samedi 29 juin 2013

PROCHAINES PRESENTATIONS : DEBUT AOÛT 2013


Vacances féeriques !
Cocktails diaboliques !
Un zeste de fantastique !

"LES DISPARUS DE SAINT-AGIL" de Pierre Véry (Folio Junior)


"Les disparus de Saint-Agil"
Pierre Véry
(Folio Junior)

Seine et Marne, France

Dès 11 ans


Pierre Véry, romancier et scénariste, est né en 1900 à Bellon (Charente). Les paysages charentais formeront les décors de "Pont-Egaré", "Goupi-Mains rouges" et "Métamorphoses". Le goût du jeune Pierre pour la fiction lui vient de sa mère qui berce son enfance de légendes locales et qui alimenteront ensuite son univers romanesque. Son père, professeur de mathématiques, finit par perdre son poste en raison de ses activités politiques. D'abord lycéen à Angoulême, Pierre Véry devient élève au pensionnat de Sainte-Marie de Meaux en 1913, année du décès de sa mère. Il y crée la "société secrète des Chiche-Capon", dont le but est de trouver les moyens de se rendre en Amérique, et qui lui inspirera, adulte, ses romans "Les disparus de Saint-Agil" et "Les Anciens de Saint-Loup". En 1915, il rejoint à Paris son père devenu marchand d'étoffes. Plusieurs petits métiers plus tard, et quelques courses cyclistes et tentatives de tour du monde avortées, il ouvre en 1924 "La Galerie du Zodiaque", une librairie d'occasion. Il commence à côtoyer le monde littéraire, rédige quelques articles pour le "Journal Littéraire" et le "Paris-Journal", et publie quelques nouvelles. Son premier roman, "Pont-Egaré", en 1929, obtient un succès d'estime et se retrouve dans les sélections des Prix Renaudot et Fémina. Mais c'est l'année suivante qu'il reçoit le tout premier Prix du Roman d'Aventures pour "Le Testament de Basil Crookes", un roman policier, et un très bel accueil du public. Véry décide alors de s'engager dans la fiction policière, ou plutôt ce qu'il va qualifier lui-même de "romans de mystères", mélange de merveilleux, de fantastique, de peur et d'aventures. Il s'éteint en 1960 des suites d'un accident cardiaque.



D'après le roman paru en 1936, "Les disparus de Saint-Agil", film français de 1938, a été réalisé par Christian-Jacque, sur des dialogues de Jacques Prévert, avec Erich Von Stroheim et Michel Simon. On peut reconnaître également , parmi les "élèves" : Mouloudji, Charles Aznavour et Serge Réggiani. On dit que Pierre Véry était très fier de cette adaptation.


L'histoire :
Sous une pluie battante, Prosper Lepicq, avocat, et son secrétaire Jugonde déterrent, quelque part dans Meaux (Seine et Marne), un bien étrange trésor : une caissette contenant un crâne, le squelette d'une main, quelques ossements jaunis, et un rouleau de parchemin protégé dans une bouteille scellée à la cire. Sur le document, vingt noms que Lepicq recopie avec soin avant de replacer le tout sous terre.
Vingt ans plus tôt, à la pension privée de Saint-Agil de Meaux, Mathieu Sorgues, dit "numéro 95", jeune élève poitevin de seize ans, quitte à pas de loup le dortoir endormi pour s'isoler dans la salle de classe de sciences naturelles, véritable cabinet de curiosités assez effrayant dans l'obscurité de la nuit. Comme d'habitude, il commence d'abord par allumer une bougie dans le crâne du squelette baptisé Martin. Puis, il s'empare d'un coffret caché sous une planche de l'estrade qui renferme, entre autres secrets, un paquet de cigarettes anglaises. Le lendemain, le numéro 95 sera le premier garçon à disparaître de l'établissement...

Mon avis :
Une délicieuses atmosphère qui rappelle "La gloire de mon père" de Marcel Pagnol, les aventures de Tintin, et l'école de Poudlard de "Harry Potter". A la lecture de cette histoire, reviennent spontanément à notre mémoire collective l'odeur des vieux pupitres en bois, le grattement de la plume sur le papier, l'angoisse de la tache d'encre, les images d'Epinal des livres d'Histoire, le nuage blanc autour du tableau noir que l'on efface, les "bons points", le goût du pain et de la barre de chocolat du "quatre-heures", le gros savon de Marseille poisseux fixé au-dessus du lavabo, le parfum mêlé de cire et de poussière des couloirs, les tabliers en grosse toile grise accrochés aux porte-manteaux... Au-delà de l'époque qu'il décrit, l'auteur touche par ses souvenirs de l'enfance qu'il a gardés intacts et qu'il nous fait partager : le goût de l'aventure, de la découverte de grands espaces, de territoires inconnus, la débrouillardise, la fascination pour la peur, les mystères et les secrets, mais surtout la force de l'amitié.

Une petite merveille à partager en famille !

"LE GRAND SOMMEIL" de Raymond Chandler (Folio policier)


"Le grand sommeil"
Raymond Chandler
(Folio policier)

Los Angeles, Californie, USA

Ados / Adultes


Raymond Chandler est né en 1888 à Chicago, dans l'Illinois. Installé en Angleterre à l'âge de huit ans, après le divorce de ses parents, avec sa mère d'origine irlandaise, il est naturalisé citoyen britannique. Il rentre aux Etats-Unis avec sa mère en 1912 et se prépare à des études de comptabilité. En 1917, il s'engage dans l'armée canadienne et combat en France. Après l'Armistice, il s'installe à Los Angeles, épouse une femme plus âgée que lui, Cissy Pascal, et exerce divers petits métiers. Son premier roman, "Le grand sommeil", rédigé en trois mois, est publié en 1939. Sa célébrité lui ouvre rapidement les portes de Hollywood. Il travaille comme scénariste pour Billy Wilder, Alfred Hitchcock et George Marshall. Lorsque Cissy meurt en 1954, Chandler commence à boire, la qualité de son écriture s'en ressent, et il tombe dans une profonde dépression dont il ne se remettra jamais. Il meurt d'une pneumonie en 1959.




Roman écrit en 1939,
porté à l'écran par Howard Hawks en 1946
avec Humphrey Bogard et Lauren Bacall,
sur un scénario de William Faulkner.
et traduit de l'américain par Boris Vian en 1948




L'histoire :
Un matin d'octobre, dans un quartier huppé de Los Angeles, le richissime général Guy Sternwood convoque chez lui le détective privé Philip Marlowe. Un certain "Arthur Gwynn Geiger, Livres rares et éditions de luxe" le fait chanter à propos des dettes de jeu de sa fille mineure Carmen. Handicapé, gravement malade, épuisé par ses filles, deux jeunes femmes irresponsables, capricieuses, rivalisant de perversité, le vieux général charge Marlowe de mettre un terme à cette affaire de chantage...

Mon avis :
Un livre très intéressant, loin d'être aussi léger que l'on imagine. Un voyage caustique dans l'Amérique des années 1930 après la prohibition, quand les gangsters cherchent d'autres "commerces" que celui de l'alcool, avec la complicité d'une haute société décadente et sous la protection d'une partie de la police en échange de quelques poignées de dollars. Courses-poursuites et filatures nous font découvrir de Los Angeles tous les endroits, des plus chics aux plus sordides, les music-halls, les cinémas, les bars, les zones industrielles, les plages... Et puis "Le grand sommeil", c'est la naissance d'un mythe avec la première apparition de Philip Marlowe, image éternelle du détective privé des romans noirs. Chapeau mou, trench-coat, whisky, cigarette vissée au coin des lèvres, macho, cynique, allergique à toute forme d'autorité, ce type a tous les défauts ! Et pourtant... Philip Marlowe, beau gosse irrésistible, possède un charme ravageur. C'est un privé diablement tenace, efficace, et incorruptible !

Un très bon moment de lecture !

vendredi 28 juin 2013

"STORYTELLER" de James Siegel (Pocket)


"Storyteller"
James Siegel
(Pocket)

Californie, USA

Ados / Adultes


James Siegel :
Quasi inconnu en Europe, l'auteur signe ici son quatrième livre. Le premier, "Dérapage", paru en 2006 aux Presses de la Cité, a été porté à l'écran par Mickael Hafstrom, avec Jennifer Aniston, Clive Owen et Vincent Cassel. Cet ancien publicitaire à succès (les campagnes des soupes Campbell) a réalisé un rêve de jeunesse en devenant romancier. Quitter son job très bien payé pour une carrière plus qu'incertaine, même avec quelques dollars de côté, ce n'est pas banal. Siegel raconte avoir décroché son premier contrat d'édition sur un simple coup de fil : Warner Books lui aurait juste posé comme condition d'avoir un agent.

L'histoire :
Tom Valle travaille pour un grand quotidien de New York. C'est un bon journaliste. Mais il a un tel besoin d'amour et de reconnaissance que, très vite, il dérape. Les bons scoops manquent, alors il les invente. Ses qualités rédactionnelles font que cela dure des mois avant qu'un de ses collègues, plus curieux que les autres, démasque la supercherie. Licencié, humilié, il s'exile en Californie, à Littleton, un trou paumé au milieu du désert. Par pure compassion, il est embauché au "Littleton Journal" où il remplace un certain John Wren, malade, parti sans laisser d'adresse. Tom Valle couvre les manifestations de la région, les marchés d'alpagas, les inaugurations de centres commerciaux, les rodéos, la vente annuelle de livres de la bibliothèque... Et il le fait bien. Mais il a le journalisme d'investigation dans les tripes. Et il semble être bien le seul à flairer l'embrouille après cet improbable accident de la route à la sortie de la ville. A s'étonner du décès soudain de cette centenaire, héroïne locale, en parfaite santé quelques jours plus tôt pour souffler ses bougies. Il y a aussi cette terrible catastrophe naturelle qui a eu lieu dans la région cinquante ans auparavant, sur laquelle il aimerait écrire un article mais dont personne ne veut parler. Le cambriolage de son logement ne fait qu'alimenter davantage ses soupçons...

Mon avis :
Dans une ambiance qui rappelle un peu les grands polars noirs des années 1950, ce thriller totalement machiavélique est construit comme une toile d'araignée autour du héros. Dans cette poussière brûlante du désert de Californie, la vérité flirte avec la folie. Ecrit comme un testament, le dernier article de sa vie, le héros joue avec ses lecteurs, les rend témoin... ou complice.

Terrifiant !

"HYPOTHERMIE" et "LA RIVIERE NOIRE" de Arnaldur Indridason (Points)


"Hypothermie"
"La rivière noire"
Arnaldur Indridason
(Points)

Islande

Ados / Adultes


Arnaldur Indridason est né en 1961 à Reykjavik (Islande) où il vit toujours. Il est diplômé en Histoire, journaliste, scénariste, et auteur de best-sellers internationaux.



L'histoire de "Hypothermie" :

Karen, chargée de communication dans une grande banque islandaise, épuisée par un travail de plus en plus déshumanisé, prend la route ce jeudi soir pour un week-end réparateur loin de tout. Son amie d'enfance, Maria, lui prête son chalet d'été, perdu au bord d'un lac, entre les fjords, les montagne, les plaines et les vallées idylliques. Ce sont les prémices de l'automne. Il fait sombre et froid. Il est déjà tard quand Karen arrive enfin au chalet. Lorsqu'elle pénètre à l'intérieur, l'espoir de calme et de repos se transforme en cauchemar : Maria s'est pendue dans la cuisine.
Le commissaire Erlendur, bien que responsable des affaires criminelles, est le seul officier disponible cette nuit-là, et il se rend donc sur place. Il se sent inutile. Le suicide de cette femme de quarante ans semble incontestable. Mais pour une raison inexplicable, Erlendur est profondément troublé...

Mon avis :
En plus du suicide incompréhensible de cette jeune femme dont Erlendur veut, de manière presque obsessionnelle, connaître les raisons, il y a ce vieil homme, ce père au seuil de la mort qui, pendant des décennies, n'a jamais cessé de rechercher son fils disparu ni de croire en son retour. Erlendur réalise soudain de l'urgence à trouver des réponses. Il réalise soudain, après tant d'années à côtoyer la mort quotidiennement, que "faire son deuil" n'est qu'un terme générique, qu'en réalité la douleur et le chagrin sont des émotions d'une intimité absolue, que l'on ne peut partager avec personne. La souffrance de la perte d'un être cher est-elle comparable lorsqu'il s'agit d'une mort naturelle, accidentelle, des suites d'un suicide ou d'une agression ? D'une personne âgée ou jeune ? D'un enfant ou d'un parent ? Nul ne peut répondre à cela ! Et que dire lors de cas de disparitions ? Face à l'ignorance, certains refuseront avec une volonté inouïe de perdre l'espoir, aussi ténu soit-il. Pour d'autres, la douleur sera telle qu'elle laissera place au désespoir, à la colère, à la culpabilité, à l'impuissance. De la mort ou de la disparition, chacun panse ses blessures à sa façon. Toutes les voies sont possibles : se jeter à corps perdu dans le travail, la psychothérapie, la foi, la philosophie, les médiums...
En ce qui le concerne, Erlendur prend conscience que plus le temps passe, plus il vieillit. Plus la société islandaise change, plus elle lui fait peur. Plus il se pose des questions sur son existence, sur les fantômes de sa famille, moins il obtient de réponses. Mais répondre à une seule question, juste une seule, devient une priorité: où est son frère ?
Lorsqu'il était enfant, son père, son frère et lui se sont perdus dans une tempête de neige. Le père est parvenu à rentrer à la maison. Erlendur aussi. Mais le petit frère n'a jamais été retrouvé. Ses parents n'ont jamais cessé les recherches. Erlendur non plus, à sa façon, par le biais de ses enquêtes, mais il s'est toujours senti coupable d'être "le survivant". Et cette affaire, précisément, va lui imposer de nombreuses interrogations personnelles nécessaires.

Indridason toujours aussi grave, profond et intelligent !
Un roman qui force à la réflexion philosophique et existentielle !
Indridason ne déçoit jamais. Du grand art !


L'histoire de "La rivière noire" :
Le commissaire Erlendur, profondément éprouvé par sa dernière enquête et hanté par les fantômes de son passé, a décidé qu'il était temps pour lui de retrouver les terres de son enfance. Sans se confier à qui que ce soit, il laisse son service aux mains de la perspicace Elinborg et de l'impulsif Sigurdur Oli. Ce jour-là, Elinborg est appelée dans un appartement qu'un quartier ancien de Reykjavik. Un homme a été découvert mort au milieu du salon, le pantalon baissé jusqu'aux chevilles, vêtu d'un t-shirt de femme maculé de sang. Plus loin, dans la poche de sa veste, un flacon de Rohypnol, la drogue du viol...

Mon avis :
Une enquête dirigée de main de maître par une femme, Elinborg, que l'on a plaisir à découvrir intimement. A l'inverse de son collègue Erlendur, elle n'a pas le temps de s'apitoyer sur son sort ni de céder à ses états d'âme. Professionnelle, compagne, mère de trois enfants, elle jongle entre son travail et sa vie de famille. Elle veille à la fois sur ses enfants adolescents et ses parents vieillissants. Chez elle, elle doit mettre de côté les monstruosités vues sur le terrain et ses doutes, oublier les victimes, les suspects, les témoins. Et pourtant, malgré tous ces impératifs, sans être non plus infaillible, Elinborg est une femme exceptionnelle, d'une grande sensibilité et d'une grande délicatesse autant dans sa vie de famille que dans son travail.
Jamais de détails sordides chez Indridason. Toujours beaucoup de pudeur. Un épisode au féminin parfaitement réussi et maîtrisé, sur un thème aussi sensible que celui du viol, de la perversité, et des conséquences indélébiles sur les victimes et leurs proches. On se laisse prendre de la première à la dernière page. On s'éloigne de Reykjavik, vers des endroits rudes et inquiétants, où se perdent des esprits sombres et blessés.

Un chez d'oeuvre de plus à l'actif de Arnaldur Indridason !


"ENFANT 44" de Tom Rob Smith (Pocket)


"Enfant 44"
Tom Rob Smith
(Pocket)

Union Soviétique

Ados / Adultes


Tom Rob Smith est né à Londres en 1979, d'une mère suédoise et d'un père anglais. Diplômé de l'université de Cambridge, il a passé un an en Italie dans un atelier d'écriture. Il a ensuite travaillé comme scénariste pendant cinq ans. Il vit à Londres. Son premier roman, "Enfant 44", à propos d'un tueur en série d'enfants sous la période stalinienne des années 1950 en URSS, paraît en 2008 et est traduit en 17 langues. L'histoire est inspirée de celle du tueur Andreï Tchikatilo ayant sévi entre 1978 et 1990 à Rostov-sur-le-Don. Le roman est un grand succès mondial, et le réalisateur et producteur britannique Ridley Scott en a acheté les droits (un film prochainement sur les écrans avec Noomi Rapace, Gary Oldman et Tom Hardy).


Contexte historique du livre en quelques dates

L'Union Soviétique (ou URSS) succède à la Russie Impériale.

25 octobre 1917
"Révolution d'octobre" - Fin du Tsar Nicolas II.

1917 - 1921 :
Guerre civile entre les Russes blancs (monarchistes) et les Russes rouges (communistes).

1921 - 1927 :
Mise en place de la nouvelle politique économique.
30 décembre 1922 : Proclamation de l'Union Soviétique.
21 janvier 1924 : Mort de Lénine - Début du conflit entre Staline et Trotsky.
11 février 1924 : Reconnaissance de l'Union Soviétique par de très nombreux pays.

1928 - 1941 - Ere Stalinienne
Elimination de Trotsky.
Economie planifiée.
Totalitarisme stalinien.

Holodomar : grande famine en Ukraine et dans le Kouban en 1932 et 1933 qui aurait fait près de six millions de victimes. Les causes en étaient la collectivisation, les réquisitions excessives de denrées alimentaires auprès des paysans, et les limitations aux déplacements imposées en pleine période de famine. Cette horreur fut médiatisée grâce au livre d'Alexandre Soljenitsyne "L'Archipel du goulag" en 1974.

1941 - 1953 - Ere Stalinienne
1941 à 1945 : Guerre contre l'Allemagne.
1947 : Début de la Guerre Froide entre le bloc de l'Est et le bloc de l'Ouest.
25 mars 1953 : Mort de Staline.

1953 - 1964 - Ere de Nikita Khrouchtchev
Khrouchtchev dénonce les crimes de Staline.
Réformes économiques.
Conquête spatiale.
Octobre 1962 : grave crise diplomatique et militaire avec les Etats-Unis à propos de missiles que l'URSS souhaite installer à Cuba.

A lire :
- "T'étais qui, toi ?... Staline" d'Irène Cohen-Janca et Guillaume Long (Actes Sud Junior)
- "Kolyma" (URSS, 1956) et "Agent 6" (URSS et Etats-Unis, 1950 - 1960) de Tom Rob Smith (Belfond)


"Depuis plusieurs décennies, les gens n'agissaient plus selon leur conception du bien et du mal, mais en fonction de ce qui pouvait plaire ou non à Staline. Leur vie ou leur mort dépendait de ses annotations sur une liste : un trait devant leur nom les sauvait, l'absence de trait les condamnait. Voilà à quoi se résumait le système judiciaire [...]. Les fonctionnaires négligeaient depuis si longtemps leur sens moral que la boussole s'affolait : le nord était au sud, l'est à l'ouest. Quant à distinguer le bien du mal, ils en étaient incapables. Ils avaient oublié comment prendre une décision. Dans une période comme celle-là, le plus sûr était d'en faire le moins possible."


L'histoire :
En 1933, l'Ukraine subit l'une des plus cruelles famines de l'Histoire. Deux frères de dix et huit ans, trop affamés, désobéissent à leur mère. Ils quittent la maison, bravent le froid hivernal et l'insécurité de la tombée de la nuit pour s'enfoncer dans la forêt à la poursuite d'un chat, un vrai miracle quand la population du village en est à ronger les écorces pour avoir l'illusion de se nourrir. Hélas, Pavel, le frère aîné, ne reviendra pas...
Un soir de février 1953, à Moscou, le corps sans vie d'Arkady, un petit garçon de cinq ans, est découvert sur la voie ferrée, fauché sans doute par un train. Leo Stepanovitch Demidov, agent du MGB (police secrète, ancêtre du KGB), est envoyé immédiatement sur les lieux afin de faire taire au plus vite les rumeurs de meurtre émanant de la famille et qui, si elles prenaient de l'ampleur, déstabiliseraient la communauté. Dans la nouvelle société soviétique, officiellement, la délinquance n'existe plus. Les meurtres, viols et vols appartiennent à la société capitaliste. La tâche est d'autant plus difficile pour Leo que le père de la petite victime est membre, lui-aussi, du MGB, et que, pour leur carrière à tous les deux, il doit impérativement le raisonner et le convaincre qu'Arkady a malheureusement succombé à un tragique accident...

Mon avis :
Une autopsie impitoyable et éprouvante de la machine judiciaire stalinienne infernale construite sur la terreur et la cruauté. On assiste à la brutale désillusion d'un homme, sa perte de foi et de confiance en son pays et en ses gouvernants, lui qui avait une telle admiration et une telle fierté. Dégradé, il va quitter Moscou et on va découvrir avec lui des paysages d'une beauté irréelle et indomptable, où la vie est un combat quotidien contre les forces de la Nature.

Un thriller intense, redoutable et nécessaire !


"LE CAMP DES MORTS" de Craig Johnson (Gallmeister)


"Le Camp des Morts"
Craig Johnson
(Gallmeister)

Wyoming, USA

Ados / Adultes


Craig Johnson est né en 1961 dans une petite ville du Midwest. Après ses études, il est devenu pêcheur professionnel, charpentier, camionneur, cow-boy... et a même fait quelques incursions dans le monde du rodéo. Il a également enseigné à l'université et fait un temps partie de la police de New York avant de se consacrer pleinement à l'écriture. "Little Bird", premier volet de la saga mettant en scène le shérif Walt Longmire, a reçu en France le Prix du roman noir 2010 du Nouvel Observateur. "Le Camp des Morts" a reçu le Prix 813. Craig Johnson vit aujourd'hui dans un ranch au pied des Big Horn Mountains, dans le Wyoming.

L'histoire :
C'est l'hiver dans les Hautes Plaines du Wyoming. On vient de fêter Thanksgiving et la neige tombe à gros flocons sur le comté (imaginaire) d'Absaroka. Il y a un mois, le shérif Walter Longmire a perdu un être cher et la blessure est encore très vive. Ce qui le tient debout, c'est : son poste de shérif ; l'humour vache qu'il pratique avec son adjointe Victoria et sa réceptionniste Ruby ; les soirées-échecs, longues mais rituelles, au Foyer des Personnes dépendantes en compagnie de son mentor, Lucian, shérif à la retraite ; la fidélité de son ami d'enfance, l'Amérindien Henry Standing Bear (Ours Debout) ; revoir bientôt sa fille pour Noël ; et la présence rassurante du chien sans nom, que tout le poste de police a adopté et qui suit Walt partout.
Ce soir-là, c'est "Echecs". Mais lorsque Walt arrive au Foyer, un drame vient de se produire : le décès d'une pensionnaire, Mari Baroja. En état de choc, Lucian est convaincu qu'il ne s'agit pas d'une mort naturelle mais d'un meurtre. Pourquoi en est-il si sûr ? Parce que, avoue-t-il au shérif Longmire médusé, Mari Baroja était son épouse. Personne ne le savait...

Mon avis :
Bien plus qu'une enquête, cette histoire est celle d'une communauté aux origines multiples (anglaise, cheyenne, crow, basque française...), d'une belle aventure humaine unissant des êtres au service de la justice et pour qui les mots "solidarité" et "amitié" ont un véritable sens. Force de ce récit, tous les personnages principaux, loin d'être des anges, sont extrêmement sympathiques et touchants de sincérité. Le chien, énorme boule de tendresse, devient vite un indispensable !
Quant à l'écriture, elle résonne d'une singulière poésie sublimée par un décor et des paysages naturels du Wyoming à couper le souffle sur lesquels veillent les esprits indiens.

Immense terre !
Immense auteur aux allures de cow-boy qui va vite devenir un classique !


N.B. : S'il n'est pas indispensable d'avoir lu le précédent opus pour comprendre celui-ci, la qualité du "Camps des Morts" donne une furieuse envie de découvrir le premier roman "Little Bird", et tous ceux qui ont suivi : "L'indien blanc", "Enfants de poussières" et "Dark Horse" !


"SCIENCE ET VIE" - Hors Série n°263 - Juin 2013 - "10 Crimes Historiques élucidés par la science"





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