mercredi 29 juillet 2020

"L'héritière" de Hanne-Vibeke Holst (Pocket)

Hanne-Vibeke Holst est née en 1959 à Hjorring (Danemark). Elle a d'abord été journaliste politique avant de se consacrer à l'écriture. Elle s'est également illustrée par son engagement pour la cause des femmes et siège aujourd'hui comme membre de la Commission danoise de l'Unesco.

L'histoire :

La déception est lourde pour Per Vittrup, Premier ministre social démocrate, à l'annonce des résultats du référendum. Il ne s'attendait pas à un "NON à l'Euro" aussi massif. Il n'a pas d'autre choix que de revoir la composition de son gouvernement. Le remaniement ministériel sera présenté à la Reine le jeudi 21 décembre. Le moment est peut-être venu de placer son alliée, l'actuelle Ministre de la Santé, Elisabeth Meyer, au poste de Ministre des Affaires étrangères, et de se séparer de son Ministre de l'Environnement, Soren Schouw, incompétent et alcoolique. A la surprise de Vittrup, Meyer avance le nom de Charlotte Damgaard pour le remplacer. La vie politique est phallocrate, elle manque de jeunes, elle manque de femmes, elle manque de jeunes femmes, et elle manque d'imagination. L'arrivée de Damgaard pourrait faire bouger un peu les lignes.

Charlotte Damgaard a un parcours plus qu'impressionnant. Diplômée de sciences politiques à Aarthus et à Copenhague. Présidente de l'Association Les Amis de la Nature. Ancienne directrice de campagne de Greenpeace. Ancienne fonctionnaire de la commune de Copenhague. Membre active de l'organisation étudiante sociale démocrate Forum libre. Jeune, engagée, compétente, bon niveau d'études, efficace, excellente communicante, militante sociale démocrate depuis 1990, elle a travaillé en alternance avec Elisabeth Meyer de 1996 à 1997 dont elle est devenue la confidente. Issue d'une famille de paysans du Nord-Jutland, c'est une femme, jolie, mariée, et mère de jumeaux, Jens et Johanne. Lorsque le Premier ministre l'appellera, Charlotte devra prendre une décision difficile car Thomas, son mari, après plusieurs années consacrées à l'éducation de leurs enfants, vient justement d'accepter une mission professionnelle de deux ans avec sa famille dans un district rural en Ouganda, Afrique de l'Est...

Mon avis :

Vous avez aimé "Borgen", l'excellentissime série télévisée danoise (diffusée actuellement sur Netflix) inspirée de la vie de Helle Thorning-Schmidt, Première ministre du Danemark de 2011 à 2015 ? Vous avez craqué pour les pulls jacquard de l'enquêtrice Sarah Lund dans la non moins remarquable série danoise "The Killing" (diffusée actuellement sur Arte) ? Alors, vous adorerez cette brillantissime trilogie de Hanne-Vibeke Holst ! Vous ne connaissez ni "Borgen" ni "The Killing" ? Alors, plongez à corps perdu dans cette brillantissime trilogie de Hanne-Vibeke Holst ! Autant instructif qu'addictif, ce thriller politique montre avec réalisme et virtuosité à quel point, dans ce milieu plus que dans n'importe quel autre, tous les coups sont permis et la course au pouvoir âpre et cruelle. 

Enorme coup de coeur, vous l'aurez deviné !!!


A suivre, tout aussi haletants : "Le Prétendant" et "Femme de tête" (Pocket)


mercredi 22 juillet 2020

"Frankie Addams" de Carson McCullers (Livre de Poche)

Carson McCullers est une femme de lettres américaine née en 1917 à Columbus (Géorgie). A dix-sept ans, elle quitte sa famille et l'atmosphère étouffante de son Sud profond pour New York où elle est censée étudier la musique. En réalité, elle suit des cours d'écriture à l'Université de Columbia. Elle publie une nouvelle dans un magazine, commence son premier roman et épouse le Caporal Reeves McCullers. Elle a à peine vingt-trois ans quand "Le coeur est un chasseur solitaire" est publié. Le Sud pauvre, raciste, écrasé par le soleil, dépeint dans ce roman, est aussi aride que les sentiments et la solitude dont souffrent les personnages, comme les personnages de tous ses romans d'ailleurs. "Frankie Addams" paraît en 1946. En 1950, le roman est adapté en pièce de théâtre, celle-ci est nommée meilleure pièce américaine de l'année. Mais parallèlement à ce succès, son mariage est un échec. Son divorce puis son remariage avec McCullers, une catastrophe. Reeves McCullers se suicide en 1953. Malgré des rencontres extraordinaires (Tennessee Williams, Truman Capote, Marilyn Monroe, Karen Blixen, Anaïs Nin, Annemarie Schwarzenbach, Dali, Leonard Bernstein...), comme ses héros de papier, Carson McCullers est seule. Rongée par un rhumatisme articulaire non diagnostiqué à temps et de nombreuses attaques cérébrales, à moitié paralysée, obligée de se déplacer en fauteuil roulant, incapable d'écrire elle-même, fumant et buvant trop, elle décède en 1967, à l'âge de cinquante ans.

L'histoire :

Frankie a douze ans. Elle est orpheline de mère, celle-ci étant décédée en la mettant au monde. Son père, avec qui elle était complice quand elle était petite, est à présent distant, mal à l'aise, gêné face à cette jeune femme en devenir.

Frankie a peu d'amis. En ce mois d'août brûlant de chaleur et écrasant de solitude et d'ennui, elle passe le plus clair de son temps avec Bérénice Sadie Brown, la cuisinière noire, et John Henry West, son cousin de six ans. Heureusement, le mariage de Jarvis, son grand frère, approche. Il aura lieu en Alaska et la seule évocation de cette région du monde transporte Frankie dans les rêves les plus merveilleux, elle qui n'a jamais quitté le Sud profond des Etats-Unis, elle qui n'a jamais vu la neige.

Depuis qu'elle connaît la date de la cérémonie, sa valise est prête, car elle va vivre à Winter Hill avec Jarvis et Janice. Cette espérance a très vite mué en volonté, puis en évidence. Elle en parle à tout le monde, ça oui ! elle en parle ! Mais personne ne l'écoute, personne ne l'entend. Au mieux, on sourit. La gosse a de l'imagination...

Mon avis :

Il m'est difficile de rester objective car je suis conquise depuis toujours par Carson McCullers. Mais ce roman est, en toute sincérité, un diamant d'émotions, construit en trois chapitres, chacun relatant un état dans le passage de l'enfance à l'âge adulte, une transition en trois temps et trois personnalités bouillonnantes amenées à n'en faire qu'une. Il y a d'abord Frankie, l'enfant idéaliste et fantasque. Puis F. Jasmine, perdue, constamment en colère, en manque de figure maternelle, seule dans son apprentissage de la vie et de l'amour. Et enfin Frances, apaisée et libre.

Un texte douloureux et sensible qui ne peut que réveiller en nous d'anciennes blessures ou, au contraire, d'heureux souvenirs.

mercredi 15 juillet 2020

"Dévotion" de Patti Smith (Gallimard)

Patricia Lee Smith est née en 1946 à Chicago (Illinois, Etats-Unis), dans une famille modeste. Elle est élevée à Pitman, dans le New Jersey. Rapidement, elle se détache de son adolescence très religieuse. A vingt-et-un an, elle quitte le South Jersey pour un New York en pleine effervescence artistique. Sans un sou et sans un ami, elle parvient par son talent et sa ténacité à s'imposer comme une des artistes les plus originales de son temps. Elle demeure une icône rock adulée par plusieurs générations et ses albums et concerts restent de véritables événements. Auteure, musicienne et artiste, elle a exposé ses dessins et ses photographies dans le monde entier. Elle a enregistré treize albums, à commencer par le novateur "Horses" en 1975. Parmi les nombreux textes qu'elle a écrits se trouvent "La Mer de Corail" (1996), "Présages d'innocence" (2007), "Just Kids" (qui lui a permis de remporter le National Book Award en 2010), ainsi que "M. Train" (2016). "Dévotion" est paru en 2018. Patti Smith habite à New York.

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  • Dévouement : action de se dévouer ; qualité de quelqu'un susceptible d'agir ainsi (soigner quelqu'un avec dévouement)
  • Dévotion : piété, attachement à la religion ou aux pratiques religieuses ; (littéraire) attachement quasi religieux à quelque chose ou quelqu'un, vénération
  • "dévouement" se traduit en anglais par "devotion"

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L'histoire :

Au commencement du processus d'écriture, il y a l'inspiration. Pour Patti Smith, sensible à tout ce qui l'entoure, tout est source d'inspiration. Se balader dans les rues de Paris à la manière de Patrick Modiano... Marcher dans les pas de Simone Weil, Apollinaire, Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, Victor Hugo, Albert Camus, Eric Rohmer, et tant d'autres... Se gorger d'images, de parfums et de sons... Eveiller tous ses sens... Accueillir avec bienveillance la nostalgie... S'ouvrir aux rêves... Toutefois, elle confie que pour "Dévotion", la figure de Simone Weil revenait sans cesse, obsédante, jusqu'à la nécessité d'un voyage en Angleterre, à Ashford, et se recueillir sur la tombe de la philosophe.

De retour à New York, il faut se mettre à l'ouvrage, écrire le livre, modeler les souvenirs et les impressions, et leur donner corps et vie.

Ce qu'Eugenia aime plus que tout, c'est patiner, tôt le matin, à l'abri des regards, sur le petit étang gelé, un endroit qui n'appartient qu'à elle. Mais la frêle jeune fille de seize ans ignore qu'un admirateur secret veille sur elle. Chaque jour, un homme la suit et l'observe discrètement, sans jamais se montrer ni l'aborder. Eugenia a conscience d'une présence mais instinctivement elle ne la craint pas. Elle continue de danser et ne faire qu'une avec la glace...

Mon avis :
"Dévotion" est un conte de fée sombre et cruel, et sensuel aussi, sublimé par une plume poétique, délicate et émouvante. Une histoire complétée de textes intimes et de photographies personnelles. La sincérité et la générosité de Patti Smith à l'état pur... Bonheur et dévotion !

mercredi 8 juillet 2020

"Les Soeurs Brontë - La force d'exister" de Laura El Makki (10/18)

Laura El Makki est une écrivaine, journaliste et productrice française. Diplômée de littérature française, en 2008 elle rejoint la rédaction de Le Magazine littéraire, avant d'animer l'émission "On n'a pas fini d'en lire" sur France Inter. Entre 2009 et 2016, elle collabore avec Guillaume Gallienne dans l'émission "Ca peut pas faire de mal". Toujours sur France Inter, elle écrit et produit des fictions radiophoniques et programmes estivaux dont la série "Un été avec Proust" en 2013, "Les beaux esprits se rencontrent" en 2014 ou "1001 mondes" en 2016. Biographe, Laura El Makki est notamment l'auteure de "Henry David Thoreau" (Gallimard, 2014), "H.G. Wells" (Gallimard, 2016), et "Un été avec Victor Hugo" (Editions des Equateurs, 2016). "Les Soeurs Brontë - La force d'exister" est paru chez Tallandier en 2017.

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Lorsqu'à l'adolescence, le hasard met entre ses mains "Les Hauts de Hurlevent" d'Emily Brontë, le coup de foudre littéraire est immédiat pour Laura El Makki. Quelques années plus tard, sa passion pour les trois soeurs Brontë la conduit à Haworth, où tout commença.

En plein hiver, la journaliste part en Angleterre, vers le Yorkshire, à la rencontre de Charlotte, Emily et Anne Brontë, avec en tête des images funèbres de noirceur et de fantômes. De fait, à son arrivée, un épais brouillard gris recouvre la petite ville de Haworth, les landes, le presbytère, l'église où le pasteur Brontë célébrait les offices, le cimetière et la maison familiale.

Nés dans la pauvreté et élevés dans l'austérité morale et religieuse, les enfants Brontë reçoivent beaucoup d'amour de leurs parents, le pasteur Patrick Brontë et son épouse adorée Maria Branwell Brontë. Mais le destin s'acharne sur la famille et ne lui épargne aucun drame. La tuberculose emporte la mère à trente-huit ans, puis les soeurs aînées, Maria et Elizabeth, âgées seulement de onze et dix ans.

Dans cette maison qu'ils quittent rarement, glaciale et dépouillée de tout ornement, Charlotte, Emily, Anne et leur frère Patrick Branwell doivent se construire par eux-mêmes, sous la bienveillance de Tabby, leur fidèle servante. Leur père, bien qu'inquiet pour eux, se consacre tout entier à sa Foi et à ses ouailles. Leurs uniques liens avec le monde extérieur sont les journaux, qu'ils lisent avidement, et les enseignements de leur père.

Pour autant, leur bulle ne manque pas de couleurs. Enfants précoces et créatifs, ensemble, ils imaginent des univers fantastiques (Angria et Grondal), inventent des aventures, les soldats de bois de Branwell deviennent des personnages épiques, et l'écriture leur est à chacun indispensable.

Le temps passe. Les enfants grandissent. Chacun affronte ses propres expériences, heureuses ou douloureuses. Si Branwell brûle la chandelle par les deux bouts, en cette époque victorienne où la condition des femmes est plus que précaire et dépend de la volonté des hommes, malgré la rigueur de leur quotidien et leur attachement viscéral à Haworth, les soeurs Brontë ne manquent ni de force, ni de volontarisme, ni de courage pour faire valoir leur indépendance.

Laura El Makki se méfie du romantisme exacerbé. Elle s'efforce de comprendre les raisons de cet engouement et l'origine de ces légendes sombres et tenaces autour de cette famille si singulière. Elle porte un regard nouveau et personnel sur la vie et l'oeuvre de cette sororité fusionnelle, complexe, et rivale à bien des égards. Leurs écrits sont preuve que les trois filles ne se berçaient d'aucune illusion sur la nature humaine.

Balayée par les vents, la brume et les orages, la tragédie continue de frapper Haworth. Les soeurs Brontë profitent peu de leur notoriété. Branwell et Emily décèdent la même année, en 1848, à trente-et-un et trente ans. Anne s'éteint en 1849, à vingt-neuf ans. Charlotte succombe à la tuberculose en 1855, à trente-neuf ans, huit mois après son mariage et enceinte de son premier enfant. Le pasteur Brontë, qui enterra sa femme et leurs six enfants, quitte cette vie de deuils en 1861, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.

Il ressort de cette biographie fluide et captivante une profonde sincérité et, au terme de sa lecture, une véritable envie de (re)découvrir autrement les textes de Charlotte, Emily et Anne Brontë.

(Haworth, 1861)
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Quelques titres :
  • "Jane Eyre" de Charlotte Brontë (Folio classique - Préface de Dominique Barbéris)
  • "Shirley" de Charlotte Brontë (Archipoche)
  • "Le professeur" de Charlotte Brontë (Archipoche)
  • "Villette" de Charlotte Brontë (Archipoche)
  • "Les Hauts de Hurlevent" d'Emily Brontë (Folio classique - Préface de Patti Smith)
  • "Poèmes" d'Emily Brontë (nrf - Poésie/Gallimard)
  • "La recluse de Wildfell Hall" d'Anne Brontë (Libretto)
  • "Agnes Grey" d'Anne Brontë (Archipoche)

mercredi 1 juillet 2020

"Academy Street" de Mary Costello (Points)

Mary Costello est née à Galway et vit à Dublin, en Irlande. Elle est l'auteure d'un recueil de nouvelles, "The China Factory" (2012), largement acclamé par la critique anglophone. "Academy Street" est son premier roman. Il a reçu l'Irish Book of the Year Award 2014, décerné pour la première fois à une femme. Son second roman, "La capture", paraît le 20 août 2020 aux Editions du Seuil.

L'histoire :
Tess a sept ans lorsque, en cette fin d'été 1944, sa mère, ancienne infirmière à Cork, meurt de tuberculose. Au domaine d'Easterfield, l'atmosphère ne sera plus jamais la même. Le père, taiseux et rude, s'enfonce dans la solitude. Les champs, les vergers et le bétail occupent ses journées. Quant aux six enfants, chacun suivra son chemin, les uns fidèles aux terres d'Irlande, les autres cédant aux sirènes de l'Amérique. Claire, l'aînée, sera la première à s'envoler pour New York. Tess, à présent infirmière comme sa mère, la rejoint très vite. En septembre 1962, elle intègre le Presbyterian Medical Hospital. Quelques mois plus tard, elle loue avec une collègue un appartement au quatrième étage d'un immeuble sans ascenseur dans Academy Street...

Mon avis :
Comme un souffle sensible, pudique, intime, les mots de Mary Costello subliment une histoire simple dans laquelle chacun peut se reconnaître. Tess, l'héroïne, fait face à ses contradictions, entre son désir de liberté et le poids de son éducation morale et religieuse. Malgré les deuils et les épreuves qui le jalonnent, ce roman est bouleversant de légèreté, de douceur et de poésie. Un très beau livre pour entrer dans l'été !