Benoîte Groult est née en 1920 à Paris. Elle s'est imposée comme l'une des grandes figures de la littérature féministe française au XXème siècle. Elle a commencé sa carrière en tant que professeur de latin au cours Bossuet. Journaliste, notamment à Elle et Marie-Claire, longtemps jurée du prix Femina, elle a d'abord publié avec sa soeur Flora des livres comme "Journal à quatre mains" (1963), "Le féminin pluriel" (1965), "Il était deux fois" (1967). Plusieurs best-sellers ont suivi, de "La part des choses" (1972) à "La touche étoile" (2006) en passant par "Ainsi soit-elle" (1975) et une aubiographie, en 2008, "Mon évasion". En 2013, Benoîte Groult a fait l'objet d'une belle bande dessinée signée Catel, "Ainsi soit Benoîte Groult", chez Grasset. Elle est décédée en 2016 dans sa maison de Hyères, dans le Var, au bord de la mer qu'elle aimait tant.
Mon avis :
Benoîte Groult a cinquante-sept ans lorsque ce journal intime commence. Il s'ouvre sur l'arrivée de Benoîte et Paul Guimard en Irlande où le couple acquiert une maison de vacances au bord de la mer, un lieu spécialement choisi pour pratiquer la pêche en toute liberté. En plus de la famille, des conjoints, des amants, des maîtresses, des ex..., cette demeure va accueillir des amis, des proches, pour la plupart des grands noms de la vie politique, culturelle, artistique et sportive française. Parmi eux, sans doute le plus prestigieux sera François Mitterrand, Président de la République alors en exercice.
Mais qu'on se le dise, ce "Home Sweet Home" n'est pas une maison de repos ! Et les visiteurs seraient bien avisés de s'en souvenir car, d'une manière ou d'une autre, ils seront entraînés dans le tourbillon. Ici, c'est pêche tous les jours, quoi qu'il advienne, par tous les temps, de bonne ou de mauvaise humeur, et c'est poisson, coquillages et crustacés à tous les repas. Exigeante, sans complaisance, infatigable, impatiente de profiter de chaque instant, débordante de vie et de désirs, la dame a du tempérament. Son caractère est semblable au climat irlandais : imprévisible. Si cet enthousiasme bouillonnant peut être communicatif, il peut aussi s'avérer épuisant, étouffant, castrateur.
Mariés depuis 1952, Benoîte Groult et l'écrivain et journaliste Paul Guimard forment un couple d'intellectuels, de gens de lettres et de culture. Ils partagent ensemble la même passion pour l'écriture et la mer. Sur le modèle de Beauvoir et Sartre, ils se sont engagés à respecter leurs "amours contingentes" respectives mais celles-ci les ont blessés tous les deux plus profondément qu'ils ne l'imaginaient. A l'automne de leur vie, les regrets et les rancoeurs se trahissent en même temps que les premiers signes implacables de la vieillesse.
Depuis longtemps, Benoîte Groult est amoureuse de deux hommes, qui la contraignent aujourd'hui à faire un choix impossible. Elle sait qu'elle est incapable de renoncer à l'intelligence et à la notoriété de Paul. Pourtant, sa façon de se laisser prendre sans lutter dans la toile du déclin du corps l'insupporte. Quant à l'Américain Kurt, pilote d'avion, de dix ans son aîné, son amour de jeunesse et son amant depuis 1945, il n'est pas très futé, n'a aucune conversation, aucun bon goût, sa beauté s'étiole, mais il l'aime comme elle n'a jamais été aimée, la désire et ils font encore l'amour ensemble. A leur âge, cela ne se refuse pas.
Benoîte Groult se livre sans fard. Elle se révèle d'une poigne de fer mais profondément touchante dans ses contradictions. Savoureux !
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