mardi 2 mai 2017

"Les Oiseaux" de Daphné du Maurier (Magnard)


Daphné du Maurier est une romancière anglaise (Londres, 1907 - Par, Cornouailles, 1989). Petite-fille de George du Maurier, elle reprit les traditions du roman populaire, en dosant savamment analyse psychologique, suspense et idylle ("L'Auberge de la Jamaïque", 1936 ; "Le Général du Roi", 1946 ; "Le vol du faucon", 1964), se laissant de plus en plus porter par son goût du mystère, de la violence et du mal ("La maison sur le rivage", 1969 ; "Le bouc émissaire", 1982) et évoquant avec passion la Cornouailles ("Golden Lads", 1975). Son titre le plus connu reste "Rebecca" (1938) : une orpheline épouse un aristocrate anglais et le suit dans son manoir, où plane encore le souvenir de la première femme. Lectrice insatiable, les soeurs Brontë ont eu une très grande influence sur son travail et elle a continué de les lire jusqu'à la fin de sa vie. Elle aimait aussi les auteurs français Maupassant et Zola.

Née en 1907, Daphné du Maurier a grandi à Hampstead, un quartier chic de Londres où ses parents, bourgeois-bohèmes, mènent grand train. Acteur et scénariste, son père, Gerald du Maurier, est une vedette populaire de la scène britannique. Né à Paris, George, son grand-père, a été romancier, musicien et dessinateur satirique. Il a aussi pratiqué l'hypnose. "Sa famille était très fière de son sang français" souligne Tatiana de Rosnay, qui lui a consacré une biographie.

L'oeuvre de Daphné du Maurier a souffert d'avoir été qualifiée de "littérature sentimentale" par la critique ; elle est en effet bien plus que cela, non seulement par son refus d'une fin systématiquement heureuse mais aussi par la mise en scène de phénomènes inquiétants en recourant à une atmosphère d'angoisse, voire de terreur et à la présence presque obsessionnelle de la mort. Nimbée d'étrange et bousculant les conventions, elle a séduit de nombreux réalisateurs, Alfred Hitchcock en tête, qui portera à l'écran "L'Auberge de la Jamaïque", "Les Oiseaux" (1963) et, entre les deux, "Rebecca" (Oscar du meilleur film en 1940).

Daphné du Maurier s'est illustrée dans d'autres genres littéraires, comme le roman historique, le théâtre et les essais, avec notamment la biographie de sa famille, "Les du Maurier" (1937), dans laquelle est évoque ses origines françaises, et une biographie de la famille Brontë centrée sur le frère des trois romancières, "Le monde infernal de Branwell Brontë" (1960).

Du berceau familial londonien à Meudon, d'Alexandrie à New York, nombreux sont les lieux qui ont joué un rôle clé dans l'existence de Daphné du Maurier. Mais sa terre d'élection, indissociable de son oeuvre, reste la sauvage Cornouailles, balayée par les vents. Dès 1943, elle s'installe près de Fowey, d'abord à Menabilly, immense bâtisse qui fait écho au manoir de Manderley, où elle confronte l'héroïne de Rebecca aux affres de la jalousie, puis Kilmarth, qui lui inspira "La maison sur le rivage" et où, anoblie par la reine d'Angleterre, elle s'est éteinte en 1989.

L'histoire :

Nat Hocken est un ancien combattant, blessé et pensionné de guerre. Avec sa femme et ses enfants, il vit paisiblement dans un village rural sur la côte britannique et habite une petite maison confortable, proche de la ferme où il effectue quelques travaux adaptés à son handicap.

Ce jour de décembre, Nat s'étonne de l'agitation inhabituelle des oiseaux. Cela annonce-t-il un hiver rude ? Pendant la nuit, le vent monte. Quelque chose frappe contre la fenêtre de la chambre. Ce sont des oiseaux, cherchant sans doute un abri. L'un deux parvient à pénétrer dans la pièce et écorche légèrement la main de Nat qui aurait juré que l'animal visait ses yeux.

Soudain, des hurlements proviennent de la chambre des deux enfants. Nat se précipite auprès d'eux et découvre, horrifié, une nuée d'oiseaux de petites tailles, d'espèces différentes, et très agressifs. Une fois les enfants en sécurité, Nat se défend avec énergie contre les intrus. Puis, à l'aube, comme sous l'influence d'un étrange maléfice, tous les volatiles s'envolent par la fenêtre et disparaissent à l'horizon. La famille Hocken s'en tient à quelques égratignures et une énorme frayeur...

Mon avis :

Il suffit à Daphné du Maurier de quelques pages pour nous terroriser. Un style sobre, mais d'une rare violence, non pas tant dans l'épouvante que provoquent des animaux d'ordinaire inoffensifs soudain redoutables par leur nombre, mais par le sous-texte.

Le danger est proche. Il y a une partie de la population qui pressent la menace et qui prépare le siège et la résistance. Et il y a l'autre partie qui reste aveugle à tous les signes et adopte désinvolture et imprudence. La référence à un pays en état de guerre, au Blitz sur Londres pendant la Seconde Guerre mondiale, est évidente. Les oiseaux à l'attaque rappellent les bombardiers ennemis. La TSF diffuse des messages graves suivis de l'hymne national, puis s'éteint. Et puis c'est le chaos, venu de ceux que l'on craignait le moins, de ceux dont on ne se méfiait pas.

L'ingéniosité de Daphné du Maurier est de rendre son histoire intemporelle en ne révélant ni les causes ni les raisons de ce rassemblement de milliers d'oiseaux de toutes espèces et de cette nouvelle épreuve pour les hommes. Arme nouvelle ? Catastrophe écologique ? Intelligence animale que nous sous-estimions ? Et vous, comment l'expliquez-vous ?


A voir :
L'excellent documentaire "Sur les traces de Rebecca" diffusé en février 2017 sur Arte.



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