Robert Desnos est un poète français (Paris, 1900 - Terezin, Tchécoslovaquie, 1945)
Amoureux de Paris, très attaché au quartier des Halles, où il est né et a passé son enfance, Desnos a la gouaille et la verve populaire de ses habitants. Aussitôt après avoir obtenu le brevet élémentaire (1916), il exécute divers travaux d'écriture afin d'assurer son indépendance. Secrétaire de Jean de Bonnefon, le catholique anticlérical, il apprend à connaître le monde des lettres.
Le service militaire qu'il accomplit au Maroc (1920-1922) le tient éloigné de Dada, que son ami Benjamin Péret lui avait fait découvrir. Son tempérament rebelle et ses attaches libertaires le conduisent vers le surréalisme. Il participe à une séance de sommeil hypnotique en 1922, où il se montre très doué, et dès lors alimente le groupe en poèmes et en dessins automatiques, prétendant être en correspondance mentale avec Rrose Sélavy (pseudonyme de Marcel Duchamp). Son aptitude aux jeux verbaux ("Corps et Biens", 1930), son refus de toute entrave ("Deuil pour deuil", 1924 ; "La Liberté ou l'Amour", 1927), son amour romantique et douloureux pour une vedette de music-hall, Yvonne George ("La Place de l'Etoile", antipoème, 1927-1945), en font un surréaliste exemplaire.
Pourtant, son individualisme et son refus d'adhérer au parti communiste le conduisent à quitter le mouvement avec éclat, après la publication du "Second Manifeste". Il donne alors libre cours à un lyrisme nervalien, qui ne refuse pas la versification classique. Il cherche à faire surgir l'expression populaire et la poésie du monde moderne à travers ses nouvelles activités : journalisme, radio ("La Complainte de Fantômas"), publicité, cinéma (scénarios recueillis dans Cinéma, 1966).
La poésie et l'action se trouvent conciliés dans ses poèmes de la clandestinité ("Le Veilleur du Pont-au-Change", diffusé sous le nom de Valentin Guillois) qui affirment l'amour, l'espérance et la révolte contre l'envahisseur. Cette activité au service de la Résistance relance sa création littéraire : il publie des recueils de poèmes ("Fortunes", 1942 ; "Etat de veille", 1943), un roman ("Le vin est tiré", 1943), "Trente Chantefables pour les enfants sages" (1944) et il prépare le regroupement d'écrits antérieurs quand il est interné puis déporté. Il meurt du typhus quelques jours après sa libération du camp.
Son audience est assurée auprès d'un large public par la publication de ses poèmes dans "Domaine public" (1952), complétée par "Destinée arbitraire" (1975) et "Nouvelles Hébrides" (1978), qui regroupent ses écrits de 1922 à 1930.
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Les faits :
Les surréalistes étaient fascinés par le crime. A la suite de la découverte d'une femme assassinée et démembrée rue Saint-Denis, à Paris, au début de l'année 1928, Robert Desnos décide de consacrer, pour le journal Paris matinal, une série d'articles à des criminels sadiques, dont Joseph Vacher (qui inspira Jean Aurenche et Bertrand Tavernier pour le film "Le Juge et l'Assassin"), et celui qu'il considère comme un "génie du mal", Jack l'Eventreur.
Jack l'Eventreur, le tueur de femmes, le dépeceur. Entré dans la légende autant pour l'horreur de ses crimes que pour leur impunité. On ne l'a jamais démasqué. Dans ses articles, Robert Desnos décrit les faits sans s'attarder sur les victimes. Ce sont des femmes, pauvres, édentées, prostituées, déjà perdues. Leur supplice les fait entrer dans la légende, comme leur assassin. Sans lui, personne ne se souviendrait d'elles, comme personne ne se souciait d'elles à l'époque. Ce qui intéresse Desnos, dans l'évocation de Jack l'Eventreur, c'est avant tout le Londres de la fin du XIXème siècle qui, en 1928, n'a encore rien d'historiquement exotique.
Jack l'Eventreur est le surnom donné à ce tueur qui terrorisa Londres en 1888. Il a assassiné cinq prostituées en quatre mois dans le misérable quartier de Whitechapel. Malgré le long travail de la police, il n'a jamais été arrêté. Les théories les plus folles courent encore sur son identité et il continue aujourd'hui de passionner, notamment de nombreux ripperologues, écrivains, cinéastes...
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Mon avis :
Ce texte est assez déroutant, dérangeant parfois. Les descriptions des scènes de crimes sont totalement surréalistes et décalées. Dans certains paragraphes, Whitechapel ressemblerait presque à un charmant petit village de la campagne anglaise. Desnos ne nomme pas les victimes, elles ne sont que des numéros, et il ne montre guère beaucoup d'empathie à l'égard de ces malheureuses. En revanche, il ne nous épargne aucun détail anatomique sur leur calvaire ni sur les monstruosités infligées à leur corps. "Si la norme rassure, l'anormalité fascine", dit-on. Desnos semble bien être dans ce cas de figure : la fascination pour le monstre. Très étrange...
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