mardi 7 mai 2019

Mai 2019 - "UK calling : Littérature Britannique"



"Une Confession" de John Wainwright (Sonatine)

John Wainwright (1921 - 1995) est un écrivain britannique de roman policier. Il a également publié quatre titres sous le pseudonyme de Jack Ripley. Ancien combattant de la Royal Air Force, il a passé vingt ans dans la police avant de se consacrer à l'écriture. Son premier roman policier a été publié en 1965. Il est l'auteur de quatre-vingts romans et deux tomes d'autobiographie, "Tail-End Charlie" et "Wainwright's Beat".

L'histoire :

John Duxbury vient de fêter ses cinquante ans. Avec son fils unique, il dirige une imprimerie prospère qu'il a achetée il y a trente ans. La renommée n'a jamais été son but. Sa seule ambition est de faire tourner l'entreprise régulièrement et payer dignement ses collaborateurs.

Dans l'ensemble, sa vie est ordinaire, tragiquement banale. Chez lui, il subit les sautes d'humeur de Maude, son épouse qu'il a tant aimée, et qu'il aime encore, bien qu'il ne sache plus ce qu'elle attend de lui, ce qu'elle désire. Leur mariage n'a plus aucun sens mais les classes moyennes ne divorcent pas. Il faut endurer ses erreurs, dussent-elles faire souffrir.

Pendant ses nuits d'insomnies, John couche ses pensées dans son journal intime, comme une lettre testamentaire adressée à son fils. Il décrit sa routine quotidienne, ses souvenirs, et ses sentiments sur la médiocrité de son existence.

Ce rendez-vous professionnel avec une maison d'édition londonienne, dans un hôtel à trois heures de route de son domicile, il le vit comme des vacances, un plaisir presque coupable...

Mon avis :

Ce roman est souvent comparé, à raison, à ceux de Georges Simenon, lui-même admirateur de John Wainwright. Affrontement psychologique sans concession entre un inspecteur de police opiniâtre et un veuf introverti, critique sociale amère, ce face-à-face intense et cruel dévoile l'intime de chaque personnage. Il révèle les secrets d'un couple en plein délitement silencieux et inexorable, prisonnier du conformisme et du conservatisme de son milieu, bourgeoisie provinciale, où le divorce est inenvisageable et la vérité impossible à dire. 

Extraordinaire coup de coeur !!!



Les films "Garde à vue", réalisé par Claude Miller (1981), dialogue de Michel Audiard, avec Lino Ventura, Michel Serrault et Romy Schneider, et "Suspicion", réalisé par Stephen Hopkins (2000), avec Gene Hackman, Morgan Freeman, Thomas Jane et Monica Bellucci, sont adaptés de "Brainwash" de John Wainwright ("A table !", Gallimard, 1980).

"Trois frères" de Peter Ackroyd (10/18)

Peter Ackroyd, né à Londres en 1949, est un écrivain, romancier, essayiste et critique littéraire britannique. Lauréat de la Royal Society of Literature en 1984, il est l'auteur de plusieurs best-sellers, parmi lesquels son ouvrage sur Londres, paru en 2000, "London : the biography". Il est également l'auteur de livres pour enfants et de documentaires télévisés.

L'histoire :

Dans l'Angleterre d'après-guerre, Philip et Sally se rencontrent à Soho, quartier de Londres où Philip est barman et Sally vendeuse dans une boulangerie. Ils tombent amoureux et, peu convenable pour l'époque, très vite ils s'installent ensemble sans être mariés. Philip trouve un poste de gardien de nuit mieux rémunéré. Le couple obtient un logement social, une petite maison mitoyenne en briques rouges à Camden, cité ouvrière au nord de la capitale, où vont naître trois garçons.

Malgré de modestes revenus, la famille est heureuse et les frères grandissent et s'amusent comme tous les enfants du voisinage. Mais un jour, Sally disparaît, abandonne les siens sans aucune explication et personne ne prononce jamais plus son nom. Philip élève désormais seul ses trois fils de dix, neuf et huit ans, et multiplie les heures de travail pour subvenir à leurs besoins et à leur éducation.

Les années passent. Harry, le frère aîné, passionné de football, sociable, apprécié de tous, quitte l'école à seize ans et se fait embaucher comme coursier au journal local. Daniel, le cadet, rat de bibliothèques, toujours le nez dans ses livres et ses cahiers, reçoit une bourse pour entrer au lycée privé. Le plus jeune, Sam, est un solitaire, sensible et mélancolique. Mauvais élève, il passe son temps à construire des objets en bois et en carton.

Ses qualités sportives et sa curiosité conduisent Harry sur l'affaire d'un incendiaire. Impressionné par son sang-froid, le directeur du journal lui demande un "papier". C'est par le plus grand des hasards qu'au cours de son enquête, Harry découvre la vérité à propos de sa mère...

Mon avis :
La première moitié du roman est le récit d'un drame familial. Dans la seconde, les trois frères, adultes, s'éloignent, s'approprient leur histoire et leurs blessures. Ils suivent des chemins différents, et traversent un Londres blafard, malsain et cynique. Peu de lumière, peu d'espoir chez ces personnages désabusés, amers et seuls. Roman social, roman noir, roman sensible. Emouvant !



A voir :

"Golem, le tueur de Londres" est un film britannique étonnant réalisé par Juan Carlos Medina, sorti en 2016, avec Bill Nighy. Il s'agit de l'adaptation du roman "Le Golem de Londres" de Peter Ackroyd (10/18, 1999).



"Numéro 11" de Jonathan Coe (Folio)

Jonathan Coe est un écrivain britannique né en 1961 à Lickey, près de Birmingham. Il est l'un des auteurs majeurs de la littérature britannique actuelle. Ses oeuvres mettent en scène des personnages en proie aux changements politiques et sociaux de l'Angleterre contemporaine. S'il sait se faire grave et mélancolique, dans "La femme de hasard" (2007), c'est avec "Testament à l'anglaise" (1995), Prix du meilleur livre étranger 1996, où il passe au vitriol l'époque thatchérienne, que son talent de romancier se fait connaître. Suivent "La maison du sommeil" (1998), Prix Médicis étranger 1998, le diptyque "Bienvenue au club" (2003) et "Le Cercle fermé" (2006), "La pluie avant qu'elle ne tombe" (2009), "La vie très privée de Mr Sim" (2011), histoire picaresque d'un incorrigible ingénu, et "Expo 58" (2014), parodie de roman d'espionnage dans l'Angleterre des années 1950. L'essai "Notes marginales et bénéfices du doute" a paru en 2015. "Numéro 11", paru en 2016, tisse une satire sociale et politique sur la folie de notre temps.

L'histoire :

Rachel se souvient de ces quelques jours passés à la campagne, auprès de ses grands-parents, avec son frère Nicholas, pendant que leurs parents tentaient une réconciliation. Elle n'avait alors que six ans, son frère douze. Leurs jeux les avaient menés vers une vieille église. En chemin, ils avaient croisé la terrifiante Folle à l'Oiseau.

En 2003, Rachel a dix ans lorsqu'elle retourne chez ses grands-parents, accompagnée cette fois d'une camarade d'école, Alison. Ses parents ont finalement divorcé et sa mère est partie en vacances en Grèce avec une amie, la mère d'Alison. Après un début laborieux, Rachel et Alison finissent par bien s'entendre. La campagne anglaise est un terrain idéal pour chasseuses de fantômes en herbe. La Folle à l'Oiseau vit toujours là, dit-on, chez Mrs Bates, Needless Alley, au numéro 11...

Mon avis :

Numéro 11 : 
  • Comme le onzième roman de Jonathan Coe. Les lecteurs de "Testament à l'anglaise" y retrouveront la famille Winshaw. Mais que celles et ceux qui ne l'ont pas lu se rassurent, les deux romans sont indépendants.
  • Comme le "Number 11". "11 Downing Street", adresse de la résidence officielle du Second Lord du Trésor du Royaume Uni mais aussi résidence que choisît Tony Blair pour sa famille lorsqu'il devint Premier Ministre. Theresa May y réside à son tour.
  • Comme l'inquiétant 11 Needless Alley.
  • Comme le bus 11 de Birmingham dans lequel on peut s'isoler au chaud lorsqu'il fait froid dehors, chez soi, en soi.
  • Comme le conteneur 11 d'un garde-meuble, rempli à bloc, et dans lequel est enfoui un obsédant souvenir d'enfance.
  • Comme la table 11 d'un banquet de remise de prix.
  • Comme le dangereux onzième niveau de sous-sol d'une propriété londonienne.

En toile de fond, un fait réel. David Kelly, employé du Ministère de la défense britannique, expert en guerre biologique, inspecteur de l'ONU en Irak, a été retrouvé mort à son domicile de Harrowdown Hill, Oxfordshire, en juillet 2003. Il fut l'un des premiers "lanceurs d'alerte". Il avait informé un journaliste de la BBC de la falsification d'un rapport de septembre 2002, par le gouvernement de Tony Blair, concernant les armes de destruction massive irakiennes et sur la base duquel la guerre contre le régime de Saddam Hussein fut engagée. Sa fille se prénomme Rachel, comme l'une des héroïnes du roman.

Peinture politique et sociale savoureuse d'une Angleterre contemporaine à visages et à cultures multiples, tout en sensibilité et drôlerie, mais qui donne matière à réflexion et à nombreux questionnements. Brillant, comme toujours !



A lire également :

"Les enfants de Longbridge", qui réunit "Bienvenue au club" et "Le Cercle fermé"





"Blanc mortel" de Robert Galbraith (Grasset)

Robert Galbraith est, comme chacun le sait maintenant, le pseudonyme de J. K. Rowling, créatrice de "Harry Potter".

Joanne Kathleen Rowling est née en 1965 dans le Gloucestershire, en Angleterre. Après une licence de français et de lettres classiques, et une année passée à Paris dans le cadre de ses études, elle travaille pour Amnesty International à Londres. Habitant alors à Manchester, c'est au cours d'un trajet en train qu'en 1990, l'image d'un petit garçon brun à lunettes lui vient à l'esprit. 

Hélas, la même année, sa mère succombe à la sclérose en plaques à seulement quarante-cinq ans. Sous le choc, J. K. Rowling s'installe, l'année suivante, au Portugal où elle épouse un journaliste sportif et enseigne l'anglais. Le mariage est catastrophique. Mère d'une petite fille, elle revient avec son bébé à Edimbourg auprès de sa soeur Diane en 1993, et se plonge dans l'écriture de son manuscrit.

"Harry Potter à l'école des sorciers" sera publié en 1997. Depuis, les sept aventures du jeune sorcier sont lues par des millions d'enfants dans le monde entier. Les films tirés des romans reçoivent le même succès, ainsi que tous les produits dérivés. Très engagée auprès des plus démunis et pour le respect des droits des femmes, sa notoriété permet à l'écrivaine de soutenir de nombreuses actions caritatives.

En 2012, elle quitte l'univers magique de Harry Potter pour publier "Une place à prendre" (Grasset), virulente critique des inégalités au sein de la société britannique contemporaine. Mais c'est avec son duo d'enquêteurs, le détective privé Cormoran Strike et son assistante Robin Ellacott, que J. K. Rowling, sous le pseudonyme de Robert Galbraith, touche son nouveau public, toujours en abordant les faits de société qui lui tiennent à coeur. Les trois premiers tomes, "L'appel du coucou" (Grasset, 2013), "Le ver à soie" (Grasset, 2014) et "La carrière du mal" (Grasset, 2016), ont été adaptés sous forme de série pour la BBC et diffusés en France par OCS.

J. K. Rowling vit à Edimbourg avec son mari, le Docteur Neil Murray qu'elle a épousé en 2001, et leurs deux enfants.

L'histoire :

Un an s'est écoulé depuis la retentissante capture de l'Eventreur de Shacklewell. Ce succès ne fut pas sans conséquences. En premier lieu, l'enquête a été éprouvante, tant physiquement que moralement pour le détective Cormoran Strike et sa collaboratrice Robin Ellacott. Tous deux en portent encore les stigmates.

Ensuite, du jour au lendemain, Strike a vu toute sa vie défiler à la une des journaux : son père ancienne star du rock, sa mère groupie décédée, sa demi-soeur Lucy, sa carrière dans l'armée, la perte d'une moitié de sa jambe droite en Afghanistan. Cette soudaine visibilité de l'agence complique l'exercice de son métier et sa discrétion. Mais d'un autre côté, les affaires ont afflué au point de devoir recruter de nouveaux enquêteurs free lance.

Robin est sans doute celle qui souffre le plus. Elle a épousé son compagnon de longue date, Matthew Cunliffe. Un mariage calamiteux qui battait déjà de l'aile avant même d'avoir été prononcé. Par ailleurs, elle présente tous les symptômes d'un état de stress post-traumatique suite à deux violentes agressions et refuse de se reposer. Elle n'est plus la même et en parle d'autant moins à Strike que depuis son mariage, les liens d'amitié qui les unissaient se sont dégradés et ont fait place à une relation froide et strictement professionnelle. Strike le regrette et se sent responsable de cette situation.

L'étrange visite qu'il a reçue cet après-midi changera peut-être les choses. Un individu d'environ vingt-cinq ans, très perturbé, s'est présenté à son bureau. Le jeune homme a pris à peine le temps de déclarer que son frère et lui avaient été témoins du meurtre d'une petite fille lorsqu'ils étaient enfants, puis il s'est enfui précipitamment. Intrigué, Strike décide de s'intéresser à l'histoire à partir des maigres éléments qu'il a retenus. Il fait part de ses intentions à Robin et semble être parvenu à piquer la curiosité de sa collègue...

Mon avis :

Dans ce nouvel opus, J. K. Rowling nous entraîne dans les arcanes des hautes sphères de la politique, auprès des Ministres de la culture et des sports et leurs lots de secrets, chantages et autres luttes de pouvoir, pendant que Londres se prépare à accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques.

On retrouve avec plaisir les qualités de l'écrivaine : son souci des détails, son humanisme, le réalisme de ses personnages et des situations, son sens du suspense, ses intrigues solides et fouillées, sa capacité à nous tenir en haleine jusqu'à la dernière ligne, et son choix de thèmes toujours en lien avec notre société contemporaine.

Page-turner divertissant et efficace, on regrette seulement que ses sept cents pages se dévorent aussi vite !!!