mardi 14 janvier 2020

Janvier 2020 - "Le premier roman de..."





"Chroniques d'une station-service" d'Alexandre Labruffe (Verticales)

Alexandre Labruffe est né en 1974 à Bordeaux. Après des études de chinois, il a été en poste dans les Alliances françaises en Chine puis en Corée du Sud. A cette époque, il a publié avec Benjamin Limonet un récit expérimental à quatre mains, "Battre Roger" (Editions D'ores et déjà, 2008). Depuis son retour à Paris en 2016, tout en poursuivant sa thèse en Arts et Cinéma à l'Université Paris-3, il collabore à divers projets artistiques (avec la Villa des Arts dans le Bas-Montmartre), théâtraux (notamment avec le metteur en scène iranien Saeed Mirzaei) ou cinématographiques (avec le réalisateur coréen Jeon Soo-il, pour ses films "A Korean in Paris", "America Town" et le prochain, "Département de cinéma", en cours d'écriture).

Mon avis :
L'histoire se construit sur une suite d'anecdotes, de pensées, de récits courts ou de quelques mots. Galerie de portraits pris sur le vif, reflets de notre société contemporaine mixte et complexe, ces "brèves de station-service", recueillies par un pompiste philosophe décrivent un quotidien tantôt grotesque, tantôt inquiétant, tantôt sublime. C'est drôle, tendre, intelligent, un brin surréaliste, et totalement insolite.

Une très bonne surprise et une belle découverte !

"Court vêtue" de Marie Gauthier (Gallimard)


Prix Goncourt du premier roman 2019


Marie Gauthier est née à Annecy. Après des études de lettres à Lyon, elle s'est dirigée vers le théâtre. Elle vit à Paris.

L'histoire :

Félix est un adolescent de quinze ans mal dans sa peau, mal dans son corps et mal à l'école. La conseillère d'orientation lui propose un travail au grand air. Sans savoir ce que l'on attend de lui, le jeune garçon se retrouve dans un bourg inconnu, perdu en pleine campagne.

Le temps d'un été, il sera l'apprenti du cantonnier. L'homme au mégot est un taiseux mais bienveillant. Il accueille Félix dans sa grande maison vide et ancienne, où vivent aussi sa fille de seize ans, Gil, caissière à la superette, et le chien Dodo.

Les journées se passent dans le silence et les soirées dans la solitude. Félix découvre petit à petit tout ce qu'il ignorait de son propre corps : la musculature, les courbatures, les mains calleuses, l'apaisement d'un bain, et d'autres sensations qu'il n'imaginait pas en présence de la fille. Gil est un papillon : lumineuse, légère, virevoltante et libre de son corps...

"Il sentait vivre son corps tout à coup tandis que le désir irriguait son sang."

Mon avis :

Le corps est le fil rouge de ce très beau et poétique roman d'apprentissage. Le langage est celui des corps. Les mots ne viennent que peu à peu et ne sont guère indispensables. Le seul dont l'adolescent cherche le sens est celui du verbe "aimer". 

Coup de coeur !!!

"Il était peut-être venu ici pour ça, attendre une fille, avoir peur qu'elle ne revienne pas et s'ouvrir au pouvoir des mots."

"Le bal des folles" de Victoria Mas (Albin Michel)


Prix Renaudot des Lycéens 2019
Prix Stanislas du premier roman 2019


Victoria Mas est née en 1987 au Chesnay, dans les Yvelines. Fille de la chanteuse Jeanne Mas, elle passe une partie de son enfance dans le sud de la France, puis en Californie où elle poursuit sa scolarité. Elle étudie le cinéma et la littérature anglo-américaine. En 2014, elle publie un guide de la cuisine française "The Farm to table French Phrasebook" qui rencontre un beau succès aux Etats-Unis. Elle revient ensuite en France et continue ses études littéraires à La Sorbonne. Son premier roman, "Le bal des folles", s'inspire de faits réels.

Les faits réels :
En cette fin du XIXème siècle, le neurologue Jean-Martin Charcot tente de sauver ses patientes de la folie en organisant pour elles, à l'Hospice de la Salpêtrière, un bal chaque année lors de la Mi-Carême. La presse parisienne en parlait. De nombreuses personnalités, notamment du monde médical, y assistaient. Un autre bal était également donné pour les enfants épileptiques.

L'histoire :

Geneviève, Auvergnate, fille d'un médecin de campagne, est depuis plus de vingt ans l'assistante du Docteur Charcot, neurologue à Paris, autorité respectée sur qui reposent de grands espoirs pour tous les aliénés. Charcot est aussi à l'initiative du célèbre Bal de la Mi-Carême, qui aura lieu bientôt à la Salpêtrière, sorte de cabinet de curiosités où, derrière les déguisements, les fous sont exhibés au Tout-Paris.

Aujourd'hui, l'éminent spécialiste donnait un de ses cours publics très attendus : une séance d'hypnose, mise en scène comme un spectacle, dont l'objectif est de recréer une crise chez une patiente choisie jeune, jolie et sensible à un petit moment de gloire.

Ce 3 mars 1885, devant une assemblée exclusivement masculine composée de médecins, écrivains, journalistes, internes, personnalités politiques et artistes, le cas de Louise, jeune hystérique de seize ans, internée à la Salpêtrière il y a trois ans, était présenté.

Après cette journée de travail harassante, dans le silence de son modeste studio parisien, face au jardin du Luxembourg où, à la nuit tombée, déambulent encore quelques promeneurs, les pensées de Geneviève vont à sa soeur Blandine...

Mon avis :
C'est une impression en demi-teinte que laisse ce premier roman largement médiatisé et encensé. Très intéressante et instructive par son sujet, indiscutablement bien documentée, l'histoire, hélas sans surprise, manque de souffle, de profondeur et d'originalité. La petite touche de spiritisme à la Laura Kasischke ne suffit pas à convaincre. Néanmoins, il faut reconnaître à ce Prix Renaudot des Lycéens d'être une excellente base de réflexion et de discussion autour de ce thème de la condition des femmes et du traitement des maladies mentales en France à la fin du XIXème siècle.