lundi 13 novembre 2017

"Churchill m'a menti" de Caroline Grimm (Livre de Poche)


Caroline Grimm est une comédienne, productrice, scénariste, réalisatrice et écrivain française née en 1964. "Churchill m'a menti" (Flammarion, 2014) est son deuxième roman après "Moi, Olympe de Gouges" (Calmann-Lévy, 2009). Elle est aussi l'auteur d'un recueil de nouvelles, "La Nuit Caroline" (Blanche, 1999).

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La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) :

L'invasion de la Pologne par Hitler en septembre 1939 déclenche la Seconde Guerre mondiale. Le conflit, principalement européen à l'origine, s'élargit à l'échelle mondiale avec l'intervention japonaise contre Pearl Harbor et l'entrée en guerre des Etats-Unis. Cette "guerre totale" mobilise l'ensemble des ressources économiques des différents belligérants et fait cinquante millions de morts, majoritairement des civils, dont six millions de Juifs. Le conflit s'achève avec la prise de Berlin par l'armée rouge en mai 1945 et les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki au début du mois d'août 1945.

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Sir Winston Leonard Spencer Churchill (1874-1965) est un homme d'Etat britannique. Il laisse dans l'Histoire l'image d'un homme dont la volonté de fer au cours de la Seconde Guerre mondiale fut un acteur déterminant de la victoire alliée contre l'Allemagne de Hitler. Alors que la débâcle française laisse la Grande-Bretagne seule face à l'Allemagne hitlérienne, Churchill sait très vite galvaniser l'effort de guerre britannique pendant la bataille d'Angleterre. Son autorité est alors indiscutée. Il tisse des liens avec la France libre, quand Roosevelt hésite encore à faire confiance au Général de Gaulle. En même temps, il privilégie l'alliance américaine, seul moyen selon lui d'assurer la victoire. Tout au long d'une carrière politique à la longévité exceptionnelle, Churchill lutta aussi contre le déclin de l'Empire britannique. 

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Les îles anglo-normandes constituent le seul territoire britannique à avoir connu une occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Une occupation qui a commencé en juin 1940 et qui ne s'est terminée que le 9 mai 1945, presque un an après la libération de la Normandie. Pendant cinq ans, civils, Juifs et prisonniers ont souffert de la guerre plus qu'ailleurs, en raison de leur insularité et de l'exemplarité des forces allemandes exigée par Berlin.

C'est en effet en juin 1940 que les Allemands s'emparent de Guernesey, une île qui avait été démilitarisée sur décision de Churchill car jugée non stratégique. Peu après, un tiers de la population décide de quitter l'île pour le Royaume-Uni. Les habitants, qui vivaient essentiellement d'agriculture et de pêche, se retrouvent coupés du monde, sans fuite possible, sous la direction des très nombreux Allemands (un Allemand pour deux habitants). Les Juifs et les habitants non natifs des îles sont déportés. Arrestations et restrictions sont aussi de mise dans les îles anglo-normandes.

L'organisation Todt (groupe de génie civil et militaire de l'Allemagne nazie) s'est installée sur les îles à partir de novembre 1941 pour concevoir et construire les fortifications. Le nombre de bunkers, casemates et tunnels construits par les Allemands est impressionnant : 600 sur Aurigny, 800 sur Guernesey et plus de 1000 sur Jersey. Des constructions faites avec des milliers d'ouvriers de l'organisation Todt, des ouvriers locaux attirés par des salaires alléchants, mais aussi des travailleurs forcés et des esclaves : 1500 prisonniers soviétiques ont ainsi été acheminés à Jersey et épuisés à la tâche.

Aurigny, dite l'île Adolf, a connu l'occupation la plus violente des trois îles anglo-normandes. En 1940, la quasi totalité des 1200 habitants de l'île ont été évacués dans la précipitation, une semaine avant l'arrivée des Allemands, laissant sur place maisons et cheptels. La positions géographique de l'île en a fait un point stratégique pour surveiller les positions britanniques. Aurigny comptait quatre camps de travail forcé, l'un d'entre eux, le camp de Sylt, le plus redoutable, a même été transformé en camp de concentration à partir de 1943. Cinq mille prisonniers ont été détenus sur cette petite île de cinq kilomètres de long sur trois de large. Ils ont été les bâtisseurs des fortifications et y laisseront leur vie pour beaucoup d'entre eux. 

L'occupation isole complètement les habitants des îles anglo-normandes du reste du monde. Les bêtes sont réquisitionnées, tout vient à manquer, l'argent ne suffit plus pour subvenir aux besoins, on en vient au troc. En juin 1944, les îles anglo-normandes n'ont pas fait partie des objectifs des troupes alliées du débarquement. Les Allemands se sont trouvés coupés de Cherbourg, leur centre de ravitaillement. Churchill a décidé de les affamer plutôt que de les combattre. Et la population a dû partager ce mauvais sort, plus funestement encore, jusqu'à l'arrivée d'un bateau de la Croix Rouge en octobre 1944.

Le 6 mai 1945, un navire de la Royal Navy stationne au large des îles anglo-normandes. Demande est faite aux autorités allemandes de se rendre. L'amiral Hüffmeier rétorque qu'il ne reçoit d'ordre que de son gouvernement. Le 8 mai 1945, l'Allemagne capitule. Dans son célèbre discours de la victoire, Winston Churchill n'oublie pas les îles anglo-normandes. A Jersey et Guernesey, ce n'est que le 9 mai au matin que l'amiral Hüffmeier se résout à rendre les armes.

(cf francetvinfo.fr/normandie/manche/îles anglo-normandes - septembre 2015)

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L'histoire :

Juin 2013, Saint-Malo
Une romancière se rend à Jersey. Elle enquête sur le passé de l'île pendant l'Occupation allemande et espère rencontrer les descendants des plus anciennes familles : les Fitzgerald, les Le Gallais, les Landry.

Victoire Le Gallais - Jeudi 8 à dimanche 11 août 1940, Saint-Hélier, Jersey
A la déclaration de la guerre, certains ont fui l'île pour rallier la Grande-Bretagne. Ceux qui ont choisi de rester, convaincus d'être ici hors de danger, préparent la fête de la Bataille des Fleurs, carnaval estival organisé depuis 1902 en hommage au couronnement du roi Edouard VII. La parade commence. Les chars fleuris traversent la commune. L'ambiance est joyeuse. Tout le monde s'amuse. Soudain, l'enfer vient du ciel. Les bombes explosent sur le défilé. Tout se recouvre d'une seule couleur, le rouge sang. Les premiers mutilés tombent. Les premiers morts aussi, et parmi eux le frère de Victoire. Trois jours plus tard, au Fort Regent, l'Union Jack est remplacé par la croix gammée...

Mon avis :

Lors d'une journée pluvieuse en Normandie, Robert Ledermann révèle à sa fille, Caroline Grimm, une histoire de famille tue jusqu'à cet instant. Celle de Georges Ledermann, oncle de Robert, déporté en 1943 au camp de Norderney, sur l'île d'Aurigny, île anglo-normande, parce que "demi-Juif", c'est-à-dire Juif marié à une catholique. Il fut libéré en 1945 par les Canadiens. Episode méconnu de la Seconde Guerre mondiale, par cette résonance personnelle, le sort tragique des îles anglo-normandes abandonnées par la Couronne britannique et livrées aux nazis devient le sujet du roman de Caroline Grimm.

En ces temps d'occupation allemande, la situation de Jersey est singulière. Sur une île, tout le monde se connaît, tout se voit, tout s'entend, tout se sait. Il n'y a aucune échappatoire. Et les secrets, comme la spoliation des biens des familles juives déportées, et bien d'autres actes inavouables, ont un prix. Au regard de l'auteur, il n'est pas un hasard si l'île de Jersey soit aujourd'hui devenue un paradis fiscal.

Un roman sur le devoir de mémoire très documenté, passionnant, et saisissant !

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