vendredi 28 octobre 2011

"LA PREMIERE GORGEE DE BIERE et autres plaisirs minuscules" de Philippe Delerm (Gallimard)


"La première gorgée de bière
et autres plaisirs minuscules"
Philippe Delerm
(Gallimard)
(Dès 12 ans)

Philippe Delerm, professeur de lettres, est né en 1950 à Auvers Sur Oise (ville de Van Gogh, Val d'Oise). Il vit depuis 1975 en Normandie, à Beaumont le Roger (Eure) où il a commencé à écrire. Son livre "La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules", publié chez Gallimard en 1997, a connu un immense succès. Chacun retrouve ces petits bonheurs simples qui émaillent notre vie et à côté desquels il ne faut pas passer. Delerm propose là un nouveau genre littéraire, véritable poésie en prose.

Un plaisir délicieux !

Extrait de "Le dimanche soir" - p. 51

     Le dimanche ! On ne met pas la table, on ne fait pas un vrai dîner. Chacun va tour à tour piocher au hasard de la cuisine un casse-croûte encore endimanché - très bon le poulet froid dans un sandwich à la moutarde, très bon le petit verre de bordeaux bu sur le pouce, pour finir la bouteille [...]

Extrait de "Un roman d'Agatha Christie" - p. 72

     Est-ce qu'il y a vraiment tant d'atmosphères dans les romans d'Agatha Christie ? Peut-être qu'on se les invente - simplement parce qu'on se dit : c'est un roman d'Agatha Christie. Oui, la pluie sur la pelouse au-delà des bow-windows, le chintz à ramages vert canard des doubles rideaux, ces fauteuils aux courbes si moelleuses déferlant jusqu'au sol, où sont-ils ? Où sont ces scènes de chasse rouge fuchsia s'arrondissant sur le service à thé, ces rigidités bleuâtres des cendriers en wedgwood ?
     Il suffit qu'Hercule Poirot fasse fonctionner ses petites cellules et tire sur les pointes de ses moustaches : on voit l'orange clair du thé, on sent le parfum mauve et fade de la vieille Mrs Atkins [...]

Extrait de "Le pull d'automne" - p. 57

     C'est toujours plus tard qu'on ne pensait. Septembre est passé si vite, plein de contraintes de rentrée. En retrouvant la pluie, on se disait "Voilà l'automne" ; on acceptait que tout ne soit plus qu'une parenthèse avant l'hiver. Mais quelque part, sans trop se l'avouer, on attendait quelque chose. Octobre. Les vraies nuits de gel, dans la journée le ciel bleu sur les premières feuilles jaunes. Octobre, ce vin chaud, cette mollesse douce de la lumière, quand le soleil n'est bon qu'à quatre heures, l'après-midi, que tout prend la douceur oblongue des poires tombées de l'espalier.
     Alors il faut un nouveau pull. Porter sur soi les châtaignes, les sous-bois, les bogues des marrons, le rouge rosé des russules.     (nb : les russules sont des champignons)