jeudi 4 février 2016

Prochaines présentations : fin mars 2016






"Littérature et Cinéma"

"Yeruldelgger" de Ian Manook (Le Livre de Poche) - Premier roman et Prix Audiolib 2015


Prix SNCF du polar 2014
Prix des lecteurs Quais du Polar/20 minutes 2014
Prix des lecteurs Notre Temps 2014
Prix des lecteurs du polar historique de Montmorillon 2014
Prix littéraire de l'Archipel Saint-Pierre et Miquelon
Récit de l'Ailleurs 2014
Grand prix des lectrices Elle policier 2014
Premier prix Polar Fnac Connection Lyon du roman policier 2014
Prix des lecteurs Gouttes de Sang d'Encre 2014


Ian Manook (de son vrai nom Patrick Manoukian, frère aîné d'André Manoukian), né à Meudon en 1949, est un journaliste, éditeur et écrivain français. Grand voyageur, dès l'âge de dix-huit ans, Patrick Manoukian parcourt les Etats-Unis et le Canada pendant deux ans, sur 40 000 km en auto-stop. Il fait des études de droit et de sciences politiques à la Sorbonne, puis de journalisme à l'Institut français de presse.
Il repart ensuite en voyage en Islande, au Belize et au Brésil. De retour en France, il collabore en tant que journaliste à des rubriques touristiques dans différents journaux. En 1987, il crée deux sociétés : Manook, une agence d'édition spécialisée dans la communication autour du voyage, et les Editions de Tournon, une maison d'édition pour la jeunesse.
Edité à soixante-cinq ans, Ian Manook n'en a pas moins écrit une vingtaine d'histoires tout au long de sa vie familiale et professionnelle riche de réussites et de voyages. C'est suite à un défit que lui a lancé la plus jeune de ses filles, Zoé, qu'il termine enfin "Yeruldelgger", ce polar mongol, qui récolte près de quinze prix. Le voilà soudain catalogué "ethno-polar", "écrivain voyageur", auteur de "polars nomades"... En un mot: romancier.





La Mongolie, région de l'Asie centrale, est un vaste pays au climat aride, avec des étés chauds et des hivers très rigoureux, correspondant au désert de Gobi et sa bordure montagneuse (Grand Khingan, AltaÏ, Tian Shan). Une partie forme l'Etat indépendant de Mongolie tandis que l'autre constitue la région autonome chinoise de Mongolie.
La Mongolie-Extérieure est un Etat d'Asie centrale entre la Russie et la Chine. Sa capitale est Oulan-Bator. La langue est le mongol et la monnaie, le tugrik. L'élevage demeure la ressource essentielle, mais le pays possède d'importantes réserves minérales et énergétiques (cuivre, charbon, uranium). En 1911, à l'instauration de la république en Chine, tandis que les Mongols du Nord (Mongolie-Extérieure) imposent leur autonomie, ceux du Sud restent sous domination chinoise. Aidée à partir de 1921 par la Russie soviétique, la Mongolie-Extérieure devient une république populaire en 1924 et accède à l'indépendance en 1945. En 1990, le parti unique renonce au monopole du pouvoir. En 1992, une nouvelle Constitution consacre l'abandon de la référence au marxisme-léninisme. La première élection présidentielle au suffrage universel a lieu en 1993.

Gengis Khan :
Les conquêtes foudroyantes de Gengis Khan, né vers 1165, mort en 1227, chef unificateur des clans mongols, font que son nom fut synonyme d'effroi pour tous les peuples passés sous son joug. Les royaumes tremblaient en entendant son nom autant que la terre sous les sabots de ses hordes lancées au galop : Gengis Khan ("roi universel" en mongol) fut ce guerrier impitoyable qui, en 1206, devint le premier chef de toutes les tribus nomades de Mongolie. Il naît aux alentours de 1165 dans les steppes d'Asie centrale sous le nom de Témüdjin ("celui qui frappe le fer"). La légende lui attribue des origines surnaturelles : il serait venu au monde en serrant dans son poing un caillot de sang en forme d'osselet, signe d'un avenir glorieux. Son enfance semble pourtant le condamner à une vie misérable (après le meurtre de son père, il est exclu de son clan et récupéré par celui de l'assassin, qui garde ainsi un oeil sur lui). Son destin sera tout autre. Il se prépare à la longue conquête d'un empire...

L'histoire :
Ce matin, à six heures, le commissaire Yeruldelgger découvrait trois cadavres effroyablement amochés dans une usine chinoise des environs d'Oulan-Bator. Cinq heures plus tard, il se retrouve à plusieurs centaines de kilomètres de la capitale, au beau milieu des steppes de Delgerkhaan, en compagnie d'une famille de nomades fans des "Experts Miami", accroupis ensemble autour du corps d'une petite fille enterrée là avec son tricycle...

Mon avis :
Un premier roman d'une grande originalité ! Sa construction, sur soixante-quinze courts chapitres contenant chacun une ou plusieurs informations importantes à l'aventure, crée un rythme vif et efficace et apporte toute sa densité à une intrigue particulièrement retorse et bien ficelée. Par ailleurs, l'auteur ne se contente pas de nous servir une histoire policière de qualité. Il nous offre un magnifique voyage dans une région du monde peu visitée dans ce genre littéraire : la Mongolie. Ian Manook, de toute évidence amoureux de ces terres immenses, prend le temps de nous conter l'histoire de ce pays, sa culture entre traditions et modernité, sa beauté entre ciel et terre. Autour d'une tasse de thé au beurre salé brûlant, il réfléchit sur les sources du mal par-delà les siècles et les frontières. Les crimes, la violence, le racisme et des relents nauséabonds de nationalisme n'épargnent pas la Mongolie. Comment combattre le mal si l'on est ignorant, inculte et irrespectueux envers les Anciens ? Non dénué d'humour, ce roman est enrichi d'une autre qualité : Yeruldelgger est entouré d'un grand nombre de personnages féminins exceptionnels, de toutes générations, et sans qui il ne serait rien.

Un thriller-évasion haletant, rude et dépaysant ! Et un énorme coup de coeur !!!

En bonus dans l'édition poche, le premier chapitre des nouvelles aventures du commissaire Yeruldelgger, "Les temps sauvages" (Albin Michel). Vous le lisez... Vous êtes piégés...! 

"Tout ce qui est solide se dissout dans l'air" de Darragh McKeon (Belfond, Automne 2015) - Premier roman




Darragh McKeon est né en 1979 à Tullamore, conté d'Offaly, Irlande. Passionné de théâtre, il dirige une troupe, puis prend la direction d'un théâtre et voyage en Europe au gré des différentes tournées de la compagnie. Parallèlement, il entame la rédaction de ce qui deviendra "Tout ce qui est solide se dissout dans l'air". Immédiatement salué par ses pairs, Colum McCann et Colm Toibin en tête, et par la critique littéraire, ce premier roman révèle un immense talent littéraire. Darragh McKeon vit aujourd'hui à New York.

En avril 1986, quand se produit la tragédie de Tchernobyl, Darragh McKeon n'a que sept ans. Comme toutes les cités d'Irlande, son village des environs de Dublin a accueilli de nombreux enfants touchés par le drame - ils furent 12000 au total sur toute l'Irlande - grâce à l'association Chernobyl Children International fondée en 1991 par l'Irlandaise Adi Roche. Pour documenter son roman, Darragh McKeon s'est également inspiré de l'oeuvre de Svetlana Alexsievitch ("La Supplication"), Prix Nobel de Littérature 2015.

La catastrophe nucléaire de Tchernobyl est un accident nucléaire classé au niveau 7, le plus élevé sur l'échelle internationale des événements nucléaires, qui a eu lieu le 26 avril 1986 dans la centrale Lénine, située à l'époque en RSS d'Ukraine en URSS. Ce 26 avril 1986, alors que les opérateurs de la centrale nucléaire mènent un essai qui tourne mal, le réacteur de Tchernobyl explose, dispersant aux quatre vents des éléments hautement radioactifs responsables de contaminations, malformations, maladies et décès sur plusieurs générations. Aujourd'hui, et les cartes du territoire "en peau de léopard" en attestent, la population ukrainienne continue à vivre dans des poches de radioactivité plus ou moins élevée (d'où la référence à la robe du félin).

L'histoire :
26 avril 1986, URSS.
Evgueni, neuf ans, jeune pianiste prodige, est le souffre-douleur de ses camarades d'école. Ce matin, l'un deux lui a volontairement cassé un doigt. Evgueni vit très modestement dans un petit appartement de Moscou, avec une mère dure qui s'épuise au travail pour subvenir à leurs besoins, et une tante, ouvrière, dont il est très proche. Il a à peine connu son père, militaire mort en Afghanistan...
C'est l'anniversaire de Grigori. Trente-six ans. Déjà chirurgien en chef respecté dans un hôpital de la banlieue de Moscou. Un seul échec à son parcours : son mariage. Depuis que Maria est partie, il traîne sa solitude de jour en jour comme un fardeau...
Artiom est fils de paysan près de Pripiat (juste à côté de la centrale), en République Socialiste Soviétique d'Ukraine. Il y a deux semaines, son père lui a appris à tirer au fusil car il a treize ans. Aujourd'hui, il accompagnera pour la première fois les hommes à la chasse. Le bonheur d'Artiom : regarder chaque matin, à l'aube, le lever du soleil sur la campagne. En cette journée spéciale, le ciel brille d'une étrange luminosité...

Mon avis :
Une écriture riche et poétique qui invoque toute la puissance et la violence des événements. Des passages à la fois bouleversants et effroyables dans lesquels la centrale nucléaire, sous la plume de McKeon, devient un animal, un monstre d'acier blessé à mort. L'auteur dépeint son agonie et ses hurlements, sa carcasse en fusion broyant toute étincelle de vie et de beauté à des centaines de kilomètres à la ronde. Une tragédie collective, un pouvoir politique sur le fil du rasoir, des dirigeants immobiles et mutiques, l'impuissance et la solitude abyssales des équipes de secours, des résistants près à témoigner de la gravité de la situation mais réduits au silence (achetés ou éliminés)... et puis des histoires individuelles intimes et émouvantes. Ce premier roman réunit tout cela avec une telle élégance et un tel respect qu'on ne peut que le saluer !

"Une contrée paisible et froide" de Clayton Lindemuth (Seuil, Automne 2015) - Premier roman traduit en France



Clayton Lindemuth est né dans le Michigan, a grandi dans l'ouest rural de la Pennsylvanie et a étudié à l'Arizona Stage University. Désormais établi à Chesterfield, Missouri, il travaille dans les assurances et, quand il n'écrit pas, il s'entraîne pour le marathon. Son roman s'inscrit dans un tout nouveau genre dans l'édition française : le Country Noir, à l'instar de Donald Ray Pollock, Craig Johnson, Ron Rash, Cormac McCarthy...

L'histoire :
Bittersmith, Wyoming, 1971.
Le shérif Bittersmith fait régner sa loi depuis des décennies dans cette ville qui porte son nom. Mais aujourd'hui, à soixante-douze ans, c'est son dernier jour de fonction. Le conseil municipal a élu un autre shérif. Bittersmith ne décolère pas. Alors il va en profiter, de cette journée ! Et il va commencer par Jeanine, jolie serveuse brune du County Seat. Il a un dossier sur elle. Chantage. Une gâterie dans son bureau et tout est réglé. Où est le problème ? L'affaire avec la serveuse à peine terminée, Fenny, la secrétaire, lui passe un appel téléphonique. Burt Hautdesert, fermier du coin, vient d'être retrouvé mort, une fourche plantée dans le cou. Sa veuve accuse Gale G'Wain, leur jeune ouvrier, du meurtre de son mari et de l'enlèvement de sa fille, Gwen, une adolescente de seize ans. Pour le shérif, la messe est dite. Pas besoin d'enquête. Que peut-on attendre de bien de la part d'un gosse élevé dans un orphelinat ? Convaincu de la culpabilité du garçon, Bittersmith se lance dans une cruelle chasse à l'homme au coeur d'un paysage hostile et d'une tempête qui s'annonce redoutable...

Mon avis :
Même chaudement installés chez vous, sous trois couettes, le dos collé au radiateur, ce western contemporain vous glacera jusqu'aux os. Dans cet espace rural splendide, totalement coupé du monde extérieur, recouvert d'une neige virginale, se joue une réalité féroce et sanglante. Trois voix se racontent, racontent, gambergent, doutent de leurs certitudes, font face à une vérité qu'ils n'imaginaient pas, l'acceptent ou la rejettent. Une région de taiseux où les armes remplacent les mots et règlent les comptes personnels. Cet endroit tragiquement beau abrite des monstres, des salopards, des âmes perverties. Et vous autres, pauvres lecteurs, vous espèrerez jusqu'au bout un baume salutaire et une bouffée d'oxygène...

Une formidable découverte dans l'univers de la nouvelle littérature américaine !

"Histoire de la violence" d'Edouard Louis (Seuil, 2016)


Edouard Louis est né en 1992 sous le nom d'Eddy Bellegueule. Il grandit à Hallencourt, dans la Somme. Après des études à l'université de Picardie, où il est remarqué par le sociologue Didier Eribon, il entre à l'Ecole normale supérieure en 2011. Il dirige en 2013 l'ouvrage collectif "Pierre Bourdieu : l'Insoumission en héritage", publié aux Puf. La même année, il obtient de changer de nom et devient Edouard Louis. C'est sous ce patronyme qu'il publie, en 2014, son premier très autobiographique "En finir avec Eddy Bellegueule", qui rencontre un succès aussi inattendu que fulgurant et s'écoule à plus de 200 000 exemplaires. L'ouvrage reçoit le Prix Pierre Guénin contre l'homophobie et pour l'égalité des droits.

L'histoire :
Edouard, le narrateur, s'est laissé convaincre de venir "se reposer" quelques jours chez sa soeur Clara dans le Nord de la France. Mais les paysages brumeux et tristes qu'il aperçoit du train lui renvoient en pleine figure des souvenirs d'enfance et d'adolescence qu'il s'efforce depuis tant d'années de chasser de sa mémoire. Une fois auprès de Clara et installé chez elle, il lui confie pour la première fois le viol et la tentative de meurtre dont il a été victime il y a un an, à Paris, durant la nuit de Noël. Plus tard dans la soirée, Edouard entend sa soeur raconter à son mari, à sa manière, avec ses mots, avec son interprétation des faits, son agression à lui. Et là, la réalité n'est plus la même. Edouard se sent heurté, dépossédé de son histoire...

Mon avis :
Qui d'Edouard ou de Clara est le véritable narrateur de ce roman en partie autobiographique ? Les deux, bien sûr, car l'un et l'autre s'opposent dans leur façon de raconter les mêmes faits, se répondent, se complètent, pour finalement ne faire qu'une voix dans le récit d'un événement violent, dans le récit de toute une vie de violence.
D'un côté, il y a Edouard qui, par un mélange de timidité, de maladresse, et de désir aussi, il ne le nie pas, a laissé, un soir, un bel inconnu entrer dans son appartement. Il y a la violence de son agression, la violence de la confrontation qui s'en est suivie avec les institutions, les médecins, la police, les amis, les conseils (parfois trop) bienveillants des uns, le racisme des autres (l'agresseur était Kabyle), sa propre arrogance pour se protéger, son histoire qu'on vole un peu plus à chaque évocation, et son sentiment de solitude face au traumatisme.
De l'autre côté, il y a Clara, soeur et double de papier d'Edouard, sorte de reflet dans un miroir déformant. Clara qui, par son accent et son langage populaire, représente l'enfance dans un village ouvrier pauvre du Nord de la France, ces racines qu'Edouard a choisi de fuir pour sa survie mais qui seront toujours en lui et qui ont fait ce qu'il est aujourd'hui ; Clara qui est la seule à pouvoir mettre en parallèle le destin d'Edouard et le destin de Reda, l'agresseur, parce que par endroits ils se ressemblent.

Un texte brut, écrit dans l'urgence de trouver des réponses. Un regard impitoyable et violent tant sur la société contemporaine que sur l'auteur envers lui-même. 

"City on Fire" de Garth Risk Hallberg (Plon, 2016) - Premier roman


Garth Risk Hallberg est né en 1978 à Baton Rouge, en Louisiane. Il grandit en Caroline du Nord, auprès d'un père romancier et d'une mère enseignante. Après un cursus universitaire à Saint-Louis, puis à New York, il publie ses premières nouvelles dans le New York Times Magazine et le Prairie Schooner. Lecteur assidu de Don DeLillo et de David Foster Wallace, deux fois finaliste du National Book Critics Circle Award pour la qualité de ses critiques littéraires, il se lance en 2003 dans l'écriture d'un long roman de 900 pages autour de Manhattan.

2003... Un car le ramène à New York pour la première fois depuis l'effondrement des Twin Towers... Dans les écouteurs une chanson de Billy Joel composée en 1976...

"Les paroles évoquaient le crépuscule du New York des années 1970, un lieu étrange et interlope, à la fois dangereux et excitant, un repaire de voyous, de poètes d'avant-garde et de musiciens punk. Rien à voir avec la ville prospère, propre et sûre qu'elle est devenue ensuite, celle que je connaissais depuis mon adolescence. J'ai éprouvé à ce moment une immense nostalgie pour ce temps que je n'avais pas connu, pour cette ville plus risquée mais plus libre, et à cet instant précis, dans l'autocar, je peux dire que ce moment m'est venu. Pas simplement l'idée du livre, mais le livre lui-même, tel que je l'ai écrit des années après."

Après douze ans de travail, Garth Risk Hallberg nous livre une fresque urbaine ambitieuse qui nous conte admirablement la métamorphose d'une ville.

Contexte historique :

New York - 1976
Durant les années 1960, New York est rongée par les problèmes de logements et d'insalubrité. La ville est très sale et des millions de rats hantent les égouts. La dégradation rapide des logements favorise la spéculation immobilière sous toutes ses formes. Peu à peu, les classes aisées désertent le centre-ville, entraînant la fermeture de nombreux commerces. L'insécurité augmente et de graves émeutes noires éclatent à Harlem. Résultat : en octobre 1975, avec 13 milliards de dollars de dettes,  New York échappe de peu à la faillite. Le gouvernement de l'Etat, les banques et les syndicats s'associent pour éviter le chaos. Les finances sont redressées en moins d'un an.

Le Blackout de 1977 est une panne d'électricité dûe à un orage qui a plongé la ville américaine de New York dans le noir les 13 et 14 juillet 1977. Seul le quartier du Queens ne fut pas touché, dépendant d'un autre système d'approvisionnement électrique. Cette panne déclencha des pillages et des émeutes extrêmement violentes, et se solda par l'arrestation de 4000 personnes.





L'histoire :
Mercer et William, amants depuis plusieurs mois, s'apprêtent à passer ensemble ce soir de Noël 1976 dans leur appartement new-yorkais. Il n'y a pas couple plus improbable que celui-là. L'un, Mercer Goodman, gentil garçon, jeune professeur d'anglais de vingt-quatre ans, cache son embonpoint dans du velours côtelé et rêve secrètement d'écrire un jour le Grand Roman Américain. Actuellement, il est le premier enseignant Noir du lycée Wenceslas-Mockingbird de Greenwich Village. C'est là qu'il rencontre par hasard Regan Hamilton-Sweeney Lamplighter, la soeur de William, qui lui confie une lettre à remettre à son frère. L'autre, William Hamilton-Sweeney, héritier maudit d'une famille richissime, jeune punk Blanc de trente-trois ans, ancien junkie, ancien leader du groupe punk rock "Ex Post Facto", traîne son teint blafard dans New York sans aucune autre motivation que vivre sans entrave. Agacé par l'insistance de Mercer à ce qu'il ouvre cette fichue enveloppe placée constamment sous son nez, William claque la porte. A Grand Central, il croise Solomon Grungy qui lui annonce que les Ex Post Facto vont se reformer et qu'ils vont jouer le 31 décembre dans un club.
Le réveillon de Nouvel An arrive. Charlie Weisbarger, adolescent de dix-sept ans, est fou de joie. Ce soir, il assiste au concert des Ex Nihilo, nouveau nom des Ex Post Facto dont il est fan. Il s'y rend avec Samantha avec qui il compte bien conclure. Mais Sam le plante devant le club. Consciente des sentiments que Charlie éprouve pour elle, elle n'ose pas encore lui avouer qu'elle est la maîtresse d'un type de trente ans, Keith Lamplighter, avec qui elle a rendez-vous maintenant. De son côté, William annule leur soirée prévue au restaurant et invite son compagnon au concert punk. Peu à l'aise avec ce genre musical, Mercer refuse. William s'en doutait. Ulcéré par ce nouvel abandon, Mercer ouvre le fameux courrier destiné à William, y trouve une invitation et soudain décide de se rendre seul à la réception donnée par les Hamilton-Sweeney dans leur "château" de l'Upper West Side. C'est une fois sur place, piégé au milieu des mondains, que Mercer réalise son erreur. Regan, peu ravie, elle non plus, d'être là ni de jouer la comédie de l'unité familiale alors qu'elle annoncera prochainement son divorce d'avec son mari Keith, reconnaît Mercer et lui sauve la mise. Les deux âmes seules et blessées vont partager quelques confidences au balcon de la chambre d'enfant de Regan. C'est alors que Mercer croit entendre des coups de feu plus bas dans la rue...

Mon avis :
Pour avoir bénéficié d'une large médiatisation à sa publication, "City on Fire" suscite bien évidemment la curiosité et l'intérêt pour une épopée annoncée comme "ambitieuse" dans toutes les critiques littéraires. "Ambitieux" est en effet l'adjectif exact pour qualifier ce premier roman. Mercer Goodman, l'un des héros principaux du livre, rêve d'être l'auteur du "Grand Roman Américain". On dit que c'est le rêve de tous les romanciers américains. Et il ne fait guère de doute que c'était également l'ambition de Garth Risk Hallberg. Son travail pour atteindre son but est indéniable : précis dans la construction de chaque phrase, perfectionniste dans le choix de chaque mot, original par les documents qui illustrent son histoire, intéressant dans l'évocation du contexte historique, musical, sociétal de l'époque. Et pourtant... N'est pas Flaubert ou Balzac qui veut. L'écrivain n'échappe pas à de nombreux clichés. C'est lent, trop copieux et interminable !
Personnellement, j'ai décroché à la fin du Livre I (soit environ 170 pages), non pas à cause de la longueur du texte, ni à cause de quelques maladresses pardonnables, ni à cause d'un style un peu académique, mais à cause de la froideur des personnages. Des personnages qui, malgré tous les efforts de l'auteur, ne partagent aucune émotion, restent superficiels et manquent de profondeur. A vouloir être trop "parfait", l'auteur passe à côté de l'humain. 
Toutefois, d'autres lecteurs ont été happés par l'histoire de ce roman-événement. Pourquoi pas vous ?