jeudi 29 septembre 2011

"BONJOUR TRISTESSE" de Françoise Sagan (Pocket)


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"Bonjour tristesse"
Françoise Sagan
(Pocket)
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(pour ados et adultes)
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Françoise Sagan :

Françoise Sagan, de son vrai nom Françoise Quoirez, est née à Cajarc, dans le Lot, en 1935. Sa carrière de femme de Lettres commence en 1954 avec la publication de "Bonjour tristesse". Ce roman, en abordant explicitement la sexualité féminine avec un style désinvolte et mordant, provoque un véritable scandale. Récompensé la même année par le Prix des Critiques, il devient l'emblème de toute la génération d'après-guerre et propulse son auteur au devant de la scène littéraire.

Son oeuvre compte aujourd'hui une trentaine de romans parmi lesquels "Aimez-vous Brahms...", publié en 1959 et porté à l'écran en 1963 par Anatole Litvak, "Les merveilleux nuages" (1973), "Un orage immobile" (1983), "Les faux-fuyants" (1991) ou encore "Le miroir égaré" (1996).

Nouvelliste et auteur de théâtre, Françoise Sagan a écrit une dizaine de pièces et une biographie de Sarah Bernhardt publiée en 1987. Ce grand personnage de la scène culturelle française a également écrit le scénario du "Landru" de Claude Chabrol.

Passionnée de sport automobile, l'auteur de "Bonjour tristesse" a résidé de nombreuses années à Honfleur. En 1985, elle a reçu pour l'ensemble de son oeuvre, le dix-neuvième prix de la Fondation du prince Pierre de Monaco.

Françoise Sagan s'est éteinte le 24 septembre 2004 à l'âge de 69 ans.

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L'histoire :

Cécile, 17 ans ; son père, Raymond, séduisant veuf de 40 ans ; et Elsa, la jeune et ravissante maîtresse du moment de Raymond, s'installent pour l'été dans une villa au bord de la Méditerranée. Les vacances sont idylliques : plage, soleil, mer, chaises longues, cigales... Cécile entame même un flirt avec Cyril, jeune étudiant en Droit. C'est ce que Cécile appelle "être bien".

Jusqu'à l'arrivée surprise d'Anne, très élégante femme de 42 ans, amie de la famille. Si la présence d'Anne brise rapidement le couple Elsa-Raymond, elle bouleverse surtout la relation fusionnelle père-fille de Raymond et Cécile. Froide, indifférente, autoritaire, Anne s'impose en éducatrice auprès de Cécile. Insouciante, heureuse, passionnée, mais aussi indépendante, Cécile va très vite être hostile à cette femme que son père vient soudainement de demander en mariage. Le duel est inévitable...

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Mon avis :

Quel génie ! N'oublions pas que Sagan n'a que 19 ans lorsqu'elle écrit ce texte et on ne peut qu'être coi et admiratif devant une telle maturité, une telle justesse, une telle acuité, sur la profondeur, la force, la violence des sentiments amoureux et des relations humaines.

Si Cécile succombe aux charmes du beau Cyril, c'est la douleur de perdre son père et sans doute son égoïsme qui la dominent et la conduisent de manière irréfléchie à l'irréparable. Insouciante et heureuse ; puis indifférente et machiavélique, elle ne gagnera que la torture d'une Tristesse indélébile.

Sagan se rendait-elle compte qu'elle était en train d'écrire une oeuvre qui allait devenir un classique intergénérationnel ?
  • Lire ce livre à 15 ans : on vit les émois amoureux de Cécile.
  • Lire ce livre à 20/30 ans : on se sent en empathie avec Elsa et Cyril, qui sont encore sans expérience et à une période intermédiaire de la vie : un pied dans la jeunesse, l'autre dans l'âge adulte.
  • Lire ce livre à 40 ans : on partage les certitudes... et les doutes d'Anne et de Raymond. On n'a plus beaucoup de temps.
  • Lire ce livre à plus de 45 ans : on observe les personnages se démener comme des beaux diables dans la vie, on les regarde avec philosophie, peut-être un peu de mélancolie, peut-être aussi avec un peu de..."Tristesse".
A découvrir...! A redécouvrir...! Et à redécouvrir encore...!

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mercredi 28 septembre 2011

"CENT ANS" de Herbjorg Wassmo (Gaïa)


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"Cent ans"
Herbjorg Wassmo
(Gaïa)
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(Pour ados et adultes)
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Herbjorg Wassmo :

Herbjorg Wassmo est née en 1942, dans le nord de la Norvège. Ses romans et nouvelles sont empreints de l'atmosphère de ces régions septentrionales. Auteur notamment de sagas flamboyantes telles que "Le Livre de Dina", son oeuvre a été récompensée par de nombreux prix. Il lui a fallu sept années, installée dans le phare de Henningsvaer, face aux vents, pour écrire "Cent ans", magnifique roman situé tout au nord de la Norvège et qui obtint un immense succès dans les pays scandinaves. Roman autobiographique ? Pas tout à fait. Mais Herbjorg Wassmo reconnait avoir puisé dans ses propres souvenirs d'enfance.

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Mon avis :

"Cent ans" retrace avec réalisme et sensibilité la vie, tout au nord de la Norvège, de quatre générations de femmes (Anne Sophie, Sara Suzanne, Elida, Hjordis) et des hommes (pères, frères, époux choisis ou subis, amants, fils) qui les ont accompagnées.

Un univers familial au féminin, c'est ainsi que la narratrice veut voir son histoire, elle qui noircit depuis l'enfance des carnets à l'aide d'un crayon jaune taillé au canif, et qu'elle cache bien précieusement de celui qu'elle ne nomme jamais.

Baignée de l'atmosphère particulière de cette région du monde, marquée par la rudesse de son climat et de sa nature, éléments centraux dans l'ensemble de la Littérature Scandinave, rythmée par les caprices de la mer, pimentée par l'avènement des lignes télégraphiques, de l'automobile, du téléphone, du tramway, de l'aspirateur..., cette oeuvre nous emporte, nous bascule d'une émotion à l'autre, au coeur de l'intimité des personnages, au coeur de l'histoire de la Norvège, et de ses villages perdus entre deux fjords.

Tout est ici réuni pour donner à cette épopée toute sa force, sa passion, et nous offrir des pages de lecture extraordinaires que l'on dévore.

Une écriture bouleversante et lumineuse !

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"UN SOIR, A LONDRES" de Michel Mohrt, de l'Académie Française (Folio)


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"Un soir, à Londres"
Michel Mohrt
de l'Académie Française
(Folio)
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(Pour ados et adultes)
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Michel Mohrt :

Michel Mohrt est né à Morlaix, dans le Finistère, en 1914. Après ses études de Droit et de Lettres à Rennes, il s'inscrit au barreau de Morlaix en 1937. Il fait son service militaire dans les Chasseurs Alpins puis est envoyé sur le front des Alpes contre l'armée italienne.

Lecteur aux Editions Robert Laffont, il s'exile en Amérique en 1946 et donne des conférences sur la Littérature Française. De retour en France en 1952, il met à profit ses connaissances de la Littérature Anglo-saxonne pour diriger pendant vingt ans le secteur anglo-saxon chez Gallimard.

Admis sous la coupole de l'Académie Française en 1985, auteur de "La Prison maritime" et d'une quarantaine d'oeuvres marquées par le tempérament d'un écrivain "breton, catholique et sauvage", selon l'Académicien Jean d'Ormesson, Michel Mohrt est décédé le 17 août dernier à l'âge de 97 ans.

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L'histoire :

Alors que la France vient d'élire son Président de la République, Georges Pompidou, dans l'ambiance feutrée d'un club privé de Londres, qui a vu passer Dickens, Thackeray, Trollope..., ce soir-là, Victoria et Martin, une Anglaise et un Français, deux vieux amis, se retrouvent pour la première fois depuis près de quatre ans. Depuis la disparition en mer de Chris, le mari de Victoria...

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Mon avis :

Ce texte littéraire, empreint de culture, décortique avec une très grande justesse, un amour platonique, un amour inavoué, des rendez-vous manqués, entre deux êtres qui n'ont jamais osé écouter leurs sentiments.

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Extrait :

"Quand, dans un roman, on rencontre un personnage qui dit : 'je vous aime tendrement' eet que cela non seulement n'est pas ridicule mais vous émeut, c'est que c'est un grand roman... car on trouve aussi de telles phrases dans les romans de gare, où elles ne font aucun effet."

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"L'AMOUR DURE PLUS QU'UNE VIE" d'Ann Brashares (Gallimard Jeunesse)



"L'Amour dure plus qu'une vie"
Ann Brashares
(Gallimard Jeunesse)

(Dès 14 ans)

Ann Brashares est née en 1967. Ecrivain américain pour la Jeunesse, la série "Quatre filles et un jean" est un immense succès. Elle a suivi des études de philosophie à l'Université de Columbia. Mariée, trois enfants, elle vit aujourd'hui à New York où elle est éditrice.

L'histoire :
Tout commence comme une pomme d'amour, bien rouge, bien caramélisée. En 2004, à Hopewood en Virginie, Lucy, dix-sept ans, en Terminale, est étrangement attirée par Daniel, le garçon le plus bizarre et le plus secret du lycée.

Puis tout bascule. Le soir du bal de fin d'année, une bagarre éclate. Un élève est poignardé. Et c'est au milieu de ce chaos que Daniel déclare sa flamme à Lucy. Excès de whisky ou problème mental, il ne cesse d'appeler Lucy "Sophia" et insiste avec brutalité pour qu'elle se souvienne de lui. Effrayée, Lucy s'enfuit.

Ce soir-là, Daniel, persuadé d'avoir déjà vécu plusieurs vies et que Lucy-Sophia est son amour éternel, croit l'avoir perdue à tout jamais et se jette d'un pont.

Mon avis :
Il ne faut attendre aucune cohérence dans ce roman totalement surréaliste. L'auteur ne s'encombre ni de vraisemblances ni d'efforts d'écriture. Néanmoins, cette histoire a pour elle d'aborder un thème difficile, la mort, de manière originale. La vie serait-elle une succession de renaissances ? Serait-il possible de vivre plusieurs vies, de réparer ses erreurs passées ou d'éprouver sans cesse la même passion amoureuse ? Imaginer cela, est-ce enivrant ? Ou effrayant ? Le danger ne serait-il pas que des âmes noires deviennent encore plus cruelles ?

Toutes ces questions sont posées par les deux personnages principaux. Daniel, meurtri par ses siècles d'expérience, obsédé par cet amour éternel inaccessible, perdu dans ses vies qui lui échappent de plus en plus parce qu'il ne sait pas allier son passé à son présent ; et Lucy, touchante par son naturel et sa naïveté dans sa quête de la vérité.

Dommage que les périodes historiques évoquées ne soient que timidement survolées, car elles auraient apporté de l'exotisme et du romanesque à cette histoire romantique !

Une bluette intrigante et plaisante...



Cinéma :
Sur le même sujet, voir l'excellent film de Richard Schenkman "The Man from Earth", scénario de Jerome Bixby - Premier prix du Meilleur film et du Grand prix du Meilleur scénario au festival de Rhode Island en août 2007.

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"CHRONIQUES DE L'UNIVERSITE INVISIBLE" de Maëlle Fierpied (L'Ecole des Loisirs - Médium)

"Chroniques de l'Université Invisible"
Maëlle Fierpied
(L'Ecole des Loisirs - Médium)

(Dès 12 ans)

Maëlle Fierpied :
Gameuse, passionnée des "X Men", Maëlle Fierpied a été pendant six ans libraire spécialisée Jeunesse à Rouen.

L'histoire :
Mélusine est une jeune fille de douze ans très heureuse au sein de sa famille. Depuis quelques semaines, elle est entrée en Sixième où elle a retrouvé tous ses meilleurs amis de l'Ecole Primaire. Mais Mélusine a un secret qu'elle n'a jamais confié à personne. Elle peut lire dans les pensées. Ce qui lui vaut un jour d'être kidnappée et emmenée dans un endroit étrange : l'Université Invisible...

Framboise, quatorze ans, est en Troisième. Demoiselle au caractère bien trempé, elle pense être née sous le signe de la Malchance. Sa vie n'est qu'une succession d'accidents. Mais elle n'a jamais réalisé que dans les mêmes situations, des personnes "normales" seraient gravement blessées ou mortes depuis longtemps. Framboise ne sait pas encore qu'elle possède le don de télékinésie. Un soir, sur le chemin de la maison, elle est kidnappée et emmenée, elle aussi, à l'Université Invisible...

Puis arrive Décembre. De son vrai nom "Tristan". Pickpocket, parfaitement conscient de son don de lire dans les pensées, mais amnésique depuis l'enfance (il ne connait même pas son âge), il découvre qu'il a un passé avec l'Université Invisible, lieu où sont rassemblés les jeunes Penseurs (ceux qui lisent dans les pensées) et les jeunes Voleurs (doués de télékinésie) dans le but de leur apprendre à maîtriser leur pouvoir.

Mais est-ce la véritable raison ? Tout change lorsque les Vampires (à la fois Penseurs et Voleurs) décident de rompre le Pacte de non-agression avec l'Université Invisible.

Mon avis :
Ce livre est un véritable kaléidoscope de clins d'oeil réjouissants à : "X Men", "Men in black", "Buffy contre les Vampires", "Harry Potter", aux jeux vidéo comme "World of Warcraft", aux romans de Stephen King, et sans doute un tas d'autres références, à chacun ses sensibilités.

Très bien écrite, au scénario impeccable et dense, cette histoire est follement passionnante, drôle, et diablement palpitante !

Un univers à découvrir vite, vite, et quelques heures de bonheur pur à déguster !

mercredi 10 août 2011

"LA VOIX" d'Arnaldur Indridason (Points/ Métailié)




"La Voix"
Arnaldur Indridason
(Points/Métailié)

Grand Prix de Littérature Policière 2007

(Pour ados et adultes...)

L'auteur :
Arnaldur Indridason est né en 1961 à Reykjavik (Islande) où il vit toujours. Diplômé en Histoire, journaliste, scénariste, et auteur de best-sellers internationaux.

L'histoire :

C'est la période de Noël. Près de Reykjavik, dans un grand hôtel de luxe bondé de touristes étrangers venus s'imprégner des images d'Epinal de l'Islande, le Père Noël est retrouvé assassiné dans un cagibi sordide qui lui tient lieu de chambre. Un poster de Shirley Temple est accroché au mur...
Shirley Temple (1928) : actrice et diplomate américaine, premier enfant-star à avoir connu une renommée internationale dès l'âge de trois ans, véritable icône des années 1930 et 1940.

Mon avis :

Dans ce vrai-faux thriller, comme à son habitude, Arnaldur Indridason décortique un thème, et dans "La Voix" il s'agit de l'enfance.
  • Les enfants surdoués, les enfants stars, les enfants prodiges, comme le fut la victime, à qui on en demande toujours plus pour satisfaire les rêves des autres, mais à qui on ne demande jamais quels sont leurs propres rêves.
  • L'enfance des frères et soeurs de ces enfants "précieux" qui occupent l'attention de tout le monde, surtout celle des parents.
  • L'enfance du Commissaire Erlendur marquée par la disparition de son frère dans une tempête de neige à laquelle, lui, a survécu, sa culpabilité, la culpabilité de ses parents, et les répercussions de cette terrible souffrance sur ses relations avec sa propre fille.
  • Le procès de ce père auquel la collègue d'Erlendur, qui l'avait arrêté, doit témoigner. Trop vite persuadée que le père était coupable de violences sur son fils, Elinborg s'aperçoit qu'elle a négligé certains points dans son enquête et prend conscience des conséquences des préjugés.
Toujours très documenté, percutant, personnellement impliqué dans les thèmes qu'il met en avant, une fois encore, Arnaldur Indridason plaque le tison juste là où il faut pour éveiller notre conscience... ou peut-être nos propres souvenirs. Mais nous laisse toujours les cartes en main pour avancer dans le jeu de la vie.


Dur, comme d'habitude ! Mais chef-d'oeuvre, comme d'habitude !


"L'ETRANGLEUR D'EDIMBOURG" de Ian Rankin (Le Livre de Poche)


"L'Etrangleur d'Edimbourg"
Ian Rankin
(Le Livre de Poche)

(Pour adultes et ados curieux de découvrir Edimbourg et l'une des parties les plus difficiles du boulot de flic...)

L'auteur :

Ian Rankin est né en 1960 en Ecosse, dans le Comté de Fife à Cardenden, petite cité minière. Il a étudié la littérature anglaise à l'Université d'Edimbourg et a exercé nombreux métiers pittoresques (d'ouvrier dans un élevage de poulets à chanteur dans un groupe punk) avant d'écrire et de vivre de sa plume. Qualifié par James Ellroy de "roi du tartan noir", il a obtenu un nombre impressionnant de récompenses prestigieuses. Après avoir passé six années en France dans le Périgord, Ian Rankin vit aujourd'hui avec sa famille à Edimbourg. "L'Etrangleur d'Edimbourg" est la toute première enquête de l'inspecteur-adjoint Rebus que Rankin a écrit au lieu de rédiger sa thèse.

L'histoire :

En ce 28 avril pluvieux, John Rebus quitte le cimetière. Ce quinzième anniversaire de la mort de son père éveille en lui de très mauvais souvenirs  mais il tente quand même de rendre visite à son frère Michael. Il n'attend rien de ces retrouvailles. John et Michael ont si peu en commun. De plus, l'ascension sociale de Michael est si fulgurante qu'elle pourrait en paraître suspecte. Sauf que John, le flic, s'en moque totalement. Le lendemain, John Rebus se voit confier l'enquête sur l'enlèvement et le meurtre de deux petites filles. Enquête qui va le plonger dans la douleur et les méandres de sa mémoire...

Mon avis :

Bien que n'ayant subi aucune violence sexuelle, le meurtre de ces petites filles est considéré pénalement comme "meurtre à caractère sexuel". Ce qui va obliger les enquêteurs, et ce sera un calvaire pour eux, à éplucher les dossiers les plus sordides à la recherche du moindre indice, de la moindre similitude.

Les meurtres d'enfants, à caractère sexuel ou non, sont les plus difficiles à supporter pour les policiers et ils retentissent de façon brutale et violente sur leur façon de travailler et sur leur impartialité. Les affinités comme les jalousies ou les rancoeurs personnelles et professionnelles s'en trouvent exacerbées. Ian Rankin décrit toutes ces émotions contradictoires avec beaucoup de pudeur et d'humanité.

Et puis, il y a Edimbourg, son histoire, sa géographie, sa culture, son contexte socio-énonomique, son architecture, son climat... où s'entrechoquent la vraie vie de la ville et ses côtés obscurs, et le flot de touristes qui ne voient que le passé. Un passé illustre puisqu'Edimbourg toute entière est dédiée à Walter Scott et à Stevenson, Jekyll et Hyde... Mais aussi à Deacon Brodie, criminel, notable de la ville exécuté en 1788. A Burke et Hare, duo d'assassins de la première moitié du XIXème siècle dont les crimes visaient à procurer des cadavres à l'anatomiste Robert Knox. Et dédiée aussi à Bobby, sky-terrier qui veilla sur la tombe de son défunt maître durant quatorze ans. Ce qui lui valut d'avoir sa statue érigée dans le cimetière... "Des manteaux de fourrure sans petite culotte" disait-on à Glasgow d'Edimbourg à une certaine époque...

Ian Rankin, avec John Rebus, son personnage un peu barré et attachant, nous guide d'un pas rapide et assuré, sans aucun temps mort, au coeur de cette jungle hétéroclite et schizophrène.

"L'Etrangleur d'Edimbourg" n'était pas censé avoir de suite. Mais les lecteurs de Rankin, impatients de savoir ce que devenait John Rebus, poussèrent l'auteur à reprendre sa plume. C'est ainsi que Rebus devint héros récurrent pour notre plus grand plaisir.

"Rebus est comme Edimbourg. Il ne se dévoile jamais complètement.
Il garde ses émotions cachées."
Ian Rankin

"SMILLA ET L'AMOUR DE LA NEIGE" de Peter Hoeg (Points/Seuil)


"Smilla et l'Amour de la neige"
Peter Hoeg
(Points/Seuil)



"Selon des phrénologues français, il existait une corrélation directe entre l'intelligence humaine et la taille du crâne. Or chez les groenlandais, qu'ils considéraient comme une race intermédiaire entre le singe et l'Homme, ils ont mesuré les plus grands crânes de la planète." (Extrait du livre page 27)

La phrénologie est une théorie selon laquelle les bosses du crâne d'un être humain reflètent son caractère.

L'auteur :
Peter Hoeg est né en 1957 à Copenhague (Danemark). Il a été marin, danseur classique, acteur, avant de se consacrer à l'écriture. "Smilla et l'Amour de la neige" est le deuxième roman de ce "Jules Verne danois moderne". Il a été traduit dans plus de trente pays. Best-seller international, il a été adapté au cinéma par Bille August en 1997.

L'histoire :
Smilla, jeune femme groenlandaise par sa mère, habite à Copenhague (Danemark). Elle lie une amitié profonde et émouvante avec son jeune voisin, un petit groenlandais, Esajas. Esajas a perdu son père et vit seul avec sa mère alcoolique. Totalement livré à lui-même, le gamin découvre la lecture et les histoires avec Smilla, et la magie de créer des choses de ses mains avec un mécanicien. Mais la vie n'est pas douce. Un jour de décembre, sous un paysage de neige et de glace, Esajas est retrouvé mort. Il jouait sur le toit surplombant les six étages de l'immeuble. Il a glissé. Il est tombé.
Smilla prend tout en charge, parle aux policiers, s'occupe de la mère d'Esajas, et n'a pas le temps d'avoir du chagrin. Pas encore. Car elle possède de sa mère une fascination pour la neige et la glace. Et cette chute accidentelle, elle n'y croit pas... Esajas devait fuir quelqu'un... Ou quelque chose...

Mon avis :

Ce livre, un pavé de cinq cents pages, à la typographie claire mais bien serrée, il faut le déguster avec lenteur, lui accorder du temps, car l'auteur est un fou furieux !

D'une écriture admirable, cette histoire vacille savamment entre :
  • Conte philosophique et document ethnographique
  • Sciences et poésie
  • Intellectuel et léger
  • Réalité et mythologie
  • Glace et canicule
  • Obscurité et lumière
  • Noirceur et blancheur immaculée
  • Cruauté et amour
  • Nostalgie et rage de vivre
C'est un voyage au sens propre. C'est aussi un voyage bouleversant et émouvant dans l'enfance de Smilla passée auprès de sa mère, chasseur (volontairement au masculin car il ne restait plus assez d'hommes jeunes pour assurer cette tâche, les femmes les plus solides durent s'y mettre), qui lui a enseigné à interpréter les signes de la nature, au coeur des grands espaces du Groenland.

C'est un poing rageur levé contre la force destructrice de l'Homme et une ode à la puissance vivante de la Nature.

Un ouvrage totalement abouti !

"LES ANNEES CERISES" de Claudie Gallay (Babel)


"Les Années Cerises"
Claudie Gallay
(Babel)

(Dès 12 ans...)

L'auteur : Claudie Gallay est née en 1961 à Bourgoin-Jallieu. Parrallèlement à son activité d'écrivain, elle exerce toujours à temps partiel le métier d'institutrice. On peut la retrouver également dans l'excellent recueil de nouvelles "La Rencontre" aux Editions Prisma.

L'histoire : Pierre-Jean, un petit garçon de dix ans, vit avec ses parents dans une maison près d'un beau cerisier. Mais surtout au bord d'une falaise qui s'écroule. Pour leur sécurité, ils sont menacés d'expulsion. Ils vont être totalement rayés de la carte du village ! Une épreuve pour la famille. Pierre-Jean est un garçon étrange, solitaire, moqué par ses camarades de classe, très mauvais élève. Il vit dans son univers rien qu'à lui. Son père n'est jamais là. Sa mère n'a jamais le temps sauf celui de lui distribuer des gifles. Là où il est vraiment heureux et lui-même, c'est le samedi, à la campagne, auprès de ses grands-parents et de tous les animaux de la ferme, et où il relit sans cesse le même vieux livre qui sent les champignons que lui a donné son grand-père, "Merlin l'enchanteur"...

Mon avis : Plus qu'un roman, ce livre est un conte un peu étrange qui nous plonge pendant plusieurs saisons (on ne sait pas toujours lesquelles, les parents s'en fichent, cela n'a d'importance qu'à la campagne, chez les grands-parents) au coeur d'une maison au bord de l'anéantissement, au coeur d'une famille au bord de l'anéantissement, où personne ne prend le temps de s'entendre, encore moins de s'écouter, et où tout le monde sombre dans la folie du désespoir. C'est la vie de toute une famille qui se dévoile page après page sous la plume légère et originale de Claudie Gallay.

Un livre plein de poésie et de philosophie !

lundi 27 juin 2011

"UN CHIEN DU DIABLE" de Fabienne Ferrère (10/18)


"Un chien
du diable"
Fabienne Ferrère
(10/18)


Fabienne Ferrère est professeur de philosophie, passionnée de l'histoire de la Renaissance. "Un chien du diable" est son premier roman.

L'histoire : Rouen - Novembre 1594 - Ambroise Roquebrune, Comte de Bleuse, est retrouvé crucifié dans une église de la ville de Rouen. La mise en scène de ce crime, qui laisse à penser qu'il s'agit d'un acte commis par un huguenot contre un catholique, est abominable. Mais ce qui inquiète davantage le Roi Henri IV, nouvellement converti au catholicisme, c'est que l'on retrouve au plus vite une de ses lettres, volée, destinée à la Reine Elisabeth 1ère d'Angleterre, qu'il regrette amèrement de ne pas avoir détruite, et qui ne doit en aucun cas se retrouver entre les mains de Philippe II d'Espagne ou celles du Pape Clément VIII. Les guerres de religion entre catholiques et protestants en seraient ranimées. Une seule personne est capable de résoudre ces affaires : le chevau-léger Gilles Bayonne. Mais celui-ci ne l'entend pas de cette oreille...

Les chevau-légers (ou chevaux-légers avec un x au singulier comme au pluriel) sont des soldats appartenant, comme leur nom l'indique, à la cavalerie légère.

Mon avis : Une écriture riche et très belle. Une connaissance approfondie de la langue de ce siècle. Une reconstitution de l'époque très minutieuse. Au coeur d'une intrigue haletante et construite à la perfection, le récit fourmille de détails, d'anecdotes, et porte un regard très éclairant sur la vie quotidienne de toutes les couches sociales de l'époque. Voilà une histoire romanesque à souhait digne des maîtres (Dumas, Hugo, Sue...) enrichie de l'originalité et de la fraîcheur des personnages hauts en couleur, et que l'on quitte avec peine. Heureusement, Fabienne Ferrère vient de publier sa seconde aventure de Gilles Bayonne : "Car voici que le jour vient" (Denoël).

Extraordinaire !

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(Pour ados et adultes...)
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"CHARLY 9" de Jean Teulé (Julliard)



"Charly 9"
Jean Teulé
(Julliard)



Jean Teulé : Né en 1953, auteur de bandes dessinées, homme de télévision et de cinéma, et surtout écrivain au style personnel et inimitable.

L'histoire : Charles IX fut de tous nos rois de France l'un des plus calamiteux. A 22 ans, pour faire plaisir à sa mère, il ordonna le massacre de la Saint Barthélemy, qui épouvanta l'Europe entière. Abasourdi par l'énormité de son crime, il sombra dans la folie. Courant le lapin et le cerf dans les salles du Louvre, fabriquant de la fausse monnaie pour remplir les caisses désespérément vides du royaume, il accumula les initiatives désastreuses. Transpirant le sang par tous les pores de son pauvre corps décharné, Charles IX mourut à 23 ans, haï de tous. Pourtant, il avait un bon fond. (Quatrième de couverture)

Mon avis : Une langue contemporaine et familière, peu conventionnelle pour le genre et qui risque de déstabiliser les puristes d'un style plus littéraire. Mais c'est un choix totalement assumé par l'auteur qui manifestement se régale à nous raconter les frasques de ce roi fou, parfois à la limite du gag mais toujours aux conséquences désastreuses. On le remercie d'avoir eu la pudeur et la délicatesse de nous épargner les détails épouvantables de ce Dimanche 24 août 1572 (Saint Barthélemy) en laissant volontairement une page blanche. Notre imagination suffit largement. L'humour noir de Jean Teulé est désopilant. Mais ce livre est terriblement tragique car il ne faut pas oublier que malheureusement, tout est vrai.

"BE SAFE" de Xavier-Laurent Petit (L'Ecole des Loisirs - Médium)


"Be safe"
Xavier-Laurent Petit
(L'Ecole des Loisirs/Médium)






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Xavier-Laurent Petit est né en 1956 en région parisienne. Après des études de philosophie, il devient instituteur, puis directeur d'école, mais reste avant tout un passionné de lecture. Une passion qui le conduit à franchir le pas de l'écriture en 1994, avec deux romans policiers publiés chez Critérion. Ensuite il entre à L'Ecole des Loisirs avec "Colorbelle-ébène" pour lequel il obtient le Prix Sorcières en 1996. Xavier-Laurent Petit écrit des romans à suspense qui se déroulent dans des décors totalement imaginaires, comme "Le Monde d'en haut" récompensé par le Prix Goya du premier roman, ou bien des décors très réels comme le coeur du Wyoming dans "Piège dans les rocheuses", ou l'Algérie dans "L'oasis". Dans un tout autre genre, il dénonce avec ferveur les atrocités de la guerre en donnant la parole à des enfants iraniens, syriens, congolais, algériens... dans "Fils de guerre". Marié, quatre enfants, il vit à Saint-Maur-des-Fossés dans le Val de Marne. Passionné de montagne, il se consacre maitenant à l'écriture et n'imagine pas de laisser passer plus d'un an sans partir au moins une fois loin et haut...

Contexte historique : Etats Unis - Second mandat de George W. Bush - La Guerre en Irak fait des dizaines de morts par semaines. Des "boys". Des jeunes hommes. Des frères. Des fils. Des fiancés. Des maris. Des pères.

L'histoire : Dans le garage de la maison familiale, Jeremy, 18 ans, et son petit frère Oskar, 16 ans, grattent leur guitare et leur basse. Oskar est lycéen et heureux de l'être. Jeremy, lui, a quitté les cours depuis l'âge de 16 ans, promettant à son père, fou de colère, qu'il trouverait rapidement un travail. Malheureusement, aux Etats-Unis comme ailleurs, la situation économique est difficile. L'usine mécanique a fermé ses portes et les magasins de la ville disparaissent les uns après les autres.
Un jour que les deux frères vont faire des courses au seul supermarché du coin, deux militaires recruteurs se dirigent vers les garçons, et en quelques minutes, voilà Jeremy engagé pour quatre ans, persuadé qu'il construira des ponts. Il part dans deux semaines pour Fort Carolina, à l'autre bout du pays.
Les parents sont atterrés. Oskar ne comprend pas la réaction ni des uns ni des autres.
Jeremy part, laissant son petit frère seul avec sa tristesse, son angoisse, et le lourd secret de leur père.
Heureusement, il y a Marka, petite soeur de Jeff (qui a pris le même bus que Jeremy), avec qui il partage la même passion pour la musique et la même inquiétude pour leurs frères.
Pendant les mois qui vont suivre, les rares lettres de Jeremy à ses parents sont rassurantes. Mais les e.mails qu'il envoie à Oskar sont terribles de réalisme, d'horreur au quotidien, et se terminent tous par : "Be safe", "Sois prudent", "Fais gaffe"...

Mon avis : Un livre extraordinaire qui décrit parfaitement les ravages du recrutement des jeunes les plus fragiles, les plus paumés, de leur formation militaire, de leur "formatage". Puis l'anéantissement de leurs rêves et l'horreur du terrain. Et la difficulté pour ceux qui ont déjà vécu tout cela d'en parler, de mettre en garde les nouvelles générations. C'est un livre sur l'inquiétude et l'angoisse des familles dépourvues d'informations face à "la Grande Muette".
Mais c'est aussi la magnifique histoire de la relation, pas toujours simple mais forte, d'un père avec ses deux fils.
Un roman, presque un témoignage, que l'on dévore et qu'on ne lâche sous aucun prétexte ! Précipitez-vous à la librairie ou à la bibliothèque !!!

(Dès 12 ans et adultes...)

mercredi 1 juin 2011

BAL DE GIVRE A NEW YORK, de Fabrice Colin (Albin Michel Wiz)



BAL DE GIVRE
A NEW YORK
Fabrice Colin
(Albin Michel Wiz)

Fabrice Colin :
Né en 1972, Fabrice Colin est un écrivain français très prolifique dont l'oeuvre est déjà saluée par trois Grands Prix de l'Imaginaire. A son actif : de nombreux romans, BD, nouvelles et pièces radiophoniques, pour adultes comme pour adolescents. En Littérature Jeunesse, il est notamment l'auteur de "La Malédiction d'Old Haven" et du "Maître des dragons", de "Projet oXatan", de la "Saga Mendelson" et de la série des "Etranges Soeurs Wilcox". Marié et père de deux enfants, il vit actuellement à Paris. (dreamamericana.free.fr et fabrice.colin.over-blog.com)

L'histoire :
Victime d'un accident dont on ignore les circonstances exactes, après s'être évanouie quelques instants, Anna Claramond, une jeune fille de 17 ans, a perdu la mémoire. L'instinct, sans doute, la ramène chez elle. Des souvenirs lui reviennent à mesure qu'elle voit les choses, les lieux, les personnes... Mais son monde semble irréel, futuriste, à la fois aseptisé et cauchemardesque, où le ciel de New York est zébré de ponts et de passerelles métalliques, et les immeubles sont faits d'ossatures d'acier et de verre.

Mon avis :
Quelle force extraordinaire ! Lectures Jeunesse et Adultes confondues, ce livre est sans doute l'un des meilleurs et des plus marquants de l'année 2011. L'écriture est très riche et belle. Le scénario est ciselé au scalpel. Chaque détail a son importance. Même ces quelques pages sucrées de romans d'amour, qui pourraient décourager certains lecteurs, se concluent par ces mots de l'héroïne : "J'en viens à me considérer comme une princesse de roman à l'eau de rose". Et le rideau tombe. Plus de bluette. Tout s'assombrit de plus en plus.
Dans ce roman, l'auteur revisite tous les paradoxes et tous les symboles de New York (par exemple, la Statue de la Liberté sur Ellis Island devient "La Dame du Temps" sur "Time Island", une statue courbée tirant son fardeau : New York). Il revisite l'architecture vertigineuse de New York.
Fabrice Colin nous offre quelques clins d'oeil au cinéma américain : des comédies musicales aux grandes histoires romanesques en passant par les contes de fées de Disney ; d'Alfred Hitchcock à Orson Wells ; de "King Kong" à "La Tour Infernale"... Il ponctue également son texte de références littéraires à : Shakespeare, George Orwell, Edgar Allan Poe...

Ce conte philosophique fantastique et puissant nous pousse parfois au bord des larmes, jusqu'à la dernière page où le couperet tombe. La vérité est révélée et on a le souffle coupé. La quatrième de couverture dit : "Vous sortez de ce roman comme une anesthésie, groggy, chancelant, troublé". C'est exactement cela...

Adultes et ados, à lire de toute urgence !!!

MAIGRET A NEW YORK, de Georges Simenon (Le Livre de Poche)






MAIGRET A NEW YORK
Georges Simenon
(Le Livre de Poche)

Georges Simenon : Ecrivain belge né à Liège en 1903. A seize ans, il devient journaliste à "La Gazette de Liège". Son premier roman fut publié en 1921 sous le pseudonyme de Georges Sim "Au pont des Arches, la petite histoire liégeoise". En 1922, il s'installe à Paris et écrit des contes et des romans-feuilletons dans tous les genres. En 1929, Simenon rédige son premier Maigret "Pietr le Letton". Le Commissaire Maigret devient vite un personnage très populaire (72 aventures). Parallèlement à son activité littéraire foisonnante, il voyage beaucoup. A partir de 1972, il décide de cesser d'écrire, exceptés vingt-deux "Dictées" et ses "Mémoires Intimes" en 1981. Simenon s'éteint à Lausanne en 1989.

L'histoire : 1946. Jules Maigret, commissaire tout juste à la retraite, s'est laissé convaincre par l'histoire d'un notaire, Maître D'Hoquélius, pour qui il accepte d'accompagner à New York le jeune Jean Maura, inquiet de nouvelles contradictoires sur son père. A leur arrivée à New York, au matin, les deux hommes se trouvent séparés. Aussi, Maigret, qui ne connait pas la ville et parle à peine l'anglais, se rend directement à l'hôtel où loge le richissime Joachim Maura. Il y est accueilli de manière fort curieuse. Le soir, toujours sans nouvelles de son compagnon de voyage, l'ancien Commissaire Maigret appelle un de ses amis, un Policier Fédéral, le Capitaine O'Brien...

Mon avis : Lire une aventure du Commissaire Maigret est toujours un moment agréable, léger. C'est plonger dans une France qui n'existe plus et pour laquelle on peut ressentir à certains égards une pointe de nostalgie. Ce roman-ci "Maigret à New York" pourrait aussi s'intituler "Un Français à New York". Grincheux et insupportable, Maigret arrive à New York avec des valises de préjugés : dérangé par le ciel maussade, la foule, les formalités, la monnaie qu'il ne connait pas, l'anglais, la saleté des quartiers, la laideur des maisons... Il a envie d'une bonne bière, des petits plats de Madame Maigret, de retrouver au plus vite son village tranquille et le confort de sa maison de Meung sur Loire... Déstabilisé par une ville sans cesse en mouvement, où l'on ne mène pas une enquête comme à Paris, où l'on ne peut pas retracer administrativement toute la vie d'une personne comme en France, c'est avec un Maigret peu sûr de lui, dépendant de ses collègues américains et empêché par la langue qu'il ne maîtrise pas, que nous découvrons et visitons le New York de 1946. Puis, à mesure que le mystère se dissipe, le temps devient plus clément et New York moins sombre. Maigret commence à se ressaisir, à se réconcilier avec l'Amérique et les Américains, et ne se refuse plus quelques cocktails américains, comme les manhattans. Il réalise, bien que ce fusse une évidence, qu'ici ou ailleurs, les êtres humains ne sont pas si différents. L'histoire familiale, plus qu'une enquête, est très émouvante. Mais Maigret est, de loin, le personnage le plus touchant dans ses faiblesses.

Vivement conseillé aux jeunes lecteurs amateurs d'ambiance "1940, gangsters et détectives privés en pardessus sombres et chapeaux gris", car on n'est pas là dans un rythme "plan-plan" que les ados détestent et que peuvent avoir certaines enquêtes de Maigret...

THE NEW YORKER - LA FRANCE ET LES FRANCAIS - 200 dessins, Traduits et adaptés par Jean-Loup Chiflet (Points)


THE NEW YORKER
LA FRANCE ET LES FRANCAIS
200 Dessins
Traduits et adaptés par
Jean-Loup Chiflet
(Points)

The New Yorker : Il fut fondé en 1925 par Harold Ross et sa femme, Jane Grant, journaliste au "New York Times". Ross souhaitait créer un journal humoristique sophistiqué, et "The New Yorker" s'est rapidement établi comme une tribune prééminente du journalisme sérieux et de la fiction. Publié quarante fois par an avec six éditions supplémentaires, c'est un journal cosmopolite et urbain qui se concentre surtout sur la vie culturelle de New York. Ses bandes dessinées, célèbres caricatures et ses nouvelles ont permis à ces genres une meilleure considération littéraire aux Etats-Unis. Les équipes qui travaillent au "New Yorker" sont réputées pour leur rigueur. Auteurs, journalistes, collaborateurs et critiques sont tous parmi les meilleurs dans leurs catégories. "The New Yorker" a notamment publié l'essai de John Hersey "Hiroshima", et des nouvelles d'Ann Beattie, J.D. Salinger, Haruki Murakami (auteur de "Kafka sur le rivage" chez Belfond), Alice Munro, Vladimir Nabokov, Philip Roth, l'intimiste John Hupdike, "La loterie" de Shirley Jackson, et le surréaliste Donald Barthelme.

Jean-Loup Chiflet est né en 1942. Il est écrivain, éditeur (Mots et Cie), passionné des jeux de la langue française. Son objectif pour sa maison d'éditions comme dans la vie : s'instruire en s'amusant.

Le livre : Il rassemble les meilleurs dessins sur la France et sur les Français parus dans "The New Yorker" depuis 1925, et qui nous font revisiter avec beaucoup de bonheur notre histoire d'un point de vue américain.

A savoir avant la lecture, pour ceux qui ne parlent pas anglais, et pour comprendre certains dessins : un caniche se dit "French poodle" en anglais.

1925 - 1939 : French Kiss
La France est alors un mythe, un fantasme. Lors du Krach de 1929, "The New Yorker" fit tout pour occulter la crise et les caricaturistes ont jeté leur dévolu sur la France. Paris en particulier, rêve absolu des Américains, et symbole de l'opulence et de toutes les folies. En 1932, le rêve devient réalité pour les "nouveaux riches".

1940 - 1966 : La Fayette nous revoilà !
C'est la guerre. Pearl Harbor a précipité les troupes américaines dans le conflit mais au pays l'ambiance ne change pas beaucoup. Aucun dessin sur le débarquement en Normandie. La France reste toujours le symbole de l'exotisme mais plus seulement réservé à une élite comme dans les années 30. Le rêve devient abordable à la middle class de l'Amérique profonde, les parents des "boys" revenus à la maison, des "Américains moyens" qui agaceront vite les Français par leur manque de manières.

1967 - 2006 : Je t'aime, moi non plus
De Gaulle énerve un peu les Américains. On se moque des intellectuels en égratignant gentiment Beauvoir et Sartre. Valéry Giscard D'Estaing fascine avec son nom improbable. Le Concorde. Le Bicentenaire de la Révolution. L'ouverture d'Eurodisney. Et puis la guerre en Irak.

Mon avis : On passe avec ce livre un moment léger et savoureux ! C'est un livre qui fait vraiment du bien ! Son petit prix ferait de lui un cadeau parfait pour la Fête des Pères...

lundi 2 mai 2011

LA MAISON SUR LE RIVAGE, de Daphné Du Maurier (Le Livre de Poche)


 
LA MAISON SUR LE RIVAGE
de Daphné Du Maurier
(Le Livre de Poche)

Daphné Du Maurier :
Née à Londres en 1907, fille de l'acteur Sir Gerald Du Maurier, petite-fille de l'écrivain et dessinateur George Du Maurier, ami de Henry James, Daphné Du Maurier écrit des nouvelles depuis l'âge de dix-huit ans. En 1931 paraît son premier roman "La Chaîne d'amour". En 1932, elle épouse le Général Sir Frederick Browning dont elle aura trois enfants. Deux de ses livres sont portés à l'écran par Alfred Hitchcock, "L'Auberge de la Jamaïque" et "Rebecca". Puis, sa nouvelle "Les Oiseaux" devient également très célèbre grâce au film de Hitchcock. Daphné Du Maurier décède en 1989 en Cornouailles.

A lire aussi "Le Monde Infernal de Branwell Brontë" (Phébus), biographie écrite par Daphné Du Maurier sur l'unique frère des soeurs Brontë Charlotte, Anne et Emily.

L'histoire :
Richard Young et Magnus Lane sont amis depuis l'université. Tous deux proches de la quarantaine, Magnus est aujourd'hui professeur de biophysique à l'Université de Londres, célibataire, ne vivant que pour ses recherches. Richard, lui, est en pleine crise existentielle. Il vient de quiter son métier d'éditeur sans autre projet. Son mariage d'à peine trois ans avec Vita, américaine, mère de deux garçons d'une précédente union, et qui ne rêve que de vivre à New York, part à vau-l'eau. Alors, quand son ami Magnus lui propose de participer à une expérience, il accepte. Profitant du départ en vacances aux Etats-Unis de sa femme et des garçons, Richard s'installe dans la maison familiale d'été de Magnus, en Cornouailles, et avale la première dose d'une drogue conçue par son ami biophysicien. Et le voilà transporté sur les mêmes terres de Cornouailles, mais au XIIIème ou XIVème siècle, dans un couvent médiéval français appelé "La Maison du Rivage"...

Mon avis :
Passionnante, haletante, machiavélique, effrayante, cette histoire nous plonge dans le passé, au coeur d'une famille du XIVème siècle, dans cette région de Cornouailles au climat rude. Secrets, complots, amours, vengeances... le suspense est tel que l'on se surprend à attendre du narrateur qu'il prenne une dose supplémentaire de cette substance inconnue pour suivre les aventures de cette communauté médiévale. Les retours au présent sont douloureux, tant la vie réelle de Richard est déprimante. L'expérience est exaltante. Mais elle met bien le doigt sur les revers de la drogue. Ce roman est époustouflant de maîtrise tant dans sa construction, la chronologie des événements, la description précise des décors, de la géographie et du climat, les références historiques, que dans la psychologie et la complexité de chacun des personnages, du passé comme du présent.

Un oeuvre magnifique à lire passionnément...

LE JEU DE LA MORT, de David Almond (Gallimard Scripto)



LE JEU DE LA MORT
de David Almond
(Gallimard Scripto)

David Almond :
"J'ai grandi, raconte David Almond, dans une petite ville située au bord d'une rivière, entourée de landes et d'anciens puits de mine. Notre vie était empreinte de mystère et d'événements inattendus. Le lieu et les gens qui y vivaient m'ont beaucoup inspiré pour imaginer mes histoires. J'ai toujours voulu écrire, et si ce n'est pas toujours facile, c'est quelquefois un moment rare de magie !". David Almond a d'abord été postier, vendeur de balais, éditeur et enseignant. Un beau jour, dans les années 80, il a quitté son travail, vendu sa maison et a rejoint une communauté d'artistes et d'écrivains dans un manoir de Norfolk pour se consacrer entièrement à l'écriture. Il publie des livres aussi bien pour les adultes que pour la jeunesse. C'est avec "Skellig" (Flammarion), son premier roman pour la jeunesse, qu'il connaît un immense succès. Pour "Le Jeu de la Mort", il a reçu le Prix britannique Silver Smarties et le Prix américain Michael L. Prinz. Il a également publié chez Gallimard Jeunesse "Ange des Marais noirs" et "Le Cracheur de Feu" qui a été récompensé en Angleterre par le Carnegie Medal et le Prix Smarties en 2003.

L'histoire :
Après un départ de quelques années, et suite au décès de sa grand-mère, les parents de Kit Watson ont décidé de revenir sur la terre qui les a tous vus grandir, eux et toute leur famille depuis des générations, Stoneygate, une petite ville au bord d'une rivière entourée de landes et d'anciens puits de mine. En 1821, il y eut une explosion. Cent dix sept mineurs, tous des enfants âgés de 9 à 12 ans, moururent. La légende dit que leurs fantômes viennent régulièrement hanter les lieux et que seuls quelques "élus" peuvent les apercevoir. Depuis la catastrophe, la tradition veut que dans toutes les familles des victimes les descendants portent le prénom de leur jeune ancêtre. C'est ainsi que Christopher "Kit" Watson, 13 ans, peut lire sur le monument funéraire un nom identique au sien, ainsi que d'autres noms identiques à ceux de camarades du collège. Parmi eux, John Askew, 13 ans aussi, un adolescent gothique, sombre et inquiétant, qui a inventé l'effrayant et très secret Jeu de la Mort et dans lequel il entraîne Kit...

Mon avis :
Ce Jeu de la Mort n'est pas sans rappeler ces jeux tristement célèbres dans les cours de récréation, comme le Jeu du Foulard. Ce roman nous entraîne dans les profondeurs des anciens puits de mine, et même au-delà, à la recherche de nos liens avec notre plus lointain passé. Entre rêves et cauchemars, hallucinations et magie, fascination pour les fantômes et les esprits alimentée d'ailleurs par les adultes. Puis, lorsque le jeu tourne mal, il y a des coupables tout désignés, comme Askew le Diabolique. Il faut parfois attendre une véritable catastrophe pour qu'une communauté réagisse et bouge.

Nous ne sommes plus ici au coeur d'une très bonne littérature jeunesse mais d'une excellente littérature, saupoudrée de quelques clins d'oeil à Shakespeare, Chaucer et Andersen. David Almond est toujours à la frontière entre le surnaturel et la philosophie. Du grand art !

vendredi 25 mars 2011

TERRE NOIRE - Les Exilés du Tsar, de Michel Honaker (Flammarion)



TERRE NOIRE
Les Exilés du Tsar (Tome 1)
Michel Honaker (Flammarion)

Sud Ouest


Michel Honaker est né en 1958 à Mont de Marsan dans les Landes. Son univers est l'aventure, la science-fiction, le fantastique, mais il explore aussi le genre policier, historique et les biographies de compositeurs de musique classique qu'il publie chez Rageot (Bach, Chopin, Beethoven, Haydn, Mozart, Schubert, Berlioz, Wagner, Tchaïkovsky). Parue d'abord aux Editions Rageot en 1994 mais amputée de nombreux passages et de ses titres originaux, la trilogie de Michel Honaker, Terre Noire, retrouve, en 2009 et 2010, son intégralité aux Editions Flammarion
 
Contexte historique : Dans la Russie du XIXème siècle, au moment où il lançait des mesures sociales pour son peuple, le Tsar Alexandre II succomba à un attentat à la bombe. Son fils, Alexandre III, qui lui succéda, profondément marqué par la vue du corps abîmé de son père, décida que si entamer des mesures sociales menait à la mort, elles étaient inutiles et il abandonna toutes les réformes.

L'histoire :
Au fil des pages des journaux intimes de Natalia Danilova et de Stepan Tchakarov, nous découvrons le destin de la famille Danilov, une famille noble dans la Russie du Tsar Alexandre III.
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Après la mort de son mari, contrainte à vendre son vaste domaine et son palais vénitien de Kamerov en Ukraine, la baronne Danilovna s'installe à contre coeur avec sa famille à Saint Pétersbourg. Dans ce nouveau palais sans âme, son fils adoptif, Stepan Tchakarov, lui manque cruellement. Stepan, tant chéri de sa mère et de sa petite soeur Natalia, et si méprisé de sa soeur Olga et de son frère Vladimir, n'a jamais eu sa place dans la famille et doit partager un logement dans Saint Pétersbourg avec un étrange personnage, Iossip Velich.

Merveilleux musicien depuis sa plus tendre enfance, Stepan présente aujourd'hui, à seulement dix-neuf ans, au Théâtre Marinski, sa composition, un ballet pantomine en deux actes "Le Chat Botté". Et c'est une ovation ! Le Tsar en personne vient le féliciter ! Lui si profondément anti-tsariste. Lui qui rêve d'une Russie où chacun puisse s'exprimer librement, même au sein du cercle familial ou amical, sans craindre d'être dénoncé, trahi, arrêté, emprisonné, ou envoyé aux travaux forcés en Sibérie. Lui qui n'aspire qu'à une chose : retrouver son domaine de Terre Noire, en Ukraine, cadeau de sa mère adoptive, y retrouver Liocha, son domestique devenu un ami véritable, y retrouver les bonheurs de son enfance passée auprès de sa mère et de sa soeur Natalia.

Mais la haine et la jalousie d'Olga et de Vladimir auront raison de ses rêves...


TERRE NOIRE
Le bras de la vengeance (Tome 2)
Michel Honaker (Flammarion)

Sud Ouest

Contexte historique : Le Tsar Alexandre III est parvenu à redresser son pays économiquement et industriellement. Mais il maîtrise son peuple d'une poigne de fer...

L'histoire :
Victime d'un complot ourdi par quelques membres de sa propre famille, le jeune et talentueux compositeur Stepan Tchakarov est banni de Russie et doit fuir sa terre natale, d'abord pour la France, puis l'Italie. Mais il n'y trouve pas la sécurité pour autant et nourrit une haine féroce contre ceux qui l'ont trahi.



TERRE NOIRE
Les héritiers du secret (Tome 3)
Michel Honaker (Flammarion)

Sud Ouest

Contexte historique : Le Tsar Alexandre III est mort (de maladie). Son fils, le Tsar Nicolas II, se retrouve à la tête du pays mais il n'a pas les épaules pour diriger la puissante Russie. C'est un être cultivé et émotif, qui n'aspire qu'à une vie simple avec sa famille. Son épouse, la Tsarine Alexandra, sensible aux superstitions, au surnaturel et aux sciences occultes, tout à son dernier-né Alexeï, gravement malade, s'en remet totalement à un certain Raspoutine. Pendant ce temps, le Tsar reste sourd aux grondements qui viennent du peuple affamé...
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L'histoire :
La page de la fière Russie des Tsars se tourne dans le chaos et le sang sous la faiblesse de son souverain Nicolas II et la toute puissance de l'effrayant et cruel Raspoutine. Le peuple a faim. Le peuple souffre. Les drapeaux rouges des ouvriers commencent à flotter un peu partout dans le pays. Et la folie et la violence de Vladimir Danilov plongent de plus en plus sa famille dans la terreur.

Mon avis :
Amoureux de Dumas, ne boudons pas notre plaisir et retrouvons son esprit dans ces ouvrages sous la plume contemporaine de Michel Honaker. Les couvertures magnifiquement illustrées de cette trilogie, et sa présentation particulièrement soignée, à elles seules, invitent à la lecture.

Enchanteur, entre écrivain et chef d'orchestre, Michel Honaker dirige son oeuvre d'une main de maître et nous abandonne à une aventure merveilleusement romanesque dans la Russie des Tsars Alexandre II, Alexandre III, et le dernier Tsar de Russie, Nicolas II.

Cette saga passionnante réunit Histoire, musique, amour, haine, trahisons, loyauté, aventuriers, personnages historiques, exotisme, voyages (France, Italie, Egypte, Angleterre, Etats-Unis...), cauchemars, épouvante... D'un rebondissement à un autre, sur un rythme époustouflant, le maestro joue une partition néo-réaliste parfaite et puissante et n'accorde au lecteur aucune pause.

Un ravissement !

Pour tous les adolescents épris d'aventures, de romanesque et d'Histoire. Et pour les adultes qui n'ont pas oublié le bonheur que leur ont procuré leurs lectures de jeunesse.