jeudi 4 février 2016

"Tout ce qui est solide se dissout dans l'air" de Darragh McKeon (Belfond, Automne 2015) - Premier roman




Darragh McKeon est né en 1979 à Tullamore, conté d'Offaly, Irlande. Passionné de théâtre, il dirige une troupe, puis prend la direction d'un théâtre et voyage en Europe au gré des différentes tournées de la compagnie. Parallèlement, il entame la rédaction de ce qui deviendra "Tout ce qui est solide se dissout dans l'air". Immédiatement salué par ses pairs, Colum McCann et Colm Toibin en tête, et par la critique littéraire, ce premier roman révèle un immense talent littéraire. Darragh McKeon vit aujourd'hui à New York.

En avril 1986, quand se produit la tragédie de Tchernobyl, Darragh McKeon n'a que sept ans. Comme toutes les cités d'Irlande, son village des environs de Dublin a accueilli de nombreux enfants touchés par le drame - ils furent 12000 au total sur toute l'Irlande - grâce à l'association Chernobyl Children International fondée en 1991 par l'Irlandaise Adi Roche. Pour documenter son roman, Darragh McKeon s'est également inspiré de l'oeuvre de Svetlana Alexsievitch ("La Supplication"), Prix Nobel de Littérature 2015.

La catastrophe nucléaire de Tchernobyl est un accident nucléaire classé au niveau 7, le plus élevé sur l'échelle internationale des événements nucléaires, qui a eu lieu le 26 avril 1986 dans la centrale Lénine, située à l'époque en RSS d'Ukraine en URSS. Ce 26 avril 1986, alors que les opérateurs de la centrale nucléaire mènent un essai qui tourne mal, le réacteur de Tchernobyl explose, dispersant aux quatre vents des éléments hautement radioactifs responsables de contaminations, malformations, maladies et décès sur plusieurs générations. Aujourd'hui, et les cartes du territoire "en peau de léopard" en attestent, la population ukrainienne continue à vivre dans des poches de radioactivité plus ou moins élevée (d'où la référence à la robe du félin).

L'histoire :
26 avril 1986, URSS.
Evgueni, neuf ans, jeune pianiste prodige, est le souffre-douleur de ses camarades d'école. Ce matin, l'un deux lui a volontairement cassé un doigt. Evgueni vit très modestement dans un petit appartement de Moscou, avec une mère dure qui s'épuise au travail pour subvenir à leurs besoins, et une tante, ouvrière, dont il est très proche. Il a à peine connu son père, militaire mort en Afghanistan...
C'est l'anniversaire de Grigori. Trente-six ans. Déjà chirurgien en chef respecté dans un hôpital de la banlieue de Moscou. Un seul échec à son parcours : son mariage. Depuis que Maria est partie, il traîne sa solitude de jour en jour comme un fardeau...
Artiom est fils de paysan près de Pripiat (juste à côté de la centrale), en République Socialiste Soviétique d'Ukraine. Il y a deux semaines, son père lui a appris à tirer au fusil car il a treize ans. Aujourd'hui, il accompagnera pour la première fois les hommes à la chasse. Le bonheur d'Artiom : regarder chaque matin, à l'aube, le lever du soleil sur la campagne. En cette journée spéciale, le ciel brille d'une étrange luminosité...

Mon avis :
Une écriture riche et poétique qui invoque toute la puissance et la violence des événements. Des passages à la fois bouleversants et effroyables dans lesquels la centrale nucléaire, sous la plume de McKeon, devient un animal, un monstre d'acier blessé à mort. L'auteur dépeint son agonie et ses hurlements, sa carcasse en fusion broyant toute étincelle de vie et de beauté à des centaines de kilomètres à la ronde. Une tragédie collective, un pouvoir politique sur le fil du rasoir, des dirigeants immobiles et mutiques, l'impuissance et la solitude abyssales des équipes de secours, des résistants près à témoigner de la gravité de la situation mais réduits au silence (achetés ou éliminés)... et puis des histoires individuelles intimes et émouvantes. Ce premier roman réunit tout cela avec une telle élégance et un tel respect qu'on ne peut que le saluer !

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