Charlotte Perkins Gilman (1860-1935) est une sociologue et écrivaine américaine. Abandonnée très jeune par son père, elle se retrouve seule avec son petit frère Thomas et une mère peu aimante, incapable de subvenir à leurs besoins, qui sera aidée par des femmes de la famille, et non des moindres : Isabella Beecher Hooker (suffragette), Harriet Beecher Stowe (auteur du roman "La case de l'oncle Tom") et Catharine Beecher (connue pour ses ouvrages sur l'éducation des femmes). Devenue peintre, en 1884, Charlotte épouse Charles Walter Stetson. De cette union naît la petite Katharine Beecher Stetson. Naissance à la suite de laquelle Charlotte souffre d'une grave dépression post-partum, mais elle n'est pas prise au sérieux, les femmes étant considérées à l'époque comme "sujettes à l'hystérie". Elle consulte toutefois un "spécialiste des nerfs" renommé, le docteur S. Weir Mitchell, qui lui ordonne "de ne plus toucher à une plume, un pinceau ou un crayon de sa vie". Elle raconte dans sa biographie qu'elle avait alors presque perdu l'esprit, comme la jeune femme du "papier peint jaune". En 1894, le couple Stetson divorce. Charlotte confie la garde de Katharine à son père et part en Californie. Elle s'engage alors dans de nombreuses organisations féministes et réformatrices. Très active, elle publie essais, poèmes, pièces de théâtre, romans, nouvelles, écrit dans les journaux, enseigne, donne des conférences, voyage et ne cesse de militer, à travers les Etats-Unis et l'Europe, pour le socialisme et les droits des femmes. Elle se remarie en 1900 avec son cousin Houghton Gilman. Un cancer du sein incurable lui est diagnostiqué en 1932. Elle se suicide en 1935, laissant une lettre dans laquelle elle écrit avoir choisi le chloroforme plutôt que le cancer.
Sa nouvelle "The Yellow Wallpaper" ("La Séquestrée" ou "Le papier peint jaune") a été publiée en 1892 et reste son texte le plus connu. Sous-estimée, aux Etats-Unis comme ailleurs, pendant plusieurs décennies, et notamment après l'obtention du droit de vote des femmes américaines en 1920, Charlotte Perkins Gilman est remise à l'honneur dans les années 1960.
L'histoire :
Ce n'est ni un manoir lugubre ni une maison hantée. C'est une ravissante bâtisse nichée dans la campagne verdoyante et fleurie. Mais ce qui devait être un havre de paix pendant trois mois, un lieu de vacances calme et tranquille, va se transformer en geôle. Un médecin, peu au fait de cette pathologie, prescrit à son épouse, jeune maman souffrant de psychose post-partum, une cure de repos très stricte, dans la plus grande solitude, avec interdiction absolue d'écrire. Ce qui, pour la jeune femme, est un calvaire. Bien qu'elle puisse aller et venir en toute liberté dans la délicieuse résidence, elle s'ennuie atrocement. Elle hait cette chambre, imposée par son époux, dont le vieux papier peint jaune sale lui donne la nausée. Pourtant elle passe des heures à le regarder, à le détailler. Puis, au fil des aubes et des crépuscules, les formes et objets devinés au coeur de chaque lai vont prendre vie, couleur, odeur. Petit à petit, la jeune mère va faire corps avec les murs qui l'entourent...
Mon avis :
Un texte court, lapidaire, qui nous lacère en plein coeur. Les temps de respiration entre chaque bref paragraphe ne sont pas là par coquetterie. Ils sont fondamentalement nécessaires pour nous laisser le temps d'encaisser les coups, de nous imprégner de la souffrance de cette femme, de l'entendre hurler son désespoir, mais aussi de maîtriser nos propres sentiments. La plume est à la fois poétique et cruelle, d'une beauté et d'une puissance déchirantes. Admirable !!!
"The Yellow Wallpaper" est évoqué dans la saison 1 de l'excellente série "American Horror Story" qui dénonce, de manière horrifique et jubilatoire, les tabous et les contradictions de la société américaine.
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