jeudi 6 juin 2019

Juin 2019 - "Littérature et Société"




"Tout est brisé" de William Boyle (Gallmeister)

William Boyle est né et a grandi dans le quartier de Gravesend, à Brooklyn (New York). Il y a été disquaire spécialisé dans le rock indépendant américain. Il vit à présent à Oxford, dans le Mississippi. Son premier roman, "Gravesend", a été publié en France en 2016 chez Rivages/Noir. Ont suivi "Tout est brisé" et "Le témoin solitaire" (Gallmeister). L'écrivain revendique les influences de Flannery O'Connor, Larry Brown, Charles Willeford et Harry Crews.

L'histoire :

Le sort s'acharne sur Erica. Quinquagénaire, assistante de direction dans un cabinet d'urologie à New York, son métier, devenu alimentaire, ne la passionne plus.

Voilà près de deux ans que Jimmy, son fils unique, a quitté le domicile familial quelques mois seulement avant ses derniers examens universitaires pour s'envoler vers le Texas. Elle n'a plus aucune nouvelle de lui depuis.

Durant ces deux années, son mari est décédé d'un cancer. Puis, ce fut au tour de sa mère. Endettée par les frais d'enterrement successifs, elle se trouva redevable de son père lorsque, après le passage de l'ouragan Sandy, il paya les travaux de réparation de la maison qu'ils occupent ensemble depuis la mort de sa mère.

Désormais, elle est seule en charge d'un père tyrannique, fragilisé par une grave pneumonie et physiquement diminué. Sa soeur, elle-même au chevet de son compagnon atteint de la sclérose en plaques, ne peut lui venir en aide. Autrefois joyeuse et coquette, Erica est à présent au bord de l'implosion. Même la Foi semble l'avoir quittée.

A plusieurs milliers de kilomètres de là, à Austin (Texas), Jimmy, gay, en pleine rupture amoureuse, sans diplôme, sans travail, sans logement, sans amis, noie son désespoir dans l'alcool. Pour survivre, il n'a plus d'autre choix que d'appeler sa mère et lui demander un billet de retour pour New York...

Mon avis :

Des malentendus se sont installés entre une mère et son fils jeune adulte. Les épreuves de la vie ont fait ensuite leur office et ont creusé davantage le fossé. Un manque cruel de communication, d'écoute et de compréhension ont eu raison de la tendresse et de l'amour qu'ils attendent tous les deux. L'estime de soi, la confiance en soi, c'est ce qu'ils devront retrouver, chacun de leur côté, afin de saisir la seconde chance que le destin leur offre.

William Boyle observe tous ces petits détails qui font le quotidien, les petits gestes, les petits riens, si insignifiants, si ordinaires, que nous en oublions leur importance sur nous-mêmes et sur les autres.

Un roman profond et d'une infinie délicatesse !


A lire également :  "Gravesend"


"Wisconsin" de Mary Relindes Ellis (10/18)


Mary Relindes Ellis est née en 1960 à Glidden, dans le Wisconsin. Elle est l'auteure de nombreuses nouvelles parues dans la presse américaine. En 2007, elle a conquis le public français avec son premier roman, "Wisconsin", publié chez Buchet-Chastel, puis avec "Bohemian Flats" (Belfond, 2014). Mary Relindes Ellis est décédée en 2016 à Saint Paul, dans le Minnesota.

L'histoire :

Claire et John Lucas se sont rencontrés à Milwaukee (Wisconsin), lors d'un bal après la guerre. Très vite, ils se marient, se faisant la promesse de continuer leurs études. John, qui bénéficie pourtant d'une aide aux vétérans, les abandonne au bout d'un an. De son côté, Claire a passé ses examens avec succès et enseigne depuis deux ans.

Paresseux, jaloux et humilié par la réussite de sa femme, John n'a de cesse de la pousser à démissionner. En 1950, il parvient finalement à la convaincre de s'installer à Olina, dans le nord du Wisconsin, pour se lancer avec lui dans une exploitation agricole. En fait d'exploitation agricole, Claire découvre une ferme au confort rudimentaire, isolée de tout, et une terre de marais et de cailloux incultivable. Leurs voisins les plus proches sont Ernie Morriseau, Indien Ojibwé, et son épouse Rosemary.

Communauté rurale composée d'immigrants allemands dupés par les autorités, à Olina il faut se contenter de peu. John sombre rapidement dans l'alcool et la violence, et Claire, déprimée, se met à parler toute seule. "John le poivrot" et "Claire la cinglée" deviennent la risée des villageois et Bill, leur petit garçon, le souffre-douleur du gros Merton Schmidt. Le départ pour le Vietnam, en 1967, de Jimmy, fils aîné du couple, est un coup dur de plus pour Claire, et pour Bill, le cadet. Mais l'épreuve semble rapprocher la mère et les deux frères...

Mon avis :

Une peinture acérée et amère de la ruralité américaine où brutalité et bonté se côtoient quotidiennement. Cette histoire familiale poignante s'étale sur une grande partie du XXème siècle, dans une Amérique en pleine tourmente. A peine après avoir pansé les plaies de la Seconde Guerre mondiale, le pays entre dans un nouveau conflit meurtrier et clivant, la guerre du Vietnam, qui brisa tant de corps, de vies et de foyers.

Roman à la fois sombre et lumineux. Bouleversant !

"Octobre" de Soren Sveistrup (Albin Michel)

Soren Sveistrup est un auteur danois né en 1968. Il est le créateur, scénariste et producteur de plusieurs séries, dont la série culte "The Killing" qui a notamment reçu le BAFTA 2011 de la meilleure série internationale et qui a réuni près de 600 000 téléspectateurs français lors de sa diffusion. Il a plus récemment écrit des scripts pour des longs métrages, par exemple pour l'adaptation du "Bonhomme de neige" de Jo Nesbo. "Octobre" est son premier roman.

L'histoire :

31 octobre 1989

Dans une ferme aux abords de Copenhague où il vient d'être appelé, Marius Larsen, policier en fin de carrière, tombe sur une scène de crimes atroces. A la cave, au milieu d'une armée de bonshommes fabriqués avec des marrons et des allumettes, se terre une petite fille. Soudain, Larsen est abattu à son tour d'un coup de hache.

6 octobre de nos jours

Naïa Thulin est affectée depuis quelques mois à la brigade criminelle de Copenhague mais elle ne rêve que d'une chose : être transférée au plus vite au NC3, département de la lutte contre la cybercriminalité. Son chef, le commissaire Nylander, lui laisse peu d'espoir. A cela, il lui adjoint un nouvel équipier, Mark Hess, tout droit débarqué d'Europol pour une raison obscure que personne ne semble vouloir lui révéler. C'est avec lui que suite au signalement d'une voisine, elle se rend au domicile de Laura Kjaer, assistante dentaire, mère d'un petit garçon autiste de neuf ans. Près du corps supplicié de la jeune femme, un bonhomme en marrons trouble profondément Naïa.

Pendant ce temps, Rosa Hartung, ministre des Affaires sociales, fait son retour dans la vie politique après un an d'absence et la disparition de sa fille Kristine âgée de douze ans. Aujourd'hui, le Premier ministre va faire son discours pour l'ouverture officielle de l'année parlementaire. Bousculée par les journalistes, un accueil embarrassé de la part de ses collaborateurs, un message de menace qui inquiète son chef de cabinet, une réunion houleuse à l'Assemblée, la première journée de Rosa au ministère est éprouvante.

La soirée à son domicile est pire encore car les inspecteurs Thulin et Hess de la brigade criminelle viennent annoncer au couple Hartung que les empreintes de leur fille disparue ont été trouvées sur un bonhomme en marrons déposé sur les lieux d'un homicide...

Mon avis :

Moins politique qu'il ne le laissait espérer, ce thriller décrit néanmoins sans fard le paysage sociétal du Danemark d'aujourd'hui. L'intrigue, glaçante et haletante, ne cède aucun répit au lecteur !