mercredi 26 août 2020

Juillet & Août 2020 - "Voilà l'été !"

 


"Jusqu'à l'impensable" de Michael Connelly (Calmann-Lévy)


Michael Connelly
est né en 1956 à Philadelphie (Etats-Unis). Lauréat du Prix Pulitzer comme chroniqueur judiciaire, il fait sensation avec "Les égouts de Los Angeles" (1992), où évolue son inspecteur Harry Bosch, souvent en conflit avec ses supérieurs dans sa recherche de la vérité. Les références à la peinture ou à la littérature - comme Edgar Allan Poe dans "Le Poète" (1996) - permettent à Connelly de transcender le roman noir. Il obtient divers prix aux Etats-Unis puis en France, dont le Grand Prix de littérature policière en 1999 pour "Créance de sang".

Le personnage Hieronymus "Harry" Bosch est né en 1950. Homme taciturne, vétéran du Vietnam où il "nettoyait" les galeries souterraines creusées par les Vietcongs, Bosch a un fichu caractère, des amours compliquées, père d'une fille, Maddie, une passion pour le jazz, un penchant pour l'alcool et un prénom original : Hieronymus (Connelly s'est inspiré du peintre flamand Jheronimus Van Aken, dit Jérôme Bosch). Sa mère, prostituée, a été assassinée sur Hollywood Boulevard lorsqu'il était enfant (hommage à James Ellroy). Son père, J. Michael Haller, est avocat, ainsi que son demi-frère, Mickey Haller, héros d'une autre série de Connelly ("La Défense Lincoln").

Connelly a créé d'autres séries, l'une autour de Terry McCaleb, agent du FBI, et l'autre autour du journaliste Jack McEvoy. Plusieurs de ces différents protagonistes sont parfois réunis dans une intrigue commune.


"Le meilleur moyen pour moi, c'est de faire évoluer mes personnages dans un monde le plus réaliste possible : je veux que les rues soient vraies, les restaurants, les bars, mais aussi la bureaucratie, les mécanismes politiques, tout ce qui fait notre quotidien. Parce que cet univers sera réaliste, je pourrai donner une forme de réalité à mes personnages. Et Los Angeles est une ville qui permet cela : elle offre une vaste palette de mondes disparates - les plaines, les collines, l'océan, le désert... -, et cette géographie se retrouve dans sa diversité sociale. C'est un terreau impitoyable certes, mais surtout formidable pour un écrivain."
Michael Connelly


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Terminons le thème "Voilà l'été !" sous le soleil de Los Angeles, en compagnie de deux héros principaux de l'oeuvre de Michael Connelly, l'inspecteur Harry Bosch, aujourd'hui retraité du LAPD, et son demi-frère, le célèbre avocat Michael Haller, réunis à nouveau dans un même scénario.

Mickey Haller assure la défense de Da'Quan Foster, accusé du meurtre sordide d'Alexandra Parks, très appréciée directrice adjointe des services municipaux de West Hollywood et épouse du shérif adjoint de Malibu.

Ce n'est pas le premier assassin que Haller doit défendre. Mais cette fois, il est intimement convaincu de l'innocence de son client. C'est pourquoi il propose à Bosch de mener sa propre enquête, quelles qu'en soient les conclusions.

Après un refus catégorique, l'ancien policier s'interroge. Si Da'Quan Foster n'est pas coupable, cela veut dire qu'un tueur court toujours dans la nature. Impensable...

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Fidèle lecteur ou nouveau venu dans l'univers Connelly, vous serez happé par cette histoire prenante, efficace, policière, sociale et politique dans laquelle la Cité des Anges tient un rôle essentiel.

Un rythme soutenu, une narration nerveuse, un sens aigu du détail, une écriture visuelle et cinématographique, des personnages vrais dans leurs forces comme dans leurs failles, de l'humain, des coups de gueule et une profonde idée de la justice.

Un Connelly du meilleur cru !

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A voir :
L'excellente et très soignée série télévisée américaine, "Bosch", créée par Michael Connelly, produite par Amazon Studios et réalisée par Eric Overmyer, avec Titus Welliver, Jamie Hector et Amy Aquino (six saisons sur Amazon Prime video).

mercredi 19 août 2020

"Pastorale" de Aki Ollikainen (Ed. Héloïse d'Ormesson)

Aki Ollikainen est né en 1973. Photographe et journaliste, il vit à Lohja, au sud de la Finlande. "La Faim blanche", son premier roman, a été récompensé par de nombreux prix et a figuré dans les sélections 2016 du Man Booker International Prize et du Prix Femina étranger. "Pastorale" est son second roman.

L'histoire :

C'est un village isolé d'une commune de Finlande orientale, sur les rives d'un lac. Meri, une adolescente de seize ans, passe l'été chez ses grands-parents. Elle, la citadine, aime retrouver sa famille maternelle, la vie rurale brute et essentielle, marcher dans la forêt, apprendre à pêcher, écouter le silence peuplé de sons inconnus. Cette première journée de canicule est singulière. Elle provoque en chacun une étrange vague de nostalgie, de regrets, de bilans, de rêves...

Pendant ce temps, sur la plus haute branche d'un pin, comme de vieux compères qui préparent un mauvais coup, deux corbeaux croassent de plaisir et se gaussent de la comédie humaine qui se joue sous leurs yeux. La Nature attend son heure...

"Le monde étendu sous lui et ses habitants, le corbeau les contemplait d'un oeil de propriétaire terrien - il voyait la forêt mise en arbres, les arbres mis en piles et les piles mises à prix."

Mon avis :

Avec "Pastorale", Aki Ollikainen confirme la profondeur et la poésie de son écriture découvertes dans son premier roman, "La Faim blanche". Dans ce texte plein de mystères, il croise de nombreux thèmes de réflexion et plusieurs symboliques : celle des croyances ancestrales et des contes et légendes transmis de génération en génération ; celle, image d'épinal teintée de nostalgie, de la vie pastorale d'antan ; et celle de la pastorale religieuse et de la quête spirituelle. Réalité ? Rêve ? Hallucination ? A chaque lecteur son interprétation de l'histoire... Très beau roman !

A lire :

"La Faim blanche"

https://cappuccinochezlouguitar.blogspot.com/2017/01/la-faim-blanche-de-aki-ollikainen.html?m=0

mercredi 12 août 2020

"La Dame à la Licorne" de Tracy Chevalier (Folio)

Tracy Chevalier est une écrivaine américaine, née en 1962 à Washington. En 1984, elle déménage en Angleterre et commence, en 1993, une année de Master of Arts en création littéraire à l'Université d'East Anglia. Ses tuteurs, lors de son parcours, sont les romanciers Malcolm Bradbury et Rose Tremain. En 1997 paraît son premier roman, "La Vierge en bleu". Le succès arrive avec "La jeune fille à la perle", un livre inspiré par le célèbre tableau de Vermeer. Le film éponyme, réalisé par Peter Webber, avec Scarlett Johansson, Colin Firth et Cillian Murphy, a obtenu trois nominations aux Oscars de 2004. Tracy Chevalier est également présidente, pour l'Angleterre, de la Society of Authors. Son dernier roman, "La brodeuse de Winchester", vient d'être publié aux Editions Quai Voltaire.

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Depuis le traité "De l'âme" d'Aristote (384 - 322 av. J.C.), l'être humain dispose de cinq sens. Pourtant, La Dame à la Licorne, tissée vers 1500 et exposée aujourd'hui au Musée national du Moyen Age - Thermes et Hôtel de Cluny (Paris V), évoque l'idée d'un mystérieux sixième sens.

La Dame à la Licorne est composée de six tapisseries. On suppose que cinq d'entre elles représentent les cinq sens symbolisés par l'occupation à laquelle se livre la Dame :

  • Le toucher (la Dame tient d'une main la corne de la Licorne et de l'autre le mât d'un étendard)
  • Le goût (la Dame prend une dragée d'une coupe que lui tend sa servante et l'offre à un oiseau)
  • L'odorat (pendant que la Dame tisse une couronne de fleurs, un singe respire le parfum d'une fleur dont il s'est emparé)
  • L'ouïe (la Dame joue d'un petit orgue)
  • La vue (la Licorne se contemple dans un miroir tenu par la Dame)

Sur la sixième tapisserie, dont l'interprétation reste un mystère à ce jour, on peut lire, encadrée des initiales A et I, la devise "Mon seul désir" au haut d'une tente bleue (image ci-dessus).

Une autre interprétation voudrait que les six tapisseries illustrent six vertus allégoriques courtoises évoquées dans le "Roman de la Rose". Il s'agirait alors de Oiseuse pour la vue, Richesse pour le toucher, Franchise pour le goût, Liesse pour l'ouïe, Beauté pour l'odorat et Largesse pour la dernière "Mon seul désir".

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L'histoire :

Paris, 1490, sous le règne de Charles VIII dit "l'Affable" (1470-1498)

Pour habiller les murs de la grande salle de réception de sa demeure rue du Four à Paris, Jean Le Viste, haut magistrat d'origine lyonnaise, a l'envie de six tapisseries. Chacune devra représenter une scène de la Bataille de Nancy. L'artiste sera prié d'y insérer le plus de blasons possibles de la famille Le Viste, bien qu'aucun de ses membres n'ait participé à cet épisode glorieux.

Sur les conseils de son épouse, Geneviève de Nanterre, Jean Le Viste fait appel à Nicolas des Innocents, célèbre dans le tout-Paris pour ses magnifiques miniatures. Si le peintre est talentueux, l'homme est également réputé pour sa trivialité et son insatiable appétit pour le sexe faible. Malgré ces rumeurs, Dame Geneviève se rapproche de l'artiste. Accueillir des hôtes de marque dans une pièce entourée de sang et de corps étripés ne lui plaît guère et n'augure pas des discussions sereines. La maîtresse de maison préférerait un thème plus subtil et plus apaisant. Elle s'en remet à Nicolas des Innocents et elle est immédiatement conquise par sa proposition d'une réflexion autour de la Licorne...

Mon avis :
Une histoire délicieusement romanesque très instructive sur la vie des artisans, en particulier des lissiers, à l'aube de la Renaissance, et sur les différentes étapes de l'élaboration d'une tapisserie, de sa conception à sa sortie de l'atelier. Très agréable moment de lecture à la fois distrayant et éducatif, et l'écriture de Tracy Chevalier toujours aussi envoûtante !


A lire également, de Tracy Chevalier, le passionnant "Prodigieuses créatures" :

mercredi 5 août 2020

"Changer l'eau des fleurs" de Valérie Perrin (Livre de Poche)


Valérie Perrin
est une photographe, scénariste et écrivaine née en 1967 à Gueugnon, dans l'est de la France. Son premier roman, "Les oubliés du dimanche" (Albin Michel), lauréat du Premier Roman de Chambéry 2016, a reçu treize prix littéraires, dont le Grand Prix national Lions de littérature 2016 et le Prix Choix des librairies 2018. Son deuxième roman, "Changer l'eau des fleurs" (Albin Michel, 2018) est également couronné de plusieurs prix, dont le Prix Maison de la Presse 2018. Depuis 2011, Valérie Perrin coécrit une dizaine de scénarios avec Claude Lelouch, dont "Salaud, on t'aime", "Un + une", "Chacun sa vie", "Les plus belles années d'une vie". Elle réalise un "Carnet de tournage" du film "Ces amours-là" aux éditions France-Empire en 2010. Elle a été photographe de plateau pour Samuel Benchetrit, Audrey Dana, Claude Lelouch. Plusieurs expositions de photographies lui ont été consacrées. Aux élections européennes de 2019, Valérie Perrin se présente sur la liste des candidats du Parti animaliste. Elle est la compagne du réalisateur Claude Lelouch depuis 2006.

L'histoire :

Née sous X en 1968, ballottée de famille d'accueil en famille d'accueil, peu d'atomes crochus avec l'école, à dix-sept ans dans les années 1980, Violette est barmaid dans une boîte de nuit. Elle y rencontre Philippe Toussaint, vingt-sept ans, beau, charmeur, irrésistible, et elle veut croire à l'amour pour en avoir tant manqué. Mineure et enceinte de lui, elle s'installe chez Philippe. Mais les dés sont encore une fois pipés. Très vite, Violette réalise que Philippe Toussaint est un sale type, infidèle, fainéant, violent et lâche. Un enfant à venir, sans un sou, par la force des choses, ils se retrouvent gardes-barrières près de Nancy, dans une bicoque dont l'état ressemble à celui du couple : catastrophique.

Après une décennie de labeur et de soumission pour Violette, l'installation de barrières automatiques met fin à leur contrat et jette les Toussaint à la rue, sans travail, sans logement. Leur seule opportunité est ce poste de gardiens de cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Violette s'y plaît instantanément. Les morts ne lui font pas peur. Elle s'attache à eux, connaît l'histoire de chacun, veille à leur tranquillité. Etrangement, elle se sent enfin vivante. Surtout depuis la disparition inexpliquée de son mari. Parti un jour pour une balade à moto, habitué des absences prolongées, cette fois, il n'est jamais revenu...

Mon avis :
Violette est un fil d'Ariane. Sur son histoire se greffent des dizaines d'autres : celles des défunts sur lesquels elle veille, attentionnée, et celles des vivants liés au cimetière et qu'elle prend sous son aile, confidente. Texte lumineux, drôle, bienveillant, poétique, bien moins léger qu'il n'y paraît, il sait aussi être réaliste et acéré sur les choses de la vie. Un tourbillon d'émotions enchanteur à partager généreusement autour de soi !