William Gay est né en 1941 à Hohenwald, dans le Tennessee. Il combat au Vietnam, puis, en rentrant "au pays" en 1978, il retrouve le Tennessee et travaille comme couvreur et charpentier. Il publie ses deux premières nouvelles en 1998, à l'âge de cinquante-sept ans. Il est mort en 2012. "La demeure éternelle" (Seuil), son premier roman, a reçu le James A. Michener Memorial Prize, et son troisième roman, "La Mort au crépuscule" (Folio), le Grand Prix de littérature policière 2010.
L'histoire :
- Printemps 1933
A Mormon Springs, Tennessee, Nathan Winer, un peu charpentier, un peu agriculteur, mène une vie tranquille et sans histoires avec sa femme et son petit garçon de sept ans prénommé Nathan lui aussi. Son voisin, Thomas Hovington, gravement malade, s'est acoquiné avec un sale type, Dallas Hardin, qui, non seulement s'est installé chez lui, mais a fait main basse sur son trafic d'alcool et sur sa femme. Un jour, Winer trouve un alambic à whiskey sur ses terres. N'ayant aucune envie d'être mêlé à toutes ces combines, il s'en va dire deux mots à Hardin. Personne ne reverra plus Nathan Winer.
- 1943
Nathan Winer Jr a aujourd'hui dix-sept ans. Il travaille dur à la ferme du vieux Weiss. Contrairement à sa mère, jamais il n'a cru que son père les avait abandonnés dix ans auparavant...
Mon avis :
Une ville de campagne délaissée par la plupart de ses habitants partis chercher une vie meilleure dans les grandes métropoles. Des hommes manquant à l'appel, envoyés à la guerre au-delà de l'Atlantique. Des usines et des magasins fermés, fantomatiques avec leurs vitres cassées et leurs murs noircis, livrés à la vermine, aux chiens errants, aux vagabonds et aux transactions nauséabondes. Des quartiers abandonnés, des maisons vidées de leurs occupants, des terres en friche, de maigres récoltes, la faim, la crasse, la chaleur, l'humidité. Et dans cet univers poisseux, dirigé par un mafieux local violent, une poignée de taiseux tous détenteurs de secrets, dont William Gay nous conte la subsistance entre désillusion et instinct de survie. Une écriture sublimement douloureuse et crépusculaire. Un texte où les dialogues, débarrassés de ponctuations comme les guillemets ou les tirets, intensifient l'implacable férocité de la destinée de chaque personnage. Un roman d'une beauté et d'une poésie sinistres et ténébreuses !
Extrait :
"Dans cette lave en fusion qui l'emprisonnait, il pouvait observer les lentes machinations de l'éternité, le miracle cosmique de chaque seconde qui vient au monde, en forme d'oeuf, argentée, phallique, le temps qui se plante, étincelant, dans le fourreau usé et inutile de la microseconde précédente, puis qui hésite, car il commence à trahir la lente et infinitésimale progression de son propre déclin alors que s'égrène la vie dans un mécanisme encodé à l'instant de sa conception, et il s'atrophie, chassé par le prochain assaut orgasmique du temps, tout cela étant rythmé par le battement de quelque coeur galactique, par des voix, par les marmonnements d'un fou pris au piège dans la trame de l'univers."
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