jeudi 1 octobre 2015

Prochaines présentations : début novembre 2015






Littérature et Imaginaire
Des mondes fantastiques...

"Hollywood Monsters" de Fabrice Bourland (10/18)



Fabrice Bourland est né à Libourne (Gironde) en 1968 et vit en région parisienne. Lecteur fervent d'Edgar Allan Poe, d'Arthur Conan Doyle ou de Gaston Leroux, il a toujours été inspiré par la littérature dite "populaire". Dans la collection "Grands détectives" chez 10/18, il est l'auteur d'une série qui mêle polar historique et fantastique et dont le héros, Andrew Singleton, est un amoureux de littérature. Dans les années 2000, il a été collaborateur puis rédacteur en chef du magazine "Nouvelle Donne", à diffusion nationale et entièrement dédié à l'actualité du texte court. Il a également dirigé plusieurs collections. Depuis 2012, il se consacre à l'écriture ainsi qu'à des activités de conseil littéraire et d'animations d'ateliers.

L'histoire :
Le détective privé Andrew Singleton, victime d'une vilaine blessure lors de sa dernière enquête, se voit conseillé par son médecin de quitter Londres quelque temps pour un endroit plus ensoleillé. Le climat de novembre, gris et pluvieux, ne favorise pas sa guérison. En cette année 1938, les nouvelles d'Allemagne et d'Italie ne sont pas rassurantes. Aussi son associé et ami, James Trelawney, organise un séjour à Hollywood. Arrivés à destination, Singleton arpente avec jubilation les bibliothèques tandis que Trelawney participe avidement à toutes les mondanités dans le but de rencontrer, bien entendu, des stars de cinéma. Les trois semaines s'écoulent très agréablement et beaucoup trop vite et les compères vont hélas bientôt reprendre le chemin de l'Angleterre. Après une ultime soirée festive, au milieu de la nuit, de retour vers leur hôtel, Singleton et Trelawney se perdent dans les collines. La brume est épaisse et froide, un décor qui rappelle davantage la lande du Dartmoor que la Californie. Ce que les deux amis vont vivre cette nuit-là dépasse de très loin tout ce qu'ils auraient été capables d'imaginer...

Mon avis :
Un ré-gal !!! Ce roman, véritable petite encyclopédie ludique, est une ode au cinéma américain d'avant-guerre. C'est un hommage sincère et enthousiaste à ces cinéastes, comme Tod Browning, pionniers du septième art, et aux acteurs, plus précisément à ces acteurs au physique particulier du cinéma de genre des années 1930-1940. A la fois roman noir et roman historique, "Hollywood Monsters" dépeint avec beaucoup de justesse le douloureux passage de relais entre l'onirique cinéma muet et un cinéma parlant naissant sur le chemin de tous les possibles.Face à une Europe qui, dans quelques mois à peine, subira l'horreur et les flammes, l'apparente insouciance du microcosme hollywoodien semble irréelle. Dans les fêtes où le champagne coule à flots, on assiste à un étrange ballet de stars, les unes en pleine lumière, les autres au soir de leur carrière : Orson Welles, Bette Davis, Errol Flynn, Carole Lombard, Clark Gable, Katharine Hepburn, Howard Hugues, Jean Harlow, Boris Karloff, Maureen O'Sullivan, Lionel Barrymore, Joan Crawford, Béla Lugosi...Mais derrière les paillettes et le glamour, l'auteur rappelle qu'à cette époque, l'Allemagne nazie n'est pas la seule à répandre des théories eugénistes. Deux ingénieux détectives britanniques, sortes de Sherlock Holmes et de John Watson aux allures de Sam Spade* et de Philip Marlowe*, vont démêler les noeuds d'une affaire monstrueuse et diablement effrayante...

Sam Spade est un détective privé de fiction, personnage créé par Dashiell Hammett et interprété à l'écran par Humphrey Bogart dans "Le Faucon maltais" en 1941.

Philip Marlowe est un détective privé de fiction, personnage créé par Raymond Chandler et interprété à l'écran, dans "Le Grand Sommeil", par Humphrey Bogart en 1946, puis par Robert Mitchum en 1978.


Tod Browning (1880-1962) :
Acteur, réalisateur, scénariste et producteur, son film devenu culte, "Freaks" ou "La monstrueuse parade", inspirera des réalisateurs contemporains comme David Lynch ("Elephant Man"). Il a également réalisé "Dracula" et "La Marque du vampire" avec Béla Lugosi, et "Les Poupées du diable" avec Béla Lugosi et Lionel Barrymore (grand oncle de Drew Barrymore).




A voir :
"Ed Wood", film de Tim Burton sorti en 1994, avec Johnny Deep, Martin Landau et Patricia Arquette, qui retrace la vie du réalisateur américain Ed Wood (1924-1978) et son amitié avec l'acteur Béla Lugosi (1882-1956).






"Trois carrés rouges sur fond noir" de Tonino Benacquista (Folio policier)


Tonino Benacquista est né en 1961 à Choisy-le-Roi de parents ouvriers italiens. Pendant son enfance, il est captivé par les séries télévisées, dont "Les Incorruptibles", qui marquent son écriture. A 18 ans, il commence des études de cinéma et de littérature, rapidement interrompues. Les divers métiers qu'il exerce par la suite sont une source d'inspiration pour ses premiers romans : accompagnateur de nuit aux Wagons-lits ("La Maldonne des sleepings", 1989), accrocheur de toiles dans une galerie d'art contemporain ("Trois carrés rouges sur fond noir", 1990) ou pique-assiette mondain ("Les morsures de l'aube", 1992). En 1991, il publie "La Commedia des ratés" où il décrit la vie des immigrés italiens à Vitry et obtient trois prix littéraires. Avec "Saga" (1997) et "Quelqu'un d'autre" (2001), il quitte le polar et se concentre sur l'individu et ses contradictions. Par ailleurs, il réalise une bande dessinée avec Jacques Ferrandez, "L'Outremangeur", adaptée au cinéma en 2002, ainsi que des scénarios pour la télévision et une pièce de théâtre, "Le contrat". En 2001, il adapte pour le cinéma "Les morsures de l'aube", réalisé par Antoine de Caunes. La même année, avec Jacques Audiard, il coécrit le scénario de "Sur mes lèvres", César du meilleur scénario. Il signe ensuite le scénario du film "De battre mon coeur s'est arrêté", couronné également par le César du meilleur scénario en 2005. En 2004, il publie "Malavita" (adapté au cinéma en 2013 par Luc Besson, avec Robert De Niro, Tommy Lee Jones et Michelle Pfeiffer), puis "Malavita encore" en 2008. "Homo erectus", récit d'hommes réunis au sein d'une confrérie informelle pour raconter leurs histoires d'amour, paraît en 2011. Il publie "Nos gloires secrètes", recueil de nouvelles, en 2013.

L'histoire :
Antoine est un jeune accrocheur de tableaux. Il travaille dans une galerie d'art et prépare avec son collègue un vernissage qui a lieu le soir même. A l'heure du champagne et des petits fours, Antoine ne s'attarde pas. C'est un passionné de billard et ce soir il rencontre le vice-champion de France qui l'a repéré et qui va devenir son entraîneur pour le prochain championnat. Le lendemain matin, Antoine passe à la galerie chercher sa paie. Alors qu'il attend la secrétaire dans le hall, un homme entre, se dirige d'un pas assuré vers la salle d'exposition et le plus naturellement du monde décroche une toile. Antoine est stupéfait. Il s'interpose mais il n'a pas le dessus. L'individu est trop fort. Antoine est déjà évanoui quand une sculpture d'acier lui tombe sur le corps. Il se réveillera plus tard à l'hôpital, amputé de la main droite...

Mon avis :
Une intrigue passionnante qui initie à chaque maillon de la chaîne artistique et marchande de cet univers de l'art pictural. Mais c'est surtout l'histoire d'Antoine, un jeune homme ordinaire, dont les rêves sont brisés, et qui joue les détectives amateurs davantage pour redonner un sens à sa vie et apprendre à maîtriser son handicap que pour retrouver son agresseur. L'art est partout dans ce livre, même dans les choses les plus insignifiantes en apparence. Par exemple, des brouillons de lettres mis bout à bout peuvent devenir un bijou d'écriture. Au lecteur d'être fin limier et d'observer, de percevoir, de ressentir...

"La photo" de Marie Desplechin - Illustrations d'Eric Lambé (Points)



Marie Desplechin est née en 1959 à Roubaix. Journaliste, écrivain, auteur de livres pour enfants et pour adultes, elle participe également à l'écriture de scénarios. Encouragée par Geneviève Brisac, elle publie ses premiers livres : "Rude samedi pour Angèle", "Le sac à dos d'Alphonse" (L'Ecole des Loisirs), puis rencontre un premier succès avec, pour les plus grands, la publication d'un recueil de nouvelles, "Trop sensibles". Elle reçoit le Prix Médicis essai en 2005 pour "La vie sauve", écrit avec son amie Lydie Violet, atteinte de tumeurs cérébrales et décédée cet été.

Eric Lambé est né en 1966 en Belgique. Dessinateur et illustrateur, il a notamment travaillé avec Marie Desplechin sur ses livres "Le sac à main" et "La photo". Depuis 2003, il est professeur à l'ESA Saint-Luc de Bruxelles.

L'histoire :
C'est un dimanche ensoleillé de juin. Des amis, ou plus exactement des connaissances, se croisent tout à fait par hasard à Trouville, en Normandie. L'une d'entre eux va proposer à tous de prendre une photo de groupe. Plus tard, séparément, les six personnages auront le cliché entre les mains et raconteront ce jour d'été, "leur" jour d'été. Il y a Marc, celui qui a immortalisé l'instant, l'observateur, photographe professionnel. Séréna, artiste-photographe célèbre, dotée d'un sacré tempérament. Peter, compagnon occasionnel de Séréna, ancien musicien, star dans sa jeunesse, puis devenu écrivain. Mélanie, à l'origine de la photo, avocate un peu idéaliste. Yasmina, amie de Mélanie, agent de service dans un hôpital, qui ne se sent pas du tout à sa place parmi ces gens. Et une silhouette au fond du jardin...

Mon avis :
On se reconnaîtra tous un peu dans ces portraits à la fois acides et bienveillants, cruels et généreux. Cette photo est totalement révélatrice de toute l'ambiguïté des relations amicales et sociales. De ce roman délicieux, comme pour la photo, chaque lecteur en fera sa propre interprétation. Est-ce utile de préciser que l'écriture de Marie Desplechin est tout en justesse et en sensibilité ?

Un livre intelligent à partager entre amis !

"Les amoureux de l'Hôtel de Ville" de Philippe Delerm (Folio)


Philippe Delerm :
Né en 1950 à Auvers-sur-Oise, il a baigné dès son plus jeune âge dans une atmosphère studieuse et cultivée. Fils d'enseignants, lui-même professeur de Lettres en collège, il épouse Martine, une illustratrice de littérature jeunesse avec laquelle il aura un fils, aussi célèbre que lui, Vincent, auteur-compositeur-interprète. C'est en Normandie qu'il pose ses valises, conquis par "le rythme de vie de la région", et c'est là qu'il prend le goût de l'écriture. Ses premiers textes datent de 1976 mais il lui faut patienter sept ans avant de voir son premier roman édité, "La cinquième saison". Suivent une dizaine de récits jusqu'au succès inattendu de "La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules" propulsé en tête de gondoles en 1997 grâce à l'émission de Bernard Pivot. En mars de la même année, il remporte le Prix des Libraires pour "Sundborn ou les jours de lumière".

L'histoire :
François a quarante ans. Il travaille depuis quinze ans dans une librairie. C'est un solitaire. Il a peu d'amis. Sa vie est assez pathétique et triste. Il ne s'est jamais remis de son enfance bâtie sur un mensonge, peut-être involontaire au départ. Ses parents lui ont toujours fait croire qu'ils étaient les amoureux sur la photo de Robert Doisneau "Le baiser de l'Hôtel de Ville". Plaisanterie ou pas, tout le monde a fini par croire à cette histoire. Le père s'en est totalement convaincu et a obligé sa femme et son fils à construire leur vie familiale et sociale autour de ce scénario, à jouer la comédie en permanence. Pour ne rien arranger, aujourd'hui François est au chômage. La librairie vient de fermer. Il sait qu'il doit rebondir mais ses angoisses le paralysent. Il hait tout ce qui lui rappelle son enfance. Il hait cette photo de Doisneau que l'on voit partout. Et pourtant, inconsciemment, il marche pendant des heures dans les rues de Paris à la recherche de photos en noir et blanc de 1950, comme une forme de nostalgie, comme pour saisir des instants fragiles et éphémères de l'enfant qu'il a été mais qui n'a jamais pu s'épanouir...

Mon avis :
On est au bord de la folie. On ne sait pas si le personnage va sombrer ou se relever. Sa psychologie est complexe. On s'interroge, et on s'inquiète pour lui. Troublant et à méditer...