Anna Hope est née en 1974 à Manchester (Royaume-Uni). En l'espace de deux romans, "Le chagrin des vivants" et "La salle de bal", elle s'est imposée comme l'une des voix majeures de la littérature contemporaine d'outre-Manche. Diplômée d'Oxford et profondément influencée par les récits modernistes à la façon de Virginia Woolf, elle a choisi de donner la parole aux sans-voix de l'Histoire, privilégiant les marginaux aux héros. Son dernier roman, "La salle de bal", raconte une histoire d'amour poignante entre deux patients d'un asile psychiatrique.
L'histoire :
Dimanche 7 novembre 1920
A Arras, dans le nord de la France, un colonel, un sergent et un simple soldat, à bord d'une ambulance, s'engagent en pleine nuit vers ce qu'il reste des tranchées. Le colonel indique un endroit. Ils s'arrêtent, descendent du véhicule, creusent le sol gelé, et déterrent un corps sans plaques d'identité...
A Londres...
Hettie et Diana, danseuses de compagnie pour les anciens soldats, ont rendez-vous dans un club. Hettie est présentée à Gus, son compagnon pour la soirée, gentil garçon mais mal à l'aise et très mauvais danseur. Après quelques tours de piste périlleux, Gus se propose d'aller chercher des boissons fraîches au bar. Pendant ce temps, Ed, un très bel homme, invite Hettie pour un one-step. A l'inverse de Gus, Ed est sûr de lui, charmeur et a le sens du rythme. La musique se termine. Ed s'évanouit dans la foule et Gus revient avec une limonade...
Dans son petit appartement qu'elle partage avec son amie Doreen, Evelyn se dépêche. Elle doit retrouver son frère Edward à la gare. Ils se rendent chez leurs parents, près d'Oxford, pour le déjeuner d'anniversaire de leur mère. Mais Ed n'arrive pas et Evelyn lui en veut de la laisser seule affronter le mépris de la famille, bourgeoise et conservatrice, pour ses activités au bureau des pensions de guerre...
Ada et Jack terminent leur petit-déjeuner, puis Jack part passer la journée au jardin ouvrier. Demain, cela fera vingt-cinq ans qu'ils sont mariés. Ada est en train de débarrasser la table de la cuisine lorsque se présente à la porte d'entrée de la maison un jeune homme, blessé, sale, un de ces nombreux soldats démobilisés, sans le sous, devenus mendiants ou camelots pour un peu de nourriture, une veste ou des chaussures. Partagée entre le haut-le-coeur et la pitié, Ada le laisse entrer. La scène est étrange, dérangeante. Ada décide de lui acheter un lot de lavettes inutiles pour qu'il s'en aille au plus vite. Mais le pauvre garçon est soudain pris de convulsions. Dans son délire, il prononce un mot : "Michael". Ada est sous le choc. C'est le prénom de son fils disparu. Elle retient le vagabond, le presse de questions, mais il ne parle plus et s'enfuit...
Mon avis :
Cette histoire intense relate cinq jours. Du premier, le 7 novembre 1920, où le corps d'un soldat anonyme est déterré d'un champ du nord de la France et mis en bière, au dernier, le 11 novembre 1920, où les funérailles, à Londres, de ce Soldat inconnu, rassembleront des milliers de Britanniques, dont une majorité de femmes. Cinq jours essentiels dans la vie de trois d'entre elles : Hettie, Evelyn et Ada. A travers elles, nous découvrons les multiples contrecoups de la guerre, la profonde césure entre la vie d'avant et la vie d'après, dans un pays en pleine reconstruction mais dont la douleur du deuil est encore terriblement vive. Les pertes humaines ont été considérables et aucune famille n'a été épargnée.
L'écriture d'Anna Hope est belle, d'une grande sensibilité, et les émotions qu'elle provoque en nous sont profondes et bouleversantes. Après ce premier roman parfaitement réussi, on a qu'une envie : se plonger passionnément dans son nouveau roman, "La salle de bal" (Gallimard), Grand Prix des lectrices de "Elle" 2018.
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