vendredi 15 novembre 2019

"Les carnets retrouvés (1968-1970)" - Dang Thuy Trâm (Picquier poche)


Dang Thuy Trâm est née à Hanoï, au Nord-Vietnam, le 26 novembre 1943. Elle est l'aînée de cinq enfants, joue du violon et de la guitare, adore la poésie vietnamienne et les romans français et russes. Son père est chirurgien, passionné de musique classique occidentale, et sa mère est chargée de cours à la faculté de pharmacologie. Dang Thuy Trâm devient elle-même chirurgien en 1966, à un moment où l'engagement américain dans la guerre est au plus fort, avec des bombardements aériens contre le territoire nord-vietnamien et des combats sur le terrain contre la guérilla au sud.

Dang Thuy Trâm part pour le Sud-Vietnam comme volontaire au sein des forces vietnamiennes communistes, opposées aux Américains et aux troupes du gouvernement de Saigon. A vingt-cinq ans, elle est responsable d'un hôpital civil de campagne situé dans les montagnes au centre du Vietnam. Elle devient membre du parti communiste en 1968. Deux ans plus tard, le 22 juin 1970, elle est tuée dans le maquis de Quang Ngai. Les circonstances de sa mort sont mal connues.

Un agent des renseignements américain, Fred Whitehurst, trouve les carnets de Dang Thuy Trâm et les ramène aux Etats-Unis en 1972. Trente ans plus tard, il retrouve la famille de l'auteure qui va les publier. L'ouvrage devient un best-seller au Vietnam, puis en Amérique, et sera traduit en vingt langues.

Le journal de Dang Thuy Trâm commence le 8 avril 1968, exactement deux mois après l'"Offensive du Têt"...

"Thuy avait commencé à tenir son journal quand elle avait quitté Hanoï pour le Sud. Malheureusement, son premier carnet a été perdu, et ceux qui nous sont parvenus commencent une année après son arrivée à Quang Ngai, à un moment où elle était affreusement malheureuse.

Thuy était descendue dans le Sud par pur esprit patriotique mais aussi à cause d'un homme qu'elle appelle "M", et qu'elle aimait depuis l'âge de seize ans."

Extrait de l'Introduction de Frances Fitzgerald
Correspondante de guerre au Vietnam pour le New Yorker
Prix Pulitzer en 2008 pour "Fire in the Lake"

Mon avis :

Que de responsabilités reposent sur de si jeunes épaules !

Gérer un hôpital de campagne sous le feu des balles et des bombes... Accueillir les soldats blessés, les soigner, les opérer, les écouter, les réconforter, les encourager, atténuer leurs souffrances... Les voir repartir au front à peine valides... Quitter ceux avec qui, inévitablement, on a tissé des liens d'affection... Accompagner les mourants, leur apporter un peu de chaleur et de douceur dans leurs derniers instants...

Entendre la douleur, le chagrin, les émois de chacun... Affronter la tourmente, la mort, la peur, la haine, les doutes, les espoirs sans réponse... Craindre pour sa famille au loin, souffrir de son absence... Accepter la disparition de proches, d'amis, de camarades...

Continuer de s'émerveiller d'un rayon de soleil, de gouttes de pluie glissant sur les feuilles des arbre, d'une fleur épanouie au milieu du chaos, de l'odeur de la forêt après un orage, ou de quelques vers de poésie...

Dans ses carnets, Dang Thuy Trâm consigne des faits, mais aussi toutes ses émotions et ses sentiments, partageant sur une même page les horreurs de la guerre sur les corps et la blessure d'un amour perdu, ou encore la conduite héroïque des uns et la mesquinerie des autres...

"La vie se déroule devant nos yeux avec ses aspects multiples : l'amour, la douleur, l'espoir et la jalousie. Un être humain n'a pas que du sang rouge, la moitié de son coeur est pleine de sang noir."

Un témoignage déchirant...

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