jeudi 4 novembre 2021

lunettes_papillon

(image centrale extraite d'une photo de Vivian Maier)

Débute sur Instagam :
 
lunettes_papillon

🦋  Lectures et autres papillonnages...

Chères amies lectrices, chers amis lecteurs,

 
Ceci sera mon dernier post sur "Cappuccino chez Lou Guitar"...

Vous avez été très nombreux à me suivre sur ce blog, ainsi que sur mon compte Instagram "cappuccinoblogbooks", et je vous en remercie infiniment !!!

Durant ces onze dernières années, j'ai aimé passionnément partager avec vous, chaque semaine, mes rencontres livresques autour d'un thème différent tous les mois. J'ai aimé découvrir des auteurs, décortiquer les livres, apprendre énormément d'eux, et vous les présenter. Mais l'exercice était insidieusement très chronophage. Et il m'est désormais nécessaire de ralentir la cadence, de prendre le temps de respirer entre deux ouvrages.

Ce blog et mon compte Instagram "cappuccinoblogbooks" resteront ouverts et visibles mais je n'y serai plus active. Si vous le souhaitez, nous pourrons continuer à échanger tranquillement, sans pression, nos coups de coeur littéraires sur mon nouveau compte Instagram : lunettes_papillon

A bientôt !!!

Arielle

mercredi 27 octobre 2021

Octobre 2021 - "So British !"

 

"Tout ira bien" de Damian Barr (Le Cherche midi)

Damian Barr est né en 1976 à Newarthill, en Ecosse. Diplômé de l'Université de Lancaster en sociologie et littérature anglaise, son récit autobiographique, "Maggie & Me", raconte son passage à l'âge adulte et la révélation de son homosexualité dans la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher. Cet essai a été déclaré "Livre de la semaine" par BBC Radio 4 et "Mémoire de l'année" par le Sunday Times. Il a également remporté le Prix Paddy Power du livre politique dans la catégorie "Satire" et le Prix Stonewall dans la catégorie "Auteur de l'année". Damian Barr tient une rubrique dans Big Issue et High Life et parle régulièrement sur BBC Radio 4. Il est le créateur et le présentateur de son propre salon littéraire, qui fait connaître des oeuvres d'auteurs établis comme émergents. Il vit avec son mari à Brighton.

"Tout ira bien" est son premier roman. Il s'inspire d'un terrible fait réel ayant eu lieu en 2011 en Afrique du Sud : Raymond Buys, âgé de quinze ans, a été battu, électrocuté et torturé dans un camp "de rééducation de garçons efféminés", semblable à celui d'Aube Nouvelle dans le livre. Damian Barr a consacré cinq ans à l'écriture de ce roman. Il a rencontré de nombreuses personnes en Afrique du Sud. Parmi les plus marquantes, celle de Wilna Buys, la mère de Raymond, et celle de l'inspecteur Cornell qui a mené un travail sans relâche et dont l'enquête a conduit à l'arrestation et la condamnation de deux hommes.

* * *

Quelques mots sur les Boers

En Afrique du Sud, le terme néerlandais "Boer", littéralement paysan, a servi à désigner les habitants d'origine hollandaise ou française et de langue néerlandaise, par opposition aux Blancs d'origine britannique. Le mot Boer a été progressivement supplanté à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle par celui d'Afrikaner. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, on a distingué les Boers, ou paysans, des Burghers, habitants de la ville. Au XIXe siècle, l'expression Boer désigne notamment les éleveurs de bétail réfractaires à l'autorité anglaise qui entreprennent le Grand Trek, migration vers le nord qui aboutira à la fondation des républiques dites Boers du Transvaal et de l'Orange.

* * *

Quelques mots sur l'histoire de l'Afrique du Sud

En 1880, les Boers se révoltent contre les Britanniques. Ils sont dirigés par Pretorius, Joubert et Kruger. En 1881, les Boers sont vainqueurs des Britanniques à la bataille de Majuba Hill. Ils obtiennent l'indépendance des républiques Boers. Mais dès 1870, on a découvert des diamants, en particulier autour de Kimberley. De nombreux aventuriers s'installent dans les territoires Boers. En 1885, on découvre de l'or dans l'Etat libre d'Orange.

Une compagnie britannique s'intéressant à ces richesses est dirigée par Cecil Rhodes. Devenu premier ministre de la colonie britannique du Cap, Cecil Rhodes tente vainement de s'emparer du Transvaal. Il échoue et décide alors de faire la guerre aux Boers (11 octobre 1899). De 1899 à 1902, les républiques Boers sont en guerre contre les Britanniques. Cette guerre provoque une vingtaine de milliers de civils Boers morts dans des camps de concentration britanniques.

L'Union sud-africaine naît en 1910, avec cinq millions d'habitants. En 1911, les Afrikaners et les Britanniques mettent en place les premières lois de l'Apartheid. Les mouvements de résistance de l'élite noire s'organisent en 1912 et l'African National Congress (ANC) prend son nom en 1923.

En 1961, l'Afrique du Sud prend le statut de République indépendante de la Grande-Bretagne. Après des dizaines d'années de lutte du peuple noir et un isolement international du régime de l'Apartheid, Nelson Mandela, l'icône de cette lutte, est libéré en 1990 après vingt-sept années passées en prison.

L'Apartheid, en vigueur depuis 1948, est aboli en 1991. En 1994, les Sud-Africains participent aux premières élections démocratiques jamais organisées dans leur pays. Nelson Mandela devient le premier Président noir de l'Afrique du Sud. Pour promouvoir l'unité nationale et la réconciliation, une gestion exceptionnelle du passé est mise en place. La "nation Arc-en-Ciel" naît alors dans cette société plurale.

L'Afrique du Sud occupe une place importante sur la scène africaine et mondiale. Des townships de Pretoria aux grandes universités du Cap, ce grand pays tente encore de résoudre les inégalités héritées du régime de l'Apartheid : 30% de la population est au chômage et plus de la moitié vit sous le seuil de pauvreté. Depuis février 2018, l'Afrique du Sud est dirigée par Cyril Ramaphosa.

Pretoria
capitale de l'Afrique du Sud

* * *
L'histoire :

1er octobre 2010 - Au sud de Johannesburg
Willem, bel adolescent de seize ans, aux cheveux blonds bouclés et aux yeux bleu vif hérités de son père, est déposé sans grande émotion par sa mère et son beau-père aux portes du camp de formation "Aube Nouvelle"...

1er janvier 1901 - Ferme du Mûrier, près de Ventersburg, Etat libre d'Orange
Sarah van der Watt commence un Journal intime. Elle écrit à Samuel, son mari parti combattre les Anglais. Elle vit seule avec son fils de six ans et ses deux domestiques noirs, Lettie et Jakob. Dans son carnet bleu, elle raconte le quotidien à la ferme mais aussi son angoisse grandissante. Les Khakis, surnom donné aux soldats britanniques, approchent et brûlent tout sur leur passage...

Mon avis :
Malgré son rythme parfois un peu lent, le texte ne perd jamais de son intensité, de sa puissance, de sa violence. Le récit traverse un siècle de l'histoire douloureuse de l'Afrique du Sud, de la seconde guerre des Boers à nos jours. Les destins des personnages se croisent sur trois époques différentes pour se rejoindre dans un épilogue bouleversant. Le roman est plus poignant encore lorsque l'on sait que le terrible fait réel dont il s'inspire s'est déroulé au XXIe siècle, il y a dix ans... seulement dix ans...

jeudi 21 octobre 2021

"Qu'elle était verte ma vallée !" de Richard Llewellyn (Libretto)

Richard Llewellyn disait être né à St. Davids, au Pays de Galles. En réalité, il est né de parents gallois à Hendon, dans la banlieue nord de Londres, en 1906. Il mena une vie pleine de péripéties. Il travailla dans l'hôtellerie, écrivit une pièce de théâtre, fut un temps mineur, servit dans les Welsh Guards (gardes gallois) durant la Seconde Guerre mondiale. Lors du bombardement de Londres en juin 1944, il perdit sa soeur et ses deux nièces.

Après la guerre, il devint journaliste et couvrit le procès de Nuremberg. Il fut ensuite scénariste pour la MGM. Tout au long de sa vie, il voyagea beaucoup et vécut notamment en Italie, en Chine, au Brésil, en Argentine, au Kenya et en Israël, mais il montra un attachement constant au Pays de Galles, cadre de la plupart de ses romans. Le plus célèbre, "Qu'elle était verte ma vallée !" ("How Green Was My Valley"), publié en 1939, lui a offert une renommée internationale et est devenu l'un des grands classiques de la littérature britannique du XXe siècle. Richard Llewellyn est décédé d'une crise cardiaque à Dublin en 1983.

 L'histoire :

C'est une jolie vallée galloise, enneigée et impitoyable en hiver, verdoyante et fleurie au printemps. C'est ici que Huw Morgan commence le récit de son histoire familiale. Il a alors sept ans et il est le benjamin d'une fratrie de huit enfants (six garçons et deux filles).

Si à Londres la reine Victoria va bientôt célébrer son jubilé et que la "métropole", en pleine révolution industrielle, creuse dans ses entrailles pour développer le chemin de fer, dans la vallée, la mine de charbon emploie presque tous les hommes du village. Les Morgan ne se soustraient pas à la règle. Le père et quatre des fils travaillent au charbonnage pendant que la mère entretient le foyer et les filles s'occupent de la ferme.

La famille mène une existence simple et laborieuse dans la petite maison ouvrière. Mais ils y sont heureux. Les parents, tendrement unis, entourent d'un amour inconditionnel leurs enfants, les élèvent du mieux possible dans le respect et la justice, et affrontent solidement les épreuves. Lorsque Huw reste cloué dans son lit pendant plusieurs années après un terrible accident, il peut compter sur l'aide de ses frères, sur la générosité du pasteur et celle de l'épouse d'un mineur malade pour continuer sa scolarité, devenir un esprit brillant et pouvoir espérer, s'il le souhaite, entrer à l'université. Rares sont ceux qui échappent à la mine...

"Oui, c'était vraiment le bonheur ; nous avions bonne maison, bonne nourriture, bon travail. Le soir, rien ne nous appelait au-dehors sinon le culte à la chapelle, une répétition de la chorale, parfois une lecture en commun. Malgré cela, nous trouvions toujours à employer notre temps jusqu'au moment d'aller nous coucher. Nous lisions, étudiions, bricolions dans les communs, ou partions chanter quelque part, de l'autre côté de la montagne. Je ne me souviens pas que nous ayons jamais manqué d'occupations."

Mon avis :
Au-delà de l'histoire d'une famille, ce roman admirable, entre "Nord et Sud" de Elizabeth Gaskell (1855) et "Germinal" d'Emile Zola (1885), raconte avec un réalisme cru les conditions de travail dans les mines de charbon, les dangers quotidiens, les accidents, et les implications de ces risques sur la vie des femmes et des enfants. Il raconte l'histoire du Pays de Galles et la fierté d'être gallois. Il raconte aussi la fin d'une époque et les bouleversements humains et environnementaux que crée l'industrialisation grandissante. Aux valeurs morales, patriarcales et religieuses des ères victorienne et edwardienne s'opposent les premiers mouvements sociaux, la question de l'émigration, les conflits de classes, les conflits générationnels, les conflits d'opinions, les nouvelles pensées philosophiques et politiques, les contestations sociales, les premiers syndicats, les grèves, la place des femmes, la place de l'éducation, le rôle de la littérature... Remarquable !!!


"Qu'elle était verte ma vallée !"
Film américain (1941)
adapté du roman et réalisé par John Ford
avec Maureen O'Hara, Anna Lee,
Walter Pidgeon, Donald Crisp et Roddy McDowall



A lire :

mercredi 13 octobre 2021

"Le passé" de Tessa Hadley (10/18)

Tessa Hadley est née à Bristol en 1956. Elle a étudié la littérature à l'université de Cambridge avant de suivre des cours d'écriture créative à l'université Bath Spa, où elle enseigne aujourd'hui cette matière. Elle est l'auteure de cinq romans largement acclamés dont "Incidents domestiques", qui fut sélectionné pour le Guardian First Book Award. En 2016, elle a reçu le Windham-Campbell Literature Prize pour l'ensemble de sa carrière. Ses textes paraissent régulièrement dans The New Yorker et d'autres magazines.

 L'histoire :

Suite au décès de leur grand-mère, Alice organise une rencontre avec ses deux soeurs et son frère sur place, chez leurs grands-parents, dans l'espoir de prendre ensemble une décision quant à la maison familiale. Située à Kington, dans les Midlands, à la frontière avec le Pays de Galles, la demeure, construite vers 1820, est un ancien presbytère aux allures de celui des Brontë à Haworth (Yorkshire) ou de celui des Austen à Steventon (Hampshire). Le grand-père d'Alice, pasteur et poète, et sa grand-mère s'y sont installés dans les années 1970. Les pièces n'ont guère changé depuis cette époque.

Ce séjour de trois semaines en famille est aussi l'occasion de se retrouver, de tisser des liens avec les neveux et nièces qui grandissent, d'apprendre à connaître les nouveaux conjoints, de prendre des nouvelles des uns et des autres, d'évoquer le passé, de partager des souvenirs d'enfance. C'est un bel été, le soleil est au rendez-vous, l'endroit est toujours aussi bucolique et reposant, et le vin et la nourriture simple sont appréciés.

On ouvre les portes et les fenêtres. On respire à pleins poumons ce nouvel oxygène. On explore les placards et les tiroirs. On débloque quelques serrures. On dérange le passé dans sa quiétude. Jusqu'au moment où il se rebiffe. Alors les murs commencent à se lézarder...

Mon avis :
Tessa Hadley décrit avec sensibilité, et une pointe d'humour et de mélancolie, des personnages déchirés entre leurs certitudes et leurs contradictions. Un très beau roman intime et psychologique !

mercredi 6 octobre 2021

"L'Ecart" de Amy Liptrot (Pocket)

Amy Liptrot est née en 1986 dans les îles Orcades, un archipel situé au nord de l'Ecosse, à la même latitude qu'Oslo et Saint-Pétersbourg. Elle est lauréate du Pen Ackerley Prize et du Wainwright Prize. "L'Ecart", son premier roman, a paru aux éditions Globe en 2018.

L'histoire :
Fille d'agriculteurs anglais installés sur l'archipel des Orcades avant sa naissance, un père maniaco-dépressif et une mère évangéliste, à dix-huit ans, la narratrice quitte sa famille et son île natale pour continuer ses études à Londres. La plupart du temps saoule et défoncée, elle se perd de plus en plus dans les nuits agitées de la capitale. Dix années plus tard, elle décide de rentrer aux Orcades où son père vit désormais seul dans sa caravane, ses parents se sont séparés et la ferme a été vendue. La jeune femme va alors entamer une lutte lente et difficile contre ses vents contraires, contre son alcoolisme, contre ses démons, conte elle-même, pour redresser la barre, pour se reconstruire...

Mon avis :
Aux Orcades, archipel au nord de l'Ecosse, les "écarts" sont des terres à demi-défrichées, éloignées des habitations et des exploitations agricoles. Ce sont des lieux à l'origine de nombreux contes folkloriques où se côtoient esprits, fées, lutins et farfadets. Sur le modèle de ces "écarts", Amy Liptrot construit son roman, largement autobiographique, et généreusement documenté sur le patrimoine historique, naturel et légendaire des îles. Cette région du monde, battue été comme hiver par les vents et les tempêtes, est le poumon de son texte, entre introspection et témoignage, qu'elle porte d'une écriture belle et indéniablement sincère. Une jolie découverte !

mercredi 29 septembre 2021

Septembre 2021 - "Rural Noir"

(Jamie Heiden photography)
 

"Nord-Michigan" de Jim Harrison (10/18)


Jim Harrison (Grayling, Michigan, 1937 - Patagonia, Arizona, 2016) est considéré comme le chantre de la littérature américaine et l'un des plus importants écrivains des grands espaces. Scénariste pour Hollywood, critique gastronomique et littéraire, journaliste sportif et automobile, il est l'auteur d'une oeuvre considérable (poésies, romans, nouvelles, essais, autobiographie, littérature jeunesse), dans laquelle on compte de grands succès comme "Légendes d'automne" (recueil de nouvelles, 1979), "Dalva" (1988), "Un bon jour pour mourir" (1973).


L'histoire :

Juin 1956

Sa mère est décédée il y a un mois, dix ans après son père. A cause de sa jambe invalide, Joseph a dû mettre au repos la ferme familiale où il a toujours vécu, dans laquelle il a si durement travaillé avec ses parents, et où il a d'innombrables souvenirs avec ses trois soeurs, ses amis, et tous les animaux.

Depuis l'enfance, Joseph a une passion pour la mer. Il lit tous les livres et tous les magazines qui étudient les fonds marins, et il rêve de voir un jour l'océan. Mais, à quarante-trois ans, il n'a jamais quitté son trou perdu du Nord-Michigan. Depuis trente ans, il est amoureux de Rosealee, mais ne l'a toujours pas épousée. Depuis vingt-cinq ans, immuablement, il chasse la grouse à l'automne et pêche la truite au printemps. Depuis vingt-trois ans, il enseigne de son mieux à l'école de campagne pour les gosses de fermiers qui deviendront fermiers à leur tour. Joseph est apprécié de tous et mène une vie tranquille et fort peu aventureuse.

Alors que s'est-il passé, depuis la rentrée de septembre, pour qu'il ressente si violemment une telle lassitude de tout ce qui était sa raison d'être il y a encore quelques mois ? L'arrivée de Catherine a tout chamboulé. Elève de dernière année, jeune fille de dix-sept ans belle, épanouie, espiègle, sensuelle, provocante et libre, elle a bousculé sa routine monotone, elle a mis à nu son introversion et elle a éveillé en lui des sens dont il ignorait jusque là l'existence...

Mon avis :
Véritable ode à la Nature, à l'amour, aux femmes, à la littérature et en particulier à la poésie... Le personnage de Joseph est profondément touchant... Remarquable plume !!!

"Le dimanche matin, lendemain de sa rencontre avec Catherine, il alla s'asseoir au bord de l'étang pendant deux longues heures, pour observer les oiseaux et la quiétude de cette immobilité prolongée dans un environnement d'une telle beauté l'amena à se poser des questions fondamentales sur l'humanité. Il s'arrêta à l'idée que la vie n'était qu'une danse de mort, qu'il avait traversé trop rapidement le printemps et puis l'été et qu'il était déjà à mi-chemin de l'automne de sa vie. Il fallait vraiment qu'il s'en sorte un peu mieux parce que chacun sait à quoi ressemble l'hiver."

mercredi 22 septembre 2021

"Une journée d'automne" de Wallace Stegner (Gallmeister)

Wallace Stegner est né en 1909 à Lake Mills, dans l'Iowa. Romancier, nouvelliste, historien, professeur et militant écologiste, celui qu'on appelle souvent le "doyen des écrivains de l'Ouest" s'est imposé aussi bien à travers ses textes de fiction que ses essais.

Pendant son enfance, il vit notamment à Great Falls, dans le Montana, puis à Eastend dans le Saskatchewan (Canada). De manière générale, il déménage beaucoup à travers les Etats de l'Ouest américain - il dit plus tard avoir vécu "à vingt endroits, dans huit Etats et au Canada". Il passe cependant la plupart de ses étés plus à l'est : à Greensboro, dans le Vermont.

Il étudie d'abord à l'université d'Utah, où il obtient un Bachelor of Arts, puis fait son master et son doctorat à l'université d'Iowa. Une fois diplômé, il enseigne dans plusieurs universités, dont l'université du Wisconsin et Harvard, avant de créer un département de creative writing à Stanford, qu'il dirige de 1945 à 1972. On compte parmi ses élèves Larry McMurtry, Edward Abbey, Raymond Carver et Thomas McGuane.

C'est en 1937 qu'il publie son premier roman, "Une journée d'automne". Il est suivi par trois autres, puis, en 1943, Wallace Stegner rencontre son premier succès critique et populaire avec "La Montagne en sucre". Parmi ses romans les plus notables, on peut notamment citer "The Preacher and the Slave" (1950 - plus tard rebaptisé "Joe Hill : A Biographical Novel"), "Une étoile filante" (1961), "L'Envers du Temps" (1961), et "En lieu sûr" (1987).

Acclamé par la critique, Wallace Stegner est couronné par le Prix Pulitzer de la fiction en 1972 pour "Angle d'équilibre" (1971) et par le National Book Award en 1977 pour "Vue cavalière" (1976).

Il s'est aussi consacré à des essais, abordant des sujets très variés. On trouve notamment, parmi ses textes de non-fiction, deux histoires de l'implantation des Mormons dans l'Utah, une biographie de l'explorateur et naturaliste John Wesley Powell, ainsi qu'une histoire des débuts de l'exploitation pétrolière au Moyen-Orient. Engagé en faveur de l'environnement, il a co-fondé, en 1962, le Commitee for Green Foothills, une organisation non-gouvernementale qui agit au niveau local pour protéger les "collines, forêts, baies, marécages et zones côtières" de la péninsule de San Francisco. Le recueil "Lettre pour le monde sauvage" (2015) réunit douze de ses textes consacrés à des réflexions sur l'environnement et la nature.

Wallace Stegner décède en 1993 des suites d'un accident de voiture à Santa Fe, au Nouveau-Mexique.

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L'histoire :
La jeune et jolie Elspeth MacLeod arrive de son Ecosse natale pour s'installer en Amérique, dans une ferme du Midwest, chez sa soeur Margaret et son beau-frère Alec. Dans cette grande bâtisse austère, Eslpeth apporte une fraîcheur et une naïveté qui tranchent avec la rigueur puritaine de la maîtresse de maison. Alec n'y est pas insensible...

Mon avis :
Tout commence dans un bol de guimauves, mais très vite le sucre tourne à l'aigre et l'histoire prend une amplitude dramatique et douloureuse. Deux êtres vont s'aimer d'un amour impossible. Autour d'eux, les coeurs vont s'éteindre, les voix se taire, les joies s'envoler. Quelle peut être l'issue à toutes ces blessures infligées ? Avec subtilité, l'auteur s'empare des sentiments les plus intimes et profonds de chacun de ses personnages. Un roman très émouvant !

mercredi 15 septembre 2021

"Céline" de Peter Heller (Babel)

Peter Heller est né en 1959 à New York. Poète, grand reporter nature et aventure, ardent pratiquant du kayak, de la pêche et du surf, et adepte des voyages à sensations fortes, Peter Heller est devenu romancier avec son page-turner post-apocalyptique et néanmoins solaire "La constellation du chien" (Actes Sud, 2013) et salué comme une révélation. Talent confirmé par "Peindre, pêcher et laisser mourir" (Actes Sud, 2015), son troisième roman "Céline" (Actes Sud, 2015 et 2019) est certainement inspiré par sa mère à qui il voue une belle admiration. Il vit actuellement à Denver.

L'histoire :

En 2001, lors des attentats du 11 septembre, quand Céline vit de chez elle, à Brooklyn, les tours jumelles s'effondrer, au-delà de l'horreur et de la sidération s'ajoutait une autre douleur, le souvenir de ses soeurs, toutes deux décédées en cette année maudite. Regarder la majesté des deux tours chaque matin lui rappelait Mimi et Bobby. Et voilà qu'elles aussi disparaissaient à jamais sous ses yeux.

Un an s'est écoulé depuis ces tragédies, et aujourd'hui, à soixante-huit ans, ancienne alcoolique, ancienne grande fumeuse souffrant d'emphysème, Céline se sent fragilisée. Aura-t-elle longtemps la force de continuer son activité ? Elle que l'on surnomme "la détective privée qui s'habille en Prada", une aristocrate au service des "causes perdues". Dans son milieu huppé, elle est considérée comme une originale, et ce n'est pas un compliment. Mais Céline s'en fiche tant que son carnet d'adresses mondaines lui donne un coup de pouce, à l'occasion, dans ses enquêtes. Aider les pauvres gens, retrouver des personnes disparues, réunir des familles, gracieusement s'il le faut, voilà ce qui compte vraiment pour elle.

C'est à ce moment de sa réflexion que Céline reçoit une visite qui va très vite lui rappeler de quel bois elle est faite et ce à quoi elle a consacré sa vie. Gabriela, jeune femme d'une quarantaine d'années, vient de passer deux décennies à rechercher en vain son père, Paul, photographe pour le National Geographic, disparu à Yellowstone il y a vingt ans et déclaré mort bien que son corps n'ait pas été retrouvé. L'homme aurait été attaqué par un grizzly, mais sa fille n'a jamais cru à cette histoire, son père était trop aguerri pour se laisser surprendre par un ours. Céline est son dernier espoir.

La détective privée accepte l'affaire, soutenue par Pete, son adorable mari rencontré aux Alcooliques Anonymes. Le couple s'envole pour Denver. Ils vont retrouver Hank, le fils unique et tant aimé de Céline. Mi-amusé, mi-inquiet, Hank accepte de leur prêter son camping-car tout équipé qui doit les mener sans encombre à destination, quelque part entre le Wyoming et le Montana...

Mon avis :
Comme j'ai aimé les personnages de la volcanique Céline et de son amour de mari Pete !!! Quel roman formidable, sensible et généreux !!! L'histoire se déroule sur les deux dernières semaines de septembre, ce temps où l'automne éconduit l'été et prend doucement sa place. Les paysages sont de toute beauté. L'intrigue, solide et captivante, mène les deux héros dans un road-trip à la fois divertissant et intelligent. La vieillesse est abordée avec beaucoup de drôlerie et de tendresse. L'auteur n'hésite toutefois pas à égratigner ici et là les écueils de la société américaine. Grand coup de 🧡 !!!

mercredi 8 septembre 2021

"Plateau" de Franck Bouysse (Livre de Poche)

Franck Bouysse est un écrivain né en 1965 à Brive-la-Gaillarde. Il a enseigné la biologie et l'horticulture avant de se consacrer à sa passion pour l'écriture. Il a publié une quinzaine de romans dont "Grossir le ciel" (2014), couronné par de nombreux prix (Prix SNCF du polar 2017, Prix Sud-Ouest du polar 2016...), et "Né d'aucune femme" (Prix des libraires 2019, Prix Babelio 2019, Grand Prix des lectrices de Elle 2019...). Il partage aujourd'hui sa vie entre Limoges et un hameau de Corrèze.

Extrait :
"Ici, c'est le pays des sources inatteignables, des ruisseaux et des rivières aux allures de mues sinuant entre le clair et l'obscur. Un pays d'argent à trois rochers de gueules, au chef d'azur à trois étoiles d'or. Ici, c'est le Plateau."

L'histoire :

Trois fermes dans un hameau isolé, au Plateau de Millevaches, dans le Massif central. La ferme de Virgile : sur ces terres depuis plusieurs générations, sa femme Judith et lui à présent âgés et malades - lui perd la vue et elle s'enfonce dans la maladie d'Alzheimer -, ils n'attendent plus grand-chose de la vie. La ferme de Georges : recueilli à quatre ans par son oncle Virgile à la mort accidentelle de ses parents, aujourd'hui adulte, paysan à son tour et célibataire, Georges ne parvient toujours pas à entrer dans la maison familiale et habite tout près de là dans une caravane. Et la ferme de Karl : la soixantaine, célibataire, arrivé il y a peu au Plateau, très bon chasseur, ancien bourlingueur, proche de Virgile, il reste néanmoins secret sur son passé. L'arrivée imprévue de Coralie, nièce de Judith, fuyant son ex-mari violent, va bouleverser la routine en apparence paisible de ce trio masculin et pousser chacun à tomber le masque...

Extrait :
"Regarde, comme elles sont toutes piquées, ces pommes, pleines de défauts, mais c'est pourtant pas à toi que je vais apprendre le goût qu'elles ont... bien meilleures que celles qui en ont pas... des défauts."

Mon avis :
Chaque roman de Franck Bouysse est un poème en prose. Rien n'échappe à sa plume, de l'âme de la faune et de la flore à l'âme humaine. On frémit pour ses personnages, tous un peu chasseurs, tous un peu proies, tous un peu héros, tous un peu salauds. C'est féroce, c'est beau, et c'est encore un coup de ♡ pour moi dans l'oeuvre de ce romancier !!!

A lire également :

mercredi 1 septembre 2021

"Les Mal-aimés" de Jean-Christophe Tixier (Livre de Poche)

 
Prix Transfuge du meilleur polar français 2019
Prix Méditerranée polar du premier roman 2019

Jean-Christophe Tixier est né en 1967 à Pau. Après vingt ans passés dans l'enseignement et la formation, il se consacre aujourd'hui totalement à l'écriture. Il a écrit une trentaine de romans dans des genres et pour des âges différents. Il est aussi l'auteur de nouvelles et de fictions radiophoniques qui ont été diffusées sur France-Inter. Début 2019 sont parus un roman adulte et une bande-dessinée dont il a écrit le scénario. Désormais, il partage son temps entre Pau et Paris.

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Quelques mots d'Histoire

(Eglise de Vailhauquès)
En juillet 1850, le Parlement français autorise la création de colonies agricoles pénitentiaires pour délinquants mineurs dans un but de punition et de moralisation. Est alors fondée, à Vailhauquès, dans l'Hérault, la colonie agricole pénitentiaire de Montlobre, dit "le bagne". Entre 1860 à 1884, l'institution basée sur les châtiments et le travail forcé verra passer près de deux mille garçons de huit à dix-huit ans. Les Archives Départementales de l'Hérault comptent plus de deux cents décès (connus) parmi les jeunes condamnés. Quelques-uns reposent dans le cimetière du "bois des enfants morts". Personne ne sait ce que sont devenus les survivants. Le domaine de Montlobre est aujourd'hui une propriété privée. Du "bagne", il ne reste, dit-on, qu'un escalier usé et des cachots tels qu'ils furent laissés lors de sa fermeture en 1884.

*****

L'histoire :

Vailhauquès, 24 février 1884

Les gosses quittent le bagne. Libres. Mais pour quelle autre prison ? Rachitiques, hagards, affamés, ils suivent les hommes armés sur le chemin sans connaître la destination, marchent dans la neige, grelottent. Au loin, un des gamins reconnaît le visage de la cantinière qui leur servait une soupe claire comme de l'eau en guise de repas ; celui de la lingère qui obligeait les punis à rincer le linge pendant des heures dans l'eau glacée du lavoir ; celui du gardien qui chaque soir choisissait une cellule différente mais d'où ils entendaient toujours les mêmes cris et les mêmes interminables sanglots.

Sur le bord de la route, une petite fille leur fait un signe de la main mais personne ne répond à son geste. De cet endroit de cruauté et de mort, au pied de la montagne, il leur en restera la mémoire. Et elle ne s'effacera jamais.

"Il se prend à espérer que jamais la bâtisse ne s'effondrera. Car il sait que tant qu'elle sera debout, ses murs épais garderont la mémoire de ce qu'ils ont vu et entendu. Tant qu'elle tiendra bon, les gens d'ici se souviendront. Et jamais ils ne pourront passer à autre chose. Jamais personne n'oubliera."

Dix-sept ans plus tard, à l'ombre des hauts murs noircis du bagne, la population de Vailhauquès a peur. Des phénomènes étranges et inexpliqués se multiplient : lueurs dans le cimetière, animaux malades, accidents mortels, feux de meules de foin... Les rumeurs se répandent. Pour certains, c'est l'oeuvre du diable. Pour d'autres, c'est pire encore : ce sont les enfants qui reviennent...

"Le diable. Les gens de la campagne ont toujours eu besoin d'attacher un mot ou une présence à chaque acte qui leur échappe."


Mon avis :

"Les Mal-aimés" est le genre de livres que l'on veut lire jusqu'au bout parce qu'il est vraiment beau mais que l'on tient à bonne distance des lunettes, comme si des éclaboussures de malheur pouvaient nous atteindre au-delà du papier et de l'encre des mots. Les monstres sont autant présents à l'intérieur du "bagne" qu'à l'extérieur. Chaque ferme de cette petite communauté rurale occitane de la fin du XIXème siècle abrite son lot de secrets inavouables. On espère en vain un peu de couleur dans cette peinture très noire d'une ruralité isolée, rompue à ses plus bas instincts primaires, et où le mot "Amour" n'a aucun sens. En tête de chaque chapitre, Jean-Christophe Tixier a eu l'excellente idée de rappeler le nom de quelques petits martyres du "bagne" et de retranscrire des extraits glaçants des registres d'écrou. En leur mémoire...

Coup de ♡ et coup au coeur...

mercredi 25 août 2021

Août 2021 - "Les Sagas de l'été"

 

"Le Goût du bonheur : Gabrielle" de Marie Laberge (Pocket)

Marie Laberge est une dramaturge, romancière, comédienne, scénariste et metteure en scène née en 1950 au Québec. Après des études en journalisme, elle se consacre aux activités théâtrales et entre au Conservatoire d'art dramatique du Québec. Elle joue dans différentes pièces de théâtre à Québec, avant de faire de la mise en scène et d'enseigner l'art dramatique. Auteure d'une vingtaine de pièces et de plusieurs romans - dont "Le Goût du bonheur", trilogie parue aux éditions Anne Carrière en 2006 et vendue à plus de 500 000 exemplaires au Québec -, Marie Laberge édifie depuis plus de vingt ans une oeuvre riche en émotions, caractérisée par sa fine analyse du tourment affectif, s'ancrant solidement dans la réalité et l'histoire du Québec, et qui lui vaut une large audience tant au Québec qu'en Europe. En 2016, elle a publié "Ceux qui restent", chez Stock, suivi, en 2017, du "Poids des ombres", chez le même éditeur. 

"Gabrielle" (877 pages) est le premier tome de la trilogie "Le Goût du bonheur". Suivent "Adélaïde" (949 pages) et "Florent" (1103 pages).


L'histoire :

Ile d'Orléans, 1930

Depuis trois ans, Gabrielle, ses cinq jeunes enfants (Adélaïde, Fabien, Béatrice, Rose et Guillaume) et sa soeur Germaine, célibataire, viennent passer les vacances d'été à Sainte-Pétronille, sur l'île d'Orléans, en aval de la ville de Québec, dans l'estuaire du fleuve Saint-Laurent, dans la maison qui appartenait autrefois à ses parents. Edward Miller, son mari, heureux de rejoindre sa famille, l'est plus encore depuis que sa femme lui a annoncé qu'elle était enceinte de leur sixième enfant. Outre la joie d'accueillir un nouveau bébé, cela veut dire, pour les époux, une pause estivale bienvenue durant laquelle ils pourront s'aimer librement.

Car, contrairement aux usages, Gabrielle et Edward ont fait un véritable mariage d'amour et se désirent mutuellement. Face aux conventions sociales, morales et religieuses puritaines et rigoristes de l'époque, leur bonheur conjugal et l'éducation partagée et tendre qu'ils offrent à leurs enfants sont regardés avec  un mélange d'envie, de suspicion, d'incompréhension, voire de totale réprobation. Leur fille aînée, Adélaïde, à seulement sept ans, suscite bien des reproches à cause de sa sensibilité affirmée, son caractère obstiné et son amitié pour le petit Florent, fils délaissé d'une domestique.

Si Gabrielle insuffle à ses enfants sa joie de vivre et sa générosité, Edward, toujours présent à ses côtés, est un parent investi et attentif au bonheur de sa famille. De père canadien français catholique et de mère américaine d'origine irlandaise, élevé dans l'Amérique protestante, revenu ensuite au Québec où il a épousé une jeune fille canadienne française catholique, sa culture plurielle pèse sans doute favorablement sur son ouverture d'esprit peu commune pour sa génération. Avocat spécialisé en droit commercial, son cabinet bénéficie, hélas, du krach boursier de New York en 1929. Chaque jour, Edward est confronté à des détresses humaines terribles. Les faillites se multiplient. Chômage et misère sociale broient des milliers de vies.

C'est dans ce contexte dramatique que les Miller vont apporter leur aide à Georgina, l'autre soeur de Gabrielle, à son mari Hector, entrepreneur ruiné par la crise, et à leurs deux filles, Reine et Isabelle, adolescentes habituées au confort matériel et financier...

Mon avis :

Tous les ingrédients du genre sont réunis dans cette saga familiale romanesque intelligente et qui porte bien son titre, "Le Goût du bonheur", car oui, c'est bien du bonheur que cette histoire diffuse page après page. Dans l'Histoire sans être un roman historique, contée en français québécois à la musicalité savoureuse, cette fresque suit dans leurs joies et leurs peines une poignée de personnages vibrants et attachants, avec en tête le couple "Gabrielle et Edward" diablement sensuel et sympathique, et dépeint à échelle humaine la société québécoise de la première moitié du XXème siècle et les mouvements sociaux et économiques qui l'ont agitée.

C'est avec beaucoup de plaisir que je continue dès maintenant l'aventure avec "Adélaïde" et "Florent" !!! ♡♡♡

mercredi 18 août 2021

"Bellefleur" de Joyce Carol Oates (Livre de Poche)

Joyce Carol Oates est née en 1938. Elle a publié son premier roman en 1963. Son père travaillait pour la General Motors et c'est à Detroit, au début des années 1960, qu'elle découvre la violence des conflits sociaux et raciaux. Devenue professeure de littérature à l'université de Princeton, elle poursuit la plus prolifique des carrières littéraires : une trentaine de romans ("Le Jardin des délices", 1967 ; "Un amour noir" et "Man Crazy", 1999 ; "Blonde", 2000), des nouvelles ("Mariages et Infidélités", 1972), des pièces de théâtre, des essais ("Contraires", 1981), de la poésie. Son oeuvre analyse des personnages incertains de leur identité et prisonniers de la mécanique sociale, en quête d'un sens qui ne peut venir que d'une action toujours placée dans le cadre de rapports humains qui relèvent tous de la prédation.

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Héraclite d'Ephèse

Philosophe grec (vers 550 - vers 480 avant J.-C.). Sa philosophie est fondée sur le changement, la transformation, qu'il appelle "flux". L'être est fait tout entier de cette mobilité qui unit dans son élan les éléments contraires au moyen de ce que Héraclite appelle le "logos", qui est à la fois lutte et union des contraires.

"L'Obscur". Tel est le surnom dont Héraclite a été affublé dès l'Antiquité, et dont il ne s'est jamais défait. Son caractère ténébreux semble avoir en partie contribué à cette réputation. L'homme, qui vient d'une famille illustre originaire d'Ephèse (en Ionie), se serait toujours opposé à la démocratie et passe volontiers pour un misanthrope sombre et hautain auprès de ses contemporains. C'est cependant aussi et surtout son écriture qui est difficile, non seulement par son refus délibéré de toute ponctuation mais encore parce qu'elle est porteuse d'une pensée dont le sens est loin d'être toujours explicite. Exprimée à travers les quelques "Fragments" qui nous restent, les formules d'Héraclite sont en effet souvent des phrases sèches et sentencieuses ou des aphorismes qui laissent une large place à l'interprétation. On connaît le fameux "On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve" qui dit l'irréversibilité des choses et leur changement perpétuel, mais que signifie exactement la formule "Le temps est un enfant qui joue en déplaçant les pions : c'est la royauté d'un enfant" ?

Avec Parménide dont il est le contemporain, Héraclite est l'autre grande figure des premiers temps de la philosophie. Les deux sages, pourtant, adoptent des positions philosophiques radicalement opposées dans la mesure où l'intuition fondamentale d'Héraclite est celle du mouvement sans cesse renouvelé, du devenir universel. Pour lui, rien ne demeure ce qu'il est à l'identique mais passe en son contraire, et l'on ne peut donc pas considérer que telle ou telle chose "est" ainsi plutôt qu'autrement puisque tout devient, continuellement. L'ordre du monde - qu'il appelle logos - est le produit d'un équilibre instable entre les éléments, d'une guerre permanente symbolisée par le feu, qui apparaît comme le principe fondamental de l'univers. Le feu est en effet ce qui donne naissance et ce qui détruit en même temps ; il est par excellence ce qui amène le mouvement.

Deux millénaires plus tard, Hegel dira son admiration pour Héraclite pour avoir eu l'intuition de cette tension, de cette conflictualité et finalement de cette identité des contraires, qui infusera largement sa propre conception de la pensée dialectique.

(cf Philosophie Magazine)

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Extrait :

"Car il existe, d'après l'énorme monographie intitulée Une hypothèse sur l'antimatière, écrite par le professeur Bromwell G. Bellefleur, des fissures dans la matière du temps, des "portes" qui relient cette dimension à un univers de miroir composé d'êtres identiques (et pourtant non apparentés, opposés, totalement distincts).
[...]
Une hypothèse sur l'antimatière. Huit cents pages, longues, denses, recouvertes de la petite écriture chaste et rigoureuse des Bellefleur, et de centaines d'équations, de graphiques, de croquis et de griffonnages impatients, désespérés, qui donnent l'image de la sombre thèse de l'ouvrage. Préfacée par une observation d'Héraclite, énigmatique et librement traduite, sur la nature du temps : ou plutôt, sur la nature de notre conception du temps."


L'histoire :

Le temps a fait son oeuvre sur les pierres du manoir des Bellefleur, communément appelé "le château". Construit par Raphael Bellefleur au début du XIXe siècle sur les rives du Lac Noir, dans le Comté de Chautauqua (Etat de New York), mal entretenu et endommagé par les intempéries, les mauvaises herbes, les animaux sauvages et les nuisibles, si le château a perdu de sa superbe, il a été et restera la demeure d'une longue lignée de Bellefleur. Aujourd'hui, il réunit dans ses entrailles encore cinq générations. Son style gothique et surchargé, ainsi que la personnalité fantasque, trouble et mélancolique de la famille alimentent depuis toujours les plus folles rumeurs et superstitions.

Ce soir d'automne, les murs vétustes de la vieille bâtisse viennent d'essuyer un violent orage qui a terrifié les plus jeunes et inquiété les plus âgés. Alors que le vent s'apaise et que chacun rejoint enfin sa chambre, Leah, la jeune épouse de Gideon Bellefleur, dans un geste généreux, et peut-être imprudent, ouvre la porte à un inconnu. Pour le reste de la famille, c'est une malédiction...

Mon avis :

Il y a tant à dire sur ce roman !!! Lecture au long cours (971 pages), l'histoire se compose d'une mosaïque de plusieurs dizaines de courts chapitres et autant de récits et d'anecdotes sur chacun des membres de la famille Bellefleur sur sept générations. Les descriptions sont précises et soignées. Teintées de magie et de fantastique, elles dégagent une atmosphère singulière. C'est dense, mystérieux, labyrinthique, angoissant, et terriblement excitant !!!

On chemine à travers le temps, thème narratif du livre. Joyce Carol Oates se réfère à la philosophie d'Héraclite et s'appuie sur une réflexion nourrie autour de cette thématique : le temps objectif (la chronologie, l'astronomie, le climat, le cycle menstruel, la maternité), le temps subjectif (la psychologie, l'émotion, le vécu, la perception du temps), la mesure du temps (la durée).

En illustration, la romancière évoque des essais publiés par son personnage Bromwell Bellefleur dans "La Revue de l'étude du temps", l'édredon "La pendule céleste" cousu par Mathilde, ou bien encore la grosse montre de Gideon. Elle ajoute à son ambiance gothique et horrifique de nombreux clins d'oeil et allusions à un texte de son enfance qui lui est cher, "Alice au pays des merveilles" de Lewis Carroll (le chat, la paire de gants, la montre, la marre aux larmes - ici l'étang du Vison -, le bestiaire, les anniversaires, le miroir, le jeu de cartes...).

Brillant, évidemment !!!


A lire également de Joyce Carol Oates :

mercredi 11 août 2021

"Saga parisienne" : "Un balcon sur le Luxembourg (1942-1958)" + "D'une rive à l'autre (1959-1981)" + "Au rendez-vous de L'Heure bleue (1981-2003)" de Gilles Schlesser (Pocket)



Gilles Schlesser est un écrivain français né en 1944. Il est le fils d'André Schlesser, un des fondateur du célèbre cabaret parisien L'Ecluse (1951-1975), et le père de Thomas Schlesser, historien de l'art. Auteur de plusieurs romans, dont les polars "Mortelles voyelles" (2010), "La mort n'a pas d'amis" (2013), "Mortel Tabou" (2014), "Sale Epoque" (2015) et "La Liste Héraclès" (2016) aux éditions Parigramme, Gilles Schlesser a également publié "Le Cabaret ❞rive gauche❞ " et une biographie de Mouloudji aux éditions de L'Archipel (2009).

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Contexte historique :

Lorsque la guerre commence en septembre 1939, la France est sous la Troisième République et son président est Albert Lebrun. Edouard Daladier est président du Conseil et ministre de la Défense nationale. Alors qu'Hitler est en train de conquérir l'Europe, l'armée française reste passive, à l'exception de quelques avancées en Sarre optant pour une stratégie défensive grâce à la ligne Maginot. C'est la "drôle de guerre". 

Le 22 mars 1940, Paul Reynaud remplace Daladier à la tête du gouvernement. Le 28, il signe avec le Royaume-Uni un accord par lequel les pays s'engagent réciproquement à ne pas signer de paix séparée avec l'Allemagne. Mais l'armée allemande progresse. Reynaud démissionne et le président Lebrun nomme le maréchal Philippe Pétain à la tête d'un nouveau gouvernement. Celui-ci demande aussitôt l'armistice, signée avec l'Allemagne le 22 juin 1940. La France va être coupée en deux, la zone nord, dite "zone occupée", administrée par la Wehrmacht, et la zone sud, dite "zone libre", sous contrôle de l'Etat français. Le 2 juillet, Pétain déplace le gouvernement français de Bordeaux, qui est dans la zone occupée, pour l'établir à Vichy.

Dès l'annonce de l'armistice, Charles de Gaulle rallie Londres et appelle à la Résistance et à continuer le combat aux côtés du Royaume-Uni ("appel du 18 juin 1940") : c'est la naissance de la France libre. De 1940 à 1944, la France est divisée entre régime de Vichy et Résistance.

Les Allemands occupent Paris le 14 juin 1940, investissent les plus beaux bâtiments et l'oriflamme nazie flotte partout. Les Parisiens vont connaître la dictature, les pénuries, les rationnements, le froid, la faim, la peur, les persécutions et les rafles de Juifs. Jusqu'à la Libération le 24 août 1944.



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Le début de "Saga parisienne" :

Paris, 1942

La famille Ormen est originaire de Fontenay-aux-Roses, dans la banlieue sud de Paris. Le père, Valentin, y vit toujours, dans sa villa, avec sa seconde épouse, Odette Russier. C'est grâce à la Première Guerre mondiale que l'entreprise de polissage de métaux Ormen a prospéré. Le pays avait besoin d'obus. Puis, sa plus grande usine, à Bagneux, a été bombardée par les Allemands en juin 1940. Malgré cette perte, les Ormen restent fortunés.

Quand elle a épousé Valentin, Odette avait un fils d'une dizaine d'années, Olivier, de père inconnu. De sa première union, Valentin Ormen a eu quatre enfants : Pierre, Jean-Noël, Amédée et Amélie qui ont aujourd'hui entre dix-huit et trente ans. Sous la pression de Pierre, seize ans à l'époque du remariage de son père, Valentin a renoncé à adopter Olivier.

Quand Jean-Noël a rejoint Londres après l'appel du général de Gaulle, Amédée, lui, voulait ouvrir une salle de sport. Alors son père lui a offert une bâtisse à retaper à Levallois. Valentin deviendrait fou s'il apprenait que son troisième fils s'est rapproché d'une bande de malfrats collaborateurs et que le sous-sol de la salle de sport sert d'entrepôt pour des biens pillés aux Juifs.

Pierre Ormen, l'aîné de la fratrie, habite au cinquième étage d'un immeuble rue de Vaugirard, près du jardin du Luxembourg et du palais du Luxembourg devenu état-major de la Luftwaffe. Blessé à la jambe au front de septembre 1939 en région sarroise pendant la "drôle de guerre", romancier et agent de liaison pour la Résistance, Pierre est marié à Ariane, couturière et créatrice de costumes pour le théâtre. Ils ont trois jeunes enfants, Marie et les jumeaux Julien et François.

Les voisins de Pierre et Ariane sont Isidore et Eliane Bronville, de leurs vrais noms Isaac et Esther Bronstein. Le couple a deux enfants, David et Sarah, et un troisième petit bientôt. Isaac Bronstein, proche d'Odette Ormen-Russier, est notaire et collectionneur de tableaux de maîtres qui ornent les murs des deux appartements du quatrième étage que sa famille occupe.

Au sixième étage, dans une chambre de bonne, loge Amélie Ormen. Partie de la villa de Fontenay-aux-Roses après une violente dispute avec son père, Pierre s'est proposé de veiller sur sa petite soeur.

Dans l'immeuble, tout le monde s'entraide. Les Bronstein partagent de la nourriture et Ariane Ormen rapporte des vieux costumes de L'Atelier qui les réchauffent tous quand il fait trop froid.

Les mois passent. Et puis en juillet, les drames se succèdent.

Un soir, Amélie se plaint soudain de terribles maux de ventre et perd beaucoup de sang. Sa belle-soeur comprend très vite la situation. La jeune fille met au monde une petite fille. Personne n'avait rien remarqué et Amélie refuse de croire à sa grossesse et à cette naissance. Si l'enfant se porte bien, l'état psychique de sa mère est inquiétant. Son hospitalisation en soins psychiatriques est indispensable. Elle est suivie par un ami de la famille Ormen, le Docteur Bompart. Ce dernier juge nécessaire de révéler à Pierre que sa soeur a été violée neuf mois plus tôt par un homme qu'il connaît bien.

Quelques jours plus tard, dénoncés, Isaac, Esther, David, Sarah et le nourrisson Rebecca Bronstein sont arrêtés et emmenés au Vélodrome d'Hiver par des policiers et des gendarmes français, et tous leurs objets de valeur, dont "L'Heure bleue", une oeuvre de Picasso, sont emportés. Pierre et Amélie n'ont rien pu faire pour empêcher cette tragédie qui aura raison du fragile équilibre familial que tentait de maintenir Valentin Ormen...

Mon avis :

Lire ce roman, c'est un peu comme feuilleter une encyclopédie illustrée ou les archives d'un journal. Tous les événements marquants de l'époque évoquée sont cités. Non sans nostalgie parfois, nous croisons toutes les personnalités du monde artistique, littéraire, intellectuel, musical, politique et économique du moment, et un certain nombre de produits de consommation populaires nous reviennent en mémoire. Les références sont particulièrement abondantes. C'est agréable, intéressant et instructif. Mais ce n'est pas suffisant pour être captivant. L'écriture trop froide, trop factuelle met les sentiments à distance. L'ensemble manque de dynamisme romanesque et les personnages peinent à émouvoir. De plus, le deuxième tome contient beaucoup de répétitions du premier. Aussi, je n'ai pas poursuivi plus loin.


📚 Dans un genre similaire, je ne saurais que trop vous conseiller le formidable Prix Goncourt des Lycéens 2009 "Le Club des Incorrigibles Optimistes" de Jean-Michel Guenassia (Livre de Poche), et le délicieux Prix Marguerite-Duras 2008 "Les Années" d'Annie Ernaux (Folio)

mercredi 4 août 2021

"Le fils" de Philipp Meyer (Livre de Poche)

 
Prix Littérature-monde étranger 2015
Finaliste du Prix Pulitzer de la fiction 2014


Philipp Meyer est un écrivain américain né en 1974 à New York et qui a grandi dans la banlieue de Baltimore. Il est reconnu comme l'un des écrivains les plus doués de sa génération. Lauréat du Los Angeles Times Book Prize pour son premier roman, "Un arrière-goût de rouille" (Denoël, 2010), il a rencontré un formidable succès avec son deuxième livre, "Le fils", salué par l'ensemble de la presse américaine comme l'un des cinq meilleurs romans de l'année 2013. Finaliste du Prix Pulitzer de la fiction en 2014, le roman sera traduit en plus de vingt langues.

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Quelques mots sur le Texas...



Le Texas est le plus vaste Etat (en dehors de l'Alaska) des Etats-Unis d'Amérique. L'Ouest, aride, appartient aux Grandes Plaines, formées de plateaux étagés (Llano Estacado, plateau d'Edwards, plateau Comanche). L'Est, humide, comprend une partie de la plaine côtière. Des deltas forment une plaine marécageuse bordée de lagunes fermées par des cordons littoraux. Houston reste la ville la plus dense bien qu'Austin en soit la capitale. La particularité du Texas est qu'il appartient à plusieurs ensembles régionaux : à la Sun Belt (économie), au Far West (paysages et folklore) et au Sud (histoire et culture).

Austin

Avant l'arrivée des Européens, le Texas était la terre de plusieurs peuples indiens : Alabamas, Apaches, Aranamas, Atakapas, Caddos, Comanches, Coahuiltecans, Cherokees, Chactas, Coushattas, Hasinais, Jumanos, Karankawas, Kickapous, Kiowas et Wichitas.

Quanah Parker - Chef des Comanches

Découvert par les Espagnols au XVIe siècle, le territoire releva de la vice-royauté de la Nouvelle-Espagne jusqu'en 1821, puis devint un Etat de la République fédérale mexicaine. Le Texas connut alors une forte colonisation américaine (comme les "Old Three Hundreds", colonie de 300 familles implantées par Stephen Fuller Austin) et s'opposa à la dictature du général mexicain Santa Anna. Du 23 février au 6 mars 1836, l'armée mexicaine assiège et prend d'assaut le Fort Alamo dont tous les défenseurs sont tués. Parmi eux, Davy Crockett, James Bowie et William Barret Travis. Santa Anna sera vaincu à son tour sur les rives du fleuve San Jacinto. République indépendante éphémère, le Texas fut incorporé aux Etats-Unis en 1845.


6 mars 1836 - Fort Alamo



Davy Crockett










David, dit Davy Crockett (Rogersville, Tennessee, 1786 - Fort Alamo, Texas, 1836), député du Tennessee et membre du Congrès, soldat trappeur et héros populaire de l'histoire américaine)


Etat esclavagiste, le Texas participa aux côtés des Etats confédérés d'Amérique à la guerre de Sécession (1861-1865), puis connut une expansion lors des années de course aux champs pétrolifères. La population a plus que triplé depuis 1920 (croît naturel, immigration d'autres Etats de l'Union et du Mexique), progression liée à l'essor économique. A l'agriculture (céréales, coton, fruits), parfois irriguée, et surtout à l'élevage (bovins) et à l'exploitation du sous-sol (le tiers du pétrole et la moitié du gaz naturel du pays) se sont ajoutées les branches de transformation (chimie, agroalimentaire), des industries de pointe (aéronautique, électronique), implantées notamment dans les deux métropoles majeures, Dallas et Houston.


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"Le fils" de Philipp Meyer :

Comment résumer un tel chef-d'oeuvre sans prendre le risque d'en dévoiler un seul élément-clé ?

"Le fils" est une fresque ambitieuse et flamboyante qui balaie toute l'Histoire du Texas, terre de plusieurs peuples indiens avant l'arrivée des Européens, jusqu'à nos jours. Pour son récit, Philipp Meyer s'appuie sur le destin de trois membres d'une même famille. Trois époques. Trois générations. Trois voix.

La voix d'Eli McCullough, dit "le Colonel". Fondateur de la dynastie et pour toujours son maillon fort, Eli McCullough est né le 2 mars 1836, jour où fut ratifiée la déclaration d'indépendance du Texas. Enlevé à l'adolescence par les Comanches, ses trois années de captivité lui forgeront une carapace de fer.

La voix de Peter McCullough, fils maudit d'Eli. Sa sensibilité, son humanité et sa volonté de ne pas ressembler à son père lui feront prendre d'autres chemins que ceux tracés par le Colonel et, pour cela, ce dernier, être inflexible et sans pitié, le reniera.

Et enfin, la voix de Jeanne Anne, petite-fille de Peter, le renégat, et arrière-petite-fille d'Eli, le patriarche, qu'elle a connu très vieux, qu'elle vénère, et à qui elle ressemble beaucoup. Milliardaire, à la tête d'un empire financier dans l'industrie du pétrole, femme puissante dans un monde généralement réservé aux hommes, aujourd'hui âgée de quatre-vingt-six ans, elle se souvient de son enfance, jette un regard froid et amer sur son parcours professionnel et sur sa vie personnelle, et s'interroge sur l'avenir de la famille McCullough et sur les conséquences inéluctables du passé.

Végétations luxuriantes, animaux sauvages, rivières, roches, désert, serpents, pêche, chasse, bisons, mustangs, ranchs, éoliennes, champs pétrolifères, guerres, Indiens, colons, Texans, Mexicains, secrets, haines, bravoure, poésie, littérature... Philipp Meyer, dont on salue le travail de documentation en amont, réunit tout cela, et plus encore, dans ce western moderne violent, réaliste et vertigineux.

Plus qu'un coup de💛, ce roman devient désormais un de mes "Indispensables" et j'embarquerais volontiers pour une seconde lecture afin d'en recueillir toute sa sève !!!