dimanche 14 janvier 2018

"No home" de Yaa Gyasi (Calmann-Lévy)

Rentrée Littéraire - Septembre 2017

*

Yaa Gyasi est née en 1989 au Ghana avant d'émigrer aux Etats-Unis à l'âge de deux ans. Lectrice précoce de Toni Morrison, elle est diplômée de la prestigieuse Université de l'Iowa. Un voyage au Ghana déclenche son désir d'écrire "No home". Best-seller immédiat encensé par la critique américaine, ce premier roman magistral est sur le point de devenir un phénomène mondial.

*

Rappel historique :

La République du Ghana, membre du Commonwealth, est un Etat d'Afrique de l'Ouest situé entre le Togo, le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire.

L'Empire du Ghana, existant au Moyen Age en Afrique de l'Ouest, est désigné ainsi en Europe et en Arabie d'après le titre de son empereur, le Ghana. L'Empire semble avoir été brisé en 1076 à la suite de la conquête du général almoravide Abu Bakr Ibn Omar. Un royaume continue d'exister après la fin de la dictature almoravide, puis il est incorporé ultérieurement  aux empires sahéliens, comme l'Empire du Mali.

La Côte-de-l'Or :

Les Européens (Portugais d'abord, puis Anglais, Hollandais, Suédois, Danois, Prussiens), attirés par ce territoire pour ses gisements d'or, ses noix de kola, ses bois précieux, mais surtout pour la traite négrière, fondent dès la fin du XVème siècle des comptoirs sur la côte.

Une grande partie de la zone est unifiée sous l'Empire ashanti au XVIème siècle. Les gouvernements ashantis fonctionnent d'abord comme un réseau lâche puis mettent en place progressivement une bureaucratie centralisée, avec comme capitale Kumasi. L'aire forestière est dominée au XVIIIème siècle par ce puissant Empire ashanti dont les souverains résistent à la colonisation britannique jusqu'en 1901.

Les Britanniques prennent progressivement l'avantage face aux Portugais et aux Hollandais dans la lutte pour le contrôle du commerce de l'or et des esclaves jusqu'à l'abolition de la traite des Noirs par le Royaume-Uni en 1807. Le royaume ashanti, inquiet de perdre le bénéfice du marché des esclaves, lance alors une campagne contre le peuple fanti. Ces derniers trouveront dans l'Angleterre, en 1874, un allié providentiel qui défait le roi ashanti.

La Côte-de-l'Or est le premier pays noir-africain colonisé à accéder à l'indépendance le 6 mars 1957. Un de ses premiers actes de souveraineté est d'abandonner son nom colonial au profit de son nom actuel, Ghana, en hommage à l'Empire du Ghana.

*

L'histoire :

XVIIIème siècle, Côte-de-l'Or

A la naissance d'Effia, un énorme incendie se déclenche et ravage durant des jours entiers forêts et cultures. La petite fille sera toujours liée à ce drame. On dira d'elle qu'elle apporte le malheur. Battue et détestée par sa mère, Baana, adorée par son père, Cobbe, à douze ans, Effia est promise à Abeeku, le chef du village. Mais quelques années plus tard, par la décision de sa mère, et avec la complicité d'Abeeku, elle est finalement vendue et mariée à un Britannique, James Collins, gouverneur du fort de Cape Coast. Si Effia est bien traitée par son époux, elle découvre très rapidement que des femmes et des hommes, noirs comme elle, sont enfermés comme des animaux dans les cales de bateaux dont elle ignore la destination. Deux ans après son mariage, Effia est enceinte quand elle reçoit une lettre de son petit frère, Fiifi, qui lui annonce que leur père est mourant. La jeune femme se rend immédiatement au chevet de l'homme tant aimé. C'est là que Fiifi révèle à sa soeur un lourd secret : elle n'est pas la fille de Baana mais celle d'une servante qui s'est enfuie lors du "grand feu" dont le village parle encore...

Mon avis :

Une fresque captivante et enchanteresse dans laquelle nous partageons le destin de deux branches d'une même famille ghanéenne. Un voyage puissant et passionnant à travers l'Histoire, du XVIIIème siècle à nos jours, du Ghana aux Etats-Unis, et qui se lit comme un conte que l'on se transmet de génération en génération, de l'oral à l'écrit.

Du Ghana, nous découvrons la culture de l'igname, les guerres intestines, la légende d'une étrange araignée, la colonisation, le commerce de l'or et du cacao, la traite des Noirs, la christianisation, le chemin vers l'indépendance...

Aux Etats-Unis, les Ghanéens déportés et vendus vont endurer l'esclavage, la cruauté, les champs de coton, les mines de charbon, la ségrégation, les amours mixtes douloureuses ou impossibles, les boîtes de jazz, Harlem, les ghettos, la drogue, le racisme, le sentiment pour les descendants d'esclaves de n'être ni d'ici ni d'ailleurs...

Tout ce qui fait l'Homme, le mal comme le bien, est contenu dans ce roman. Yaa Gyasi rend un hommage fort et vibrant à toute l'Afrique, à ses racines ghanéennes et, incontestablement, au Prix Nobel de Littérature Toni Morrison qu'elle admire. L'avenir est à présent de la responsabilité des jeunes générations. Yaa Gyasi est un talentueux et brillant modèle !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire