jeudi 6 juillet 2017

Juillet 2017 - "Les livres de l'été : Destins"


"Les enfants de Longbridge" de Jonathan Coe (Folio)


Diptyque composé de "Bienvenue au club" et "Le Cercle fermé" (922 pages)

Jonathan Coe est né en 1961 à Lickey, près de Birmingham (Royaume-Uni). Il est l'un des auteurs majeurs de la littérature britannique actuelle. Ses oeuvres mettent en scène des personnages en proie aux changements politiques et sociaux de l'Angleterre contemporaine. S'il sait se faire grave et mélancolique, dans "La ferme de hasard" (2007), c'est avec "Testament à l'anglaise" (1995), Prix du Meilleur Livre étranger 1996, où il présente une peinture au vitriol de l'époque thatchérienne, que son talent de romancier se fait connaître. Suivent "La maison du sommeil" (1998), Prix Médicis étranger 1998, le diptyque "Bienvenue au club" (2003) et "Le Cercle fermé" (2006), "La pluie, avant qu'elle tombe" (2009), "La vie très privée de Mr Sim" (2011), histoire picaresque d'un incorrigible ingénu, "Expo 58" (2014), parodie de roman d'espionnage dans l'Angleterre des années 1950, et "Numéro 11" (2016).

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Rappel historique : Le Royaume-Uni du début du XXème siècle à nos jours

Après une ère de puissance quasi incontestée, le Royaume-Uni doit faire face à de nouveaux concurrents, notamment l'essor spectaculaire des anciens sujets américains avec lesquels il s'enorgueillit désormais de nouer une "relation spéciale". Il voit sa prééminence s'affaiblir : il est privé de la plus grande partie de son extension irlandaise dès 1921, affecté par la grande dépression des années 1930, saigné par son engagement contre les Empires centraux et les pays fascistes dans les guerres mondiales. Perdant par la suite l'ensemble de son Empire colonial, celui qui fait longtemps figure d'"homme malade" de l'Europe, rejoint néanmoins la Communauté économique européenne en 1973.

Pour rénover l'industrie et juguler le chômage, les Travaillistes - au pouvoir de 1964 à 1970, puis de 1974 à 1979 - comme les Conservateurs - de 1970 à 1974 - renforcent l'interventionnisme : Harold Wilson nationalise à nouveau la sidérurgie en 1969, Edward Heath fait de même avec Rolls-Royce en 1972, puis avec l'industrie aéronautique, l'automobile, les chantiers navals... En 1977, pour conserver le pouvoir, le parti travailliste doit conclure un accord avec le parti libéral. Un Front national xénophobe apparaît. Ecossais et Gallois élisent des députés nationalistes. Les dépenses publiques atteignent près de la moitié du PNB. Le pays est contrait de négocier des aides auprès du Fonds monétaire international (FMI), mais ne parvient pas à faire accepter les plans d'austérité budgétaire et salariale demandés par celui-ci. Les syndicats multiplient les grèves (1970 ; hivers 1973-1974 et 1978-1979).

A l'arrivée de Margaret Thatcher à sa tête (1979) et la révolution conservatrice qu'elle engage jusqu'en 1990, démantelant une partie de l'édifice de l'Etat providence mis en place à partir de 1945, la Grande-Bretagne fait office, avec les Etats-Unis de Ronald Reagan, de laboratoire d'un néo-libéralisme triomphant. Une option que ne semblent pas renier complètement les Premiers ministres qui se sont succédé depuis. Et ce, malgré la grande récession qui, à partir de 2008, paraît pourtant mettre en cause ses excès et conduire durablement le royaume et ses sujets vers des années difficiles.

Quelques Premiers ministres :

Harold Wilson (Travailliste - de 1964 à 1970)
Edward Heath (Conservateur - de 1970 à 1974)
Harold Wilson (Travailliste - de 1974 à 1976)
James Callaghan (Travailliste - de 1976 à 1979)
Margaret Thatcher (Conservateur - de 1979 à 1990)
John Major (Conservateur - de 1990 à 1997)
Tony Blair (Travailliste - de 1997 à 2007)
Gordon Brown (Travailliste - de 2007 à 2010)
David Cameron (Conservateur - de 2010 à 2015 et de 2015 à 2016)
Theresa May (Conservateur - depuis 2016)

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L'histoire :

Berlin, 2003

Quatre Britanniques se retrouvent par hasard dans un salon de thé berlinois. Une mère et sa fille, et un père et son fils. La mère et le père se sont brièvement connus à l'époque du lycée, à Longbridge, au centre de l'Angleterre. Puis, ils se sont perdus de vue pendant vingt-neuf ans jusqu'à ce jour. La fille, Sophie, et le fils, Patrick, sympathisent immédiatement. Ensemble, avec ce qu'ils savent chacun de la vie de leurs parents, ils vont remonter le temps et tenter de dérouler le fil de leur histoire. Tout commence le 15 novembre 1973...

Mon avis :

Tels une danse tour à tour sensuelle, joyeuse, douloureuse ou féroce, parfois collective, parfois en couple, parfois en solo, les destins d'une poignée d'amis d'enfance de Longbridge s'entrecroisent. Un pas en avant, deux pas en arrière, au rythme des événements et de leurs émotions, les personnages se racontent. Leurs espoirs, leurs premiers émois, leurs rivalités, leurs premières expériences d'adolescents. Leurs succès, leurs échecs, leurs incertitudes, leur nostalgie de quadragénaires. Quoi qu'ils fassent, quel que soit le chemin qu'ils choisissent, tout les ramène à leur ville, au temps de leur jeunesse.

En toile de fond de ces existences fragiles, il y a l'Histoire de l'Angleterre, du début des années 1970 au milieu des années 2000 : la question de l'Irlande et la peur des attentats, l'effondrement économique, le chômage, les troubles sociaux, le racisme, la montée de l'extrême droite et de l'antisémitisme, les enjeux politiques, la guerre en Irak.

Dans cette fresque aux nombreuses références à la culture, au théâtre, à la poésie, à la littérature, la musique tient une place essentielle.

Un diptyque savoureux, drôle, alternant subtilement légèreté et gravité. L'auteur porte un regard passionné mais lucide sur son pays. On quitte avec grand regret ces héros que nous avions appris à aimer page après page. A lire absolument !

"L'équilibre du monde" de Rohinton Mistry (Livre de Poche)


(881 pages)

Rohinton Mistry est né à Bombay en 1952. Aujourd'hui installé à Toronto, il est un des auteurs les plus impressionnants de cette littérature indienne anglophone qui, bien que poussée par les vents de la diaspora, ne cesse d'évoquer les multiples tumultes du sous-continent. De cette terre-là, Mistry est un peintre tout simplement éblouissant : l'étendue de sa palette mérite qu'on le compare à Dickens.

Finaliste du Booker Prize en 1996, son "Equilibre du monde" renoue avec la tradition du roman total, panoramique, visionnaire à force d'être réaliste. Quand le rideau tombe, le lecteur découvre une Inde à feu et à sang : Indira Gandhi vient de décréter l'état d'urgence, livrant son pays à deux années de terreur, entre 1975 et 1977...

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Rappel historique :
(Nehru et Gandhi)

Mohandas Karamchand Gandhi, surnommé le Mahatma ("La Grande Ame") est un apôtre national et religieux de l'Inde (Porbandar, 1869 - Delhi, 1948). Avocat de formation, Gandhi exerce pendant vingt ans en Afrique du Sud, période pendant laquelle il expérimente la résistance passive et non violente pour lutter contre les autorités. Revenu en Inde en 1915, il s'engage dans la lutte contre la domination britannique et devient l'autorité morale du parti du Congrès. Son attachement aux traditions, sa vie de pauvreté et ses multiples emprisonnements lui valent une grande popularité. A partir de 1930 surtout, il mobilise les Indiens dans la désobéissance civile. Il joue un grand rôle dans l'accession à l'indépendance en 1947, mais la partition entre l'Inde et le Pakistan est pour lui un échec cuisant. Il est assassiné en 1948 par un fanatique hindou.

Indira Gandhi, née Indira Nehru en 1917 à Allâhâbâd, est une femme politique indienne. Premier ministre de l'Inde à deux reprises (1966-1977 et 1980-1984), elle est assassinée lors de son deuxième mandat le 31 octobre 1984 à New Delhi.

Elle est l'unique enfant de Jawaharlal Nehru et de son épouse Kamala. Son père lutte aux côtés du Mahatma Gandhi pour l'indépendance de l'Inde, qui fait alors partie de l'Empire britannique. Membre important du parti indien du Congrès, Nehru est emprisonné plusieurs fois par les autorités britanniques.

Indira Nehru étudie à l'université en Inde, puis à Oxford et en Suisse. De retour dans son pays, elle s'inscrit au parti du Congrès en 1937 et participe à la lutte pour l'indépendance. Elle est emprisonnée pendant quelques mois en 1942 en raison de ses activités nationalistes. La même année, elle épouse un journaliste, Feroze Gandhi (il n'a pas de lien de parenté avec le Mahatma Gandhi). Ils ont deux fils, Rajiv Gandhi (1944-1991) et Sanjay Gandhi (1946-1980).

L'indépendance de l'Inde est reconnue en 1947. Jawaharlal Nehru devient Premier ministre (il le reste jusqu'à sa mort en 1964), et sa fille est sa plus proche collaboratrice. De 1959 à 1960, elle préside pendant quelques mois le parti du Congrès. Feroze Gandhi, son mari, meurt en 1960.

Après la mort de son père en 1964, elle fait partie du gouvernement de son successeur et devient ministre de l'Information et de la Communication. En 1966, elle accède au poste de Premier ministre et en même temps, elle est ministre des Affaires étrangères (1967-1969), puis ministre des Finances (1970-1971). L'Inde étant menacée par la famine, Indira Gandhi obtient des Etats-Unis une aide alimentaire, puis elle met en place une réforme agraire. Elle fait nationaliser les grandes banques indiennes.

En conflit avec un leader important de la droite de son propre parti, Morarji Desai, elle est exclue du parti du Congrès. Elle forme alors avec ses partisans le Nouveau Congrès, sur lequel elle s'appuie pour gouverner. En 1974, l'Inde fabrique sa première bombe atomique.

Suite à des soupçons de fraude électorale, l'élection d'Indira Gandhi est invalidée en 1975. Elle refuse de quitter le pouvoir et décrète l'état d'urgence. Les libertés sont réduites, l'opposition est contrôlée, certains opposants sont emprisonnés, et les élections sont reportées. Il s'agit de la période la plus controversée de l'histoire récente de l'Inde. L'état d'urgence prend fin en 1977. Battue aux élections, Indira Gandhi perd son poste de Premier ministre. En 1978, elle redevient la présidente du parti du Congrès, puis ensuite Premier ministre en 1980, lorsque son parti gagne à nouveau les élections. 

Sur le plan mondial, Indira Gandhi est reconnue comme une personnalité importante des pays émergents du sud. A l'intérieur du pays, de graves tensions existent entre les communautés hindoues et sikhs. Ces derniers réclament - parfois par la violence - leur autonomie. 

En juin 1984, l'armée indienne massacre un groupe de sikhs armés dans un temple sacré. Parmi les victimes se trouvent aussi d'autres personnes venues simplement pour se recueillir. Quelques semaines plus tard, Indira Gandhi est assassinée, par balles, par deux gardes du corps sikhs.

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("Gare de Bombay" par Michèle Duretête-Brodel)

L'histoire :

Bombay, Inde - 1975

Comme chaque jour, le train de banlieue est bondé. Soudain, il s'arrête si brusquement que les voyageurs sont violemment bousculés et les bagages, projetés un peu partout, blessent quelques personnes. Un corps vient d'être découvert sur la voie. C'est hélas une tragédie assez fréquente, mais, aujourd'hui, certains passagers s'inquiètent de l'état d'urgence annoncé le matin même à la radio.

Voilà les circonstances dans lesquelles font connaissance Maneck Kohlah, un jeune étudiant, et Ishvar et Omprakash Darji, un oncle et son neveu, tous deux tailleurs. Le plus grand des hasards conduit les trois hommes à un rendez-vous à la même adresse auprès de Mrs Dina Dalal.

L'arrivée de Maneck chez elle plonge Dina dans une profonde nostalgie. L'étudiant est le fils d'une de ses amies d'enfance. Une époque où elle était si heureuse avec son père adoré, le Docteur Schroff, médecin généraliste humble, humain et dévoué au point d'en oublier sa propre santé.

La mère de Dina était plus rude. Quant à son frère, Nusswan, son aîné de onze ans, elle n'a jamais été proche de lui. Mais après la mort prématurée de leur père, puis de celle de leur mère, atteinte de démence, Nusswan devient le tuteur autoritaire et cruel de sa petite soeur. Commença alors pour Dina une dure bataille pour gagner son indépendance et préserver en elle toutes les beautés que son père lui avait enseignées.

Quelques années plus tard, Dina tombe amoureuse de Rustom Dalal, un jeune préparateur en pharmacie, cultivé, gentil, qui lui rappelait beaucoup son père. Mais le bonheur fut de courte durée. Trois ans après leur mariage, Rustom mourut dans un accident de la circulation et Dina se trouva à nouveau l'obligée de son frère, chef de famille intransigeant, et de sa belle-soeur.

Au bout de seize mois, n'y tenant plus, Dina décida de reprendre l'appartement de son défunt mari et de se libérer de la tyrannie de Nusswan. Très vite, il lui fallut un travail pour payer son loyer. Aussi rendit-elle visite à l'oncle et la tante de Rustom, un couple généreux et attachant. La Tante Shirin lui proposa immédiatement de la seconder dans son entreprise de confection. Trop âgée, elle pensait tout abandonner mais que Dina prenne sa suite la comblait de joie.

A la mort de Tante Shirin et d'Oncle Darab, Dina dirigea l'affaire, mais elle se sentit très seule. Elle n'était pas toujours en mesure de régler toutes ses factures et devait régulièrement requérir de l'aide auprès de son frère, ravi, à cette occasion, d'humilier sa soeur. Malgré cela, Dina ne lâcha rien et se jeta à corps perdu dans son labeur...

Mon avis :

Cet ouvrage, en plus d'être une très belle fresque romanesque, est aussi un livre d'Histoire, celle de l'Inde contemporaine, des luttes du Mahatma Gandhi à l'assassinat d'Indira Gandhi.

Nous rencontrons d'abord Dina, jeune veuve avide d'indépendance, dont nous devinons qu'elle sera l'héroïne principale du roman. Puis entrent en piste : deux intouchables, Ishvar et Omprakash ; un étudiant, Maneck ; un avocat aphone, Vasantrao Valmik ; un mendiant cul-de-jatte, Shankar ; un ramasseur de cheveux, Rajaram... et tant d'autres, tous issus de régions, de conditions sociales, de culture et d'éducation différentes. Chacun fait le récit de sa vie, de celle de sa famille, de ses ancêtres.

De ce puzzle apparaît l'image de l'Inde, sa beauté, son art, ses traditions, ses valeurs, mais aussi sa violence, ses cicatrices indélébiles, et la difficulté (voire l'impossibilité) pour les femmes, les intouchables et les basses castes de s'émanciper. Le réalisme est cru, parfois insoutenable, mais toutefois apaisé par un humour très présent. Certaines scènes sont réjouissantes de rocambolesque malgré les drames qui planent au-dessus de la tête de chaque personnage.

Un roman bouleversant et passionnant !

"L'espoir des Neshov" de Anne B. Ragde (Fleuve)


Anne Birkefelt Ragde :
Dans son pays, Anne B. Ragde est une star grâce à sa "Trilogie des Neshov". L'histoire repose sur des ressorts universels : la famille et les secrets. Née en 1957 en Norvège, elle a commencé sa carrière littéraire en publiant des romans pour enfants. Elle a ensuite connu un succès d'estime avec une très belle biographie de sa compatriote Sigrid Undset, l'une des romancières nordiques les plus célèbres et Prix Nobel de Littérature en 1928 ("Le femme fidèle", "Le buisson ardent"). Mais c'est sa trilogie sur les Neshov qui lui apporte la gloire. Des millions d'exemplaires sont vendus dans le monde et le feuilleton télévisé qui en est tiré enchante les téléspectateurs norvégiens. Elle est également lauréate du Prix Riksmal (équivalent du Goncourt français). Forte d'un lectorat fidèle, abondant et passionné, Anne B. Ragde vient d'ajouter un quatrième volume à sa saga, "L'espoir des Neshov". Un cinquième est annoncé pour 2018.

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Précédemment...

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Tome 1 - "La terre des mensonges" (352 pages)

L'histoire :

A quelques jours de Noël, les membres de la famille Neshov, devenus des étrangers les uns pour les autres depuis des années, sont contraints de se faire à nouveau face au chevet d'Anna, leur mère mourante :
  • Le père, Thormod, n'a jamais été qu'une ombre dans ces lieux austères dirigés par la mère, véritable despote.
  • Tor, le frère aîné, cinquante-cinq ans, taciturne et rustre, s'épuise à s'occuper seul de la ferme et de ses parents.
  • Margido, cinquante-deux ans, froid et volontairement solitaire, dirige une entreprise de pompes funèbres et n'a pas remis les pieds à la ferme depuis sept ans.
  • Erlend, quarante ans, beaucoup plus jeune que ses frères, a quitté la Norvège pour le Danemark où il est décorateur d'intérieur et de vitrines de luxe. Au-delà de ses caprices et de ses extravagances, c'est un homme généreux et sensible. Il partage son amour de la vie depuis douze ans avec Carl (Krumme), journaliste et rédacteur en chef d'un journal de Copenhague. Son homosexualité est en partie la raison de son départ de la ferme il y a vingt ans.
  • Torunn Breiseth, trente-sept ans, assistante vétérinaire à Oslo, est la fille de Tor Neshov. Père et fille ne se parlent au téléphone que depuis deux ans, et Torunn n'était jamais venue à la ferme jusqu'à ce jour...

Mon avis :

Alors que les gens préparent Noël, alors qu'ils se pressent pour leurs derniers achats, sous la neige, les bras chargés de paquets chatoyants, dans les boutiques illuminées, alors que les maisons se parfument d'épices et que les feux crépitent dans les cheminées, les Neshov souffrent, chacun à leur manière, et pour des raisons différentes que nous découvrons au fil des pages.

Une histoire intense, très bien écrite, se déroule sous nos yeux. Derrière les paillettes scintillantes de Noël et la beauté virginale de la nature norvégienne, il y a la noirceur des Hommes, les démons du passé, le choc des révélations. Mais aussi une infinie tendresse, une grande sensibilité, et de délicieux moments d'humour et d'émotions.

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Tome 2 - "La ferme des Neshov" (360 pages)

L'histoire :
Après la mort de la tyrannique Anna Neshov et les bouleversantes révélations, la vie doit reprendre son cours. Une nouvelle année commence. Mais plus rien n'est comme avant pour les frères Neshov. Ils vont devoir confronter leurs douleurs intimes, dont on pressent bien qu'elles sont liées à l'enfance, à l'histoire familiale, et à l'arrivée de Torunn...

Mon avis :
Le personnage d'Erlend, particulièrement attachant et drôle, apporte de la fraîcheur à cette extraordinaire aventure romanesque qui mêle passions et coups de théâtre, et qui monte en puissance et en intensité. Alors qu'un événement merveilleux s'annonce, le point final de ce second volume est terrifiant. Le suspense est à son comble. Vite ! Au troisième tome sans plus attendre !!!

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Tome 3 - "L'héritage impossible" (336 pages)

L'histoire :
Un épisode cruel et douloureux va totalement désorienter les membres de la famille Neshov, incapables de prendre une décision quant à l'héritage bien trop lourd émotionnellement pour eux. L'univers de chacun est proche de basculer. Aussi, les masques vont-ils tomber un à un. Les frères révèlent leur indifférence, leur égoïsme, leur cynisme. Quant à Torunn, elle s'enfonce de plus en plus dans un sentiment de culpabilité, se laisse dévorer par les responsabilités croissantes, et refuse les rares mains tendues...

Mon avis :
L'auteur souligne bien les difficultés d'hériter d'une exploitation agricole. Il ne s'agit pas là d'hériter d'une somme d'argent, ou d'un bien mobilier ou immobilier, mais d'hériter d'un métier, d'une terre, d'animaux, d'une vie entièrement consacrée au travail. Soit on accepte l'héritage et on renonce à tout le reste. Soit on le refuse. Mais quel que soit le choix, aux questions financières et matérielles s'ajoutent des questions morales et intimes. Un dernier volume sombre, redoutable et désespéré qui nous épargne la mièvrerie des "happy end" et qui nous secoue par son réalisme. 

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Tome 4 - "L'espoir des Neshov" (351 pages)

L'histoire :

En Norvège, près de Trondheim, Tormod Neshov, le père, aujourd'hui âgé de quatre-vingt-cinq ans, vit paisiblement et heureux dans sa maison de retraite, le souvenir toujours aussi vif et présent de celui qu'il a aimé autrefois, un jeune soldat allemand pendant l'Occupation.

A Coppenhague, au Danemark, Erlend et Krumme filent le parfait amour et sont les papas comblés de trois adorables bambins, Nora, Ellen et Leon.

Seul à Trondheim, Margido sombre dans la dépression. Son entreprise de pompes funèbres est son unique raison de vivre. Mais pour combien de temps encore ?

Torunn s'est installée à Maridalen, au nord d'Oslo, avec Christer, trader et passionné de courses de chiens de traîneaux. Leur relation est confortable mais sans amour. A quarante ans, Torunn est perdue, incapable de trouver sa place, incapable d'entreprendre. Peut-être ce séjour chez sa meilleure amie, à Oslo, lui apportera-t-il une nouvelle énergie...

Mon avis :

Un quatrième opus un brin longuet qui n'a pas la force ni le dynamisme des précédents. Le contenu est beaucoup trop plat. Les personnages ne sont plus aussi savoureux. Ils ont perdu leur flamme. La magie semble rompue. Néanmoins, les retrouvailles entre Torunn et son grand-père sont très réussies et émouvantes et l'on pouvait espérer qu'elles soient le point de départ d'une nouvelle intrigue, par le biais de leur passion commune pour les livres d'Histoire par exemple. Peut-être est-ce pour le cinquième tome...

Si ce nouveau roman de Anne B. Ragde ne comble pas notre attente, il ne doit en rien nous faire oublier la qualité des trois premiers titres. Lecture estivale parfaite, "Terre des mensonges", "La ferme des Neshov" et "L'héritage impossible" réunissent tous les ingrédients d'une excellente saga : secrets de famille, démons du passé, pouvoir de l'argent, passions, tragédies, émotions, humour, suspense, coups de théâtre... et puis cette Nature nordique stupéfiante de beauté et de caractère !