Colin Barrett est né en 1982 à Dublin et a grandi dans le Comté de Mayo, dans l'ouest de l'Irlande. En 2009, il est distingué par le Penguin Ireland Prize. Il a publié des nouvelles dans le "Stinging Fly magazine", les revues "A public space", "Five Dials", ainsi que dans le "New Yorker". Comparé au "Gens de Dublin" de James Joyce par la presse britannique, lauréat du prestigieux Frank O'Connor Short Story Award, ce recueil de nouvelles dresse le portrait d'une jeunesse irlandaise en plein doute.
Le petit Clancy :
"C'est dimanche. Le week-end, cette période d'attrition de trois jours, s'achève. Le dimanche est un temps de purge et de réparation : les boîtes crâniennes sont mortifiées, les estomacs font du yo-yo et on se jure de ne plus jamais, jamais picoler de la sorte. Un jour qu'on est content de voir filer avant même d'avoir vraiment commencé."
Une amitié solide, un amour déçu et l'enfance qui s'éloigne...
L'appât :
"Ils avaient commencé à se voir à Bleak Woods, où les gars et les filles trop jeunes ou trop fauchés pour aller en boîte se retrouvent presque tous les vendredis soir sur l'aire de stationnement à l'entrée des bois, dans le but assumé de coucher. De la musique braillait par les portières ouvertes à une caisse, de la beu et des pastilles circulaient pendant que les couples étaient arrangés plutôt que se formaient."
Matteen, un jeune passionné de billard, est fou amoureux de Sarah. Mais la belle n'est pas connue pour être commode...
Sur la lune :
"La rivière. C'est joli. Elle coule devant nous, elle avance comme... comme un animal bien apprivoisé."
"Galway, c'est pas très loin, non, a concédé Martina, mais c'est pratiquement la lune, pour des gus comme toi."
Dans sa peau :
"Un puissant silence pèse sur la terre autour de lui, sur les pâtures, les bois et les collines qui s'étendent dans l'obscurité. Il forcit toujours plus, ce silence, et maintenant Bat l'entend distinctement, même par-dessus le hurlement continu du moteur."
Bat est un garçon timide et sensible. Un soir, il a croisé le chemin de Tansey le Nabe et sa botte. De cette rencontre, il est resté défiguré. Le cours de sa vie a-t-il changé pour autant ?
Le calme des chevaux :
"Arm avait deviné que, déjà à seize ans, son nouvel ami avait des plans pour l'avenir et que, pour les réaliser, il devait comprendre la dynamique de la souffrance, qu'elle soit encaissée ou infligée."
Lors d'une fête organisée chez Dympna, Fannigan, un dealer, tente d'abuser de Charlie, la jeune soeur de son hôte, dealer lui aussi...
Diamants :
"L'hiver est arrivé "avec la vengeance en vue", comme on dit, et c'est bien l'effet qu'il faisait, de longues et brutales représailles infligées systématiquement."
Ancienne star de l'équipe de football de la ville, aujourd'hui il (le narrateur) occupe le double poste de gardien et de professeur de sport, tâches qu'il s'applique à faire du mieux possible. Parallèlement, il ne manque aucune réunion des Alcooliques Anonymes. Lors de l'une d'elles, il rencontre Siobhan...
Merci de m'oublier :
- Vous allez pas à votre enterrement ? a demandé Dukic.
- On dirait pas, non, a répondu Doran.
- Pourquoi ?
- Ah ! Parce qu'on a la trouille, voilà pourquoi.
- La trouille, a répété le barman avec une sorte d'éternuement amusé.
- Pas du tout ! est intervenu Eli, agacé par l'insistance de Doran sur ce point, quand bien même il aurait eu raison.
Par hasard, Doran et Eli se retrouvent dans un bar juste avant les funérailles de Maryanne, leur ancienne amie, maîtresse et chanteuse de leur groupe il y a de cela bien des années...
Mon avis :
A Glanbeigh, petite ville (fictive) d'Irlande, ils se connaissent tous. Des jeunes à peine sortis de l'adolescence, les émotions à fleur de peau, fidèles en amitié et en amour, mais totalement perdus dans un monde qui ne leur offre aucun espoir. Alcool, sexe, drogue, parfois violents, souvent fauchés, mais ensemble, tels une meute de jeunes loups résignés, ils traînent leurs carcasses dans les boîtes et les bars du coin où ils noient leurs tourments et leur solitude pinte après pinte.
Dans ces sept nouvelles douces-amères, Colin Barrett dresse une peinture sociale en clair-obscur, entre grâce et brutalité, qu'il illumine de son écriture intense et poétique. Partout comparé à Ken Loach, ce jeune écrivain talentueux pose, en effet, un regard plein de justesse et de tendresse sur l'Irlande et les plus démunis. Comme au jeu de fléchettes, indissociable de tout pub irlandais qui se respecte, Colin Barrett a touché brillamment sa cible : le coeur des lecteurs.
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