluent par ces mots de l'héroïne : "J'en viens à me considérer comme une princesse de roman à l'eau de rose". Et le rideau tombe. Plus de bluette. Tout s'assombrit de plus en plus.
Dans ce roman, l'auteur revisite tous les paradoxes et tous les symboles de New York (par exemple, la Statue de la Liberté sur Ellis Island devient "La Dame du Temps" sur "Time Island", une statue courbée tirant son fardeau : New York). Il revisite l'architecture vertigineuse de New York.
Fabrice Colin nous offre quelques clins d'oeil au cinéma américain : des comédies musicales aux grandes histoires romanesques en passant par les contes de fées de Disney ; d'Alfred Hitchcock à Orson Wells ; de "King Kong" à "La Tour Infernale"... Il ponctue également son texte de références littéraires à : Shakespeare, George Orwell, Edgar Allan Poe...

Ce conte philosophique fantastique et puissant nous pousse parfois au bord des larmes, jusqu'à la dernière page où le couperet tombe. La vérité est révélée et on a le souffle coupé. La quatrième de couverture dit : "Vous sortez de ce roman comme une anesthésie, groggy, chancelant, troublé". C'est exactement cela...

Adultes et ados, à lire de toute urgence !!!

MAIGRET A NEW YORK, de Georges Simenon (Le Livre de Poche)






MAIGRET A NEW YORK
Georges Simenon
(Le Livre de Poche)

Georges Simenon : Ecrivain belge né à Liège en 1903. A seize ans, il devient journaliste à "La Gazette de Liège". Son premier roman fut publié en 1921 sous le pseudonyme de Georges Sim "Au pont des Arches, la petite histoire liégeoise". En 1922, il s'installe à Paris et écrit des contes et des romans-feuilletons dans tous les genres. En 1929, Simenon rédige son premier Maigret "Pietr le Letton". Le Commissaire Maigret devient vite un personnage très populaire (72 aventures). Parallèlement à son activité littéraire foisonnante, il voyage beaucoup. A partir de 1972, il décide de cesser d'écrire, exceptés vingt-deux "Dictées" et ses "Mémoires Intimes" en 1981. Simenon s'éteint à Lausanne en 1989.

L'histoire : 1946. Jules Maigret, commissaire tout juste à la retraite, s'est laissé convaincre par l'histoire d'un notaire, Maître D'Hoquélius, pour qui il accepte d'accompagner à New York le jeune Jean Maura, inquiet de nouvelles contradictoires sur son père. A leur arrivée à New York, au matin, les deux hommes se trouvent séparés. Aussi, Maigret, qui ne connait pas la ville et parle à peine l'anglais, se rend directement à l'hôtel où loge le richissime Joachim Maura. Il y est accueilli de manière fort curieuse. Le soir, toujours sans nouvelles de son compagnon de voyage, l'ancien Commissaire Maigret appelle un de ses amis, un Policier Fédéral, le Capitaine O'Brien...

Mon avis : Lire une aventure du Commissaire Maigret est toujours un moment agréable, léger. C'est plonger dans une France qui n'existe plus et pour laquelle on peut ressentir à certains égards une pointe de nostalgie. Ce roman-ci "Maigret à New York" pourrait aussi s'intituler "Un Français à New York". Grincheux et insupportable, Maigret arrive à New York avec des valises de préjugés : dérangé par le ciel maussade, la foule, les formalités, la monnaie qu'il ne connait pas, l'anglais, la saleté des quartiers, la laideur des maisons... Il a envie d'une bonne bière, des petits plats de Madame Maigret, de retrouver au plus vite son village tranquille et le confort de sa maison de Meung sur Loire... Déstabilisé par une ville sans cesse en mouvement, où l'on ne mène pas une enquête comme à Paris, où l'on ne peut pas retracer administrativement toute la vie d'une personne comme en France, c'est avec un Maigret peu sûr de lui, dépendant de ses collègues américains et empêché par la langue qu'il ne maîtrise pas, que nous découvrons et visitons le New York de 1946. Puis, à mesure que le mystère se dissipe, le temps devient plus clément et New York moins sombre. Maigret commence à se ressaisir, à se réconcilier avec l'Amérique et les Américains, et ne se refuse plus quelques cocktails américains, comme les manhattans. Il réalise, bien que ce fusse une évidence, qu'ici ou ailleurs, les êtres humains ne sont pas si différents. L'histoire familiale, plus qu'une enquête, est très émouvante. Mais Maigret est, de loin, le personnage le plus touchant dans ses faiblesses.

Vivement conseillé aux jeunes lecteurs amateurs d'ambiance "1940, gangsters et détectives privés en pardessus sombres et chapeaux gris", car on n'est pas là dans un rythme "plan-plan" que les ados détestent et que peuvent avoir certaines enquêtes de Maigret...

THE NEW YORKER - LA FRANCE ET LES FRANCAIS - 200 dessins, Traduits et adaptés par Jean-Loup Chiflet (Points)


THE NEW YORKER
LA FRANCE ET LES FRANCAIS
200 Dessins
Traduits et adaptés par
Jean-Loup Chiflet
(Points)

The New Yorker : Il fut fondé en 1925 par Harold Ross et sa femme, Jane Grant, journaliste au "New York Times". Ross souhaitait créer un journal humoristique sophistiqué, et "The New Yorker" s'est rapidement établi comme une tribune prééminente du journalisme sérieux et de la fiction. Publié quarante fois par an avec six éditions supplémentaires, c'est un journal cosmopolite et urbain qui se concentre surtout sur la vie culturelle de New York. Ses bandes dessinées, célèbres caricatures et ses nouvelles ont permis à ces genres une meilleure considération littéraire aux Etats-Unis. Les équipes qui travaillent au "New Yorker" sont réputées pour leur rigueur. Auteurs, journalistes, collaborateurs et critiques sont tous parmi les meilleurs dans leurs catégories. "The New Yorker" a notamment publié l'essai de John Hersey "Hiroshima", et des nouvelles d'Ann Beattie, J.D. Salinger, Haruki Murakami (auteur de "Kafka sur le rivage" chez Belfond), Alice Munro, Vladimir Nabokov, Philip Roth, l'intimiste John Hupdike, "La loterie" de Shirley Jackson, et le surréaliste Donald Barthelme.

Jean-Loup Chiflet est né en 1942. Il est écrivain, éditeur (Mots et Cie), passionné des jeux de la langue française. Son objectif pour sa maison d'éditions comme dans la vie : s'instruire en s'amusant.

Le livre : Il rassemble les meilleurs dessins sur la France et sur les Français parus dans "The New Yorker" depuis 1925, et qui nous font revisiter avec beaucoup de bonheur notre histoire d'un point de vue américain.

A savoir avant la lecture, pour ceux qui ne parlent pas anglais, et pour comprendre certains dessins : un caniche se dit "French poodle" en anglais.

1925 - 1939 : French Kiss
La France est alors un mythe, un fantasme. Lors du Krach de 1929, "The New Yorker" fit tout pour occulter la crise et les caricaturistes ont jeté leur dévolu sur la France. Paris en particulier, rêve absolu des Américains, et symbole de l'opulence et de toutes les folies. En 1932, le rêve devient réalité pour les "nouveaux riches".

1940 - 1966 : La Fayette nous revoilà !
C'est la guerre. Pearl Harbor a précipité les troupes américaines dans le conflit mais au pays l'ambiance ne change pas beaucoup. Aucun dessin sur le débarquement en Normandie. La France reste toujours le symbole de l'exotisme mais plus seulement réservé à une élite comme dans les années 30. Le rêve devient abordable à la middle class de l'Amérique profonde, les parents des "boys" revenus à la maison, des "Américains moyens" qui agaceront vite les Français par leur manque de manières.

1967 - 2006 : Je t'aime, moi non plus
De Gaulle énerve un peu les Américains. On se moque des intellectuels en égratignant gentiment Beauvoir et Sartre. Valéry Giscard D'Estaing fascine avec son nom improbable. Le Concorde. Le Bicentenaire de la Révolution. L'ouverture d'Eurodisney. Et puis la guerre en Irak.

Mon avis : On passe avec ce livre un moment léger et savoureux ! C'est un livre qui fait vraiment du bien ! Son petit prix ferait de lui un cadeau parfait pour la Fête des Pères...