mercredi 20 mai 2020

"Les Petites Filles et la Mort" d'Alexandre Papadiamantis (Babel)

Alexandre Papadiamantis est un écrivain grec né et mort à Skiathos (1851-1911). Fils d'un pope de Skiathos, il vit comme un tâcheron des lettres entre Athènes et son île natale, où il meurt dans la pauvreté. Ses débuts sont marqués par de médiocres romans historiques jusqu'à ce que, avec "Christos Milionis" (1885), il trouve enfin sa voie : la nouvelle. Il en écrit près de deux cents, publiées dans les journaux de l'époque. Conservateur, marqué par l'orthodoxie, il décrit, en un mélange unique de langue savante, liturgique et de dialecte, le destin de ses compatriotes. Beaucoup de ces textes sont purement alimentaires, et la construction est souvent négligée. Pourtant, certains récits sont des réussites, comme "La Meurtrière" (ou "Les Petites Filles et la Mort") (1903), considérée comme son chef-d'oeuvre, où il évoque la situation de la femme dans la société grecque rurale, mais aussi le problème du mal, dans un esprit qui rappelle Dostoïevski, dont il a traduit "Crime et châtiment" à partir du français. Ses développements lyriques sur la nature, son évocation nostalgique de la vie rurale grecque et son attachement à la religion orthodoxe, dans lesquels les Grecs se retrouvent, ont fait de lui un écrivain national.

L'histoire :
Khadoula, surnommée Yannou la Franque ou Francoyannou, a aujourd'hui une soixantaine d'années. Après avoir été la domestique de ses parents, elle fut l'esclave de son défunt mari et reste la servante de ses enfants, ses garçons particulièrement, et de ses petits-enfants. Mariée à dix-sept ans, mère de quatre fils et de trois filles, déjà grand-mère d'une fillette et d'un garçonnet, la voilà depuis quelques jours à nouveau l'aïeule d'une fille, malade de surcroît. La naissance d'une fille est une malédiction pour l'époque. Le poids de ce malheur pèse lourdement sur les épaules de Khadoula. Connue dans la région pour fabriquer des tisanes, des onguents, des remèdes, et chasser le mauvais oeil, pendant de nombreuses années elle a fouillé les montagnes et les vallons à la recherche de "l'herbe à faire des garçons" ou de "l'herbe à rendre stérile". En vain. Alors elle n'a plus qu'un choix possible : libérer, à sa manière, toutes ces fillettes d'un avenir inéluctable de servitude...

Mon avis :
Dans ce paysage rural et rude de la Grèce du XIXe siècle, entre conte populaire et drame sociétal, ce roman dépeint le destin tragique d'une femme que le désespoir pousse à commettre l'innommable. Réflexion aux résonances contemporaines sur la condition des femmes et des petites filles, ce portrait de Khadoula, dressé dans une langue rare et fabuleuse, est d'une beauté déchirante.

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