vendredi 6 avril 2018

Avril 2018 - "Les romans historiques"


"Pompéi" de Robert Harris (Plon/Pocket)

Robert Harris est né en 1957 à Nottingham, en Grande-Bretagne. Après des études à l'université de Cambridge, il entre en 1978 à la BBC comme reporter et réalisateur pour des émissions prestigieuses comme "Panorama". Il quitte la télévision en 1987 pour devenir éditorialiste politique à l'Observer, puis au Sunday Times. Il est élu "éditorialiste de l'année" en 2003. Il a publié trois essais, parmi lesquels "Selling Hitler" (1986), portant sur les "carnets intimes" de Hitler, ainsi que deux biographies de personnalités politiques britanniques. Il se tourne ensuite vers la fiction avec "Fatherland" (1992) et "Enigma" (1995), qui sont rapidement reconnus comme des modèles du thriller historique. Ils ont été traduits dans plus d'une trentaine de langues et se sont vendus à plusieurs millions d'exemplaires dans le monde. Il poursuit son oeuvre romanesque avec "Archange" (1999), "Pompéi" (2005), "L'homme de l'ombre" (2007, adapté au cinéma par Roman Polanski sous le titre "The Ghost Writer" en 2010), "L'indice de la peur " (2012), "D" (2014, qui revient sur l'affaire Dreyfus), et "Dictator" (2016), troisième volet de sa trilogie consacrée à Cicéron, après "Imperium" (2006) et "Conspirata" (2009). Tous ont paru chez Plon. Son nouveau roman, "Conclave", a été publié en 2017 chez le même éditeur.
Robert Harris vit actuellement dans le Berkshire, en Grande-Bretagne, avec son épouse et leurs quatre enfants.

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Quelques notes :

Pompéi est une ville du sud-ouest de l'Italie, en Campanie, province de Naples, au pied du Vésuve. En l'an 62 de notre ère, un tremblement de terre cause de gros dégâts et annonce la reprise de l'activité du Vésuve. Une violente éruption, du 24 au 28 août 79, ensevelit la ville sous une pluie de cendres et de lapilli, étouffant de très nombreux habitants. Pline l'Ancien, qui commande alors la flotte de Misène, accourt au secours et périt suffoqué, comme le raconte son neveu dans une lettre célèbre. Pompéi est anéantie en même temps qu'Herculanum, Stabies et Oplonties.

L'Aqua Augusta (ou Aqueduc d'Auguste) est un ancien aqueduc romain de la région de Naples. Construit entre 27 et 10 av. J.C. sur les ordres de l'empereur Auguste, il devait suppléer l'Aqueduc Marcia et l'Aqueduc Claudia. Il fournissait de l'eau à huit cités de la baie de Néapolis comme Pompéi, Stabies et Nola, et se terminait après 140 km dans la piscina mirabilis au port de Misène.

Un aquarius est un porteur d'eau ou un inspecteur des conduites d'eau.

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L'histoire :
Marcus Attilius Primus est un ingénieur, un aquarius, comme l'étaient son père et son grand-père avant lui. Ce matin du 22 août 79, avant le lever du jour, il emmène avec lui cinq hommes de son équipe sur les hauteurs de Misène. A vingt-six ans, il vient de prendre la direction de l'Aqua Augusta, l'aqueduc le plus long du monde qui alimente neuf villes mais dont l'ingénieur présent les limites. La région est en pleine sécheresse depuis trois mois, les cours d'eau et les puits sont asséchés. Attilius espère trouver une nouvelle source. En vain. Après plus de dix heures de travail, il doit renoncer. Cependant, certains signes le préoccupent. Il est jeune, il n'est pas respecté, et personne ne veut entendre ses inquiétudes. Attilius a très bien compris qu'un mystère entoure la disparition il y a deux semaines de son prédécesseur et il ne veut pas être le prochain à être écarté de cette mission avant son terme...

Mon avis :
Aux côtés d'Attilius, ingénieur consciencieux et passionné, nous vivons intensément les prémices d'une catastrophe naturelle et d'une tragédie dont on se souviendra encore deux mille ans plus tard. L'éruption du Vésuve, les phénomènes qui l'accompagnent, les dégâts et les drames qu'ils provoquent sont décrits avec un réalisme saisissant. Robert Harris nous offre une reconstitution historique romaine poignante, très documentée sur l'époque, la géographie des lieux, l'architecture de la cité, les modes de vie, la culture, la politique, l'art... Amours, haines, intrigues se mêlent aux épreuves. Un roman haletant !

jeudi 5 avril 2018

"La Quête" et "Le Feu divin" de Robert Lyndon (Sonatine/Pocket)

Robert Lyndon vit dans le Dorset, en Grande-Bretagne, où il exerce la profession de fauconnier. Après plus de dix ans de recherche, il a publié son premier roman, "La Quête" (Sonatine, 2013), qui a été traduit dans plus de vingt pays, puis "Le Feu divin" (Sonatine, 2016).


"La Quête" (1111 pages) - L'histoire :

En cet été de l'an 1071, Vallon, mercenaire franc, descend vers l'Italie, dans le but de rejoindre Constantinople et de s'enrôler dans la garde impériale. Dans les Alpes, au col du Grand-Saint-Bernard, il est surpris par un violent orage et se réfugie dans une bergerie. Un abri qu'il partage avec deux autres voyageurs.

Le plus âgé d'entre eux, Cosmas, est mourant. Philosophe, géographe et diplomate, Cosmas arrive de Byzance, porteur d'une demande de rançon adressée au comte Olbec, noble normand, dont le fils aîné, sire Walter, a été fait prisonnier à Monzikert.

En chemin, lors d'un arrêt au monastère du Mont-Cassin auprès de son ami Constantin d'Afrique, Cosmas rencontra Hero, jeune grec de Syracuse, étudiant à l'école médicale de Salerne et élève de Constantin. Vivement recommandé par ce dernier, Hero, suffisamment cultivé pour ne pas offenser l'intelligence de son maître, devient le secrétaire et le compagnon de route de Cosmas. Ensemble, ils doivent atteindre l'Angleterre et remettre le message en main propre au comte Olbec.

Hélas, loin du faste et des grands de ce monde, dans cette modeste bergerie perdue dans la montagne, Cosmas, le vieil érudit, s'éteint au petit matin. Valeureux et loyal, le jeune Hero décide de mener à terme la mission qui incombait à son mentor. Poussé par un étrange pressentiment, Vallon accepte d'aider le garçon.

Plusieurs mois plus tard, peu avant le printemps 1072, Vallon et Hero arrivent enfin en Northumbrie, au nord de l'Angleterre, et sont présentés, sans ménagement par ses gardes, au comte Olbec. Vallon découvre, en même temps que le père du prisonnier, l'énoncé de la demande de rançon de l'Emir byzantin. La quantité d'or et d'objets précieux exigée est telle que le roi Guillaume lui-même ne pourrait la réunir.

Hero propose alors une alternative. L'Emir est passionné de fauconnerie. Olbec pourrait lui offrir deux couples de gerfauts, le plus grand faucon du monde. Il faudrait, pour cela, capturer les rapaces sur les îles d'Islande et du Groenland et les amener à l'Emir, en Anatolie, avant son tournoi d'automne. L'entreprise sera extrêmement risquée. Les enjeux, des plus honorables aux plus vils, seront aussi du voyage. Vallon n'est pas certain de vouloir prendre part à l'aventure...

Mon avis :
Ce roman est une de ces perles littéraires rares qui ne nous content pas seulement une époustouflante épopée mais qui nous la donnent à vivre par des descriptions grandioses, une reconstitution historique et géographique rigoureuse et passionnante, des personnages ensorcelants, sans oublier tous ces petits détails de la vie, du quotidien, qui animent cette fresque magistrale. A la fois brillant, divertissant et enchanteur !

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"Le Feu divin" (918 pages) - L'histoire :
En 1081, à Dyrrachium (Albanie actuelle), après sa défaite face aux Normands, l'empereur byzantin Alexis Ier Comnène décide d'envoyer une compagnie au Royaume de Chine, avec pour mission de former une alliance, d'ouvrir une nouvelle route commerciale, mais surtout d'obtenir la formule de la Drogue du Feu, un composé incendiaire plus puissant encore que le feu grégeois...

Mon avis :
Si ce second volume est un peu moins captivant que le premier, et si sa construction, par trop de similitudes avec le tome précédent, ne laisse pas de grandes surprises, l'histoire n'en reste pas moins dense, très intéressante et richement documentée. Le sort des héros nous tient toujours autant à coeur.

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Quelques clins d'oeil historiques... si vous le désirez... 😉


La conquête de l'Angleterre par les Normands
L'Angleterre est sous domination danoise jusqu'en 1042 lorsque la dynastie saxonne revient au pouvoir sous Edouard le Confesseur. Après la mort de ce dernier en 1066, son beau-frère Harold Godwinson prend le pouvoir, mais Guillaume II duc de Normandie (plus tard Guillaume le Conquérant) revendique le trône d'Angleterre, franchit la Manche et défait Harold à Hastings.


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Tapisserie de Bayeux - Scène 57
La mort du roi Harold le 14 octobre 1066
Guillaume Ier le Conquérant ou Guillaume Ier le Bâtard (Falaise, vers 1028 - Rouen, 1087) est le fils illégitime du duc Robert Ier le Diable. En juillet 1035, il succède à son père, décédé lors d'un pèlerinage à Jérusalem. Après une décennie de troubles, le jeune homme parvient à asseoir son autorité et fait de la cour de Normandie l'une des plus puissantes et des plus fastueuses d'Europe. Guillaume accueille de nombreux rois en exil, parmi lesquels Edouard le Confesseur, prétendant sans descendance au trône d'Angleterre. Lorsque ce dernier revient au pouvoir, il fait de Guillaume son héritier, avant de le désavouer sur son lit de mort au profit de son beau-frère Harold, qui avait pourtant juré fidélité à Guillaume. Pour récupérer le royaume qui lui était promis, le duc arme une flotte de plusieurs milliers de navires et débarque avec quinze mille hommes sur le sol anglais. Le 14 octobre 1066, les deux armées se font face à Hastings. Ce sera l'une des plus célèbres batailles de l'histoire d'Angleterre.

Guerrier intrépide, fin stratège et politicien, grand bâtisseur (il ordonna l'édification des abbayes aux Hommes et aux Dames de Caen ou de la Tour de Londres), mari fidèle, follement épris de son épouse Mathilde, il fut aussi un seigneur de guerre impitoyable qui se livra à de nombreux massacres et pillages pour consolider le joug normand sur l'Angleterre. Des exactions qu'il prendra soin d'effacer de la tapisserie de Bayeux, véritable outil de propagande à sa gloire, qui relate en détail sa conquête de l'Angleterre.

Fondateur d'une nouvelle dynastie, Guillaume s'éteint à soixante ans après avoir fait de l'Angleterre l'un des royaumes les plus puissants d'Europe, alors qu'il ne parlait pas un mot d'anglais. Mais il sème ainsi les germes de la future guerre de Cent Ans, qui éclatera plus de deux siècles après.


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L'Anatolie (qui signifie, en grec ancien, "le pays où le Soleil se lève") est l'ancien nom donné à la péninsule située à l'extrémité occidentale de l'Asie. Elle correspond aujourd'hui à la partie asiatique de la Turquie. On dit aussi Asie Mineure.

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Byzance est une ancienne cité grecque, capitale de la Thrace, située à l'entrée du Bosphore sur une partie de l'actuelle Istanbul. La cité, reconstruite par Constantin, renommée Constantinople en 330 ap. J.C., est devenue la capitale de l'Empire romain, puis de l'Empire romain d'Orient, et enfin de l'Empire ottoman à partir de 1453 ap. J.C. (date de la prise de la ville par les Turcs). Elle fut rebaptisée Istanbul en 1930.

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Romain IV et Alp Arstan à Manzikert
La bataille de Manzikert eut lieu le 26 août 1071 (date incertaine) et vit l'armée byzantine de l'empereur Romain IV Diogène être mise en déroute par l'armée du sultan seldjoukide Alp Arslan près de la ville de Manzikert, actuellement Malazgirt, en Turquie, au nord du lac de Van.


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Constantin l'Africain (né aux alentours de 1015 à Carthage, en Tunisie, et mort en 1087 au Mont-Cassin, en Italie) est un médecin devenu moine au monastère du Mont-Cassin. La première partie de sa vie se déroule en Ifriqiya* et la seconde en Italie du Sud, où il traduit en latin des plus grandes oeuvres de la médecine arabe des IXème et Xème siècles. Il inaugure ainsi la deuxième époque, la plus prestigieuse, de l'école de médecine de Salerne, et la première vague des traductions médicales arabes vers l'Occident. Ses traductions se trouvent encore dans les grandes bibliothèques européennes. Elles ont servi comme manuels scolaires d'enseignement médical au Moyen Age et jusqu'au XVIIème siècle. 

* Dans l'histoire médiévale, l'Ifriqiya est la zone comprenant ce qui est aujourd'hui la Tunisie, ainsi que la Tripolitaine (ouest de la Libye) et le Constantinois (est de l'Algérie).

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Godefroy de Bouillon
et les chefs de la première croisade
Première croisade (1096-1099) :
En 1078, les Turcs seldjoukides refusent de laisser libre le passage aux pèlerins chrétiens vers Jérusalem. Cette croisade s'achève par la prise de Jérusalem et la création du royaume chrétien de Jérusalem.


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Ferdinand Ier, dit "le Grand" (v. 1016-1065) est comte de Castille de 1028 à 1037, puis roi de Leon et de Castille jusqu'à sa mort. Il se donne également le titre d'empereur d'Espagne. Avant sa mort, il divise son royaume entre ses cinq enfants :

  • Sanche, l'aîné de ses fils, reçoit la Castille et les "Asturies de Santillana"
  • Alphonse, le second fils, reçoit le royaume principal, le Leon, et les Asturies
  • Garcia, le troisième fils, reçoit la Galice
  • Urraque, l'aînée des filles, reçoit la ville de Zamora
  • Elvire, la seconde fille, reçoit la ville de Toro
Une lutte fratricide oppose les enfants de Ferdinand. Sanche, soutenu par le bras armé du Cid, fait exiler Garcia à Séville. Il écrase ensuite l'armée d'Alphonse qui trouve refuge auprès du roi vassal musulman de Tolède. Sanche entreprend alors de conquérir Zamora, ville de sa soeur aînée Urraque, et y trouve la mort en 1072, sans doute assassiné par un traître ("homme d'arme à l'instigation des habitants de la ville"). Alphonse revient et reprend la couronne de Leon, auquel il adjoint celle de la Castille sous le nom d'Alphonse VI.

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Rodrigo Diaz de Vivar, dit "Le Cid", est un héros espagnol, né vers 1043 près de Burgos et mort en 1099 à Valence. Capitaine de Sanche II (v. 1036-1072), roi de Castille et de Leon, aux côtés de qui il s'illustre contre les Navarrais et acquiert le nom de Campeador ("vainqueur de batailles"), il passe au service d'Alphonse VI (v. 1040-1109) en 1072 qui lui donne pour épouse une parente, dona Jimena (Chimène), en 1074. Banni de Castille (1081) par le roi, qui craint son ambition, il se met au service de l'émir de Saragosse et lutte aux côtés des musulmans, qui lui donne le titre de sidi ("seigneur"), avant de s'emparer de Valence (1095) où il régnera jusqu'à sa mort.

En littérature, on retrouve le personnage du Cid dans, entre autres, la tragi-comédie de Pierre Corneille ("Le Cid"), un poème de Victor Hugo ("La légende des siècles"), les "Poèmes barbares" de Leconte de Liste ("La tête du comte", "L'accident de Don Inigo", "La Ximena").

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La dynastie chinoise des Song :

Elle régna de 960 à 1279. Fondée par Zhao Kuangyin, elle gouverna un territoire, considérablement réduit par rapport à celui des périodes d'expansion extérieure précédentes (Tang), et constamment menacé par des populations des steppes du Nord ou des forêts du Nord-Est. En 1127, les Song se réfugièrent dans la vallée du Yangzi. Ces difficultés territoriales ne doivent pas faire oublier la modernité de la Chine de l'époque et les réformes politiques et sociales alors entreprises notamment par Wang Anshi (1021-1086). C'est ainsi, sous les Song, que le mandarinat connut son apogée avec la formation d'une caste puissante et autonome de fonctionnaires civils dont les avis s'imposent même à l'empereur. Le pouvoir central ne s'appuie plus sur une aristocratie terrienne et guerrière mais, autour de la garde personnelle de l'empereur, sur une armée de mercenaires qui remplace l'armée de conscrits, en vigueur depuis les premiers empires Qin et Han. Le pouvoir civil affirme ainsi sa suprématie sur le pouvoir militaire, ce qui explique son affaiblissement. Ce désintérêt envers les questions militaires permit aux Mongols d'occuper le pays en 1279 et de mettre ainsi fin à la dynastie des Song.

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"Yoko Tsuno, #20 - L'astrologue de Bruges" de Roger Leloup (Dupuis)

Roger Leloup est un scénariste et dessinateur de bandes dessinées belge, né en 1933 à Verviers. Il est principalement connu pour la série Yoko Tsuno dont il est le scénariste et le dessinateur.

"L'astrologue de Bruges" est le vingtième titre de la série Yoko Tsuno. Au cours de ses précédentes aventures, Yoko avait déjà dû affronter nombre de personnages diaboliques. Pouvait-elle supposer qu'elle aurait un jour rendez-vous avec le diable en personne ?

"J'ai imaginé cette histoire à une époque où l'on parlait du retour de grandes maladies telles que la peste, et j'ai souhaité utiliser cette grande peur comme base d'un récit. J'ai choisi de le situer à Bruges pour des raisons de proximité : j'aime avoir la ville sous la main quand je la dessine. L'imaginaire travaille différemment quand on se base sur des photos ou quand on a les lieux devant soi." (Roger Leloup)

Avant d'entamer une histoire, Roger Leloup aime s'imprégner longuement de l'ambiance des lieux dans lesquels il placera son héroïne. Durant des journées entières, il explore les rues et les maisons où elle déambulera ; il accumule les images, les sensations, les souvenirs. Il se met à la place de Yoko, il fouille la ville avec ses yeux, il imagine comment elle s'y comporterait.

"J'étais déjà venu à Bruges, vers 1960, à la demande d'Hergé. Il souhaitait réaliser pour sa propriété de Céroux une copie d'une grille des jardins du Gruuthuse Museum et il m'avait envoyé prendre des croquis. C'était l'hiver, un hiver brumeux. Bruges était grise, noircie par l'humidité. Puis la neige est tombée et la poésie de la ville est ressortie tout à coup. C'était magique ! Quand j'y suis retourné pour cette histoire, elle avait été complètement restaurée et tout avait changé. Il y avait du soleil, les pierres chantaient, c'était gai. Et c'est une cité tout en aquarelles que j'ai découverte, un cadeau fabuleux pour un coloriste. Mais je me suis vite rendu compte que, par la bande dessinée, je ne parviendrais pas à rendre cette magnificence du Bruges en reflets. J'ai dû rendre les canaux glauques, j'espère qu'on me le pardonnera !" (Roger Leloup)

Comme pour chacun de ses précédents albums, Roger Leloup s'est documenté énormément avant de se lancer. A côté de lui, une vieille carte d'époque, des livres historiques, des catalogues de musées, des boîtes de photos prises sur place, des clichés copiés de bandes vidéo ne sont que quelques-uns des éléments où il puise l'inspiration. Un ensemble de documents épars à partir desquels il va extrapoler le Bruges d'il y a près de cinq siècles.

"Je me défends d'avoir fait un album historique sur Bruges. Je ne suis pas un historien, mais il ne faut pas pour autant trahir l'Histoire. Celle de Bruges est tellement riche en légendes merveilleuses que j'ai dû me priver de nombreux temps forts. J'avais de la matière pour deux albums." (Roger Leloup)

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Bruges apparaît au Xème siècle en tant que place forte du comté de Flandre. En 1134, un raz-de-marée a pour conséquence bénéfique d'ouvrir un bras de mer, le Zwin, donnant un accès direct à la mer pour la ville, ce qui entraîne un développement urbain spectaculaire entre le XIIème et le XVème siècles, avec le creusement de nombreux canaux. Forte de son indépendance communale symbolisée par son beffroi, Bruges devient une plaque tournante portuaire, commerciale et financière centrale dans l'Europe du Moyen Age, reliant les pays de la mer du Nord et de la Baltique à la Méditerranée. Les riches marchands brugeois traitaient avec ceux de toute l'Europe. La première bourse de valeur de l'histoire est née à Bruges au XIIIème siècle. Au XVème siècle elle est la première place financière d'Europe. Cet essor économique entraîne également une floraison culturelle et artistique. Elle a été le centre le plus important pour les peintres primitifs flamands, qui ont révolutionné la peinture occidentale, et dont les oeuvres sont aujourd'hui dispersées dans les grands musées du monde entier. Mais le Zwin s'ensabla peu à peu aux XVème et XVIème siècles, éloignant progressivement la ville de son accès à la mer, ce qui provoqua un déclin économique irrémédiable au profit de sa voisine, Anvers. Bruges est alors tombée au rang de simple ville provinciale.

Ce n'est qu'au XXème siècle que la ville connaît un nouveau développement grâce à la création du vaste port de Bruges-Zeebruges, qui fait aujourd'hui partie intégrante du Range nord-européen. La longue période de torpeur qu'a connu la ville après la Renaissance a permis à l'essentiel de son tissu urbain médiéval et à une bonne partie de ses monuments anciens de rester préservés. La "belle endormie" est alors apparue aux XIXème et XXème siècles comme un des joyaux du patrimoine européen. Ce patrimoine ancien a été méticuleusement restauré et mis en valeur. Une architecture néogothique de qualité s'est aussi développée parallèlement, faisant véritablement renaître le style local et redonnant au centre historique un aspect médiéval plus complet. Comme d'autres villes, elle est parfois surnommée la "Venise du Nord" du fait de ses canaux qui encerclent ou traversent la vieille ville dans un cadre pittoresque. Bruges est  ainsi devenue la ville la plus touristique de Belgique. Elle héberge aussi le Collège d'Europe.

Elle est membre de l'Organisation des villes du patrimoine mondial depuis l'an 2000. La ville a même la particularité de figurer trois fois sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO. Pour son centre historique, pour son béguinage faisant partie des Béguinages flamands et pour son beffroi repris parmi les Beffrois de Belgique et de France. En outre, elle est aussi reprise comme Patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO pour sa procession du Saint-Sang. Elle fut également la capitale européenne de la culture en 2002, en même temps que la ville espagnole de Salamanque.

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L'histoire :
L'électronicienne Yoko Tsuno est invitée à Bruges, en Belgique, par le peintre Jan Van Laet. Au domicile de l'artiste, elle découvre un magnifique tableau datant la Renaissance. L'oeuvre représente deux jeunes femmes ressemblant trait pour trait à Yoko et à son amie Monya. Van Laet semble croire le plus sérieusement du monde que les deux amies ont été les véritables modèles... en 1545 ! Pure folie ? Yoko comprend très vite qu'il ne s'agit pas d'une blague. Avec ses fidèles compagnons, Vic, Pol et Monya, elle va devoir, une fois encore, affronter tous les dangers et démêler les fils de ce mystère diabolique...

Mon avis :
Une machine à remonter le temps, un étrange voyage au XVIème siècle, des héros valeureux et ingénieux, quelques figures maléfiques, des énigmes et des secrets enfouis dans les entrailles d'une ville chargée d'Histoire, voilà tous les ingrédients d'une étonnante et extraordinaire aventure !!!