jeudi 28 mars 2013

PROCHAINES PRESENTATIONS : MI-MAI 2013





Les Gourmandises
Des mots et merveilles


REALISME ET NATURALISME


Le Réalisme et le Naturalisme sont deux mouvements littéraires importants dans la littérature française. Ils reflètent tous deux les préoccupations sociales et politiques de l'époque.


Le Réalisme
Le mouvement réaliste se développe à partir de 1848, bien avant le mouvement naturaliste. Mais le terme apparaît en 1857 sous la plume de Champfleury, amant d'Eve Hanska, veuve de Balzac, pour désigner une école littéraire. Ce mouvement puise ses thèmes directement dans le monde contemporain, social et historique. Il s'intéresse désormais à des groupes sociaux, à des situations qui n'étaient pas jusqu'ici considérées comme artistiques, à ce que nos sens perçoivent. Il décrète que tout événement, objet, être, chose ou action est digne d'être un sujet littéraire et qu'il doit être rendu de manière véridique. C'est ainsi qu'émergent les ouvriers, les artisans, ou encore les prostituées, dans le roman. Les thèmes abordés concernent principalement l'influence du milieu sur les individus, la vie urbaine ou provinciale, et les misères et ascensions sociales. Les principes de ce mouvement reposent sur la reproduction la plus parfaite possible de la réalité, et cela implique souvent la documentation sur le terrain et le souci du détail. De plus, le romancier applique les méthodes des sciences expérimentales et la philosophie positiviste. C'est en cela que le Réalisme ouvre la voie au Naturalisme qui prolonge encore plus les méthodes scientifiques.

"La mission de l'art n'est pas de copier la nature, mais de l'exprimer [...]. Nous avons à saisir l'esprit, l'âme, la physionomie des choses et des êtres."
Le Réalisme selon Honoré de Balzac


Le Naturalisme
Le mouvement naturaliste est né de l'influence de la médecine et des sciences expérimentales concernant, entre autres, la psychologie. Le Naturalisme peut être comparé au Réalisme, mais le Naturalisme renforce ou développe certains caractères du Réalisme. Le romancier invente une situation. Il place le personnage chargé d'une lourde hérédité dans un milieu défini (ouvrier, mondain, etc...). Il se propose ensuite d'observer la situation et d'expliquer le comportement de son personnage avec une objectivité scientifique. Chaque roman naturaliste est donc une expérimentation nouvelle. Le Naturalisme étudie l'hérédité et le milieu, le monde du travail, paysans, urbains, et les tares physiques et psychiques. De plus, on note une place importante du monde ouvrier dans le Naturalisme, avec le thème du machinisme et la révolution industrielle.


Les différences entre le Réalisme et le Naturalisme résident donc dans le choix de leurs thèmes et des principes qui les composent.


"Peignez la vie toute nue, la vie banale telle qu'elle est ; analysez-la avec conscience, et vous verrez le public intelligent se pencher sur votre oeuvre [...]. Il nous faut des oeuvres de vérité en cet âge de science."
Le Naturalisme selon Emile Zola


"LA TERRE" d'Emile Zola (Folio Classique)


Emile Zola et les Rougon-Macquart

Emile Zola est un écrivain français, fondateur du Naturalisme en littérature, dont l'oeuvre principale, "Les Rougon-Macquart", est une vaste fresque en vingt volumes qui raconte l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire (1852 - 1870). Vouant une véritable passion à Honoré de Balzac, Emile Zola s'inspire de "La Comédie Humaine" pour construire la fresque romanesque qui restera l'oeuvre d'une bonne partie de sa vie. Dès les premières lignes, Emile Zola a une idée très précise de ce qu'il veut faire et de ce qui ne devait contenir que dix volumes. A raison de trois à cinq pages quotidiennes, il va confronter deux familles qui apportent chacune leurs caractères, leurs secrets, leurs hérédités.
Il y a d'abord les Rougon, des commerçants pour la plupart, naviguant dans le monde de la petite bourgeoisie. Puis les Macquart, plus proches de la terre, mais aussi volontiers voleurs et alcooliques. Ces branches vont fusionner et donner naissance à divers protagonistes qu'Emile Zola met dans toutes les situations possibles, dans des univers très différents. Afin d'étudier l'influence du milieu occupé sur chaque personnage et sur son destin, Zola soulève un à un divers pans de la société du Second Empire et du XIXème siècle en général : l'église, le commerce, l'armée, la politique, le monde ouvrier et l'organisation du travail. C'est avec "L'Assommoir", en 1877, qu'il recueille ses premiers lauriers mais aussi ses premières haines. On lui reproche de décrire le monde ouvrier sous un jour beaucoup trop cru. Néanmoins, ce septième roman lui amène gloire et fortune. L'écrivain naturaliste poursuit inlassablement son oeuvre et s'attire de nouveau les foudres des critiques avec le neuvième tome, "Nana", qui parait en 1880. Cette fois-ci, le regard de Zola se porte sur les mondains et surtout leurs vies dissolues incarnées par une jeune fille, Anna, dont l'occupation première, la prostitution de luxe, lui permettra de connaître toute la haute bourgeoisie du Paris du Second Empire. Emile Zola sort encore deux chefs d'oeuvre de cette saga, le grand classique et très documenté "Germinal" en 1885 et "La Bête Humaine" en 1890, véritable thriller avant l'heure. Il clôt cette série romanesque avec "Le Docteur Pascal" en 1893, dans un calme presque relatif. 

"Le naturalisme, dans les lettres, c'est également le retour à la nature et à l'homme, l'observation directe, l'anatomie exacte, l'acceptation et la peinture de ce qui est."
Emile Zola (1840 - 1902)


Les Rougon-Macquart - Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire

La Fortune des Rougon (1871)
La Curée (1871)
Le Ventre de Paris (1873)
La conquête de Plassans (1874)
La faute de l'Abbé Mouret (1875)
Son Excellence Eugène Rougon (1876)
L'Assommoir (1877)
Une page d'amour (1878)
Nana (1880)
Pot-Bouille (1882)
Au Bonheur des Dames (1883)
La joie de vivre (1884)
Germinal (1885)
L'Oeuvre (1886)
La Terre (1887)
Le Rêve (1888)
La Bête Humaine (1890)
L'Argent (1891)
La Débâcle (1892)
Le Docteur Pascal (1893)

"J'ai voulu montrer les ressorts cachés, les fils qui font mouvoir le pantin humain [...], le coeur et le cerveau mis à nu."
Emile Zola



Emile Zola en quelques dates

Gervaise, Nana ou Octave Mouret sont devenus sous sa plume des personnages inoubliables et des témoins des bouleversements du Second Empire. L'écrivain naturaliste est surtout un des symboles du courage et de l'engagement républicain avec son "J'accuse...!".

Portrait d'Emile Zola par Edouard Manet
2 avril 1840 : Naissance à Paris. Fils d'un immigré italien, Francesco Zola. Ami de collège de Paul Cézanne et de Jean-Baptiste Baille, tous trois admirateurs de Victor Hugo. A Paris, Zola échoue au baccalauréat, puis une seconde fois à Marseille à cause d'une sale note... en français. Il parlera si bien de la pauvreté car il l'a vécue.
1862 : Zola est naturalisé Français et évite, par tirage au sort, le service militaire. Employé de bureau chez Louis Hachette, il lit Hippolyte Taine, Emile Littré, Claude Bernard. Il défend Manet et les peintres paysagistes contre les maîtres de la peinture académique.
1869 - 1893 : Publication, d'abord en feuilleton dans divers journaux, puis en volumes, des "Rougon-Macquart". Novateur, Zola fait entrer le vocabulaire et la syntaxe populaires en littérature. On y entend la voix du peuple.
1891 : Président de la Société des gens de lettres.
1898 : Publication du "J'accuse...!".
1898 - 1899 : Il doit renoncer à l'Académie française et s'exiler à Londres.
29 septembre 1902 : Mort à Paris par asphyxie. Officiellement un accident. Plus tard, un couvreur du nom d'Henri Buronfosse, membre d'une ligue nationaliste, déclara avoir volontairement obstrué la cheminée de la maison de Zola.

Dans son oeuvre, Zola a voulu appliquer la rigueur scientifique à la description des faits humains et sociaux, accordant une importance capitale aux déterminations héréditaires des passions humaines. Il a fait un travail de documentation très méticuleux et scrupuleux reposant sur la recherche de coupures de presse (noces, rixes villageoises, accidents et meurtres) ; sur la lecture d'ouvrages tels que "Pensées" de l'Abbé Joseph Roux, et "Histoire des paysans" d'Eugène Bonnemère ; sur ses déplacements sur les lieux qu'il compte décrire ; sur de nombreux témoignages ; sur son expérience vécue. Attiré par les théories socialistes, puis évoluant vers une vision messianique* de l'avenir humain ("Les Quatre Evangiles", 1899 - 1903), il prit parti en faveur de Dreyfus ("J'accuse...!", 1898). Il a laissé aussi des ouvrages de critique d'art ("Edouard Manet", 1867) et de critique littéraire ("Le Roman expérimental", 1880).

Messianisme* : Croyance en l'avènement d'un monde idéal sur terre.


De l'affaire Dreyfus, Zola dit :
"Je n'ai pas voulu que mon pays restât dans le mensonge et l'injustice. On peut me frapper ici. Un jour, la France me remerciera d'avoir aidé à sauver son honneur."


"La Terre" (Folio Classique)

L'action de "La Terre" se situe entre 1860 et 1870. Après la condition ouvrière, ecclésiastique, bourgeoise, artistique, et même volage, de la vie française sous le Second Empire, Zola s'intéresse à la condition paysanne en publiant "La Terre" en 1887, roman violent et crû pour lequel l'auteur sera montré du doigt par les critiques et certains écrivains contemporains ("Le Manifeste des Cinq", cinq écrivains autour d'Edmond de Goncourt et d'Alphonse Daudet). On conseille même à Zola de consulter un spécialiste, le Professeur Charcot, pour soigner ses pulsions morbides.

Contexte historique :
Après le coup d'Etat de Louis Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851, c'est la fin de la Seconde République. Un an plus tard, Louis Napoléon Bonaparte prend le nom de Napoléon III et se fait proclamer empereur des Français. La France connaît alors une période de développement économique. Les chemins de fer s'étendent. De grands travaux sont effectués, comme l'aménagement de Paris par le préfet Haussman. D'abord très autoritaire, Napoléon III devient ensuite plus libéral. En 1864, il accorde aux ouvriers le droit de grève.

L'histoire :
La vie au quotidien, année après année, saison après saison, de la fratrie Fouan (Michel, Louis, Marianne et Laure), de leurs descendants, de tout un village rural. Mais aussi, et surtout, c'est l'histoire de la Terre. Personnage central. Vivante et tant convoitée. Témoin ou complice de toutes les turpitudes, passions et pulsions humaines. A la fois récompense et punition de toute une population. Tout autant féconde, nourricière, source de tous les bonheurs ; qu'exigeante, capricieuse, destructrice, cruelle. Pour la posséder, certains sont capables des pires bassesses, même de tuer. D'autres, pour la servir, vont jusqu'au bout de leurs forces, jusqu'à leur dernier souffle. Quoi qu'il en soit, la Terre, toujours victorieuse, sera la dernière compagne de chacun des personnages...

Mon avis :
Véritable condensé d'humour, de violence, d'émotions, de drames, cet admirable chef-d'oeuvre féroce, cru, politique, est dédié à la Terre et au dur labeur des paysans.

Zola, un Maître, un modèle, un pur élixir, et une furieuse envie de relire toute son oeuvre !



"CLAUDE GUEUX" de Victor Hugo (Le Livre de Poche)


Victor Hugo en quelques dates

(Dans le cas de Victor Hugo, on ne peut faire l'impasse sur quelques rappels historiques pour mieux comprendre son oeuvre.)

Cent cinquante ans après la parution des "Misérables", il est toujours d'actualité. Ecrivain illustre quoique controversé, Victor Hugo, par l'ampleur de son oeuvre et de ses engagements politiques, a gardé une place d'honneur au panthéon des lettres françaises.

26 février 1802 : Naissance de Victor Hugo à Besançon (Doubs). Elevé à Paris, loin de son père, Léopold Hugo, officier dans l'armée napoléonienne.
1804 : Napoléon est sacré empereur.
1807 - 1808 : Voyages en Italie, puis en Espagne, pour rendre visite à son père.
1811 - 1812 : Campagne de Russie.
6 avril 1814 : Adieux de Fontainebleau - Les Cent Jours
18 juin 1815 : Waterloo
1814 - 1815 : Premiers essais littéraires, d'inspiration royaliste.
1822 : Publication des premières odes et mariage avec Adèle Foucher, son amie d'enfance.
1823 - 1826 : Premiers romans : "Han d'Islande", "Bug Jargal".
1827 : "Cromwell". La préface de cette pièce constitue le manifeste du romantisme.
1829 : "Les Orientales", "Le Dernier Jour d'un condamné".
1830 : Révolution de Juillet - Louis-Philippe
1830 : Début de la bataille d'"Hernani", la pièce qui oppose les partisans du romantisme - dont Hugo a pris la tête - et les tenants du classicisme.
1831 : Publication de "Notre-Dame de Paris".
Mars-juin 1832 : Procès puis exécution de Claude Gueux.
1832 : Préface au "Dernier Jour d'un condamné".
1833 : Rencontre la comédienne Juliette Drouet. Leur histoire d'amour durera cinquante ans.
1834 : Parution de "Claude Gueux".
1838 : Parution de "Ruy Blas"
1841 : Elu à l'Académie française après plusieurs candidatures malheureuses.
1843 : Mort de sa fille Léopoldine.
1845 : Hugo devient pair de France.
1848 : Révolution de 1848 - Seconde République
1848 : Maire du VIIème arrondissement, puis député de Paris à l'Assemblée constituante.
1849 : Député à l'Assemblée législative. Se rapproche de plus en plus de la gauche républicaine.
2 décembre 1851 : Coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte. Un an plus tard, il se fait couronner empereur sous le nom de Napoléon III.
1851 : Opposant au nouveau régime, Hugo quitte Paris pour Bruxelles, puis Jersey.
1852 - 1853 : Publications contre Napoléon III : "Napoléon le Petit", "Les Châtiments".
1853 : Expulsé de Jersey, s'installe à Guernesey.


Sans Guernesey, point de Hugo. Le charme tourmenté de l'île anglo-normande inspire tellement l'exilé qu'il l'amène à produire, en moins de quinze ans, une oeuvre colossale. Pour mieux épouser l'endroit, il y bâtit une demeure à sa mesure : excessive et remplie de mystères.



1856 : Parution des "Contemplations".
1857 : Procès de "Madame Bovary" (paru en 1856) - Condamnation des "Fleurs du mal" pour outrage aux moeurs.
1862 : Parution des "Misérables".
1864 : Parution de "William Shakespeare".
1866 : Parution des "Travailleurs de la mer".
1869 : Parution de "L'Homme qui rit".
1870 : Guerre contre la Prusse - 1er septembre : défaite de Sedan et destitution de Napoléon III - Troisième République
14 juillet 1870 : Hugo plante un chêne des Etats-Unis d'Europe dans sa maison de Guernesey. Le 5 septembre, il regagne Paris.
Mars-mai 1871 : Commune de Paris - L'insurrection est écrasée.
1871 : Représentant de Paris à l'Assemblée nationale réunie à Bordeaux. Opposé à  la majorité conservatrice, il démissionne. Pendant la Commune, réside à Bruxelles. Sans approuver les insurgés, plaide pour la clémence à leur égard.
1874 : Publication des "Quatre-vingt-treize".
1875 : Sénateur de la Seine.
1883 : Achève la publication de "La Légende des siècles" (amorcée en 1859).
22 mai 1885 : Mort de Victor Hugo. Funérailles nationales. A Paris, deux millions de personnes assistent au transfert de sa dépouille de l'Arc de Triomphe au Panthéon.




L'abolition de la peine de mort

Sous l'Ancien Régime, la prison ne constitue pas une peine à part entière. Il n'y a pas d'intermédiaire entre les peines légères (amendes, par exemple) et les supplices physiques. La peine capitale est prévue dans un grand nombre de cas, et elle n'est pas contestée.

Pendant la Révolution française, l'idée de l'abolition de la peine de mort a souvent été agitée, mais sans résultat. On n'a rarement autant décapité que sous la Révolution. Seul apport de taille : la guillotine. Cette machine a été conçue comme un progrès : elle donnait une mort instantanée et sans douleur, à la différence des supplices des époques antérieures.

Au cours du XIXème siècle, le débat se poursuit avec vivacité. Il conduit partout à une raréfaction des exécutions capitales. Dans certains pays, l'abolition officielle vient parfois confirmer une disparition de fait : Italie (1847, rétablie en 1852, supprimée en 1860) ; Grèce (1862) ; Roumanie (1864) ; Portugal (1866) ; Pays-Bas (1870) ; Suisse (1874, mais certains cantons avaient anticipé) ; Norvège (1905) ; Autriche (1919). Il faudrait également citer certains Etats des Etats-Unis, et beaucoup de pays d'Amérique du Sud.

La première moitié du XXème siècle a connu une tendance générale au rétablissement de la peine de mort.

Depuis la Seconde Guerre Mondiale, la peine de mort tend à disparaître d'Europe. Elle a notamment été abolie en Allemagne (1949) ; en Angleterre (1970) et en France (1981). Aux Etats-Unis, la situation varie selon les Etats. Dans d'autres pays du monde (Iran, certains pays d'Asie...), la peine de mort est toujours en vigueur.


"Claude Gueux" (Le Livre de Poche)

Paru en 1834, inspiré par un fait divers remontant à 1831, "Claude Gueux" est un récit aussi bref qu'engagé : à la fois un tableau de la misère et une magnifique leçon de civisme où Hugo dénonce les injustices sociales de son époque, dans le sillage du "Dernier Jour d'un condamné". "Nous avons cru devoir raconter en détail l'histoire de Claude Gueux parce que, selon nous, tous les paragraphes de cette histoire pourraient servir de têtes de chapitre au livre où serait résolu le grand problème du peuple du XIXème siècle" écrit Hugo à la fin de son récit, après avoir retracé le calvaire de Claude Gueux, un ouvrier au coeur noble contraint de voler pour que sa compagne et son enfant ne meurent pas de faim. Condamné à cinq ans de prison, il purgera sa peine à la centrale de Clairvaux, où il deviendra le souffre-douleur du directeur des ateliers, "un de ces hommes qui ne résonnent au choc d'aucune idée, au contact d'aucun sentiment, qui ont des haines mornes et des emportements sans émotion". Ce tortionnaire qui s'identifie à Napoléon, Claude Gueux finira par le tuer à coups de hache avant de tenter de se suicider avec des ciseaux de couturière et d'être envoyé à l'échafaud. "La morale de cette histoire, explique Hugo, c'est que le peuple souffre et que cette détresse le pousse au crime." Modèle de pédagogie, "Claude Gueux" est aussi un vibrant réquisitoire contre la peine de mort, un des livres les plus fraternels de l'auteur des "Misérables".

Gueux : Celui qui fait métier de demander la charité, utilisant au besoin la ruse.


Mon avis :
Ce récit, de l'aveu même de l'auteur, ne raconte pas l'histoire exactement telle qu'elle s'est passée. Construit comme une fable, espérant atteindre toutes les consciences, Hugo donne à ce plaidoyer contre la peine de mort toute sa force, toute sa passion, toute sa révolte. En parfait orateur, Hugo fait de Claude Gueux le représentant du peuple dans la misère, convaincu qu'avec une meilleure éducation et des peines plus justes et plus humaines, nombreux crimes et délits seraient évités.

Ce court texte d'une grande puissance se lit d'une seule traite, avec passion et effroi.
Un indispensable !


"Messieurs, il se coupe trop de têtes par an en France. Puisque vous êtes en train de faire des économies, faites-en là-dessus. Puisque vous êtes en verve de suppressions, supprimez le bourreau. Avec la solde de vos quatre-vingts bourreaux, vous paierez six cents maîtres d'école."
Victor Hugo
"Claude Gueux"


mercredi 27 mars 2013

"JANE EYRE" de Charlotte Brontë (Le Livre de Poche Classique)


"Charlotte Brontë a voulu relever le défi de créer une héroïne pas jolie et de la rendre intéressante. Elle a réussi. Malgré l'inégalité de leurs conditions sociales, Jane et Rochester sont égaux par l'esprit. L'amour naît entre eux par la parole. Rochester parle ; Jane écoute; il essaie de libérer l'oiseau de son rire enfermé derrière les barreaux d'une cage morale formée par son enfance misérable. Mais ses souffrances ont aussi donné à Jane un fondement inébranlable d'identité. C'est de sa force intérieure, de sa nature droite que l'ironique Rochester tombe amoureux. Ce roman raconte une grande histoire d'amour, où la tendresse l'emporte sur l'impossible, se devine dans le silence, l'ironie et l'absence. C'est l'histoire très romantique de deux âmes qui se devinent, se cherchent, se reconnaissent, se perdent et se retrouvent.
Catherine Cusset
Auteur de "Un brillant avenir" (Gallimard)


"Jane Eyre"

"Jane Eyre" est une évocation puissante et délicieuse de l'Angleterre victorienne à ses débuts. Brontë y dénonce les conditions scandaleuses dans lesquelles les pauvres subissent la loi des riches. Toutefois, une pudeur chrétienne - rappelons qu'elle est fille de pasteur - l'empêche d'aller trop loin dans ses critiques. Féministe avant l'heure, son regard social et psychologique sur les rapports des couples  lui ont valu, en son temps, les foudres de quelques chroniqueurs victoriens, mais l'admiration, plus tard, de femmes comme Virginia Woolf. Une féminité limitée par les interdits religieux et un remarquable manque d'intérêts pour la procréation, l'attitude de Charlotte Brontë envers les enfants est assez déconcertante. Certains ne manqueront pas d'y voir un funeste présage lorsque l'on connaît les circonstances de sa mort. Proche du conte de "Cendrillon", le succès de "Jane Eyre", jeune fille en marge, sans fortune et laide, est immédiat et l'histoire enflamme l'imagination de myriades de lectrices, elles-mêmes frustrées et révoltées contre l'injustice du sort.



Charlotte Brontë en quelques dates

1816 : Naissance le 21 avril dans le Yorkshire (nord de l'Angleterre). Elle est la troisième fille d'un pasteur. Maria et Elizabeth l'ont précédée. Branwell et Emily naîtront ensuite. Anne viendra au monde à Haworth où le pasteur Brontë exercera.
1821 : Madame Brontë meurt et sa soeur vient de Cornouailles pour tenir la maison de son beau-frère et s'occuper des enfants. Trois ans plus tard, les quatre filles aînées sont envoyées à l'école de Cowan Bridge.
1825 : Maria et Elizabeth succombent à une attaque de fièvre maligne à un mois d'intervalle. Les quatre autres enfants se retrouvent à Haworth où, sous la houlette de Charlotte, ils s'adonnent à la composition littéraire.
1835 : Elle est professeur dans le pensionnat où elle a fini ses études. Mais, hantée par l'écriture, elle peine à enseigner.
1842 : Elle part à Bruxelles avec Emily dans le pensionnat de Mme Héger. Elle s'éprend de M. Héger (il lui inspirera Rochester).
1846 : Elle écrit "Le Professeur" qui sera refusé par les éditeurs.
1847 : Parution de "Jane Eyre".
1849 : Anne meurt, après Branwell et Emily. Seule, Charlotte est désespérée. La même année paraît "Shirley". La popularité de ce roman a fait de ce prénom initialement de garçon un prénom de fille.
1853 : Parution de "Villette".
1854 : Charlotte, qui avait dans sa jeunesse éconduit deux prétendants, cède aux instances d'Arthur Belle Nicholls, vicaire de son père - survivant morose et souvent acariâtre de l'hécatombe familiale et presque aveugle - et l'épouse.
1855 : Elle décède le 31 mars, probablement enceinte.
1857 : Publication de : "Le Professeur".

L'histoire :
Jane Eyre est une jeune orpheline de dix ans. Confiée à sa tante par alliance, Mrs Reed, elle vit un enfer auprès de cette femme d'une sévérité effroyable et sans affection. Ses cousins, Eliza, John et Georgiana, ne lui épargnent non plus aucun sévice ni aucune humiliation. Face à cette famille si despotique et froide, même les domestiques ne se permettent aucun attendrissement envers la petite fille plus que malmenée. Jusqu'à ce matin de janvier, où dès l'aube, Jane est emmenée au pensionnat de Lowood...

Mon avis :
Une histoire haletante et pleine de mystères, d'une écriture à peine marquée par le temps qui se lit aisément et se dévore ! Les quelques longueurs du texte sont vite oubliées grâce au coup de théâtre qui, généralement, s'en suit.
Au-delà du romanesque teinté de gothique de l'intrigue, l'analyse psychologique de chaque personnage, tout en finesse et en justesse, tient une place majeure dans l'oeuvre de Charlotte Brontë. Sans être véritablement critique envers son époque, elle nous livre son regard acéré, presque un témoignage, sur cette Angleterre puritaine du XIXème siècle, sur sa bourgeoisie rurale, et sur le sort réservé aux femmes. Son héroïne, Jane Eyre, surmonte toutes les épreuves, toutes les humiliations, toutes les souffrances, toujours la tête haute. Elle ne se comporte jamais en victime. Elle fait face, avec dignité et volonté, à la rigidité et aux injustices de la société.

Un roman violent, cruel, d'une intelligence et d'une lucidité impressionnantes !
Un indispensable à toutes les bibliothèques !


Daphné du MAURIER


Daphné du Maurier

Dame Daphné du Maurier est une romancière reconnue, dans la Littérature Britannique, comme l'un des plus grands talents du XXème siècle. Ses romans se sont emparés de l'imagination de millions de lecteurs. Tandis que le roman anglais traitait (années 30) de l'engagement politique et du totalitarisme, des formes de société et des religions, Daphné du Maurier, à l'écart des influences, produisait une succession de romans parfaitement traditionnels, qui avaient pour ingrédients principaux l'amour, l'aventure, la nostalgie et le suspense. Elle avait le sens du mystère et de la magie des lieux, savait construire une histoire, créer une atmosphère. Mais ce n'est pas là la seule explication de son extraordinaire succès : elle sut faire appel, comme, en vérité, le firent les contes de fées, à ces rêves, à ces terreurs et à ces désirs, à ces forces obscures dans l'inconscient humain, sur lesquels fut fondée au XVIIIème siècle la vogue du roman gothique.
Née à Londres en 1907 et décédée en 1989 en Cornouailles, Daphné du Maurier est la fille de Gerald du Maurier, acteur célèbre à son époque, et la petite-fille de l'écrivain et dessinateur George du Maurier, lequel fut un ami de Henry James et auteur notamment de "Peter Ibbetson". Sa mère, Muriel Beaumont, est également actrice. Daphné du Maurier a deux soeurs, Angela (qui deviendra romancière elle aussi) et Jeanne. Elle fait ses études à Paris, et en 1928, ses premières nouvelles paraissent dans le magazine "Bystander" édité par son oncle. Son premier livre, "La chaîne de l'Amour" est publié en 1931 et obtient un succès immédiat. L'année suivante, elle épouse le général de division Frederick Browning. Ils auront trois enfants.
Plusieurs romans de Daphné du Maurier relèvent du suspense psychologique et criminel, notamment "L'Auberge de la Jamaïque", "Rebecca" (qui fut qualifié de "Jane Eyre du XXème siècle"), tous deux portés à l'écran par Alfred Hitchcock, et "Ma cousine Rachel". Ces trois textes emploient les ressorts propres au roman gothique dans un cadre moderne. D'autres récits ont recours à des éléments résolument fantastiques : le voyage dans le temps dans "La Maison sur le rivage" ; le double dans "Le Bouc émissaire" ; ou la vie après la mort dans "Le Pommier". La célèbre nouvelle "Les Oiseaux" s'avère moins un texte fantastique, comme peut le laisser croire son adaptation cinématographique par Alfred Hitchcock, qu'une oeuvre symboliste sur la guerre donnant lieu à une évocation voilée des attaques aériennes des forces allemandes sur la Grande Bretagne pendant la Seconde Guerre Mondiale. D'autres ouvrages s'apparentent à des chroniques ou des romans historiques. Daphné du Maurier a beaucoup écrit également sur son histoire familiale et sur ses origines françaises : "Gerald, a portrait" (1934), la vie de son père, et "Les du Maurier" (1937). Quelques années après sa mort, sa bisexualité est révélée dans une biographie rédigée par Margaret Forster et la publication de la correspondance de l'auteur. Le secret avait toujours été gardé en raison de l'homophobie de son père.

Sur ce blog, retrouvez "La Maison sur le rivage" à : mai 2011.


"Le Monde infernal de Branwell Brontë" de Daphné du Maurier (Phébus)

On connaît les soeurs Brontë : Charlotte, Emily et Anne. Mais l'on oublie souvent leur unique frère, Patrick Branwell, qui fut pourtant à l'origine de toute la créativité familiale. En 1960, la célèbre romancière anglaise Daphné du Maurier partait à la découverte de cette étrange personnalité.
Poète, romancier et peintre, Branwell Brontë (1817 - 1848) cumulait tous les talents. Et pourtant, tous seront gâchés, l'enfant prodige sombrant dans une sorte de folie.
Dans la solitude des landes désertes du Yorkshire (nord de l'Angleterre), Patrick Branwell invente avec ses soeurs un monde imaginaire. A dix-neuf ans, déjà doué pour la peinture, il s'essaie à la poésie. C'est à cet âge, en janvier 1937, qu'il adresse une lettre à Wordsworth, poète célèbre et vieillissant. Cette lettre restera, hélas !, sans réponse. La maladie mentale, l'alcool, les médicaments finiront par avoir raison de Branwell. Il sera le premier des quatre jeunes Brontë à mourir, quelques mois avant Emily, l'auteur des "Hauts de Hurle-vent", dont le personnage principal, Heathcliff, sauvage et passionné, est inspiré de Branwell. Charlotte, sa soeur préférée, deviendra célèbre avec "Jane Eyre", et Anne avec "Agnes Grey".


Daphné du Maurier et Alfred Hitchcock


Sorti en salles, en février dernier, "Hitchcock", film (biopic*) réalisé par Sacha Gervasi, avec Anthony Hopkins, Helen Mirren, Scarlett Johansson.

Un film vraiment excellent !



(biopic* = film réalisant la biographie d'une personne connue)



"Un film n'est pas une tranche de vie, c'est une tranche de gâteau."


Alfred Joseph Hitchcock est un scénariste et réalisateur américano-britannique né en 1899 à Londres. Maître du suspense, il est considéré comme l'un des plus grands réalisateurs de l'histoire du cinéma. Il commence dans le cinéma en créant des sous-titres pour les films muets et s'est rapidement initié à toutes les professions. Il signe son premier film comme réalisateur en 1925 avec "The Pleasure Garden" et affine son style en continuant à réaliser des dizaines de films pour des firmes anglaises, notamment, en 1939, "La Taverne Jamaïque", connu aussi sous le titre du roman de Daphné du Maurier : "L'Auberge de la Jamaïque". A la fin des années 30, il est déjà célèbre dans son pays natal et part aux Etats-Unis, où il réalise "Rebecca" en 1940. Les années 50 sont pour lui une période faste. Il y fera une série télévisée intitulée "Alfred Hitchcock présente", ainsi que ses plus grands chefs-d'oeuvre : "Le Crime était presque parfait" (1954) ; "Fenêtre sur cour" (1955) ; "Sueurs froides" (1958) ; "La Mort aux trousses" (1959) ; et les incontournables "Psychose" (1960) et "Les Oiseaux" (1963).

Réalisateur despotique ("Il faut traiter les acteurs comme du bétail.") et perfectionniste, il considérait le tournage comme une étape mineure, étant une simple mise en forme de son storyboard. Bien que considéré aux Etats-Unis comme le plus grand maître du suspense (avec une équipe talentueuse : son compositeur Bernard Herman, ses magnifiques actrices blondes et froides Grace Kelly et Ingrid Bergman, ses vedettes masculines James Stewart et Cary Grant), le monde du cinéma le voyait encore comme un simple fabricant.
Il devient, dans la France des années 50, un des cinéastes les plus vénérés par les critiques, en particulier par "Les cahiers du cinéma" et les futurs cinéastes de "la nouvelle vague". Regardé comme un auteur à part entière, avec ses thèmes récurrents (la culpabilité, la frontière entre le Bien et le Mal, la psychanalyse), il est surtout le maître d'un style bien à lui et fait l'objet de maintes études. François Truffaut réalisa un long livre d'entretiens avec le cinéaste, publié en 1966.
"Pas de printemps pour Marnie" (1964), "Le rideau déchiré" (1966), "L'Etau" (1969), "Frenzy" (1972) et "Complot de famille" (1976) finissent d'asseoir la réputation de celui que les américains surnomment "Hitch". D'ailleurs, en 1955, il obtient la nationalité de son pays d'accueil.

Décédé en 1980 à quatre-vingts ans des suites d'une insuffisance rénale, la légende Hitchcockienne perdure bien des années après sa mort. Truffaut, Chabrol, Polanski, Spielberg, Carpenter, Craven, De Palma sont autant de cinéastes qui puisent allègrement dans l'oeuvre du maître. Gus Van Sant ira même jusqu'à reprendre plan par plan le film "Psychose" pour son "Psycho" sorti en 1998.

Le film "Psychose" est inspiré de "Psycho", livre de Robert Bloch lui-même inspiré du tueur en série Ed Gein, dit "le boucher de Plainsfield".


"L'angoisse n'est pas supportable sans l'humour. C'est le mélange qui fait le plaisir." 



"REBECCA" de Daphné du Maurier (Le Livre de Poche)


Affiche du film d'Hitchcock

L'histoire :

Une jeune fille timide, dame de compagnie de la très snob Mrs Van Hopper, en vacances à Monte-Carlo, tombe amoureuse d'un riche veuf de vingt-ans son aîné, Max de Winter. D'humeur inégale, Max peut être tantôt drôle, charmant, généreux ; tantôt taciturne, distant, insensible. C'est lors d'un de ces moments d'abandon qu'avec un étrange détachement il donne à sa jeune compagne un recueil de poésies que lui avait offert sa défunte épouse Rebecca. Quelques semaines à peine après leur première rencontre, Max demande la douce demoiselle en mariage, contrarié de la voir partir le lendemain pour New York. La jeune employée de Mrs Van Hopper ignore si elle accepte cette union par amour véritable ou par impatience de vivre dans le luxe de Manderley, la fameuse propriété des de Winter, dont tout le monde parle avec passion...

Mon avis :
Tout commence comme une gentille histoire sentimentale. Jusqu'à cet instant précis où, enfermée dans sa petite chambre d'hôtel tandis que son fiancé et sa patronne discutent sans doute du mariage à venir, la jeune fille arrache une page du recueil de poésies et brûle la dédicace écrite de la main de la défunte Rebecca à son époux. Un mauvais sort est-il jeté ? D'instinct, le lecteur sait alors que tout va basculer. Et c'est là tout le génie de Daphné du Maurier. Nous lancer sans cesse sur de fausses pistes. Distiller des indices contradictoires. Avec elle, les petits gestes anodins du quotidien deviennent angoisse et terreur. La naïveté et l'innocence de la jeune héroïne ne peuvent nous laisser indifférents. Entre réalité et cauchemars, l'atmosphère est effrayante.

Très réussi ! A lire le soir, c'est évident !


"L'AUBERGE DE LA JAMAÏQUE" de Daphné du Maurier (Le Livre de Poche)

Affiche du film d'Hitchcock


L'histoire :
Dix-sept ans après la mort de son époux, la veuve Yellan s'éteint à son tour, usée par une existence rude, tout entière consacrée à la ferme familiale. Malgré ses sacrifices, elle laisse à sa fille une affaire en déclin. Respectant la promesse faite à sa mère mourante, la jeune Mary Yellan quitte ses terres natales pour aller vivre en Cornouailles, dans la sinistre et crasseuse "Auberge de la Jamaïque", chez sa Tante Patience et son mari Joss Merlyn, un géant brutal et grossier...

Mon avis :
Les fantômes d'Alexandre Dumas, de Walter Scott et d'Emily Brontë hantent, pour notre plus grand plaisir, cet angoissant roman d'aventure. Tous les ingrédients du Romantisme s'y retrouvent : XIXème siècle, taudis répugnant, bourgeois inquiétants, paysans laborieux, voleurs rusés, hiver redoutable, lande désertique, marécages invisibles, brouillard impénétrable, falaises abruptes, mer déchaînée, jeune orpheline aux prises avec une bande d'ivrognes et d'assassins, bad boy au charme ravageur, suspense haletant, rebondissements effrayants, coups de théâtre terrifiants, atmosphère cauchemardesque.

Un vrai délice !


"LE TOUR D'ECROU" de Henry James (Librio)


Henry James, l'ami de la famille du Maurier


"Il avait conscience que la tendresse des vies en fleur est constamment à la merci de la tyrannie individuelle et il détestait toute tyrannie d'un être sur un autre [...]. Son Utopie était une anarchie où personne ne serait responsable de quiconque, sauf de son propre caractère civilisé."
Theodora Bosanquet
Secrétaire de Henry James
"Henry James à l'ouvrage" (Seuil)


Henry James (New York 1843 - Londres 1916). D'origine américaine, naturalisé britannique à la fin de sa vie, cet écrivain est considéré comme l'une des figures majeures du réalisme littéraire du XIXème siècle. On le connaît surtout pour une série de romans importants, d'une grande acuité psychologique, notamment "Washington Square" (1880), "Les Bostoniennes" (1885 - 1886), "Portrait de femme" (1880 - 1881), dans lesquels il décrit, entre autres, la rencontre de l'Amérique avec l'Europe. Le style de ses oeuvres tardives l'a fait comparer à un peintre impressionniste. "Le tour d'écrou", nouvelle parue en 1898, est un texte majeur de la littérature fantastique.


L'histoire :
Réunis pour les fêtes de Noël dans une vieille maison isolée, des amis s'amusent à se raconter des histoires macabres. C'est ainsi que, pour la première fois, Douglas va lire à son auditoire captivé, le récit terrifiant que lui a confié une amie il y a de cela fort longtemps. Le manuscrit, émouvant avec sa couverture rouge fané, relate les premiers pas de la vieille dame en qualité de gouvernante. Elle n'avait alors que vingt ans. Elle avait été engagée par un élégant gentleman au charme redoutable. Il lui confiait la responsabilité de deux jeunes enfants dont il venait d'être le tuteur bien malgré lui et qu'il avait installés dans la demeure familiale à la campagne...

Mon avis :
Au-delà d'un récit fantastique terrifiant, Henry James utilise sa plume irréprochable pour dénoncer les violences faites aux enfants et leur poids irréversible, maléfique et destructeur sur leur développement psychologique. James construit une machination diabolique qui mêle beauté, innocence, douceur, mais aussi laideur, perversité, horreur. Entre la lâcheté, l'ignorance ou l'indifférence de nombre d'adultes face à cette souffrance, ou au contraire aux erreurs fatales que d'autres peuvent commettre dans leur désir de bien faire, il y a la lente progression inexorable vers la folie chez certains de ces enfants qui auraient trouvé refuge dans un monde bien réel à leurs yeux fait de spectres d'ennemis devenus des amis redoutables.
Ou bien tout ceci n'est-il qu'un conte effrayant pour soirées hivernales entre amis au coin du feu...
Cent cinquante pages d'une force et d'une profondeur telles que l'on ne peut que frissonner d'épouvante. Un texte qui marque l'esprit longtemps encore après sa lecture.

Un chef d'oeuvre !


"LA DACTYLOGRAPHE DE MR JAMES" de Michiel Heyns (Philippe Rey)


Theodora Bosanquet (rebaptisée Frieda Wroth dans le roman de Michiel Heyns) : L'énergique, la lucide, l'indépendante Theodora Bosanquet (1880 - 1961) fut la secrétaire de Henry James de 1907 jusqu'à la mort de l'écrivain en 1916. Dans "Henry James à l'ouvrage", elle donne le témoignage unique des méthodes de travail de James, depuis les détails les plus prosaïques jusqu'à ceux de la conception du projet artistique et de son exécution. Avec une finesse, une discrétion, une tenue exceptionnelle, elle montre la force, l'incorruptible détermination, nécessaires à l'accomplissement de l'oeuvre. Elle montre un homme profondément amical, un grand artiste dont la générosité se double d'une stupéfiante modestie. Plus que de l'admiration, c'est une véritable adhésion de la part de Theodora Bosanquet au travail de Henry James, sur laquelle l'écrivain s'appuya sans réserve.



"Lorsqu'il s'échappait du refuge de son travail pour voir le monde autour de lui, il ne voyait qu'un lieu de tourments, où des prédateurs plantent sans cesse leurs griffes dans la chair frémissante d'enfants de la lumière condamnés et sans défense... Ses romans ne sont qu'un exposé récurrent de cette faiblesse, un plaidoyer passionné et réitéré pour l'entière liberté du développement, à l'abri de la bêtise aveugle et barbare."


Theodora Bosanquet
Secrétaire de Henry James
"Henry James à l'ouvrage" (Seuil)



Michiel Heyns  a grandi en Afrique du Sud et a fait ses études à l'université de Stellenbosch puis à Cambridge. Professeur d'Anglais à l'université, il a pu se consacrer pleinement à l'écriture en 2002 après le succès de son premier roman, "Jour d'enfance" (Philippe Rey).

L'histoire
Qui, de la dactylographe ou de la Remington, était la plus remarquable ? Qui, de la femme ou de la machine, méritait le plus de considération ? Qui était la plus fonctionnelle ? Les personnages fictifs recevaient sans doute plus de compassion et de sensibilité que la secrétaire ! Frieda Wroth attendait, prête à recueillir les pensées du grand écrivain Henry James et à les transcrire à l'aide de la solide machine à écrire. Non que le romancier fut désagréable. Il était même fort courtois. Mais, naïvement, Frieda avait imaginé partager avec le célèbre auteur, telle une complice intellectuelle, le secret de la création. Alors que les touches de la machine crépitaient, la dictée fut interrompue par l'arrivée d'un certain Fullerton, et Frieda aimablement invitée à partir...

Mon avis :
L'ensemble, hélas, manque de chaleur, de rythme et de romanesque, et l'écriture est un peu confuse. Toutefois, l'idée est originale. La personnalité de Frieda Wroth est pétillante et attachante. C'est une jeune fille ambitieuse et romantique qui n'aspire qu'à croquer la vie à pleines dents et à être indépendante, libre de ses choix. Sa proximité auprès du remarquable écrivain la rend exceptionnelle.

Un destin hors du commun à découvrir !