vendredi 15 novembre 2019

Novembre 2019 - "Ils ont écrit... la guerre du Vietnam"



La guerre du Vietnam


















La guerre du Vietnam est un conflit qui, après le désengagement français, a opposé, de 1954 à 1975, le Nord-Vietnam au Sud-Vietnam. Suite aux accords de Genève (1954), la France quitte l'Indochine après quelque cent ans de présence, et le Vietnam voit son indépendance reconnue. Mais les puissances lui imposent, en attendant des élections générales, une partition au niveau du 17e parallèle. Ce compromis fera de la paix un leurre.

A l'issue de la guerre d'Indochine, deux Etats sont fondés, l'un communiste au Nord, et l'autre soutenu par les Américains au Sud. En 1960, le FNL (Front national de libération) est créé ; il lutte contre le dictateur en place au Sud-Vietnam, Ngô Dinh Diêm, et contre l'influence américaine. En 1963, après la chute de Diêm, le gouvernement américain prend en charge la lutte contre le FNL. Son engagement militaire est massif à partir de 1964. Mais le Nord-Vietnam, soutenu par l'URSS et la Chine, oppose une forte résistance. Cette guerre, engageant 500 000 hommes de troupe américains, largement couverte par la télévision qui montre les horreurs vécues par les soldats et la population vietnamienne, devient impopulaire aux Etats-Unis. En mars 1973, les accords de Paris aboutissent à l'évacuation par les Américains du Sud-Vietnam. La chute de Saigon a lieu en 1975 : la capitale du Sud-Vietnam devient Hô-Chi-Minh-Ville.



~ Histoire du Vietnam en quelques dates ~

939 :
Jusqu'alors possession de la Chine, le Dai Viêt gagne son indépendance mais reste vassal de la Chine.

Xème siècle :
Processus de conquête territoriale appelé le Nam Tiên (la "marche vers le Sud").

jusqu'au XVIème siècle :
Outre les Viêt, l'histoire du Vietnam se confond avec celle d'autres peuples : les Hoa (Vietnamiens d'origine chinoise), les Khmers Krom (minorité khmère) et les Chams (du royaume de Champa), ainsi que d'un grand nombre d'autres minorités.

de la fin du XVIème siècle au XVIIIème siècle :
Le Dai Viêt est divisé en deux : les seigneurs de la famille Trinh au Nord, et les seigneurs de la famille Nguyen au Sud. Après une insurrection, la dynastie Nguyen l'emporte et règne sur le pays rebaptisé Viêt Nam, puis Dai Nam ou Annam en Occident.

Statue en bois laqué du XVIIIème siècle
Déesse de la Miséricorde, Déesse aux "Mille yeux, mille bras"
(Musée des beaux-arts du Vietnam de Hanoï)


1859 :
A la suite du massacre de missionnaires français en Annam, notamment dans la région de Cochinchine, la flotte française entre dans Saigon.

1862 :
Le Second Empire français s'empare de la Cochinchine, au sud.


1880 :
Expédition du Tonkin. La République française parachève la conquête du territoire vietnamien et le divise administrativement en trois entités sous son contrôle : la colonie du Cochinchine et les protectorats du Tonkin et d'Annam.

1887 :
Ces trois régions sont intégrées à l'Indochine française. La dynastie Nguyen n'a plus qu'un pouvoir symbolique.


1930 : 
Fondation du Parti communiste indochinois sous la direction de Hô Chi Minh.

1932 :
Bao Dai, empereur du Vietnam, est soumis à la France.

1940 :
Entrée des troupes japonaises dans plusieurs secteurs stratégiques du pays.

1941 :
Fondation du Front de l'indépendance du Vietnam (Viêt Minh).

mars 1945 :
Les Japonais mettent fin à l'autorité française. Insurrection générale.

19 août 1945 :
Le Viêt Minh, mouvement indépendantiste contrôlé par le Parti communiste indochinois, dirigé par Hô Chi Minh, profite de la capitulation du Japon pour entrer à Hanoï. L'empereur Bao Dai abdique. Les Français vont reprendre le contrôle du pays mais l'échec de leurs pourparlers avec les indépendantistes va conduire à la guerre d'Indochine.

2 septembre 1945 :
Hô Chi Minh proclame l'indépendance du Vietnam et l'établissement de la République démocratique de Vietnam.

décembre 1946 :
La guerre d'Indochine commence.

1949 :
Création de l'Etat du Vietnam au Sud par l'administration française, avec pour chef d'état Bao Dai et Premier ministre Ngô Dinh Diêm.

8 mai 1954 :
La place forte de Diên Biên Phu tombe aux mains du Viêt Minh.

20-21 juillet 1954 :
Une conférence internationale à Genève crée la ligne de démarcation provisoire du 17e parallèle qui divise le Vietnam en deux, en attendant que l'on soit parvenu à un règlement politique par des élections nationales qui doivent avoir lieu avant juillet 1956. Le gouvernement de l'empereur Bao Dai, qui a le soutien de la France, dénonce ces accords.

octobre 1954 :
Départ des troupes et de la communauté françaises de Hanoï.

1955 :
A Saigon, le Premier ministre de Bao Dai, Ngô Dinh Diêm, l'emporte sur Bao Dai dans un référendum et devient président de la République du Vietnam. Il rejette les accords de Genève et refuse de participer à une élection nationale, une décision qui reçoit le soutien des Etats-Unis.

1956 :
Départ des dernières troupes françaises du Sud-Vietnam. Diêm lance une sévère contre-offensive dans le but de soumettre le Viêt Minh et les autres dissidents du Sud. L'insurrection commence l'année suivante.

1960 :
Création du Front de libération nationale (FNL) par les communistes dans le Sud. Le régime de Saigon donne le nom de "Viêt Cong" à ses membres, les communistes vietnamiens, bien que le Front compte un bon nombre de non-communistes. Le Nord-Vietnam commence à infiltrer des hommes et des armes dans le Sud grâce à la piste Hô Chi Minh.

mai 1961 :
Début de l'intervention américaine au Nord-Vietnam (opérations de sabotage et de renseignement).

1964 :
Le président Lyndon Johnson décide l'intervention directe des Etats-Unis au Vietnam.

24 février 1965 :
Les Etats-Unis commencent un bombardement soutenu du Nord-Vietnam.


8 mars 1965 :
Les premières troupes de combat américaines arrivent au Vietnam. Elles atteignent le chiffre de 
500 000 hommes à la fin de 1967.

31 janvier 1968 :
Les troupes du Nord et du Viêt Cong lancent "l'Offensive du Têt", attaquant les villes, grandes et petites, du Sud.

31 mars 1968 :
Le président Lyndon Johnson demande un arrêt partiel des bombardements du Nord, accepte de négocier avec Hanoï et annonce qu'il ne se représentera pas aux élections.

mai 1968 :
Les pourparlers de paix au Vietnam entre les Etats-Unis et la République démocratique du Vietnam commencent à Paris.

janvier 1969 :
Les pourparlers de paix de Paris s'élargissent pour inclure la République du Vietnam et le Gouvernement révolutionnaire provisoire, récemment formé, qui représente le Viêt Cong.

18 mars 1969 :
Le président Richard Nixon commence le bombardement du Cambodge, bombardement tenu secret.

8 juin 1969 :
Nixon annonce le premier d'une série de retraits des troupes américaines du Vietnam.

3 septembre 1969 :
Hô Chi Minh meurt à Hanoï.

27 janvier 1973 :
Les Accords de Paris sont conclus et signés.

29 mars 1973 :
Les dernières troupes de combat américaines quittent le Sud-Vietnam, les prisonniers de guerre sont échangés. Mais le cessez-le-feu ne dure pas.

1975 :
Les troupes nord-vietnamiennes commencent une offensive majeure au début du mois de mars. Le 30 avril, elles prennent Saigon. Fin de la guerre.

1976 :
Le pays est officiellement réunifié sous son nom actuel de la République socialiste du Vietnam. Hanoï en est la capitale et Saigon devient Hô-Chi-Minh-Ville. Il demeure un régime à parti unique dont le marxisme-léninisme reste l'idéologie officielle.

1978 :
A la suite d'un massacre de paysans Viêt par les Khmers rouges soutenus par la Chine, le Vietnam, épaulé par l'URSS, envahit le Cambodge. Guerre contre la Chine. Exode apocalyptique des boat people vietnamiens et chinois.

1989 :
Retrait des dernières troupes vietnamiennes du Cambodge. Dans les rizières du delta, premiers pas concrets du "décollectivisme".

1991 :
Normalisation des relations avec la Chine.

1994 :
Levée de l'embargo américain.

1995 :
Reprise des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et le Vietnam.


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  • "The Vietnam War", série documentaire en dix parties de Ken Burns et Lynn Novick - Prix spécial de l'American Film Institute en 2017 (Netflix et DVD)
  • "Apocalypse : la guerre des mondes 1945-1991", série documentaire en six parties d'Isabelle Clarke et Daniel Costelle, avec la collaboration de Mickaël Gamrasni et la narration de Mathieu Kassovitz (France 2 et DVD)
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"War"
chanson protestataire contre la guerre du Vietnam
écrite et composée par Norman Whitfield et Barrett Strong
interprétée par Edwin Starr en 1970
reprise ensuite par de nombreux artistes
dont Bruce Springsteen lors de sa tournée de 1985

"Les carnets retrouvés (1968-1970)" - Dang Thuy Trâm (Picquier poche)


Dang Thuy Trâm est née à Hanoï, au Nord-Vietnam, le 26 novembre 1943. Elle est l'aînée de cinq enfants, joue du violon et de la guitare, adore la poésie vietnamienne et les romans français et russes. Son père est chirurgien, passionné de musique classique occidentale, et sa mère est chargée de cours à la faculté de pharmacologie. Dang Thuy Trâm devient elle-même chirurgien en 1966, à un moment où l'engagement américain dans la guerre est au plus fort, avec des bombardements aériens contre le territoire nord-vietnamien et des combats sur le terrain contre la guérilla au sud.

Dang Thuy Trâm part pour le Sud-Vietnam comme volontaire au sein des forces vietnamiennes communistes, opposées aux Américains et aux troupes du gouvernement de Saigon. A vingt-cinq ans, elle est responsable d'un hôpital civil de campagne situé dans les montagnes au centre du Vietnam. Elle devient membre du parti communiste en 1968. Deux ans plus tard, le 22 juin 1970, elle est tuée dans le maquis de Quang Ngai. Les circonstances de sa mort sont mal connues.

Un agent des renseignements américain, Fred Whitehurst, trouve les carnets de Dang Thuy Trâm et les ramène aux Etats-Unis en 1972. Trente ans plus tard, il retrouve la famille de l'auteure qui va les publier. L'ouvrage devient un best-seller au Vietnam, puis en Amérique, et sera traduit en vingt langues.

Le journal de Dang Thuy Trâm commence le 8 avril 1968, exactement deux mois après l'"Offensive du Têt"...

"Thuy avait commencé à tenir son journal quand elle avait quitté Hanoï pour le Sud. Malheureusement, son premier carnet a été perdu, et ceux qui nous sont parvenus commencent une année après son arrivée à Quang Ngai, à un moment où elle était affreusement malheureuse.

Thuy était descendue dans le Sud par pur esprit patriotique mais aussi à cause d'un homme qu'elle appelle "M", et qu'elle aimait depuis l'âge de seize ans."

Extrait de l'Introduction de Frances Fitzgerald
Correspondante de guerre au Vietnam pour le New Yorker
Prix Pulitzer en 2008 pour "Fire in the Lake"

Mon avis :

Que de responsabilités reposent sur de si jeunes épaules !

Gérer un hôpital de campagne sous le feu des balles et des bombes... Accueillir les soldats blessés, les soigner, les opérer, les écouter, les réconforter, les encourager, atténuer leurs souffrances... Les voir repartir au front à peine valides... Quitter ceux avec qui, inévitablement, on a tissé des liens d'affection... Accompagner les mourants, leur apporter un peu de chaleur et de douceur dans leurs derniers instants...

Entendre la douleur, le chagrin, les émois de chacun... Affronter la tourmente, la mort, la peur, la haine, les doutes, les espoirs sans réponse... Craindre pour sa famille au loin, souffrir de son absence... Accepter la disparition de proches, d'amis, de camarades...

Continuer de s'émerveiller d'un rayon de soleil, de gouttes de pluie glissant sur les feuilles des arbre, d'une fleur épanouie au milieu du chaos, de l'odeur de la forêt après un orage, ou de quelques vers de poésie...

Dans ses carnets, Dang Thuy Trâm consigne des faits, mais aussi toutes ses émotions et ses sentiments, partageant sur une même page les horreurs de la guerre sur les corps et la blessure d'un amour perdu, ou encore la conduite héroïque des uns et la mesquinerie des autres...

"La vie se déroule devant nos yeux avec ses aspects multiples : l'amour, la douleur, l'espoir et la jalousie. Un être humain n'a pas que du sang rouge, la moitié de son coeur est pleine de sang noir."

Un témoignage déchirant...

"Riz noir" de Anna Moï (Folio)


Anna Moï est née en 1955 à Saigon, au Vietnam. Sa mère est enseignante et son père est officier et journaliste. Dès la maternelle, elle est scolarisée dans une école francophone. Après avoir obtenu le baccalauréat au lycée français Marie Curie de Saigon, elle part pour Paris dans les années 1970 où elle étudie l'histoire à l'université de Nanterre.

Sa rencontre avec les stylistes Agnès Troublé (Agnès B.) et Philippe Guibourgé (Dior, Chanel) lui donne envie de travailler dans la mode. Dans les années 1980, grâce à son activité de styliste, elle vit à Bangkok et Tokyo, et voyage beaucoup, devenant ainsi polyglotte : elle parle vietnamien, français, thaï, japonais, anglais et allemand. En 1992, elle s'installe dans sa ville natale, Saigon, devenue Hô-Chi-Minh-Ville. Elle vit avec sa famille dans une maison traditionnelle, au coeur d'une bananeraie de la ville.

Elle commence alors à écrire des chroniques en français dans une revue francophone vietnamienne. Prenant goût à l'écriture, ses chroniques se transforment peu à peu en de véritables nouvelles. En 2001 paraît, aux Editions de l'Aube, "L'écho des rizières", recueil de truculentes nouvelles sur le Vietnam contemporain qui remporte un beau succès d'estime.

Son premier roman, publié en 2004 chez Gallimard, "Riz noir", rompt avec le style léger et humoristique de ses nouvelles. Anna Moï y raconte l'histoire tragique d'une ancienne camarade de lycée, détenue et torturée au bagne de Poulo Condor, au large de Saigon, à la fin des années 1960.

Aujourd'hui, Anna Moï vit entre Paris et Hô-Chi-Minh-Ville où elle a ouvert une boutique, et partage son temps entre l'écriture, la mode et le chant lyrique. Son roman "Le venin du papillon" a obtenu le Prix Littérature-monde, décerné lors du Festival Etonnants Voyageurs à Saint-Malo en 2017.

Dans son dernier ouvrage, "Le Pays sans nom", publié en 2017 aux Editions de l'Aube, Anna Moï déambule avec Marguerite Duras dans des lieux qui leur sont mythes communs - le passage Eden, le bac, les bungalows, les voitures de légende, le Mékong - revisités de nos jours. En filigrane s'écrit une  histoire d'amour avec un homme auquel Anna Moï s'adresse en creux, sans jamais le nommer.

"Elles sont deux écrivaines nées dans le même pays. C'est le Vietnam... et ce n'est pas le Vietnam. C'est le Pays sans nom."

***

Le bagne de Poulo Condor était un bagne installé sur l'île de Poulo Condor (aujourd'hui Côn Son), faisant partie de l'archipel de Côn Dao, situé à 230 km au sud de Hô-Chi-Minh-Ville dans la mer de Chine méridionale. Il a été un lieu de bannissement utilisé par le pouvoir annamite avant la colonisation française. Il fut réutilisé par les Français dès 1862, après le traité de Saigon. En 1955, il est transformé en "centre de rééducation" par la République du Vietnam (1955-1975) pour enfermer les opposants du Front national de libération du Sud-Vietnam (Viet Cong) pendant la guerre du Vietnam. Certains prisonniers y étaient enfermés dans des "cages à tigre", ce qui les a rendus paraplégiques après des années en position accroupie, sans pouvoir se lever ni bouger leurs jambes.

***

L'histoire :

Deux adolescentes, la narratrice, âgée de quinze ans, et sa soeur Tao, seize ans, après une heure de traversée à fond de cale, arrivent au bagne de Poulo Condor. L'horreur n'en est qu'à son commencement.

Pourquoi sont-elles là ? Qui les a dénoncées ? De quoi sont-elles accusées ? La narratrice veut des réponses et se remémore des images et des anecdotes d'une enfance passée à Saigon au milieu du chaos :

L'affaire de soie laquée florissante de leur mère, Van, qui peut désormais offrir un toit à sa famille, la grande et belle Maison du Bonheur...

L'arrivée au pouvoir, en 1955, de Ngô Dinh Diêm, premier Président de la république du Sud-Vietnam, catholique et célibataire, et de la très controversée "Dragon Lady", Madame Nhu, épouse du Premier ministre, belle-soeur du Président, et richissime cliente de Van...

Les manifestations violemment réprimées, en juin 1963, de moines bouddhistes accompagnés de milliers de fidèles réclamant la liberté de culte, la liberté d'association et les libertés politiques ; l'immolation par le feu du bonze Thich Quang Duc... D'autres bonzes suivront son exemple. "Des barbecues", dira avec cynisme la Dragon Lady...

L'assassinat, en novembre 1963, du Président Ngô Dinh Diêm et de son frère...

Le début de l'"Offensive du Têt" le 31 janvier 1968, première nuit de l'année du Singe, alors que Van accueille l'étrange "Cousin Long", un criminel. Malgré les combats sanglants et les privations de nourriture, mystérieusement, la soupe de poule ne manquera pas à la Maison du Bonheur...

L'installation, à son tour, à la maison, de Nguyen Duc Minh, alias "Oncle Ba", leader étudiant, catholique et tuberculeux. Sa douceur et sa sensibilité pour la musique émeuvent la jeune narratrice...

Et puis les cages à tigre...

Mon avis :
Ce roman poignant est inspiré d'une histoire vraie, celle de deux jeunes soeurs prisonnières au bagne de Poulo Condor, et de faits historiques. Entre les corps et les âmes suppliciés, les souvenirs d'enfance, ancrés à jamais, sont comme des respirations, des souffles de vie, où la poésie la plus délicate et pure, contre la folie et la cruauté, devient Résistance.

"Le vin de la colère divine" de Kenneth Cook (J'ai lu)


Kenneth Cook est né en 1929 à Lakemba, dans la banlieue de Sydney (Australie). Il est considéré comme l'un des principaux écrivains australiens contemporains ("Le koala tueur", "La vengeance du wombat", "L'ivresse du kangourou"). Après avoir quitté l'école, il occupe divers emplois, y compris celui de technicien de laboratoire, journaliste et réalisateur de documentaires pour la télévision, exploitant de cabanes à bateaux. En 1966, leader d'un parti politique, Cook s'oppose avec véhémence à la guerre du Vietnam.

Lépidoptériste amateur passionné, il a établi la première ferme à papillons en Australie sur les rives de la rivière Hawkesbury, à Sydney, dans les années 1970. Kenneth Cook est mort, victime d'une crise cardiaque, en 1987, à l'âge de 57 ans, alors qu'il partait en camping avec son épouse.

L'histoire :

Issu d'un environnement familial et scolaire catholique - un père américain fervent pratiquant, une mère française un peu plus modérée mais indiscutablement croyante, une école religieuse -, un jeune homme vient de s'engager volontairement dans l'armée, alors que la guerre fait rage au Vietnam, comme s'il était une évidence qu'un bon chrétien se doive de sauver le monde du communisme...

Mon avis :

Seul, assis au comptoir d'un bar miteux de Bangkok, bière après bière, le narrateur cherche une réponse au grand mystère philosophique et spirituel de l'Existence : et Dieu dans tout ça ? quel est le sens à toutes ces souffrances ? quelle est la logique ?

De cette réflexion à la fois globale et intime, de son expérience au coeur du chaos, de son témoignage glaçant, de ses rencontres singulières, se dégage une remise en question de lui-même et des valeurs qui lui ont été inculquées.

Un roman-choc puissant...

"Le sympathisant" de Viet Thanh Nguyen (10/18)


Prix Pulitzer de la fiction 2016
Prix Edgar Allan Poe 2016
Prix du Meilleur livre étranger 2017

Translation Prize 2018 de la French-American Foundation
à Clément Baude pour la traduction


Viet Thanh Nguyen est né en 1971 à Buôn Ma Thuôt, au Sud-Vietnam. Après la chute de Saigon, il fuit le pays avec toute sa famille et rejoint les Etats-Unis en cargo, comme des milliers de boat people. D'abord réfugiés dans un camps en Pennsylvanie, les Nguyen s'établissent en Californie.

Etudiant diplômé de Berkeley, Viet Thanh Nguyen devient professeur à l'université South California et entame en parallèle l'écriture de son premier roman, "Le sympathisant", qui s'impose dès sa sortie comme un immense succès critique et commercial.

Finaliste des plus grands prix littéraires, dont le PEN/Faulkner, lauréat du Prix Edgar Allan Poe du meilleur premier roman, et consacré par le Prix Pulitzer de la fiction en 2016, traduit dans vingt-cinq langues, il lui vaut d'être comparé aussi bien à John Le Carré qu'à Saul Bellow. La French-American Foundation a décerné son Translation Prize 2018 à Clément Baude pour la traduction de l'ouvrage. En France, le livre obtient le Prix du Meilleur livre étranger en 2017.

Viet Thanh Nguyen est également l'auteur d'un essai finaliste du National Book Award, "Nothing Ever Dies", sur la guerre du Vietnam dans la mémoire collective, américaine et asiatique, ainsi que d'un recueil de nouvelles, "Les Réfugiés", paru en septembre 2019 aux Editions Belfond. Il vit à Los Angeles, avec son épouse et leur fils.

L'histoire :

Saigon, avril 1975

Villes et villages du Sud tombent les uns après les autres. Après sa démission, le Président du Sud-Vietnam s'est enfui à Taiwan avec des valises pleines de l'or de la République. Bientôt, les troupes nord-vietnamiennes seront sur Saigon. Le général, chef de la police secrète, son capitaine et un certain Claude, de l'ambassade américaine, agent de la CIA, préparent un plan d'évacuation et la liste de celles et ceux qui pourront en bénéficier, eux-mêmes et leurs proches inclus.

A son arrivée à Camp Pendleton, à San Diego, en Californie, en compagnie du général et de sa famille, et de son ami Bon, le capitaine, taupe au service des communistes, continue d'envoyer ses rapports à Man, son ami d'enfance resté au Vietnam, par le biais de lettres codées...

Mon avis :

"Rappelle-toi, disait ma mère, tu n'es pas une moitié de quoi que ce soit, tu as tout en double !"

Cette phrase est le fil rouge de ce roman écrit sous la forme d'une confession, celle d'un jeune homme né d'une mère célibataire sud-vietnamienne et d'un père prêtre catholique français. Devenu agent double pour le compte des communistes, il raconte la chute de Saigon en 1975, l'exil aux Etats-Unis, un intermède dans le cinéma hollywoodien, puis son retour au pays.

La première partie du livre, haletante, nous emporte dans le chaos. Les scènes sont terribles et les mots lourds de sens. Quelques notes d'humour teinté de cynisme nous laissent à peine le temps de reprendre notre souffle.

La seconde partie, remarquable, est plus oppressante car tout y est ambigu, trouble, binaire. Le narrateur, hanté par ses fantômes, par sa double culture, par sa double identité, par son double rôle, s'abandonne à la réflexion et aux doutes. Il fouille, analyse, décrypte tout ce qui oppose l'Orient et l'Occident, tout ce qui différencie l'Oriental et l'Occidental. Il cherche à comprendre, mais en même temps, il craint les réponses.

Brillant !!!