vendredi 28 juin 2013

"HYPOTHERMIE" et "LA RIVIERE NOIRE" de Arnaldur Indridason (Points)


"Hypothermie"
"La rivière noire"
Arnaldur Indridason
(Points)

Islande

Ados / Adultes


Arnaldur Indridason est né en 1961 à Reykjavik (Islande) où il vit toujours. Il est diplômé en Histoire, journaliste, scénariste, et auteur de best-sellers internationaux.



L'histoire de "Hypothermie" :

Karen, chargée de communication dans une grande banque islandaise, épuisée par un travail de plus en plus déshumanisé, prend la route ce jeudi soir pour un week-end réparateur loin de tout. Son amie d'enfance, Maria, lui prête son chalet d'été, perdu au bord d'un lac, entre les fjords, les montagne, les plaines et les vallées idylliques. Ce sont les prémices de l'automne. Il fait sombre et froid. Il est déjà tard quand Karen arrive enfin au chalet. Lorsqu'elle pénètre à l'intérieur, l'espoir de calme et de repos se transforme en cauchemar : Maria s'est pendue dans la cuisine.
Le commissaire Erlendur, bien que responsable des affaires criminelles, est le seul officier disponible cette nuit-là, et il se rend donc sur place. Il se sent inutile. Le suicide de cette femme de quarante ans semble incontestable. Mais pour une raison inexplicable, Erlendur est profondément troublé...

Mon avis :
En plus du suicide incompréhensible de cette jeune femme dont Erlendur veut, de manière presque obsessionnelle, connaître les raisons, il y a ce vieil homme, ce père au seuil de la mort qui, pendant des décennies, n'a jamais cessé de rechercher son fils disparu ni de croire en son retour. Erlendur réalise soudain de l'urgence à trouver des réponses. Il réalise soudain, après tant d'années à côtoyer la mort quotidiennement, que "faire son deuil" n'est qu'un terme générique, qu'en réalité la douleur et le chagrin sont des émotions d'une intimité absolue, que l'on ne peut partager avec personne. La souffrance de la perte d'un être cher est-elle comparable lorsqu'il s'agit d'une mort naturelle, accidentelle, des suites d'un suicide ou d'une agression ? D'une personne âgée ou jeune ? D'un enfant ou d'un parent ? Nul ne peut répondre à cela ! Et que dire lors de cas de disparitions ? Face à l'ignorance, certains refuseront avec une volonté inouïe de perdre l'espoir, aussi ténu soit-il. Pour d'autres, la douleur sera telle qu'elle laissera place au désespoir, à la colère, à la culpabilité, à l'impuissance. De la mort ou de la disparition, chacun panse ses blessures à sa façon. Toutes les voies sont possibles : se jeter à corps perdu dans le travail, la psychothérapie, la foi, la philosophie, les médiums...
En ce qui le concerne, Erlendur prend conscience que plus le temps passe, plus il vieillit. Plus la société islandaise change, plus elle lui fait peur. Plus il se pose des questions sur son existence, sur les fantômes de sa famille, moins il obtient de réponses. Mais répondre à une seule question, juste une seule, devient une priorité: où est son frère ?
Lorsqu'il était enfant, son père, son frère et lui se sont perdus dans une tempête de neige. Le père est parvenu à rentrer à la maison. Erlendur aussi. Mais le petit frère n'a jamais été retrouvé. Ses parents n'ont jamais cessé les recherches. Erlendur non plus, à sa façon, par le biais de ses enquêtes, mais il s'est toujours senti coupable d'être "le survivant". Et cette affaire, précisément, va lui imposer de nombreuses interrogations personnelles nécessaires.

Indridason toujours aussi grave, profond et intelligent !
Un roman qui force à la réflexion philosophique et existentielle !
Indridason ne déçoit jamais. Du grand art !


L'histoire de "La rivière noire" :
Le commissaire Erlendur, profondément éprouvé par sa dernière enquête et hanté par les fantômes de son passé, a décidé qu'il était temps pour lui de retrouver les terres de son enfance. Sans se confier à qui que ce soit, il laisse son service aux mains de la perspicace Elinborg et de l'impulsif Sigurdur Oli. Ce jour-là, Elinborg est appelée dans un appartement qu'un quartier ancien de Reykjavik. Un homme a été découvert mort au milieu du salon, le pantalon baissé jusqu'aux chevilles, vêtu d'un t-shirt de femme maculé de sang. Plus loin, dans la poche de sa veste, un flacon de Rohypnol, la drogue du viol...

Mon avis :
Une enquête dirigée de main de maître par une femme, Elinborg, que l'on a plaisir à découvrir intimement. A l'inverse de son collègue Erlendur, elle n'a pas le temps de s'apitoyer sur son sort ni de céder à ses états d'âme. Professionnelle, compagne, mère de trois enfants, elle jongle entre son travail et sa vie de famille. Elle veille à la fois sur ses enfants adolescents et ses parents vieillissants. Chez elle, elle doit mettre de côté les monstruosités vues sur le terrain et ses doutes, oublier les victimes, les suspects, les témoins. Et pourtant, malgré tous ces impératifs, sans être non plus infaillible, Elinborg est une femme exceptionnelle, d'une grande sensibilité et d'une grande délicatesse autant dans sa vie de famille que dans son travail.
Jamais de détails sordides chez Indridason. Toujours beaucoup de pudeur. Un épisode au féminin parfaitement réussi et maîtrisé, sur un thème aussi sensible que celui du viol, de la perversité, et des conséquences indélébiles sur les victimes et leurs proches. On se laisse prendre de la première à la dernière page. On s'éloigne de Reykjavik, vers des endroits rudes et inquiétants, où se perdent des esprits sombres et blessés.

Un chez d'oeuvre de plus à l'actif de Arnaldur Indridason !