vendredi 7 septembre 2018

Septembre 2018 - "Country Noir & Nature Writing"


"Dérive sanglante" de William G. Tapply (Gallmeister)

William G. Tapply est né en 1940 à Waltham, dans le Massachusetts. Diplômé de Harvard en 1963, il fut successivement professeur d'Histoire au lycée, professeur d'écriture, collaborateur à divers magazines. Il publia par ailleurs une quarantaine de livres en vingt-cinq ans dont une vingtaine de romans policiers. Grand amateur de pêche à la mouche, il collaborait régulièrement à des magazines de pêche américains. Il a enseigné la littérature à l'université Clark et vivait à Hancock, dans le New Hampshire. Il est décédé d'une leucémie en juillet 2009 alors que paraissait aux Etats-Unis "Dark Tiger", troisième volet des aventures de Stoney Calhoun, une série policière dont il avait commencé la rédaction en 2004 ("Dérive sanglante", "Casco Bay" et "Dark Tiger", chez Gallmeister).

L'histoire :

Il y a cinq ans, Stoney Calhoun sortait de l'hôpital d'Arlington (Virginie) sourd d'une oreille, souffrant de graves pertes de mémoire et ne sachant où aller. Poussé par son instinct, il prit la direction du Maine. Dans les environs de Portland, il eut le sentiment étrange de reconnaître des lieux et des paysages. Il acheta une parcelle de terrain au beau milieu des bois et, à la manière de Thoreau*, construisit sa cabane près de la rivière.

De sa vie précédant son hospitalisation, il n'a toujours aucun souvenir, mais quel que fut son passé, aujourd'hui il mène une existence paisible et heureuse, au plus près de la nature, avec son épagneul breton Ralph**, son anthologie de la littérature américaine, et son job. Il travaille dans un magasin d'articles de chasse et de pêche avec Kate Balaban, la patronne, et aussi sa maîtresse dont il est très amoureux, et son meilleur ami, Lyle McMahan, un étudiant en Histoire qui connaît la région comme sa poche. Tous les trois sont guides de pêche.

Ce matin, un homme aux cheveux blancs, environ soixante-dix ans, un certain Fred Green, se présente à la boutique. Il est en quête d'une personne compétente pouvant l'emmener pêcher la truite sauvage impérativement ce jour car il n'a pas d'autres disponibilités. Du genre frimeur, Green ne plait pas du tout à Calhoun. Bien que ce soit son tour, Calhoun pense aussitôt à Lyle pour le remplacer. L'étudiant, ravi de gagner un peu d'argent, ne se fait pas prier pour récupérer la sortie. Professionnel, Lyle prépare rapidement l'itinéraire et l'équipement, puis prend la route avec le client pour une journée de randonnée.

Le lendemain, personne n'a de leurs nouvelles. Lyle et Green ne sont pas rentrés. Calhoun culpabilise et se lance avec ardeur à la recherche de son ami...


* Henry David Thoreau (1817-1862) : philosophe, naturaliste, poète américain, auteur de "Walden ou la vie dans les bois"

** Ralph : allusion à Ralph Waldo Emerson (1803-1882), essayiste, philosophe, poète et chef de file du mouvement transcendantaliste américain du début du XIXème siècle, grand ami de Thoreau


Mon avis :
Des références aux plus belles plumes naturalistes américaines... De magnifiques peintures des rivières et des forêts du Maine si chères à Thoreau... Des personnages attachants et bienveillants... Un héros imparfait mais sincère dans sa quête de la vérité sur la mort de son ami, dans sa quête de la vérité sur sa propre histoire, dans sa quête de valeurs solides sur lesquelles il puisse se reposer sans crainte... Un très beau pêle-mêle d'émotions, de mystère et d'humour... Un énorme coup de coeur et une profonde tristesse de savoir que nous ne partagerons que trois aventures avec le charmant et charmeur Stoney Calhoun...

"Là où les lumières se perdent" de David Joy (Sonatine)

David Joy, né à Charlotte (Caroline du Nord) en 1983, est l'auteur de trois romans et plusieurs nouvelles. Ses écrits ont notamment paru dans certains magazines et journaux américains. "Là où les lumières se perdent", finaliste de l'Edgar Award et acclamé par la critique, est sont premier roman traduit en France. David Joy vit à Webster en Caroline du Nord.

En cette Rentrée Littéraire 2018 paraît son nouveau roman, "Le poids du monde", chez Sonatine.

L'histoire :

C'est une petite ville plantée au fin fond des Appalaches, en Caroline du Nord. Entourées de montagnes, les terres sont si arides que rien n'y pousse. Ceux qui restent à The Creek ne peuvent que s'y perdre.

Jacob McNeely a dix-huit ans. Aujourd'hui c'est la cérémonie de remise de diplômes au lycée Walter Middleton. Mais ce n'est pas pour lui. Du haut du château d'eau, il observe la scène et reconnaît Maggie Jennings, son amie d'enfance, son amour inaccessible. Elle est Juliette. Il est Roméo.

Les parents de Jacob sont divorcés. Son père est un baron de la drogue puissant et craint dans la région. Sa mère est une junkie. Des études pour Jacob ? A quoi bon ! Jamais il ne quittera le coin. Son avenir ici est tout tracé : travailler pour papa, et plus tard hériter des affaires. Pour l'heure, il obéit aux ordres du boss et se défonce à tout ce qu'il veut, tant qu'il ne touche pas à la cristal meth. C'est la règle absolue et le paternel tuerait quiconque l'enfreindrait, même son propre fils. La cristal meth rend plus bavard que n'importe quelle autre substance et c'est dangereux pour le business...

Mon avis :
Jacob sait depuis l'enfance qu'aucun de ses rêves ne sera jamais réalisé. Fataliste, prisonnier de la montagne, prisonnier de sa famille, il s'apprête à endosser un héritage lourd de conséquences qu'il n'a pas souhaité et dont il n'est pas responsable. Peut-il échapper à son destin ? Quels choix doit-il faire ? C'est une question universelle que pose David Joy, celle de l'héritage familial, de la transmission.
Violence, torpeur, renoncement, désespoir... Ce roman est une tragédie déchirante et magnifique... On en sort totalement ébranlé... Un écrivain que l'on ne va pas lâcher de sitôt !

"Cry father" de Benjamin Whitmer (Gallmeister)

Benjamin Whitmer est né en 1972 et a grandi dans le sud de l'Ohio et au nord de l'Etat de New York. Il a publié des articles et des récits dans divers magazines et anthologies avant que ne paraisse son premier roman, "Pike", en 2010. Il vit aujourd'hui avec ses deux enfants dans le Colorado, où il passe la plus grande partie de son temps libre en quête d'histoires locales, à hanter les librairies, les bureaux de tabac et les stands de tir des mauvais quartiers de Denver. Ses auteurs préférés sont Harry Crews, James Crumley et Donald Ray Pollock. Son second roman, "Cry father", est sorti en 2014.

L'histoire :

Patterson Wells ne s'est jamais remis de la mort de son petit garçon, Justin. Si son ex-femme, Laney, puise sa force dans sa bataille judiciaire contre le médecin responsable du décès de leur fils, Patterson, lui, a choisi la fuite. Elagueur, à bord de son Ford Ranger, il parcourt tout le pays, avec pour seule compagnie Sancho, son chien. Après les cyclones, les tremblements de terre, les inondations, il dégage les routes et les réseaux électriques. Il noie son chagrin dans les zones sinistrées et dans les bars miteux. Ses moments de paix sont ceux qu'il passe avec son fils à travers les lettres qu'il lui écrit chaque soir dans des cahiers d'écolier.

De longs mois se sont écoulés. Avant son prochain contrat, épuisé, Patterson vient se reposer dans sa cabane du Colorado, que lui a vendue son ami Henry, éleveur de chevaux. Hélas, aux premiers instants de son séjour, il croise le chemin du fils d'Henry, Junior, un être instable et écorché vif...

Mon avis :

Ce livre est un coup de poing à l'estomac ! Roman sur la paternité, brutal, crépusculaire, il scotche par sa puissance ! L'auteur y dresse le portrait de trois pères : Patterson, Henry et Junior. Patterson et Junior vont s'engager dans un compagnonnage toxique, une attraction destructrice qui ne s'explique que par leurs douleurs respectives.

Si leur relation et leurs actes semblent sombrer dans une forme de folie morbide, les lettres que Patterson continue d'adresser à son fils défunt sont paradoxalement les seuls liens, forts et émouvants, avec la vie.

Un texte brillant et bouleversant !


A découvrir également : "Pike"