jeudi 18 décembre 2014

PROCHAINES PRESENTATIONS : DEBUT FEVRIER 2015





Prix et Nouveautés Littéraires
L'Heure au Noir...




"13 A TABLE !" - 13 auteurs - 13 nouvelles au profit des "Restaurants du Coeur" (Pocket)



"13 à table !"
13 auteurs
13 nouvelles
au profit des "Restaurants du Coeur"
(Pocket)


Les Restaurants du Coeur - Les Relais du Coeur :
Ils sont connus sous le nom des "Restos du Coeur" créés en 1985 par Coluche. La particularité de cette association reconnue d'utilité publique est d'avoir bénéficié du soutien de plusieurs personnalités dès ses débuts et d'une vaste médiatisation. "Les Restos du Coeur" ont pour but d'aider et d'apporter une asistance bénévole aux personnes démunies, notamment dans le domaine alimentaire par l'accès à des repas gratuits, et par la participation à leur insertion sociale et économique, ainsi qu'à toute l'action contre la pauvreté sous toutes ses formes. Ils fonctionnent toute l'année. Les bénévoles distribuent des paniers-repas équilibrés à cuisiner chez soi, des repas chauds pour les sans-abri, une aide spécifique pour les bébés dans les centres "Restos Bébé du Coeur". "Les Restos du Coeur" viennent aussi en aide aux personnes en difficulté de logement via :
  • les centres d'hébergement d'urgence (accueil pour quelques nuits, accompagnement social, aide médicale et psychologique)
  • les lieux de vie (accueil de long séjour, aide à retrouver les habitudes d'une vie collective active)
  • les résidences sociales (aide à retrouver une autonomie et un logement stable)
Coluche le savait : le meilleur moteur qu'il pouvait offrir aux "Restos", c'était sa propre image et celle de ses amis. En un hiver, il a constitué autour de son idée une bande d'"Enfoirés". Daniel Balavoine fut l'un des premiers artistes à en faire la promotion. "Les Restos du Coeur" devaient être provisoires...
 
"Olympe et Tatan" de Françoise Bourdin
("Terre Indigo")
Un repas de Noël familial traditionnel incontournable...

"Maligne" de Maxime Chattam
("Léviathan")
Rencontre entre un psychiatre et un patient diablement affamé...

"Nulle, nullissime en cuisine !" d'Alexandra Lapierre
("Je te vois reine des quatre coins du monde" - Prix du roman historique 2013)
Histoire d'amour improbable entre la fille d'un mannequin parisien et le fils d'une lignée de gastronomes du Sud-Ouest...

"Un petit morceau de pain" d'Agnès Ledig
("Juste avant le bonheur" - Prix Maison de la Presse 2013)
Un étrange coup de baguette magique...

"Mange le dessert d'abord" de Gilles Legardinier
("L'exil des anges" - Prix SNCF du polar 2009)
Deux souvenirs autour du deuil, l'un bouleversant, l'autre tendrement drôle...

"Une initiative" de Pierre Lemaitre
("Au revoir là-haut" - Prix Goncourt 2013)
Un simple déjeuner à préparer se transforme en une véritable épreuve...

"Dissemblance" de Marc Levy
("Et si c'était vrai...")
La rencontre entre Medhi et Aaron de l'autre côté du mur...

"Fantôme" de Guillaume Musso
("La fille de papier")
Hospitalisée, une femme flic tombe amoureuse d'un très beau mais curieux médecin...

"Jules et Jim" de Jean-Marie Périer
(photographe)
Deux vieux amis réunis face à leurs souvenirs...

"Le Parfait" de Tatiana de Rosnay
("Elle s'appelait Sarah" - Prix des lecteurs du livre de poche 2008)
Un repas de mariage... parfait...

"La Part de Reine" d'Eric-Emmanuel Schmitt
("Oscar et la Dame Rose" - "Odette Toulemonde et autres histoires")
Un sans-abri apporte humanité et spiritualité au sein d'une communauté...

"Gabrielle" de Franck Thilliez
("La chambre des morts" - Prix Quais du polar 2006 - Prix SNCF du polar français 2007)
Un amour de plus de vingt ans confronté aux dangers de la nature...

"Langouste blues" de Bernard Werber
("Les Fourmis" et autres romans fantastiques)
Quand une langouste revisite l'histoire du Titanic...

Mon avis :
Fantastique, charme, générosité, mystère, humour, sensibilité... Il y en a pour tout le monde dans ce recueil de nouvelles très agréables. Un bon moment à offrir et à s'offrir doublé d'une action utile et nécessaire !

"CE SERA TON DERNIER INSTANT" de Susan Hill (Robert Laffont)



"Ce sera ton dernier instant"
Susan Hill
(Robert Laffont)


Susan Hill est née en 1942 en Angleterre, à Scarborough dans le Yorkshire. Elle est encore étudiante lorsque son premier roman paraît en 1961. Romancière populaire, écrivain pour enfants, auteur dramatique, journaliste, elle s'est imposée en quelques années comme l'une des grandes dames du thriller à l'anglaise, à côté de P.D. James, Elizabeth George, Minette Walters... Elle vit dans une ferme dans la région des Cotswolds avec son mari, le professeur Stanley Wells, spécialiste de Shakespeare.

A lire aussi aux Editions Robert Laffont :
  • "Meurtres à Lafferton"
  • "Où rodent les hommes"
  • "Au risque des ténèbres"
  • "La mort a ses habitudes"
  • "Des ombres dans la rue"

L'histoire :
Le sud-ouest de l'Angleterre subit, en une nuit, orages, vents et pluies torrentielles d'une rare violence. Très vite, les rivières sortent de leur lit, inondant les villes et les villages les plus proches. Les routes sont bloquées. La petite commune de Lafferton n'est pas épargnée. Comme si cela ne suffisait pas, parmi la boue et les débris que les eaux charrient, des ossements humains sont retrouvés. Le médecin légiste identifie rapidement le squelette reconstitué. Il s'agit de Harriet Lowther, collégienne disparue il y a seize ans. Puis, les restes d'une autre jeune femme inconnue sont également découverts au même endroit. Le commissaire Simon Serrailler est en charge de l'enquête. Mais des restrictions budgétaires l'empêchent de constituer une équipe et d'utiliser les moyens techniques nécessaires. Il est seul face à deux sombres énigmes...

Mon avis :
C'est un énorme bonheur de retrouver le très beau et très attachant commissaire Simon Serrailler, ainsi que tous les personnages importants qui gravitent autour de lui. Comme toujours chez Susan Hill, l'enquête est totalement secondaire. Le dénouement se révèlera en observant avec soin la vie quotidienne et banale d'une poignée d'individus. En écoutant très attentivement les interrogations de chacun. En s'imprégrant de leurs silences ou de leurs confidences. Simon Serrailler appartient à cette petite communauté d'êtres ordinaires. Il n'est pas différent des autres. Certes il est flic mais il est aussi un fils, un frère, un oncle, un amant. Sa complicité avec sa soeur Cat, médecin, lui est d'un grand réconfort et d'une grande aide car tous deux sont confrontés à la violence et à la mort, mais ils leur portent un regard bien distinct, parfois opposé. Cat se bat pour son unité de soins palliatifs et pour un meilleur accueil des personnes atteintes de démence. Simon fait face chaque jour à la barbarie et à la folie meurtrière. Pourtant, frère et soeur ont en commun des doutes indicibles sur leur capacité respective à changer les choses.

Noir, lucide, éprouvant... Un magnifique roman !

"MON AGE" de Fabienne Jacob (Gallimard)



"Mon âge"
Fabienne Jacob
(Gallimard)


Fabienne Jacob est née en 1959 à Créhange, en Moselle. Puis elle a vécu jusqu'à l'âge de dix-sept ans à Guessling-Hémering. Sa langue maternelle n'était pas le français mais le Platt lorrain.

L'histoire :
Il est deux heures du matin. Devant son miroir, une femme se démaquille. Et là, plus de mensonges possibles. Les années ont passé et chaque âge de la vie a marqué de son empreinte, heureuse ou douloureuse, le visage, le corps...

Mon avis :
Des mots d'une sobriété abrupte ; une écriture d'une infinie délicatesse, d'une douceur absolue, d'une pudeur et d'une sensualité bouleversantes pour décrire le regard qu'une femme pose sur le temps qui passe, sur les transformations de son corps et de son âme, et sur les années qui restent. De la brume vaporeuse et chaude de la salle de bain émergent les souvenirs et les émotions qui ont façonné ce visage dans le miroir. Le souvenir de son amie d'enfance, Else, "l'autre", le "modèle", le "reflet contraire". Mais surtout, la peur, omniprésente, de soi-même, de sa propre image dans la glace, de la perte de désirs, de devoir paraître et obéir à un âge imposé, et de n'avoir jamais la liberté, la jouissance, de vivre haut et fort l'âge que l'on ressent au plus profond de soi.

Intense ! Une pépite de la rentrée littéraire de septembre !

"Si j'étais une femme, voici le livre que j'offrirais à l'homme que j'aime."
François Busnel

"VICTORIA ET LES STAVENEY" de Doris Lessing (J'ai lu)



"Victoria et les Staveney"
Doris Lessing
(J'ai lu)

Prix Nobel de Littérature 2007


Doris Lessing est née en 1919 en Perse. Elle a six ans quand sa famille s'installe en Rhodésie du Sud, l'actuel Zimbabwe, alors colonie britannique. Pensionnaire d'un institut catholique tenu par de religieuses qu'elle supporte mal, elle quitte définitivement l'école à quinze ans, travaille en tant que jeune fille au pair puis comme standardiste. En 1938, elle commence à écrire des romans tout en exerçant plusieurs emplois pour gagner sa vie. Elle épouse Frank Wisdom, avec qui elle aura deux enfants, mais elle le quitte en 1943 pour Gottfried Lessing, dont elle aura un fils. En 1950, elle publie "Vaincue par la brousse", une fiction qui évoque les rapports entre les Noirs et les Blancs en Rhodésie. Puis cinq ouvrages d'inspiration autobiographique, publiés entre 1952 et 1969, sont regroupés sous le titre "Les enfants de la violence", histoire de fermiers Blancs vivant en Afrique au moment de la Seconde Guerre mondiale. En France, c'est la parution du "Carnet d'Or", extraordinaire (auto)portrait de femme libre traduit en 1976, qui la rendit célèbre. Libre, c'est bien le mot qui caractérise Doris Lessing, refusant les pièges de la célébrité comme les étiquettes qu'on voudrait lui coller. En 2007, elle se voit attribuer, à quatre-vingt-huit ans, le Prix Nobel de Littérature. Elle décède à Londres en 2013.

Sort en salles en ce moment "Mon amie Victoria", film de Jean-Paul Civeyrac, avec Guslagie Malanda.

L'histoire :
Victoria, d'origine jamaïcaine, orpheline à l'âge de quatre ans et recueillie à Londres par sa tante, a aujourd'hui neuf ans. C'est une petite fille magnifique, heureuse, excellente élève et promise à de brillantes études. Malheureusement, son destin va soudain basculer. Sa tante est hospitalisée d'urgence. Il n'y a personne pour prendre en charge la petite après les cours. L'école lui cherche donc une famille d'accueil pour la nuit parmi les parents d'élèves. Les Staveney acceptent. Blancs, riches, artistes bohèmes, gentiment de gauche, une maison sur plusieurs étages, une chambre individuelle pour chacun, une cuisine aussi grande que l'appartement de sa tante Marion... Victoria est totalement perdue. Mais en attendant le retour de sa mère, Edward, l'aîné de la famille, du haut de ses douze ans, s'occupe du mieux qu'il peut de la petite fille. Elle ne l'oubliera jamais...

Mon avis :
Une histoire qui résonne comme un conte contemporain féroce et d'une lucidité impitoyable. Le rythme nerveux, haletant, nous assène les rebondissements et les coups de théâtre les uns après les autres. De l'espoir à l'indignation, du soulagement à la colère, libre et engagée, comme toujours, Doris Lessing ne lâche rien, secoue notre conscience et met à vif nos sentiments. Mais entre tous ses personnages, et c'est là son génie, nous ne pouvons en détester aucun.

Un petit livre qui parlera à toutes les générations et à offrir sans modération !

"LES COEURS DECHIQUETES" d'Hervé Le Corre (Rivages/Noir)



"Les coeurs déchiquetés"
Hervé Le Corre
(Rivages/Noir)

Grand Prix de littérature policière 2009


Hervé Le Corre est né en 1955 à Bordeaux. Professeur de Lettres, il commence à écrire à l'âge de trente ans des romans noirs et il connaît un succès immédiat. Il compte parmi les auteurs français les plus noirs et les plus primés du roman policier hexagonal.

Son dernier roman, "Après la guerre" (Rivages), a été élu Meilleur polar de l'année 2014 par le magazine Lire.

L'histoire :
Dans la région bordelaise, le 20 mars 2000, à l'heure du déjeuner, le commandant de police Pierre Vilar arrive en retard à l'école où il doit rejoindre son fils Pablo. Quelques ridicules minutes de retard ont suffit pour qu'un petit garçon de dix ans disparaisse. Quelques satanées minutes et le temps s'est arrêté pour Vilar. Sept ans plus tard, aucune piste pour retrouver Pablo, le couple Vilar est brisé, et pour tenir le coup, le policier se shoote au travail. C'était ça ou l'alcool ou la coke. Bien évidemment, il fait des enquêtes concernant des enfants une affaire personnelle. C'est le cas aujourd'hui. Une jeune femme est découverte morte dans son lit, battue à mort, son fils de treize ans, Victor, dans le coma, allongé près d'elle. Lorsqu'il reprend connaissance, Victor ne devine que des ombres autour de lui : des médecins, des policiers, et des combinaisons blanches qui s'activent autour de ce qui lui appartient à lui seul, sa mère. Mutique, l'enfant va s'enfermer dans sa bulle, avec sa solitude, ses livres et ses fantômes...

Mon avis :
Les coups pleuvent. Le sang coule. Les cadavres s'amoncellent. Un roman qui fait mal. Terriblement mal. Une écriture violente, crue, et admirable, qui décrit sans aucun cliché la vérité brutale d'une misère humaine, d'un pan effroyablement réel de notre société. La beauté des vignobles bordelais n'apporte aucun rayon de lumière ou d'espoir à ces personnages tombés dans les tréfonds du mal et de la cruauté. On referme ce livre complètement K.O. comme après un combat de boxe clandestin et sans protection.

Un polar d'une puissante noirceur, exceptionnel. Un écrivain à découvrir vite, vite...

jeudi 13 novembre 2014

PROCHAINES PRESENTATIONS : MI-DECEMBRE 2014




Joyeux Noël !
Un livre à offrir...

"LE FUSIL DE CHASSE" de Yasushi Inoué (Le Livre de Poche)


"Le fusil de chasse"
Yasushi Inoué
(Le Livre de Poche)


Yasushi Inoué :
Sur fond de Japon traumatisé par la Seconde Guerre Mondiale et par Hiroshima, Inoué (1907-1991) met souvent en scène des amours qui se sabordent, des ambitions qui capotent, des êtres qui semblent éternellement exilés d'eux-mêmes. Avec, toujours, un signe en direction du ciel, comme dans le magnifique "Faussaire" où un artificier s'escrime à lancer vers les lointains des aquarelles de feu qui seront autant d'illuminations, au sens rimbaldien. Mêlant embardées métaphysiques et épures romanesques, l'oeuvre d'Inoué est une gigantesque sarabande au bord des volcans : du "Fusil de chasse" à "Combat de taureaux", d'"Une voix dans la nuit" aux "Chemins du désert", on y devine les tremblements d'une main inquiète, qui trace à l'encre noire les chemins provisoires d'une rédemption toujours incertaine. La beauté, dans la littérature japonaise, cache toujours une part maudite. Cela, Inoué le savait : plus le lotus éblouit sur l'étang, plus la vase, au fond, est sombre et épaisse...
Magazine Lire - Mars 2012

L'histoire :
Un homme confie un jour un de ses poèmes au "Compagnon du Chasseur", une revue destinée aux chasseurs japonais. Ce poème a pour titre "Le fusil de chasse". L'homme n'a aucune affection pour la chasse mais il se trouve que le directeur de la revue est un ancien camarade de classe. Le poème, pourtant peu partisan de ce sport, est publié. Mais au lieu d'être assailli de courriers de protestations et d'insultes auxquels il s'attendait, le poète reçoit quelques mois plus tard une curieuse missive d'un certain Josuke Misugi, historien, qui pense s'être reconnu dans le texte et y voit une forme d'hommage. Misugi juge nécessaire de partager avec l'auteur du poème trois lettres lui appartenant, chacune écrite par une femme différente...

Mon avis :
Trois femmes livrent dans une lettre leurs secrets les plus intimes : Shoko, jeune fille qui découvre le journal de sa mère récemment décédée ; Midori, l'épouse trompée ; Saïlko, la défunte. Trois textes à la fois pudiques et crus, passionnés et vengeurs, douloureux et libérateurs. Tracés à la plume d'une délicatesse infinie, des mots emplis de mystères, de symboles et d'une poésie éblouissante, où se love l'impossibilité au bonheur. Sournoisement, la souffrance attend son heure, pour surgir soudain tel un démon et terrasser celles et ceux qui, naïvement, ont cru aimer et être aimés. Car l'amour enflamme les coeurs, pour mieux les consumer ensuite avec toute la violence et la férocité de l'enfer.

Extraordinairement émouvant !

"JE VOUS ECRIRAI" de Paule du Bouchet (Gallimard Scripto)



"Je vous écrirai"
Paule du Bouchet
(Gallimard Scripto)


Paule du Bouchet est née en 1951. Pianiste, passionnée de musique, elle a enseigné la philosophie puis s'est orientée vers l'édition et la littérature jeunesse.

L'histoire :
En septembre 1955, Malia a 18 ans. Elle s'installe à Paris, au Quartier latin, dans un petit appartement qu'elle partage avec son amie d'enfance, Gisèle. Gisèle rêve de théâtre et de cinéma. Malia va commencer des études de philosophie à La Sorbonne, après avoir tenu tête à des parents très protecteurs, provinciaux, peu éduqués, convaincus que l'avenir des filles est dans le mariage, la couture, la cuisine, et éventuellement dans la dactylographie ; mais certainement pas dans des études inutiles. Le prix à payer pour sa liberté et sa nouvelle vie dans la capitale est d'écrire régulièrement à sa mère...

Mon avis :
Une correspondance vivante et émouvante. Une description de l'époque, des lieux, des événements, par petites touches sensibles et nostalgiques comme sorties d'un album de photographies anciennes et précieuses. D'un côté, une traversée dans le Paris des années 1950-1960 où l'on s'attend à chaque instant à croiser l'objectif de Doisneau ou la pétillance de Sagan. De l'autre, la province, la vie simple et dure dans la France profonde et rurale. Une histoire familiale passionnément romanesque où l'on découvre, avec la jeune héroïne, le fossé qui se creuse entre elle et ses parents, leur éloignement géographique et intellectuel, son entrée dans un nouveau milieu culturel et social auquel elle aspirait depuis son enfance, ses idéaux, son engagement politique puis ses désillusions, les mouvements du monde, l'émigration (russe notamment), les prémices de la guerre d'Algérie, Paris et ses richesses artistiques, la force de l'amitié, et le poids destructeur et douloureux des secrets. On ne manque pas, bien entendu, de déceler, dans ce récit, une référence et une forme d'hommage à Annie Ernaux.

A la fois divertissant, captivant et poignant ! Excellent !

"LES LETTRES CHINOISES" de Ying Chen (Babel)



"Les lettres chinoises"
Ying Chen
(Babel)


Ying Chen, écrivaine sino-canadienne, a étudié les lettres françaises à Shanghai où elle est née en 1961. En 1989, elle s'installe dans un premier temps au Québec où elle poursuit ses études. Cette admiratrice de Proust, qui parle le dialecte de sa région, le mandarin ainsi que le russe, l'italien et l'anglais, a choisi d'écrire en français et vit aujourd'hui à Vancouver. Elle est l'auteure d'une dizaine de romans dont "Les lettres chinoises" (Actes Sud), "L'ingratitude" (Actes Sud), qui fut en lice pour le prix Femina, "Espèces" (Boréal), et "Un enfant à ma porte" (Seuil).

L'histoire :
Yuan quitte sa Chine natale et sa bien-aimée Sassa pour découvrir l'Amérique du Nord, Montréal. Pourquoi est-il parti ? Que cherche-t-il ? Qu'attend-il de ce déracinement ? Idéalise-t-il, comme le pense Sassa, la liberté et la démocratie des pays occidentaux ? Comment va-t-il vivre l'arrivée à Montréal de Da Li, leur amie commune ?

Mon avis :
On peine à croire que ces trois enfants de Chine aient pu être un jour les meilleurs amis du monde. On peine à les aimer. Néanmoins, même si elles auraient mérité une approche beaucoup plus vibrante et émouvante, le roman pose des questions intéressantes, notamment sur le déracinement, l'intégration, mais surtout sur les relations parfois douloureuses entre la personne qui a choisi de partir et les êtres aimés restés au pays et qui ne comprennent pas toujours. L'auteur n'apporte aucune réponse. Il appartient au lecteur de réfléchir et de se faire sa propre opinion. Et c'est bien.

"LETTRE A MON RAVISSEUR" de Lucy Christopher (Gallimard Scripto)



"Lettre à mon ravisseur"
Lucy Christopher
(Gallimard Scripto)


Lucy Christopher est née au Pays de Galles mais a grandi en Australie, à Melbourne, de l'âge de neuf ans jusqu'à la fin de ses études universitaires. Enfant, elle adorait camper dans le bush et a toujours été fascinée par cette terre sauvage. De retour au Royaume Uni où elle vit aujourd'hui, elle passe un Master de création littéraire à l'université de Bath Spa. "Lettre à mon ravisseur" est son deuxième roman.

L'histoire :
En ce jour d'août, Gemma, jeune londonienne de seize ans, accompagne ses parents en voyage d'affaires au Vietnam. A l'aéroport de Bangkok où ils font escale, ils se disputent. Une fois de plus. Un mur d'incompréhension s'est élevé entre eux depuis déjà bien longtemps. En colère, Gemma va prendre un café à la cafétéria. Comble de malchance, la caisse n'accepte que de la monnaie locale. Voyant l'embarras de l'adolescente, un jeune homme diablement beau, aux yeux bleus renversants, lui offre son café et l'invite à la table voisine. La discussion est agréable. Le bellâtre s'appelle Ty. Il est Australien. Soudain, tout bascule. Gemma est prise de nausées et de vertiges, et est incapable de lutter quand Ty l'emmène loin, très loin. Quelques jours plus tard, elle se réveille dans une maison de bois perdue au coeur du désert australien...

Mon avis :
C'est ici la lettre qu'une victime adresse à son ravisseur quelques semaines après sa libération. Elle lui raconte son histoire à elle depuis son enlèvement à l'aéroport de Bangkok. Son ressenti des événements. Son choc. La violence d'être arrachée ainsi à sa famille, à ses amis, à Londres, à sa vie. Elle lui raconte ses peurs. Son incompréhension. Sa curiosité aussi. Courageuse, volontaire, Gemma sait se défendre. Pourtant, elle va découvrir petit à petit qui est Ty, ses idéaux un peu fous, sa fascination et son admiration pour les Aborigènes et pour les légendes, son passé jonché de souffrances et de secrets douloureux. Elle va découvrir un homme patient, attentionné, sensible, maladroit avec les sentiments, qui va lui apprendre à survivre dans le bush, à regarder autrement la nature, à respecter la puissance et les richesses de la terre.
Une aventure humaine complexe, ambigüe, qui nous fait à la fois détester et aimer le ravisseur. On condamne son geste extrême avec à la fois l'envie déraisonnable de lui pardonner. Un roman fort, impossible à lâcher, sur fond de bush australien particulièrement éprouvant. 

Un dépaysement très réussi !

"AU BONHEUR DES LETTRES - Recueil de courriers historiques, inattendus et farfelus" - Shaun Usher (Ed. du Sous-Sol)




"Au bonheur des lettres
Recueil de courriers historiques,
inattendus et farfelus"
Shaun Usher
(Ed. du Sous-Sol)


Shaun Usher, auteur britannique né en 1978, a rassemblé les lettres les plus atypiques de Iggy Pop, Fidel Castro, Léonard de Vinci, Jack Kerouac, John F. Kennedy, Fiodor Dostoïevski, Louis Armstrong, Charles Darwin, Albert Einstein, Roald Dahl, Elvis Presley, Nick Cave, Virginia Woolf, Groucho Marx, Katharine Hepburn, Mick Jagger, Charles Bukowski, et beaucoup d'autres...

"Drôle, tragique, incisive, historique, lyrique, romantique et désobligeante, cette prodigieuse anthologie de lettres d'hier et d'aujourd'hui est mon livre de l'année, vous ne vous en lasserez jamais."
Stephen Fry
Auteur, humoriste, acteur et réalisateur


Merci à l'écrivain Fabrice Colin pour cette découverte !
Je vous invite à lire sa présentation :

http://fabrice-colin.over-blog.com/2014/11/en-reponse-a-votre-honoree-du-tant.html


(Les éditions du Sous-Sol ont été créées par Adrien Bosc, Grand prix du roman de l'Académie française 2014 pour "Constellation" chez Stock)

jeudi 2 octobre 2014

PROCHAINES PRESENTATIONS : MI-NOVEMBRE 2014




Belles Lettres
Le roman épistolaire

"BILLIE H." de Louis Atangana (Editions du Rouergue)



"Billie H."
Louis Atangana
(Editions du Rouergue)

Dès 13 ans


Louis Atangana est né en 1965 à Paris. Il est professeur de Lettres dans le Lot-et-Garonne.

L'histoire :
Billie Holiday (1915 - 1959)
La vie est dure à Baltimore, en 1924, quand on est une petite fille Noire, seule avec une mère abandonnée par son mari. A l'école, Eleanora Fagan est une enfant insolente, querelleuse, bagarreuse, autoritaire. Un jour, en exercice d'expression orale, la maîtresse demande à ses élèves de présenter leur père en quelques mots devant toute la classe. Pour Eleanora, c'est une nouvelle humiliation. Elle envoie paître l'institutrice et court rejoindre sa mère à son travail. Elle sait que c'est interdit mais elle a trop de questions importantes à lui poser au sujet de son père. Malheureusement, la patronne Blanche de sa mère ne voulait pas de bonnes avec des enfants. Pour son mensonge, Sadie est renvoyée sur-le-champ...

Mon avis :
Un langage volontairement populaire et gouailleur nous plonge immédiatement dans ce qui aurait pu être un très beau drame romanesque. Hélas, l'histoire est vraie. Le destin tragique de l'envoûtante Billie Holiday nous est ici conté de son enfance jusqu'à l'enregistrement de son premier disque. Elle n'avait que 18 ans. Et pourtant elle avait déjà vécu l'alcoolisme de sa mère, la misère, le vol, le viol, la maison de correction, la prostitution, la prison... Elle avait une voix unique et extraordinaire qui aurait pu lui offrir tous les bonheurs. Mais elle était une femme et elle était Noire, dans l'Amérique de la première partie du XXème siècle. Il lui manquait aussi un père. Clarence Holiday, ce musicien de jazz qu'elle vénérait, Billie n'a eu de cesse de le chercher, de conquérir son coeur, sa tendresse, son amour. En vain.

Une très jolie façon de découvrir cette déesse du jazz !!!

"Je ne savais faire que deux choses : l'amour et chanter. Je ne voulais plus être payée pour la première car j'y perdais mon âme, je n'étais plus personne. Gagner de l'argent en chantant, ça, au contraire, c'était prouver que j'étais quelqu'un."

Billie Holiday dit de sa rencontre avec le musicien Lester Young : "L'accord était parfait. Nous étions comme deux comètes suivant la même trajectoire." Jusqu'en 1944, celle qu'on appelle désormais "Lady Day" connaît une période de grâce absolue, ponctuée d'enregistrements historiques : "I cried for you", "I'll get by", "Some other spring", "Strange fruit", "Ain't nobody's", "Billie's blues", "My man"...
Sous l'empire d'une (bi)sexualité boulimique, elle rêve ses amants musiciens, aventuriers et dandy's, et ne décroche que des escrocs violents et des souteneurs. Aux prises avec un show-business impitoyable, ses tournées conjuguent succès et cadences infernales. "La première virée a duré trois mois. Ni Lester ni moi n'avons gagné un centime. On a même souffert de la faim." Dans une Amérique ségrégationniste, sa célébrité enfle mais son statut de nègre ne varie pas d'un pouce. "On a beau se couvrir de satin blanc jusqu'aux nichons, se mettre des fleurs de gardénia dans les cheveux, ne pas voir de canne à sucre à perte de vue, c'est comme si on travaillait toujours dans une plantation." Incarnant les splendeurs et misères de la nature humaine, la Lady chante les ruptures, les trahisons, les mauvais traitements et la solitude avec tant de chair qu'elle bouleverse encore. Ses chansons résonnent, comme chaque mauvais coup qu'elle a subi.
Habituée à boire beaucoup pour se détendre, la chanteuse se laisse tenter par l'opium, la cocaïne, l'héroïne - dont on ne connaît pas encore les effets désastreux. Elle accumule les arrestations et, en 1947, à 32 ans, elle est incarcérée un an et un jour, en pleine gloire. On lui interdit de se produire dans les clubs où l'on sert de l'alcool - seuls lieux où les musiciens de jazz peuvent espérer jouer régulièrement. La presse se montre avide des scandales qu'elle provoque. Dépression, boulimie, anorexie, addictions... Sa voix meurtrie par les excès devient grave et rauque, et marquera la seconde partie de sa carrière. A 44 ans, le 17 juillet 1959, harcelée par la police, Lady Day s'éteint à l'hôpital. A trop côtoyer l'enfer, elle a malgré tout réussi à gagner son coin de paradis.
Magazine Muze - Octobre 2005

Extrait de "Strange Fruit" 
Chanson écrite par Abel Meeropol, enregistrée par Billie Holiday en 1939

Les arbres du Sud portent d'étranges fruits
Du sang sur les feuilles et du sang aux racines
Des corps noirs se balançant dans la brise du Sud
D'étranges fruits pendus aux branches des peupliers
Scène champêtre du Sud valeureux
Les yeux exorbités et la bouche figée en un rictus
Le parfum des magnolias doux et frais
Et l'odeur inattendue de la chair brûlée
Voici un fruit à déchiqueter pour les corbeaux
Mûrie par la pluie, rongé par le vent
Pourri par le soleil jusqu'à tomber de l'arbre
Voilà une étrange et amère récolte

AMELIE NOTHOMB


Née le 13 août 1967 à Kobé au Japon de parents bruxellois, fille de diplomate, Amélie Nothomb passe sa petite enfance entre le Japon, Pékin, New York, puis le Laos et le Bangladesh. En 1984, à l'âge de dix-sept ans, elle retourne dans son pays d'origine, la Belgique, et s'installe à Bruxelles pour suivre des études de philologie romane à l'Université Libre. 
En 1990, à la fin de ses études universitaires, elle repart au Japon où elle travaille comme interprète pour une grande entreprise et découvre un univers cruel et insupportable. C'est en 1992 qu'elle fait son entrée en Littérature avec son premier roman "Hygiène de l'assassin", un livre de dialogue entre un Prix Nobel incompris et des journalistes. Le livre connaît un succès immédiat et reçoit le Prix René Fallet et le Prix Alain Fournier, alors que certains critiques restent sceptiques sur la capacité d'une femme aussi jeune d'écrire un livre d'une "effrayante maturité". Depuis, Amélie Nothomb, qui se définie comme "graphomane", publie un livre par an. Son roman "Le sabotage amoureux", en 1993, raconte une partie de son enfance passée en Chine et reçoit le Prix Littéraire de la Vocation. En 1999, "Stupeur et Tremblements" est récompensé par le Grand Prix du roman de l'Académie française. Inspiré de son expérience dans le monde de l'entreprise au Japon, il met en évidence les différences entre la civilisation japonaise et les civilisations occidentales.
L'expérience personnelle d'Amélie Nothomb a toujours influencé son écriture, comme dans "La biographie de la faim" où elle parle de son anorexie ou dans "Le fait du prince" qui traite de l'identité. Entre 2000 et 2002, elle écrit sept textes pour la chanteuse française Robert. En 2009, elle renoue avec ses thèmes favoris, notamment l'autodérision avec "Le voyage d'hiver". En 2011, elle publie son vingtième roman, "Tuer le père". En 2012, elle retourne au Japon pour la première fois depuis le séisme et l'accident nucléaire de Fukushima.

"LA NOSTALGIE HEUREUSE" d'Amélie Nothomb (Albin Michel)



"La nostalgie heureuse"
Amélie Nothomb
(Albin Michel)


"natsukashii ou la nostalgie heureuse, l'instant où le beau souvenir revient à la mémoire et l'emplit de douceur."

L'histoire :
A l'approche d'un voyage au Japon suivi par une équipe de télévision*, Amélie Nothomb reprend contact avec le fiancé tokyoïte qu'elle a quitté de manière brutale vingt-trois ans auparavant...

* A voir : Documentaire "Une vie entre deux eaux" - France 5

Mon avis :
Amélie Nothomb est bouleversante dans ce récit de son retour au Japon, sur les lieux de sa petite enfance. Elle se livre comme dans aucun autre de ses ouvrages. Nous sommes très loin du personnage gothique romantique des plateaux de télévision. Entre bonheur et tristesse, qu'elle le veuille ou non, ses émotions la dominent et guident ses pas dans un pays où elle redécouvre des sensations vives et pures appartenant au passé, mais un pays qui aujourd'hui lui échappe. Un voyage qui semble clore un cycle littéraire chez Amélie Nothomb avec ce constat tristement nostalgique sur deux cultures, orientale et occidentale, qui peinent à se comprendre.

Peut-être le livre le plus intime et le plus émouvant d'Amélie Nothomb !!!

"PETRONILLE" d'Amélie Nothomb (Albin Michel)




"Pétronille"
Amélie Nothomb
(Albin Michel)


L'histoire :
"Pourquoi du champagne ? Parce que son ivresse ne ressemble à nulle autre. Chaque alcool possède une force de frappe particulière ; le champagne est l'un des seuls à ne pas susciter de métaphore grossière. Il élève l'âme vers ce que dut être la condition de gentilhomme à l'époque où ce bon mot avait du sens." Mais se délecter de champagne, fusse-t-il le meilleur, seule, ne procure qu'un bien pâle plaisir. Dans cette entreprise, il va de soi qu'il faut une compagne ou un compagnon d'ivresse. Trouver le bon est ce à quoi s'attelle Amélie Nothomb avec le plus grand sérieux...

Mon avis :
Champagne... Paris... Londres... Shakespeare... Amitié... Dans n'importe quel ordre... Que de bulles de bonheur !!!

"BIENVENUE A SKIOS" de Michael Frayn (Gallimard)



"Bienvenue à Skios"
Michael Frayn
(Gallimard)


Michael Frayn est né en 1933 à Mill Hill, en Angleterre. Journaliste au Guardian et à l'Observer, réalisateur de télévision, romancier, dramaturge, traducteur de Léon Tolstoï, d'Anton Tchekhov et de Jean Alouilh, membre de la Royal Society of Literature à Londres (l'équivalent de l'Académie française). En 1995, sa pièce "Le bonheur des autres" a été mise en scène par Jean-Luc Moreau au Théâtre Fontaine.

L'histoire :
Nikki Hook, discrète secrétaire britannique de la richissime américaine Madame Toppler, veille dans les moindres détails au bon déroulement de la partie de campagne annuelle de la fondation Fred Toppler. Ses responsabilités sont énormes et son stress à la mesure de l'événement, c'est-à-dire gigantesque. En effet, la petite île grecque de Skios accueille tout ce que le monde anglophone compte de personnalités les plus influentes, tous domaines confondus. Agapes et séminaires en tous genres se concluront par la probable très ennuyeuse conférence du célèbre Docteur Norman Wilfred, expert dans le domaine du management des sciences : "Innovation et gouvernance : les promesses de la scientométrie". Dans l'avion qui l'amène en Grèce, le Docteur Wilfred jette un oeil rapide sur son intervention bien rodée et répétée dans toutes les capitales de la planète. Une fois encore, il adoptera une posture suffisante face à un auditoire sensible à sa notoriété plus qu'au contenu de sa présentation. Il est très loin de s'en douter, mais aujourd'hui, rien ne va se passer comme prévu. A l'aéroport, l'éminent conférencier et un jeune comédien très séduisant, venu rejoindre sa nouvelle maîtresse pour un week-end paradisiaque, vont se croiser et échanger bien involontairement leurs valises...

Mon avis :
Un petit bijou d'humour, de malice et d'ironie ! Un vaudeville croustillant et savoureux d'intelligence !

Absolument délicieux !!!

A lire également : 
"Les espions" (Folio) : Un parfum estival longtemps oublié ramène un vieil homme sur les lieux de son enfance...

"LES ENFANTS DE DYNMOUTH" de William Trevor (Phébus)




"Les enfants de Dynmouth"
William Trevor
(Phébus)


William Trevor est né en 1928 dans le comté de Cork, en Irlande. Après des études d'Histoire, il se consacre à la sculpture. En 1954, il quitte l'Irlande pour Londres et publie son premier livre. Romancier, nouvelliste, dramaturge et scénariste, lauréat de nombreux prix littéraires aussi bien en Irlande qu'en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, membre de l'Académie Irlandaise, anobli par la Reine Elisabeth II, Sir William Trevor connait une consécration relativement tardive dans les pays francophones.
  • "Le voyage de Felicia" (Phébus, 1996)
  • "Les splendeurs de l'Alexandra" (Joëlle Losfeld, 1999)
  • "En lisant Tourgueniev" (Libretto, 2001) - Booker Prize 1991
  • "Cet été-là" (Phébus, 2012)
  • "Les enfants de Dynmouth" (Phébus, 2014) (paru en Angleterre en 1976, traduit et publié en France en 2014)

L'histoire :
Au milieu des années 1960, dans le Dorset, sud-ouest de l'Angleterre, Dynmouth est une petite station balnéaire tranquille et sans histoires. Sa seule particularité est que la moitié de sa population est composée d'enfants. Parmi eux, Timothy Gedge, un garçon d'une quinzaine d'années, charmant, volubile, généreux, prompt à proposer ses services aux familles et aux retraités en échange de quelques pièces. Mais les éloges laissent vite place à l'inquiétude. Au fil du temps, Timothy a pris de l'assurance et de l'emprise sur les habitants. Sa solitude étonne. Quelque chose d'étrange, de dérangeant et d'angoissant naît en lui. Il se mêle de la vie de ses voisins, parle beaucoup trop, colporte des rumeurs. Naïveté et maladresse d'un adolescent en souffrance ? Ou cruauté et perversité diaboliques ? Entre vérités et mensonges, la petite ville paisible a peur...

Mon avis :
Un regard juste et sensible sur l'enfance et l'adolescence, au-delà des époques. Au coeur de cette petite ville délicieusement anglaise et pleine de charme, c'est autant le portrait d'un être différent, un enfant victime d'un désastre affectif, que le portrait d'une société dans son ensemble face à cette différence.

Un thriller psychologique haletant, intelligent, et bouleversant !

"J'AVOUE QUE J'AI VECU" de Pablo Neruda (Folio)


 "J'avoue que j'ai vécu"
Pablo Neruda
(Folio)

Et aussi :
"La solitude lumineuse"
(Extrait de "J'avoue que j'ai vécu" - Folio)


Ricardo Neftali Reyes Basoalto (Pablo Neruda) est né à Parral, au Chili, en 1904. Prix Nobel de Littérature (1971), il est l'auteur de poèmes d'amour ou d'inspiration sociale et révolutionnaire. Voyager, écrire, militer, sont les fils conducteurs de sa vie. Il est décédé en 1973 à Santiago, au Chili. "J'avoue que j'ai vécu", livre de mémoires, a été publié un an après sa mort.
(Le Chant général, 1950 ; La Centaine d'amour, 1959)




A voir :
Le sublime film "Le facteur" de Michael Radford (1994)
avec Massimo Troisi et Philippe Noiret




"De tout ce que j'ai laissé écrit dans ces pages se détacheront toujours - comme des forêts à l'automne et comme à l'époque des vendanges - les feuilles jaunes qui vont mourir et le raisin qui revivra dans le vin sacré. Ma vie est une vie faite de toutes les vies : les vies du poète."

Par-delà la douceur, la tendresse, la nostalgie, l'humilité, l'humour, l'amour, les rencontres, les passions... il y a la poésie, pure, belle, enivrante... Les mots de Neruda coulent au fond de notre âme comme un nectar rare et précieux... On effleure le bonheur du bout des doigts... On n'ose le toucher de crainte d'en briser la magie...
C'est intense, envoûtant, merveilleux !


"Un tronc pourri : ô quel trésor !... Des champignons noirs et bleus lui ont donné des oreilles, de rouges plantes parasites l'ont couvert de rubis, d'autres plantes paresseuses lui ont prêté leurs barbes et, rapide, un serpent jaillit de ses entrailles putréfiées, telle une émanation, comme si s'échappait l'âme de ce tronc mort... [...] C'est de ces terres, de cette boue, de ce silence que je suis parti cheminer et chanter à travers le monde."
(La forêt chilienne)

mercredi 10 septembre 2014

PROCHAINES PRESENTATIONS : DEBUT OCTOBRE 2014




Le Bonheur
Humour, tendresse, émotion,
mélancolie, plaisir...

"BLUE JAY WAY" de Fabrice Colin (Sonatine)



"Blue Jay Way"
Fabrice Colin
(Sonatine)


Fabrice Colin est né en 1972 à Paris. Romans, nouvelles, BD, pièces radiophoniques pour Radio France... Imaginaire, Fantasy, Science-fiction... Jeunesse, jeunes adultes, adultes... La production impressionnante de cet écrivain doué flirte avec la boulimie et le perfectionnisme. Exigeant et d'une sensibilité à fleur de peau, Fabrice Colin nous offre une oeuvre souvent sombre, toujours profonde et intelligente, couronnée de très nombreuses récompenses, notamment à quatre reprises du Grand Prix de l'Imaginaire pour :
  • "Naufrage mode d'emploi" (Fleuve Noir) - Catégorie Nouvelle française en 2000
  • "Dreamamericana" (J'ai lu) - Catégorie Roman français en 2004
  • "CyberPan" (Mango Jeunesse) - Catégorie Roman Jeunesse en 2004
  • "La Brigade Chimérique" (L'Atlante) - Catégorie Bande Dessinée en 2010
En 2012, il fait une entrée très réussie dans l'univers du polar avec "Blue Jay Way", thriller qui sera suivi en 2013 par "Ta mort sera la mienne", tous deux publiés chez Sonatine.

"Le mal, écrira-t-il à l'âge de 11 ans, est sécrété par un pouvoir qui nous dépasse. Aucune doctrine philosophique, aucune discussion, aucun rapport compassionnel ne nous éclairera jamais sur sa nature. On ne circonscrit pas la vérité."

L'histoire :
New York, 2006. Julien reçoit un SMS étrange d'un assassin abattu d'une balle en pleine tête trois mois plus tôt. Enfin, c'est ce que le jeune homme croyait. Ce message macabre ravive en lui de douloureux souvenirs...
En janvier 2002, Julien, Franco-Américain de 26 ans, rencontre l'écrivain Carolyn Gerritsen lors d'une lecture à la librairie Barnes & Noble d'Union Square à New York. Admirateur de l'auteur, il lui propose son projet d'un livre qu'il souhaite lui consacrer. Carolyn Gerritsen accepte. Naît alors une amitié pudique, contenue, entre la romancière à succès et le jeune homme traumatisé par la mort de son père dans les attentats du 11-septembre 2001. Quatre années se sont écoulées lorsque Carolyn, inquiète du comportement de son fils, demande à Julien de se rapprocher de lui. Ryan a 22 ans. Il vit avec son père, Larry Gordon, producteur, dans une luxueuse villa baptisée "Blue Jay Way" à Los Angeles. Dans cette demeure somptueuse évolue une curieuse faune de déjantés, dont la seconde épouse de Larry, la jeune et très attirante Ashley. Le paradis va vite se transformer en enfer pour Julien...

Mon avis :
Un thriller psychologique diabolique construit autour du mal et de la folie, de la plus douce à la plus cruelle et destructrice. Trois destins, trois histoires parallèles. Quel est le lien entre ces personnages ? Le suspense est savamment distillé au coeur d'une intrigue retorse à la perfection. Un regard acéré sur Los Angeles, sur la jet-set, sur une jeunesse dorée désenchantée, désabusée, overdosée de luxe, d'alcool, de drogue, de sexe, et qui n'est pas sans rappeler l'univers de Bret Easton Ellis. Mais ici, le héros principal, Français, étranger à ce monde, tient le rôle d'observateur, de témoin, il est la bulle d'oxygène qui nous permet de reprendre notre souffle dans ce paysage nauséabond. Bien entendu, il n'est pas de romans de Fabrice Colin sans réflexion profonde. Si nous sommes tous capables, en principe, de faire la différence entre le bien et le mal, qu'en est-il de la morale ? Qui la définit ? Qui décide ? Quelles en sont les limites ? Quelles en sont nos propres limites ?

Terrifiant de bout en bout ! L'épilogue glace d'effroi ! Délectable !!!

"Le mal n'est pas une fatalité métaphysique : le mal n'est pas le miroir tendu au bien. Le mal est la forme qui nous comprend."

"TA MORT SERA LA MIENNE" de Fabrice Colin (Sonatine)



"Ta mort sera la mienne"
Fabrice Colin
(Sonatine)


Fabrice Colin est né en 1972 à Paris. Romans, nouvelles, BD, pièces radiophoniques pour Radio France... Imaginaire, Fantasy, Science-fiction... Jeunesse, jeunes adultes, adultes... La production impressionnante de cet écrivain doué flirte avec la boulimie et le perfectionnisme. Exigeant et d'une sensibilité à fleur de peau, Fabrice Colin nous offre une oeuvre souvent sombre, toujours profonde et intelligente, couronnée de très nombreuses récompenses, notamment à quatre reprises du Grand Prix de l'Imaginaire pour :
  • "Naufrage mode d'emploi" (Fleuve Noir) - Catégorie Nouvelle française en 2000
  • "Dreamamericana" (J'ai lu) - Catégorie Roman français en 2004
  • "CyberPan" (Mango Jeunesse) - Catégorie Roman Jeunesse en 2004
  • "La Brigade Chimérique" (L'Atlante) - Catégorie Bande Dessinée en 2010
En 2012, il fait une entrée très réussie dans l'univers du polar avec "Blue Jay Way", thriller qui sera suivi en 2013 par "Ta mort sera la mienne", tous deux publiés chez Sonatine.

"Il existe deux sortes de livres, déclarait Elaine. Ceux qui entendent vous rassurer, et ceux qui creusent votre peur en vous montrant la vie telle qu'elle est. Nous voulons faire de nos existences des histoires parce qu'une histoire est plus aisée à appréhender que le hasard. Mais méfiez-vous des livres qui vous veulent du bien. Gardez-vous des livres qui vous offrent un début et une fin. Ils ont l'essence précise du mensonge."

L'histoire :
Un groupe d'étudiants de l'université d'Etat de San Francisco s'installe au "Red Cliffs Lodge" dans l'Utah. Un décor idyllique et paisible pour un séjour littéraire qui s'annonce sous les meilleurs auspices. L'ambiance est joyeuse et insouciante. Et puis, à l'heure du dîner, arrive un motard, combinaison intégrale en cuir noir, bottes noires, casque noir, et armé d'un fusil à pompe. Il tire. Les lieux ne sont plus alors qu'un chaos de mort et de sang...

Mon avis :
Un roman magnifique, grave, sombre. Douloureux, aussi. Au-delà de la folie meurtrière d'un homme, de sa violence crue, horrible, dans cette tuerie, le tireur est-il le seul coupable ? Nous le savons tous, l'enfance fait l'adulte que nous sommes. Ce texte d'une grande intensité nous le rappelle et nous interroge sur notre responsabilité collective et individuelle envers les plus jeunes et les plus fragiles. Ce massacre d'une barbarie indicible aurait-il pu être évité ? L'amour, quelle que soit sa forme, est-il réponse au mal ? Que sommes-nous capables de pardonner ?

Remarquable !

Quelques clins d'oeil à "Blue Jay Way". A vous de les trouver !

jeudi 7 août 2014

PROCHAINES PRESENTATIONS : DEBUT SEPTEMBRE 2014





Pour accompagner la rentrée...




"PSYCHO KILLER" de Anonyme (Sonatine)



"Psycho Killer"
Anonyme
(Sonatine)

Ados / Adultes


L'auteur ?
Comme son nom l'indique, il est anonyme. Tout ce dont on est sûr, c'est que la plume mystérieuse est masculine et britannique. Totalement jouissif !!! Qui se cache derrière le masque ? Plusieurs personnalités ont été pressenties pour le rôle : Tony Blair, David Bowie, Quentin Tarantino (!?! Britannique on a dit !!!), et même le prince Charles. Comme beaucoup de lecteurs depuis l'énorme succès de la tétralogie mettant en scène un tueur en série, le Bourbon Kid ("Le Livre sans nom", "L'Oeil du diable", "Le Cimetière du diable" et "Le Livre de la mort" publiés chez Sonatine), j'ai bien ma petite idée... mais je ne veux certainement pas me ridiculiser !

L'histoire :
Un mystérieux tueur en série, dissimulé derrière un affreux masque jaune et coiffé d'une crête rouge, sème la terreur à B. Movie Hell. Ses crimes sont d'une sauvagerie extrême. Deux agents du FBI, Jack Munson et Milena Fonseca, sont envoyés sur les lieux pour aider la police locale. Mais ils ne sont pas les bienvenus. La petite ville en apparence tranquille cache peut-être des secrets plus effrayants que l'Iroquois...

Mon avis :
Pimenté d'une bonne dose d'humour et de parodie, voilà un thriller haletant, cinématographique, déjanté, irrésistible, inqualifiable, génial !!! Encore un excellent cru de l'énigmatique auteur qui s'éclate. Et c'est communicatif !

Jubilatoire !!!


"UN CIEL ROUGE, LE MATIN" de Paul Lynch (Albin Michel)



"Un ciel rouge, le matin"
Paul Lynch
(Albin Michel)

Ados / Adultes


Paul Lynch est né en 1977 à Limerick et a grandi dans le Donegal. Il a été critique de cinéma pour le Sunday Times, l'Irish Daily Mail et l'Irish Times avant de signer son premier roman "Un ciel rouge, le matin", salué par la presse anglo-saxonne. Il vient de publier son second roman "The Black Snow" (pas encore dans nos librairies françaises).

L'histoire :
Un ciel rouge, le matin... dans la campagne rude du Donegal de la fin du XIXème siècle, au nord de l'Irlande, comme son père avant lui s'est usé la chair et les os au travail de la terre des Hamilton, impitoyables propriétaires anglais, Coll Coyle est brutalement expulsé, et avec lui sa mère, sa femme enceinte et leur petite fille. Coyle attend du fils Hamilton des explications à cette décision injustifiée. Mais la discussion tourne mal. Dans sa colère, Hamilton chute de son cheval et se tue. Paniqué, Coyle commet l'erreur de cacher le corps et de s'enfuir, laissant derrière lui sa famille. Pour le contremaître, le cruel psychopathe John Faller, le meurtre de son patron est signé. Coyle vient de lui fournir l'excuse de la vengeance pour assouvir son besoin de terreur et de violence. Une chasse à l'homme effroyable est en route...

Mon avis :
A l'origine de ce roman singulier, un fait divers des années 1830. Cinquante-sept ouvriers du rail irlandais ont été exhumés d'une tranchée près de Philadelphie, aux Etats-Unis. Tous venaient du même village du Comté de Donegal. Epidémie de choléra de 1932 ? Assassinat ? Nul ne saura sans doute jamais. Aussi, en hommage à ces fantômes sans sépultures, et pour que ses compatriotes irlandais ne retombent pas dans l'oubli, Lynch a-t-il choisi d'imaginer le destin de l'un d'entre eux sous les traits de Coyle. Un destin brisé, sauvage, douloureux. Une existence qui n'est qu'une succession de fuites : fuite sur le sol irlandais, longue traversée cauchemardesque de l'Atlantique, fuite sur les terres du Nouveau Monde qui se révèle être un enfer, fuite de lui-même. Un roman lyrique et féroce, dominé par une nature toute-puissante entre terre indomptable, océan écumant de colère, et ciel gorgé de tourments. Les paysages, peints de noir, de gris, de pourpre et de rouge sang, tour à tour illuminent la vie des hommes, ou au contraire la vitriolent. Une écriture musicale, jazz électro, obsessionnelle, rythme ce roman d'une poésie redoutablement magnifique.

Très belle découverte !


"LES MAINS DU MIRACLE" de Joseph Kessel (Folio)


"Les mains du miracle"
Joseph Kessel
(Folio)

Ados / Adultes


Joseph Kessel :

Grand officier de la Légion d'honneur ; Commandeur des Arts et des Lettres ; Croix de guerre 1914-1918 ; Croix de guerre 1939-1945 ; Elu à l'Académie française en 1962 ; Scénariste, journaliste et romancier

Né à Clara, en Argentine, le 10 février 1898, fils de Samuel Kessel, médecin juif d'origine lithuanienne qui vint passer son doctorat à Montpellier puis partit exercer en Amérique du Sud, Joseph Kessel vécut en Argentine ses toutes premières années, pour être emmené ensuite de l'autre côté de la planète, à Orenbourg, sur l'Oural, où ses parents résidèrent de 1905 à 1908, avant de revenir s'installer en France.
Il fit ses études secondaires au lycée Masséna, à Nice, puis au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Infirmier brancardier durant quelques mois en 1914, il obtint en 1915 sa licence de lettres et se trouva engagé, à dix-sept ans, au "Journal des Débats", dans le service de politique étrangère.
Tenté un temps par le théâtre, reçu en 1916 avec son jeune frère au Conservatoire, il fit quelques apparitions comme acteur sur la scène de l'Odéon. Mais à la fin de cette même année, Joseph Kesset choisit de prendre part aux combats, et s'enrôla comme engagé volontaire, d'abord dans l'artillerie, puis dans l'aviation, où il va servir au sein de l'escadrille S. 39. De cet épisode, il tirera plus tard le sujet de son premier grand succès, "L'équipage". Il termina la guerre par une mission en Sibérie. Ainsi, quand le conflit s'acheva et que Kessel, dès qu'il eut atteint sa majorité, demanda la nationalité française, il portait la croix de guerre, la médaille militaire, et il avait déjà fait deux fois le tour du monde.
Il reprit alors sa collaboration au "Journal des Débats", écrivant également à "La Liberté", au "Figaro", au "Mercure"... Mais, poussé par son besoin d'aventures et sa recherche des individus hors du commun, où qu'ils soient et quels qu'ils soient, il entama une double carrière de grand reporter et de romancier. Il suivit le drame de la révolution irlandaise et d'Israël au début de son indépendance ; il explora les bas-fonds de Berlin ; au Sahara, il vola sur les premières lignes de l'Aéropostale, et navigua avec les négriers de la Mer Rouge.
Son premier ouvrage, "La steppe rouge", est un recueil de nouvelles sur la révolution bolchevique. Après "L'équipage" (1923), qui fit entrer l'aviation dans la littérature, il publia "Mary de Cork", "Les Captifs" (grand prix du roman de l'Académie française en 1926), "Nuits de princes", "Les coeurs purs", "Belle de jour", "Le coup de grâce", "Fortune carrée" (qui était la version romanesque de son reportage "Marché d'esclaves"), "Les enfants de la chance", "La passante du Sans-souci", ainsi qu'une très belle biographie de Mermoz, l'aviateur héroïque qui avait été son ami. Tous ces titres connurent, en leur temps, la célébrité.
Kessel appartenait à la grande équipe qu'avait réunie Pierre Lazareff à "Paris-Soir", et qui fit l'âge d'or des grands reporters. Correspondant de guerre en 1939-40, il rejoignit, après la défaite, la Résistance (réseau Carte), avec son neveu Maurice Druon. C'est également avec celui-ci qu'il franchit clandestinement les Pyrénées pour gagner Londres et s'engager dans les Forces Françaises Libres du général de Gaulle. En mai 1943, les deux hommes composèrent les paroles du "Chant des Partisans", voué à devenir le chant de ralliement de la Résistance, et Kessel publia, en hommage à ces combattants, "L'armée des ombres". Il finira la guerre capitaine d'aviation, dans une escadrille qui, la nuit, survolait la France pour maintenir les liaisons avec la Résistance et lui donner des consignes.
A la Libération, il reprit son activité de grand reporter, voyagea en Palestine, en Afrique, en Birmanie, en Afghanistan. C'est ce dernier pays qui lui inspira son chef-d'oeuvre romanesque, "Les cavaliers" (1967). Entre-temps, il publia un long roman en trois volumes, "Le tour du malheur", ainsi que "Les amants du Tage", "La vallée des rubis", "Le lion", "Tous n'étaient pas des anges", et il faisait revivre, sous le titre "Témoin parmi les hommes", les heures marquantes de son existence de journaliste. Consécration ultime pour ce fils d'émigrés juifs, l'Académie française lui ouvrit ses portes le 22 novembre 1962. Il mourut le 23 juillet 1979).

(académie-française.fr)

L'histoire :

"Ce gros bonhomme, ce médecin débonnaire dont l'aspect tenait d'un bourgmestre des Flandres et d'un Bouddha d'Occident, avait dominé Himmler au point de sauver des centaines de milliers de vies humaines ! Mais pourquoi ? Mais comment ? Par quel incroyable prodige ? Une curiosité sans bornes avait remplacé mon peu de foi."

En 1959, Joseph Kessel apprend d'un ami l'existence d'un certain Docteur Félix Kersten. L'histoire de ce médecin, méconnue en France, bien que remarquable, laisse Kessel dubitatif quant à sa véracité. Pourtant, il va rencontrer Kersten et il tiendra les preuves entre ses mains.

Né en 1898 en Estonie, d'origine allemande, l'enfance de Félix Kersten est heureuse, des parents aimants, une mère à la voix divine, des vacances au bord de la mer en Finlande, des gâteaux et des sucreries à volonté.
Il est ingénieur agronome lorsqu'il choisit, en 1917, d'entrer dans l'armée finlandaise. Après la Première Guerre Mondiale, il reste dans l'armée, devient citoyen de Finlande, et étudie la chirurgie à l'hôpital militaire. Face aux nombreux soldats blessés, sa technique de massage, originale et efficace, soulage de grandes souffrances tant physiques que psychologiques. Un diplôme de massage scientifique en poche, il quitte la Finlande pour Berlin et approfondit ses connaissances en médecine. Remarqué par un chirurgien mondialement connu, il est présenté au Docteur Kô, lama-médecin tibétain formé aux sciences de guérison dans les plus pures traditions chinoises et tibétaines. Kersten devient alors le disciple du Docteur Kô qui va lui enseigner tout ce qu'il sait. Nous sommes en 1922. Deux noms commencent à apparaître dans les journaux : celui d'Adolf Hitler, et celui d'un instituteur, Heinrich Himmler.
Kersten et Himmler
La notoriété de Kersten dépasse les frontières allemandes. En 1928, il soigne le prince Henri de la famille royale de Hollande et emménage à La Haye. Il exerce auprès de patients fortunés à La Haye, à Berlin et à Rome. Jusqu'à ce jour de mars 1939 où il est appelé au chevet de Heinrich Himmler, chef des S.S., chef de la Gestapo, paralysé par de violentes douleurs à l'estomac, Kersten ne peut refuser. Très vite il profite de la maladie de Himmler. Pendant six ans, il échange ses soins contre l'annulation de déportations, et la libération de dizaines de milliers de prisonniers des camps de la mort.
Lorsqu'en 1945, Hitler ordonne de faire sauter les camps de concentration à l'approche des armées ennemies, Kersten convainc Himmler de signer le "Contrat au nom de l'humanité" qui empêche de dynamiter les camps de concentration et sauve ainsi, encore une fois, des milliers de vies. Himmler accepte également de rencontrer le suédois Norbert Masur, membre du Congrès juif mondial. La réunion se tient en mars 1945 chez Kersten. Elle aboutit à ce que plus aucun Juif ne devra être exécuté et à la libération de milliers d'entre eux. Deux mois plus tard, Himmler se suicide.
Après la guerre, Kersten est proposé à plusieurs reprises pour le Prix Nobel de la paix, mais il ne l'obtiendra jamais. En 1953, la Suède le naturalise. Il meurt en 1960 après avoir enfin été reconnu Juste des nations.

Mon avis :
Comme Kessel, on ne peut qu'admirer le courage sans égal et la force de cet homme tranquille, mais on ressent aussi un certain malaise. Où se situe la répugnance de Kersten ? Où se situe sa fascination pour Himmler ? On s'interroge sur la façon dont il a pu manipuler, pendant six ans, en apparence si aisément, un personnage comme Himmler d'une cruauté innommable. Pourtant, les faits sont là, indiscutables. Des dizaines de milliers de vies ont été sauvées. C'est un témoignage rare au plus près de la Shoah, au plus près de l'horreur insoutenable. On est épouvanté face à cette folie atroce d'une poignée de mégalomanes, fanatiques et sadiques qui ont mis ainsi le monde à feu et à sang.
Ce récit étonnant, sous la plume élégante de Kessel, aborde l'Histoire sous un angle différent et très intéressant. A découvrir !