"En pleine figure :
Haïkus de la guerre de 14-18"
Anthologie établie par Dominique Chipot
(Editions Bruno Doucey)
Engagement : Témoignages de l'horreur de la guerre
Dominique Chipot est né en 1958. Considéré comme l'un des grands spécialistes du haïku, lui-même auteur de haïkus, il a écrit plusieurs essais, techniques ou historiques, et a adapté en français les haïkus japonais traduits par Makoto Kemmoku. Il anime régulièrement des conférences ou des ateliers sur ce thème. Son objectif, depuis plusieurs années, est de faire mieux connaître ce plus petit poème du monde qu'est le haïku. Il fonde, pour cela, l'Association pour la Promotion du Haïku et dirige "Ploc !", la lettre du haïku. Egalement passionné de photographie, il marie image et haïku dans des oeuvres originales qu'il expose depuis 2004. Certaines ont été présentées au Japon, patrie du haïku, en 2007, lors d'expositions à Tokyo et dans les environs de Nagano.
Deux auteurs piliers de l'art du haïku en France :
Paul-Louis Couchoud (1879-1959), médecin et philosophe, est d'abord connu pour sa prise de position sur la non-existence historique de Jésus. Mais c'est surtout celui qui a introduit le haïku en France. De retour d'un voyage autour du monde financé par la Fondation Kahn, de septembre 1902 à mai 1904, il a initié à la sensibilité japonaise et à l'art du haï-kaï (haïku) certains de ses amis parmi lesquels Julien Vocance, André Faure et Albert Poncin.
La fin du XIXème siècle a été fort japonisante. Au début du siècle suivant, le haïku, forme poétique délicate de 17 syllabes réparties en trois vers, s'est alors acclimaté à la langue française dans des conditions singulières. En 1905, trois jeunes poètes méconnus, Paul-Louis Couchoud, André Faure et Albert Poncin, publient le premier recueil de haïkus, "Au fil de l'eau", après une croisière sur les canaux, de Paris à La Charité-Sur-Loire. Puis, en 1922, un poète mexicain du nom de Rafael Lozano fait éditer à Paris un deuxième recueil, "Haïkaïs", auquel est donné l'exacte forme d'une plaquette japonaise : les mots sont imprimés à la verticale, à lire de droite à gauche.
"Au fil de l'eau : Les premiers haïku français (1903-1922)" aux Editions Fayard/Mille et une nuits
Dessin de Stéphane et Damien Cuvillier - "Cicatrices de guerre(s)" - 22 auteurs de BD (Ed. de la Gouttière) |
Julien Vocance (pseudonyme de Joseph Seguin) (1878-1954). En compagnie de son ami d'enfance Albert Poncin, il a rejoint le premier groupe des auteurs de haïkus français autour de Paul-Louis Couchoud, l'importateur du haïku japonais en France. Sergent pendant la Première Guerre mondiale, il a eu l'idée de noter sous forme de haïkus les terribles moments qu'il a vécus dans les tranchées. Il a par la suite composé des haïkaïs sur de nombreux thèmes qu'il a regroupés dans son "Livre des haï-kaï".
"En pleine figure" :
Poètes anonymes, poètes célèbres, poètes un peu oubliés ont utilisé le crayon comme un appareil photographique et ont choisi l'art du haïku pour tenter de restituer, à leur manière, l'Histoire, l'horreur de la guerre, les tranchées allemandes, les tranchées françaises, les combats, les blessés, les mutilés, le retour à la vie civile, les traumatismes...
Clichés en rouge et noir
Plumes trempées dans le sang
Canons en témoignages majeurs
Extraits :
En pleine figure,
La balle mortelle.
On a dit : au coeur - à sa mère
(René Maublanc)
On ne t'enterrera, combattant,
Que pour que ta charogne n'empoisonne pas
Les vivants.
(Haïku censuré de Julien Vocance)
Des arrivages de chair
Bien fraîche, toute préparée,
Pour cette nuit sont signalés.
(Haïku censuré de Julien Vocance)
Le moribond criait : Maman !
De l'arrière, le journaliste
A entendu : Vive la France !
(Marc-Adolphe Guégan)
Je n'irai pas au cimetière.
Je cherche son souvenir,
Et non son cadavre.
(René Maublanc)
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