jeudi 2 octobre 2014

"BILLIE H." de Louis Atangana (Editions du Rouergue)



"Billie H."
Louis Atangana
(Editions du Rouergue)

Dès 13 ans


Louis Atangana est né en 1965 à Paris. Il est professeur de Lettres dans le Lot-et-Garonne.

L'histoire :
Billie Holiday (1915 - 1959)
La vie est dure à Baltimore, en 1924, quand on est une petite fille Noire, seule avec une mère abandonnée par son mari. A l'école, Eleanora Fagan est une enfant insolente, querelleuse, bagarreuse, autoritaire. Un jour, en exercice d'expression orale, la maîtresse demande à ses élèves de présenter leur père en quelques mots devant toute la classe. Pour Eleanora, c'est une nouvelle humiliation. Elle envoie paître l'institutrice et court rejoindre sa mère à son travail. Elle sait que c'est interdit mais elle a trop de questions importantes à lui poser au sujet de son père. Malheureusement, la patronne Blanche de sa mère ne voulait pas de bonnes avec des enfants. Pour son mensonge, Sadie est renvoyée sur-le-champ...

Mon avis :
Un langage volontairement populaire et gouailleur nous plonge immédiatement dans ce qui aurait pu être un très beau drame romanesque. Hélas, l'histoire est vraie. Le destin tragique de l'envoûtante Billie Holiday nous est ici conté de son enfance jusqu'à l'enregistrement de son premier disque. Elle n'avait que 18 ans. Et pourtant elle avait déjà vécu l'alcoolisme de sa mère, la misère, le vol, le viol, la maison de correction, la prostitution, la prison... Elle avait une voix unique et extraordinaire qui aurait pu lui offrir tous les bonheurs. Mais elle était une femme et elle était Noire, dans l'Amérique de la première partie du XXème siècle. Il lui manquait aussi un père. Clarence Holiday, ce musicien de jazz qu'elle vénérait, Billie n'a eu de cesse de le chercher, de conquérir son coeur, sa tendresse, son amour. En vain.

Une très jolie façon de découvrir cette déesse du jazz !!!

"Je ne savais faire que deux choses : l'amour et chanter. Je ne voulais plus être payée pour la première car j'y perdais mon âme, je n'étais plus personne. Gagner de l'argent en chantant, ça, au contraire, c'était prouver que j'étais quelqu'un."

Billie Holiday dit de sa rencontre avec le musicien Lester Young : "L'accord était parfait. Nous étions comme deux comètes suivant la même trajectoire." Jusqu'en 1944, celle qu'on appelle désormais "Lady Day" connaît une période de grâce absolue, ponctuée d'enregistrements historiques : "I cried for you", "I'll get by", "Some other spring", "Strange fruit", "Ain't nobody's", "Billie's blues", "My man"...
Sous l'empire d'une (bi)sexualité boulimique, elle rêve ses amants musiciens, aventuriers et dandy's, et ne décroche que des escrocs violents et des souteneurs. Aux prises avec un show-business impitoyable, ses tournées conjuguent succès et cadences infernales. "La première virée a duré trois mois. Ni Lester ni moi n'avons gagné un centime. On a même souffert de la faim." Dans une Amérique ségrégationniste, sa célébrité enfle mais son statut de nègre ne varie pas d'un pouce. "On a beau se couvrir de satin blanc jusqu'aux nichons, se mettre des fleurs de gardénia dans les cheveux, ne pas voir de canne à sucre à perte de vue, c'est comme si on travaillait toujours dans une plantation." Incarnant les splendeurs et misères de la nature humaine, la Lady chante les ruptures, les trahisons, les mauvais traitements et la solitude avec tant de chair qu'elle bouleverse encore. Ses chansons résonnent, comme chaque mauvais coup qu'elle a subi.
Habituée à boire beaucoup pour se détendre, la chanteuse se laisse tenter par l'opium, la cocaïne, l'héroïne - dont on ne connaît pas encore les effets désastreux. Elle accumule les arrestations et, en 1947, à 32 ans, elle est incarcérée un an et un jour, en pleine gloire. On lui interdit de se produire dans les clubs où l'on sert de l'alcool - seuls lieux où les musiciens de jazz peuvent espérer jouer régulièrement. La presse se montre avide des scandales qu'elle provoque. Dépression, boulimie, anorexie, addictions... Sa voix meurtrie par les excès devient grave et rauque, et marquera la seconde partie de sa carrière. A 44 ans, le 17 juillet 1959, harcelée par la police, Lady Day s'éteint à l'hôpital. A trop côtoyer l'enfer, elle a malgré tout réussi à gagner son coin de paradis.
Magazine Muze - Octobre 2005

Extrait de "Strange Fruit" 
Chanson écrite par Abel Meeropol, enregistrée par Billie Holiday en 1939

Les arbres du Sud portent d'étranges fruits
Du sang sur les feuilles et du sang aux racines
Des corps noirs se balançant dans la brise du Sud
D'étranges fruits pendus aux branches des peupliers
Scène champêtre du Sud valeureux
Les yeux exorbités et la bouche figée en un rictus
Le parfum des magnolias doux et frais
Et l'odeur inattendue de la chair brûlée
Voici un fruit à déchiqueter pour les corbeaux
Mûrie par la pluie, rongé par le vent
Pourri par le soleil jusqu'à tomber de l'arbre
Voilà une étrange et amère récolte

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